Cour administrative d'appel de Bordeaux, 13 juillet 2015, n° 15BX00703

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 13 juill. 2015, n° 15BX00703
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 15BX00703
Décision précédente : Tribunal administratif de Guadeloupe, 17 décembre 2014, N° 1400481

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

XXX

________

Mme Z X

________

M. Jean-Louis Joecklé

Président

________

Mme Florence Rey-Gabriac

Rapporteur

________

M. Pierre-Maurice Bentolila

Rapporteur public

________

Audience du 22 juin 2015

Lecture du 13 juillet 2015

________

335-01-03

C

MCB

XXX

AU NOM DU PEUPLE Français

La cour administrative d’appel de Bordeaux

(6e Chambre)

Vu la requête enregistrée le 25 février 2015, pour Mme Z X demeurant 2 place des Carmes à Basse-Terre (97100), par Me Louis ;

Mme X C à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1400481 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Basse-Terre, qui a rejeté sa C tendant à l’annulation de la décision du 7 mars 2014 du préfet de la Guadeloupe lui refusant la délivrance d’un titre de séjour ;

2°) d’annuler cette décision ;

Elle soutient que :

— la décision portant refus de séjour contestée a été prise en méconnaissance du 6 ° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dès lors qu’à supposer que la reconnaissance de paternité souscrite par M. Y présente un caractère frauduleux, cette fraude a été organisée à son insu par sa mère ; cette fraude lui est inopposable compte tenu du jugement du tribunal de grande instance de Basse-Terre du 3 mai 2013, dont le juge administratif aurait dû tenir compte, la relaxant des faits pour lesquels elle était poursuivie avec M. Y ;

— cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu’elle vit en Guadeloupe avec sa mère, que ses enfants y sont scolarisés, qu’elle-même y a été scolarisée, et qu’elle maîtrise la langue française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2015, présenté par le préfet de la Guadeloupe, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

L’affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l’article L 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 juin 2015 le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme X, de nationalité haïtienne, née en 1990, est entrée irrégulièrement sur le territoire français en 2003 pour, selon ses dires, y rejoindre sa mère qui résiderait en séjour régulier en Guadeloupe ; qu’au début de l’année 2014, elle a sollicité l’obtention d’un titre de séjour « vie privée et familiale » en qualité de parent d’enfant français, sur le fondement du 6° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que Mme X fait appel du jugement du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Basse-Terre qui a rejeté sa C tendant à l’annulation de la décision du préfet de la Guadeloupe du 7 mars 2014 lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : / (…) / 6° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée ; / (…) » ;

3. Considérant que si la reconnaissance d’un enfant est opposable aux tiers, en tant qu’elle établit un lien de filiation, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s’impose donc en principe à l’administration tant qu’une action en contestation de filiation n’a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s’il est établi, lors de l’examen d’une C de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l’obtention de la nationalité française ou d’un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n’est pas acquise, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d’un enfant français ;

4. Considérant que Mme X a sollicité la délivrance d’une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en se prévalant de la nationalité française de son fils aîné Mickaël, né en Guadeloupe le XXX, qui a été reconnu le 27 novembre 2009 par M. Y, ressortissant français ; qu’il ressort du procès-verbal d’audition du 25 février 2013 dans le cadre de l’enquête préliminaire conduite par les services de police que M. Y a reconnu avoir effectué trois reconnaissances de paternité, dont celle de l’enfant de Mme X, ne pas être le père biologique de cet enfant, et ne contribuer ni à son entretien ni à son éducation ; qu’au regard de ces éléments précis et concordants, et alors que Mme X, qui se borne à soutenir qu’à supposer que la reconnaissance de paternité soit frauduleuse cette fraude lui serait étrangère, ne fournit aucun élément permettant de retenir que M. Y serait effectivement le père de son fils aîné, Mickaël, et n’allègue d’ailleurs pas que tel serait le cas, le préfet de la Guadeloupe doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. Y à l’égard de l’enfant de Mme X n’a pas été motivée par l’intérêt de l’enfant mais dans le but de faciliter la délivrance à sa mère d’un titre de séjour ; que l’intéressée ne peut, en outre, utilement se prévaloir du jugement du tribunal de grande instance de Basse-Terre la relaxant des faits pour lesquels elle était poursuivie, lequel jugement ne liait pas l’administration, la légalité du refus de séjour litigieux n’étant pas subordonnée à la condition que les faits sur lesquels il se fonde constituaient ou non une infraction pénale ; que, par suite, le préfet de la Guadeloupe, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, était légalement fondé à refuser la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme X sur le fondement du 6° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

5. Considérant, en second lieu, qu’aux termes qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » ;

6. Considérant que si Mme X fait valoir qu’elle est entrée en France à l’âge de treize ans pour y rejoindre sa mère, que ses grands-parents sont décédés en Haïti, qu’elle maîtrise la langue française et s’est intégrée dans la société, elle n’apporte toutefois aucun élément de preuve de l’ancienneté et de la continuité du séjour allégué ; que Mme X, qui est célibataire, ne démontre pas que des raisons objectives feraient obstacle à ce qu’elle puisse emmener ses deux enfants, qui sont en bas âge et dont la scolarisation peut se poursuivre à Haïti, afin d’y reconstituer sa cellule familiale ; qu’en outre, le préfet de la Guadeloupe a fait valoir en première instance sans être contredit que le lien de filiation entre la requérante et celle qu’elle prétend être sa mère n’est pas établi ; qu’ainsi, compte tenu des conditions du séjour, le préfet n’a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X une atteinte disproportionnée au regard des motifs de la décision contestée et n’a pas méconnu les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa C ;

décide

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Z X et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera transmise à la préfète de la Guadeloupe

Délibéré après l’audience du 22 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Louis Joecklé, président,

M. Olivier Gosselin, président assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 juillet 2015.

Le rapporteur, Le président,

Florence Rey-Gabriac Jean-Louis Joecklé

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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