Cour administrative d'appel de Bordeaux, 13 mai 2013, n° 11BX02403

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 13 mai 2013, n° 11BX02403
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 11BX02403
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 27 juin 2011, N° 0901996

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

XXX

________

Mme A Y

________

M. Antoine Bec

Président

________

Mme Florence-Rey-Gabriac

Rapporteur

________

M. Pierre Bentolila

Rapporteur public

________

Audience du 15 avril 2013

Lecture du 13 mai 2013

________

36-05-03-01-03

60-01-04

C MCB

XXX

AU NOM DU PEUPLE Français

La Cour administrative d’appel de Bordeaux

(6e chambre)

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 29 août 2011 et régularisée par courrier le 29 août 2011, présentée pour Mme A Y, demeurant 70 avenue Lafontaine à Carbon-Blanc (33560) par Me Ruffie ;

Mme Y demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0901996 en date du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Aubin de Médoc à lui verser la somme de 77 000 euros en réparation des préjudices causés par la fin anticipée de son détachement sur l’emploi fonctionnel de directeur général des services de la commune, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

2°) de condamner la commune de Saint-Aubin de Médoc à lui verser la somme de 77 000 euros en réparation des préjudices subis et d’assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2009, date de sa réclamation préalable, avec capitalisation des intérêts échus ;

3°) de condamner la commune de Saint-Aubin de Médoc à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

— la responsabilité de la commune doit être engagée pour plusieurs raisons ;

— sa fin de détachement révèle un détournement de procédure ; si elle a bien fait une demande en vue d’obtenir un congé spécial, cette demande a été formulée sous la contrainte, du fait de la profonde dégradation de ses relations avec le maire ;

— dès lors qu’elle a fait l’objet de plusieurs mesures vexatoires et d’une véritable mise à l’écart, ce qui a rendu ses fonctions non conformes à celles normalement dévolues à un directeur général des services ; c’est le maire qui l’a poussée au départ, s’exonérant ainsi des garanties procédurales prévues à l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ;

— le maire n’a pas pris d’arrêté de fin de détachement, mais un arrêté lui accordant un congé spécial, se dissimulant derrière le fait qu’il répondait à une demande ; aux termes de l’article 53 précité, le congé spécial ne pouvait succéder qu’à une décision régulière mettant fin au détachement, décision qui n’est jamais intervenue ;

— sa fin de détachement n’était pas justifiée ; du fait de détournement de procédure sus-évoqué, aucun arrêté de fin de détachement n’a été pris, alors qu’un tel arrêté aurait dû être motivé en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ;

— le maire ne pouvait valablement justifier d’une insuffisance professionnelle de sa part ; sa grande compétence a toujours été soulignée dans ses fiches de notation ; la jurisprudence censure les arrêtés de fin de détachement qui ne sont pas justifiés dans les faits ; ainsi, ne pouvant valablement prendre un arrêté de fin de détachement, le maire a préféré prendre un arrêté de congé spécial pour s’exonérer de l’obligation de motivation ; si la procédure de l’article 53 avait été régulièrement mise en œuvre, un entretien préalable aurait dû être mis en œuvre ; elle n’a pu avoir accès à son dossier qu’en juin 2009 ; le détournement de procédure mis en œuvre l’a ainsi placée dans l’impossibilité d’assurer sa défense ;

— elle a subi une mise à l’écart et des mesures vexatoires, avant la date de décharge de ses fonctions ; elle s’est vue retirer nombre de ses attributions et fonctions, notamment en matière budgétaire et pour la préparation du conseil municipal ;

— en outre, son successeur a été recruté avant même le début de son congé spécial, quand bien même l’emploi n’était à pourvoir qu’au 16 septembre 2008 ; en réalité, il a exercé les fonctions d’un directeur général des services dès son recrutement, alors qu’elle était toujours en poste ;

— le protocole d’accord conclu le 29 mai 2008 est nul et non avenu ; il a été signé sous la contrainte, étant donné qu’elle ne disposait d’autre choix que de quitter ses fonctions et étant donné que le maire a agi en son nom propre et non en celui de la commune ; le conseil municipal ne s’est jamais prononcé sur le contenu et la conclusion de ce protocole ;

— dès lors, il ne saurait valablement engager la commune, puisqu’il a été conclu sans son autorisation ; il ne peut donc lui être valablement opposé ; il n’est que la conséquence du détournement de procédure commis par le maire et n’a été obtenu que sur la base de son consentement vicié ;

— elle a subi, du fait de ces illégalités, un préjudice moral qui trouve son origine dans les mesures restreignant ses fonctions et ses attributions , notamment la préparation du budget et des séances du conseil municipal ; elle ne pouvait donc plus accomplir son travail dans des conditions normales ; tout a été mis en œuvre pour l’inciter à quitter ses fonctions ; ce préjudice moral sera évalué à 5 000 euros ;

— elle a subi, du fait de ces illégalités un préjudice financier, dans la mesure où, depuis son congé spécial, elle a été réintégrée au grade d’attaché territorial, ce qui implique une baisse significative de son traitement ; cette perte est le résultat de la mise en œuvre d’une procédure irrégulière ; sur une période de cinq ans, ce préjudice s’élève à la somme de 72 000 euros ;

— en outre, l’autorité territoriale n’a pas cherché à la reclasser dans un emploi correspondant à son grade et elle n’a pas non plus bénéficié d’une prise en charge par le centre de gestion pour un reclassement dans une autre collectivité ;

— elle a quitté son poste sans avoir obtenu aucune information quant au montant de sa pension et ce, malgré plusieurs demandes faites en ce sens ; ainsi, elle n’a pas pris la décision de demander un congé spécial en toute connaissance de cause ;

— c’est en raison de l’empressement du maire à la voir partir qu’elle a pris cette décision, sans savoir que cela aurait des conséquences notables sur le montant de sa pension ; ainsi, le maire a tout fait pour l’écarter sans lui fournir les informations qu’elle demandait ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2011, présenté pour la commune de Saint-Aubin de Médoc, qui conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner Mme Y à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

— la requête est irrecevable, en raison de sa tardiveté, dans la mesure où l’arrêté du 28 mai 2008, qu’elle n’a pas contesté, est devenu définitif, y compris dans ses conséquences pécuniaires ;

— le congé spécial a été sollicité par Mme Y elle-même par deux courriers très clairs; ainsi, elle échoue à démontrer que son consentement aurait été vicié ;, lorsqu’un tel congé a été sollicité, les garanties procédurales de l’article 53 ne s’appliquent pas, le maire étant en situation de compétence liée ;

— la requérante ne rapporte aucune preuve de l’existence d’une quelconque faute de la commune ; il n’existe aucun détournement de procédure ; il s’agit d’un congé, accordé à la demande de l’intéressée, et qui, par voie de conséquence, ne saurait être assimilé à une sanction ou à une brimade ; aucune pression n’a été exercée sur Mme Y ; en outre, l’existence d’un protocole d’accord permet de constater l’existence d’un entretien préalable ;

— l’attitude de Mme Y a été contraire à son devoir de réserve et à l’intérêt du service dans ses fonctions de directeur général des services ; contrairement à ce qu’elle prétend, la décision de mettre fin à son détachement de façon anticipée ne s’analyse pas comme une décision individuelle défavorable retirant une décision créatrice de droits, dès lors qu’elle est à l’origine de la demande de congé spécial qui lui a été accordée ;

— en tout état de cause, la possibilité de fin de détachement en cas de relation de confiance dégradée est juridiquement fondée sur le principe de libre administration des collectivités territoriales ; le juge limite alors son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation ; en l’espèce, la requérante a fait preuve d’une grande agressivité et d’une opposition systématique envers le maire et le conseil municipal, mettant ainsi en cause le fonctionnement du service et donc l’intérêt public ; de toutes façons, la décharge de ses fonctions ne saurait être illégale, puisque ce n’est pas la commune qui en est à l’origine ;

— Mme Y ne saurait prétendre qu’il a été mis fin à ses fonctions avant la date de prise d’effet de son congé spécial ; le protocole d’accord a seulement prévu la prise de ses congés annuels à la date du 1er juin 2008, ce qui explique son départ à cette date ; aucun directeur général des services n’a été recruté pendant sa période de congés ; ce n’est qu’après la mise en congé spécial de l’intéressé que M. X s’est vu proposer le poste de directeur général des services ; Mme Y n’a donc absolument pas été écarté de ses fonctions ;

— Mme Y n’avait pas de droit spécifique à un quelconque devoir de mise en garde de la commune s’agissant de ses droits à pension ; le premier courrier de demande d’information en ce sens de sa part date du 27 mai 2008, alors que ses demandes à bénéficier d’un congé spécial datent des 15 décembre 2007 et 17 mars 2008 et que l’arrêté pris en réponse à cette demande date du 28 mai 2008 ; en outre, elle affirme elle-même avoir, le 16 mai 2008, bénéficié d’un long entretien, assisté de son syndicat ;

— le protocole d’accord n’est pas entaché de nullité ; l’intéressée, qui était assistée de deux délégués syndicaux, ne rapporte pas la preuve d’avoir signé sous la contrainte ; elle avait les compétences nécessaires pour solliciter en toute connaissance de cause un congé spécial ; ce protocole avait pour seul objet l’aménagement de l’avant congé spécial ; la commune ne saurait être considérée comme non impliquée, dans la mesure où les fonctions du maire lui permettaient de signer ce document au nom de la collectivité ;

— en tout état de cause, il y a lieu de considérer que les demandes indemnitaires de Mme Y présentent un caractère injustifié et exorbitant, notamment en raison de ses fautes évidentes, et ne sont étayées d’aucun justificatif ; si l’intéressée invoque un préjudice, c’est elle qui a sollicité un congé spécial ; elle ne peut donc venir prétendre à une rémunération supérieure dès lors que c’est un choix qui lui appartenait ; en outre, la mesure de fin de détachement prise sur demande de Mme Y, était parfaitement justifiée au fond ; cette dernière a en effet commis des fautes, diffamation, dénigrement, suspicion, opposition systématique, comme déjà rappelé ci-dessus ; de toutes façons, cette fin de détachement ne constituait pas un licenciement ni un choix de la commune, mais répondait bien à une demande de l’intéressée ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2011, présenté pour Mme Y, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que sa requête ;

Vu l’ordonnance en date du 21 décembre 2011, reportant la clôture de l’instruction au 10 janvier 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 janvier 2012, présenté pour la commune de Saint-Aubin de Médoc, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que son premier mémoire en défense ;

La commune fait en outre valoir que le centre national de la fonction publique territoriale a bien été informé de ce que la requérante était placée en congé spécial ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 janvier 2012, présenté pour Mme Y ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 modifié portant dispositions statutaires particulières à certains emplois administratifs de direction des communes et des établissements publics locaux assimilés ;

Vu le décret n° 88-614 du 6 mai 1988 modifié pris pour l’application des articles 98 et 99 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à la perte d’emploi et au congé spécial de certains fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 avril 2013 :

— le rapport de Mme Florence-Rey-Gabriac, premier conseiller ;

— les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

— les observations de Me Hiriart, avocat de Mme A Y et de Me C-D, avocat de la commune de Saint-Aubin de Médoc ;

1. Considérant que, par un arrêté du 13 mars 2006, Mme Y a été détachée pour une durée de cinq ans dans les fonctions de directeur général des services de la commune de Saint-Aubin de Médoc ; que par un arrêté du 28 mai 2008, le maire de la commune a placé Mme Y en congé spécial, à compter du 16 septembre 2008 ; que par un protocole d’accord en date du 29 mai 2008, Mme Y et le maire de la commune ont défini les modalités d’organisation de la situation administrative de l’intéressée jusqu’à la prise d’effet de son congé spécial ; que dans une lettre du 26 janvier 2009, Mme Y a sollicité sa réintégration dans ses fonctions de directeur général des services ou, à défaut, une indemnité en réparation des préjudices résultant des illégalités fautives qui auraient été commises à l’occasion de la fin de son détachement ; que Mme Y fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 28 juin 2011, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Aubin de Médoc à lui verser une somme de 77 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice financier qu’elle invoque ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

2. Considérant que si Mme Y n’a pas formé de recours en annulation contre l’arrêté du 28 mai 2008 lui accordant un congé spécial, et qui est ainsi devenu définitif, elle est en droit d’exciper de l’illégalité de cette décision pour demander la condamnation de l’administration à en réparer les conséquences dommageables, tant qu’une telle action en réparation n’est pas atteinte par la prescription ; que Mme Y est ainsi recevable à former un recours de plein contentieux destiné à l’indemniser des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de l’illégalité de l’arrêté du 28 mai 2008 ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Aubin de Médoc doit par suite être rejetée ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 1994 : « Lorsqu’il est mis fin au détachement d’un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel (…) et que la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l’établissement dans lequel il occupait l’emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l’article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l’article 98. / Ces dispositions s’appliquent aux emplois : (…) – de directeur général des services (…) des communes de plus de 2 000 habitants ; (…) / Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois mentionnés ci-dessus (…) qu’après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l’emploi, soit la désignation de l’autorité territoriale. La fin des fonctions de ces agents est précédée d’un entretien de l’autorité territoriale avec les intéressés et fait l’objet d’une information de l’assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l’information de l’assemblée délibérante. » ; que les dispositions de l’article 67 de cette même loi prévoient que : « A l’expiration d’un détachement de longue durée, le fonctionnaire est réintégré dans son corps ou cadre d’emplois (…) / Lorsque aucun emploi n’est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d’origine (…) » ; qu’aux termes de l’article 99 de ladite loi : « Les collectivités ou établissements dans lesquels des fonctionnaires territoriaux occupent un emploi fonctionnel visé à l’article 53 ont la faculté d’accorder, sur demande des intéressés, un congé spécial d’une durée maximale de cinq ans dans des conditions fixées par décret./ La demande de congé spécial au titre du premier alinéa de l’article 53 peut être présentée jusqu’au terme de la période de prise en charge prévue au I de l’article 97. Le congé spécial de droit est accordé par la collectivité ou l’établissement public dans lequel le fonctionnaire occupait l’emploi fonctionnel, y compris lorsque la demande est présentée pendant la période de prise en charge./ Pendant ce congé, la rémunération des intéressés demeure à la charge de la collectivité ou de l’établissement public concerné./ A l’expiration de ce congé, le fonctionnaire est admis d’office à la retraite (…) » ; qu’il résulte des dispositions de l’art 53, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, que celles-ci ne trouvent à s’appliquer que dans le cas où le fonctionnaire est déchargé de ses fonctions ; que, de même, les dispositions de l’art 67 ne visent que le cas où la fin du détachement résulte d’une initiative de l’administration ;

4. Considérant, en premier lieu, que si les relations entre le maire et Mme Y, alors directeur général des services, étaient devenues très conflictuelles, il ne résulte pas de l’instruction que Mme Y aurait pour autant été contrainte de demander le bénéfice du congé spécial prévu à l’article 99 de la loi du 26 janvier 1984 ; qu’elle a elle-même demandé au maire, par lettre du 15 décembre 2007, le bénéfice de ce congé, dans l’hypothèse où il serait réélu avec son équipe à l’issue des élections municipales des 9 et 16 mars 2008 ; que la même équipe municipale ayant été réélue, Mme Y a confirmé, par une lettre en date du 17 mars 2008, rédigée en des termes non équivoques, son souhait de bénéficier dudit congé spécial ; que le maire était tenu de faire droit à la demande de Mme Y ; que l’arrêté du 28 mai 2008 par lequel le maire de la commune de Saint-Aubin de Médoc a accordé à Mme Y le congé spécial demandé, et l’a réintégrée dans son grade d’attaché territorial, a nécessairement mis fin au détachement de l’intéressée sur l’emploi fonctionnel qu’elle occupait ; qu’un tel arrêté, qui n’a pas été pris à l’initiative du maire, ne constituait pas une décharge de fonctions au sens des dispositions de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984, dont les diverses garanties procédurales ne peuvent par suite trouver à s’appliquer ; que le maire s’étant borné à faire droit, comme il le devait, à une demande de l’intéressée, Mme Y ne saurait utilement faire valoir que l’arrêté de congé spécial litigieux ne serait intervenu que dans le seul but de s’exonérer des garanties prévues par l’article 53 précité, ou de se dispenser de l’obligation de motivation, l’arrêté du 28 mai 2008 ne constituant pas une décision individuelle défavorable au sens de la loi du 11 juillet 1979, ni une sanction ou une mesure prise en considération de la personne qui aurait permis à Mme Y de demander la communication de son dossier préalablement à son édiction ; que, de la même manière, l’intéressée, aux fonctions de laquelle il n’a été mis fin qu’à sa demande, ne peut utilement soutenir que la fin de son détachement ne serait pas justifiée par une perte de confiance de l’autorité territoriale ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’accord signé le 29 mai 2008 entre l’appelante et le maire, et visant au règlement amiable du conflit les opposant, aurait été conclu sous la contrainte ; qu’il ne saurait non plus constituer un élément d’un détournement de procédure ; que le moyen tiré de ce qu’il serait non avenu est inopérant dans la mesure où, ne comportant que des éléments dont Mme Y avait droit par application de son statut, il ne constitue pas une transaction sur laquelle le conseil municipal aurait dû se prononcer en vertu de l’article L. 2122 21 du code général des collectivités territoriales ; qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du détournement de procédure n’est pas établi ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme Y soutient qu’elle n’a pas été informée des conséquences du congé spécial d’une durée de cinq ans sur le montant de sa pension de retraite ; que cependant, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à l’administration d’informer un agent des conséquences pécuniaires d’une mesure que celui-ci a lui-même sollicité et sur lesquelles il lui appartient de s’informer ; qu’au surplus, les fonctions de Mme Y lui permettaient de mesurer les conséquences de sa demande sur ses droits à la retraite ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si Mme Y soutient qu’elle a été écartée de ses fonctions avant la prise d’effet de son congé spécial, le 16 septembre 2008, subissant une série de mesures vexatoires la dépossédant progressivement de ses attributions, il résulte de l’instruction que son successeur, recruté en mai 2008, n’a été nommé au poste de directeur général des services que par un arrêté du 15 septembre, prenant effet le 16, soit à la date de l’octroi du congé spécial de Mme Y ; que si dès le 1er août 2008, M. X a été nommé au poste de responsable du pôle administratif, nouvellement créé, dont les missions reprennent largement celles de directeur général des services, Mme Y était cependant en congés annuels depuis le 1er juin, avait restitué son matériel de travail, son retour dans la collectivité étant exclu en vertu de l’arrêté du 28 mai 2008 ; que, dans ces conditions, le recrutement de M. X ne peut révélé l’intention d’évincer Mme Y de ses fonctions ;

7. Considérant, en revanche, qu’il résulte de l’instruction que durant l’année qui a précédé sa demande de congé spécial, Mme Y s’est vue progressivement démise de certaines de ses fonctions essentielles, notamment la préparation et le suivi budgétaire de la commune, la préparation des séances du conseil municipal et la relecture des procès-verbaux de séance, que le courrier journalier ne lui parvenait plus et qu’elle n’avait plus accès à la documentation ; que l’ensemble de ces éléments, non contestés par l’administration, conduit à regarder l’intéressée comme irrégulièrement privée des attributions inhérentes à ses fonctions, et constitue ainsi une éviction irrégulière du service, de nature à engager la responsabilité de la commune ;

8. Considérant que si, en défense, la commune se prévaut du comportement fautif de Mme Y, arguant du non respect de son droit de réserve et de son attitude de dénigrement systématique de l’équipe municipale, il résulte de l’instruction que l’intéressée a toujours eu une excellente notation, et que les nombreuses notes adressées aux services communaux avaient pour but d’attirer leur attention sur la légalité de certaines opérations ; que les documents produits n’établissent pas un comportement diffamatoire ou un manquement à l’obligation de réserve contraires à l’intérêt du service ; que l’illégalité de la mise à l’écart dont Mme Y a fait l’objet est ainsi de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Sur les préjudices :

9. Considérant, en premier lieu, que l’accord passé avec son employeur qui s’est borné à constater les droits qu’elle tirait de son statut, ne lui a causé aucun préjudice ; que la perte de traitement, que sa réintégration au grade d’attaché territorial lui a occasionné, n’est que la conséquence de la fin de son détachement , qu’elle a elle-même sollicité ;

10. Considérant,, en second lieu, que, dans les conditions où ils sont intervenus, le retrait illégal des prérogatives de Mme Y et sa mise à l’écart excédaient les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique du maire, et constituaient des mesures vexatoires qui lui ont causé un préjudice moral dont il ne sera pas fait une évaluation excessive en lui allouant la somme de 5 000 euros qu’elle réclame à ce titre ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme Y est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif ne lui a alloué que la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

12. Considérant qu’aux termes de l’article 1154 du code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière » ; que pour l’application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s’accomplit à nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu’il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;

13. Considérant que Mme Y a demandé que la somme qui lui serait allouée porte intérêts ; qu’il y a lieu de lui accorder des intérêts à taux légal sur la somme de 5 000 euros, à compter du 28 janvier 2009, date de réception de sa demande préalable par la commune ; qu’elle a également demandé, par sa requête introductive d’instance devant le tribunal administratif enregistrée le 15 mai 2009, la capitalisation des intérêts et a réitéré cette demande le 20 mai 2010 ; que cette demande prend effet à compter de cette dernière date, à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Aubin de Médoc le versement à Mme Y de la somme de 1 500 euros au titre dudit article ; qu’en revanche, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de Mme Y le versement à la commune de la somme que celle-ci réclame au titre de ce même article ;

décide

Article 1er : La commune de Saint-Aubin de Médoc est condamnée à verser à Mme Y la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

Article 2 : La somme que la commune de Saint-Aubin de Médoc est condamnée à verser à Mme Y sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2009, les intérêts échus le 20 mai 2010 étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de ladite date, puis, le cas échéant, à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 28 juin 2011 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Aubin de Médoc est condamnée à verser à Mme Y la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A Y et à la commune de Saint-Aubin de Médoc.

Délibéré après l’audience du 15 avril 2013 à laquelle siégeaient :

M. Antoine Bec, président,

M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 mai 2013.

Le rapporteur, Le président,

Florence Rey-Gabriac Antoine Bec

Le greffier,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

André Gauchon

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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 13 mai 2013, n° 11BX02403