CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 3 janvier 2017, 15BX00549, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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www.raphael-avocats.com · 30 janvier 2017

Espionner la messagerie d'une collègue ne justifie pas le licenciement du salarié protégé Un arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux a précisé les circonstances dans lesquelles une faute commise par un salarié protégé en dehors de son temps de travail peut ou non justifier son licenciement (CAA Bordeaux 3 janvier 2017 n°15BX00549). En l'espèce, il était reproché au salarié, délégué syndical, d'avoir usurpé le mot de passe d'une de ses collègue, également déléguée syndicale, et de s'en être servi afin d'accéder à sa messagerie professionnelle pour télécharger des e-mails …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 6e ch. - formation à 3, 3 janv. 2017, n° 15BX00549
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 15BX00549
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 17 décembre 2014, N° 1201866
Identifiant Légifrance : CETATEXT000033828196

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E… C… a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler la décision en date du 22 février 2012 par laquelle le ministre du travail, de l’emploi et de la santé a, d’une part, retiré sa décision implicite de rejet née le 13 février 2012 du silence conservé sur le recours hiérarchique qui lui avait été adressé par l’employeur à l’encontre de la décision du 15 septembre 2011 de l’inspecteur du travail refusant d’autoriser son licenciement, d’autre part, annulé la décision de refus d’autorisation du 15 septembre 2011 et, enfin, autorisé le licenciement.

Par un jugement n° 1201866 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. C….

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 février 2015, M. C…, représenté par la SCP Denjean et Associés, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2014 ;

2°) d’annuler la décision précitée du ministre du travail, de l’emploi et de la santé du 22 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge du défendeur la somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – la décision de l’inspecteur du travail et donc la décision implicite de rejet du ministre étant légales, ce dernier ne pouvait légalement les retirer ;

 – le ministre s’est appuyé sur un dossier incomplet pour prendre sa décision ; le dossier qui lui a été transmis par la Mission Locale de la Haute-Garonne n’est pas le reflet du dossier pénal et il était à charge ; le ministre n’a donc pas été en possession de la totalité des éléments de nature à lui permettre d’apprécier les faits de manière impartiale, en particulier le conflit porté devant ses propres services concernant le paiement d’un nombre important d’heures supplémentaires ;

 – il n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance de la totalité des pièces du dossier dans un délai suffisant lui permettant de préparer sa défense ; en effet, lors de la seconde enquête menée par le ministre, il n’est entré en possession des pièces du dossier qu’au moment où s’est tenu l’entretien ;

 – le ministre ne pouvait légalement prendre appui sur un jugement correctionnel dont il a été fait appel ; ce jugement n’est donc pas devenu définitif et la présomption d’innocence doit continuer à s’appliquer ;

 – le ministre n’a pas suffisamment motivé sa décision ; il n’a pas caractérisé la violation alléguée de son obligation de loyauté et de discrétion ; la prétendue violation de la vie privée d’un salarié n’est pas en elle-même un motif permettant à un employeur de licencier un salarié alors que les faits ont été commis en dehors du temps et du lieu de travail ; aucune atteinte à un intérêt professionnel de Mme B… n’a été caractérisé, seulement une atteinte à son intérêt privé, ce qui n’a eu aucun retentissement sur le fonctionnement du service ; il y avait un contexte de tensions syndicales fortes ;

 – le ministre n’a opéré aucun contrôle sur la gravité des faits et leur rapport avec l’accomplissement de sa mission au sein de la Mission Locale ; il n’a pas non plus exercé son contrôle sur la totalité de sa situation et notamment les refus réitérés de son employeur de procéder au paiement des heures dues, qui étaient à l’origine d’un contentieux dont les services de l’inspection du travail avaient été saisis ; en tout état de cause, les faits ont été commis en dehors du temps de travail, pendant la fermeture annuelle de la Mission Locale, hors des locaux de l’entreprise et entre deux salariés appartenant au même syndicat ; il n’a nullement été tenu compte du contexte délétère qui régnait alors au sein des services de la Mission Locale ; il aurait dû être tenu compte de son engagement syndical et de son statut de travailleur handicapé ; il a un passé disciplinaire sans tâche et n’a jamais fait l’objet de la moindre remarque écrite ou orale sur la qualité de son travail ; la Mission Locale s’était affranchie des règles du code du travail en refusant de le rémunérer pour l’exercice de son mandat prud’homal ; il s’agit d’une infraction au statut protecteur des salariés investis d’un mandat, pouvant s’assimiler à un délit d’entrave ou à une discrimination syndicale ; le ministre ne pouvait faire l’impasse sur cet aspect du dossier, qui n’est pas sans rapport avec la demande de licenciement ; le ministre n’a donc pas fait porter son contrôle sur tout l’étendue de la situation.

Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 7 juillet 2015 et le 29 septembre 2016, l’association Mission locale de la Haute-Garonne, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. C…, outre les entiers dépens, la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par M. C… n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2016, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient en particulier que le principe du contradictoire a bien été respecté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

 – les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

 – et les observations de Me D…, représentant la Mission Locale de la Haute-Garonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. C… était salarié de la Mission Locale de la Haute-Garonne depuis le 1er juin 2004 en qualité de conseiller d’insertion, puis de responsable de secteur de l’antenne de Muret depuis le 1er janvier 2008. Il exerçait, en outre, un mandat de conseiller prudhomal depuis le 23 décembre 2008 et de délégué syndical depuis le mois de mai 2011. S’agissant d’un salarié protégé, la Mission locale de la Haute-Garonne a sollicité, le 29 juillet 2011, l’autorisation de le licencier pour le motif qu’il s’était livré à des détournements de correspondances privées au préjudice d’une de ses collègues, Mme B…. Par une décision en date du 15 septembre 2011 l’inspecteur du travail a refusé cette autorisation. Le ministre du travail ayant conservé le silence sur le recours hiérarchique formé par l’employeur à l’encontre de ce refus, une décision implicite de rejet confirmative de ce refus est née le 13 février 2012. Cependant, par une décision explicite en date du 22 février 2012, le ministre du travail a, d’une part, retiré sa décision implicite du 13 février 2012, d’autre part, annulé la décision du 15 septembre 2011 de l’inspecteur du travail et, enfin, autorisé le licenciement de M. C…. Ce dernier fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2014, qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre du travail du 22 février 2012.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En vertu des dispositions de l’article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale de l’intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi. Enfin, aux termes de l’article R. 2422-1 du même code : « Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l’inspecteur du travail sur le recours de l’employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l’inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ».

3. Pour annuler sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la Mission Locale de la Haute-Garonne, ainsi que celle du 15 septembre 2011 de l’inspecteur du travail et autoriser le licenciement de M. C…, par la décision contestée du 22 février 2012, le ministre, qui a écarté tout lien avec les mandats, a estimé que les faits de violation de la vie privée, reprochés à M. C…, qui n’étaient pas prescrits, étaient établis et constituaient une faute d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

4. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l’exécution de son contrat de travail, il appartient à l’inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé.

5. Il est constant que les 13 et 29 août 2010, en dehors de son temps de travail et entre une heure et trois heures du matin, M. C… s’est connecté, sans son autorisation, sur la messagerie électronique de sa collègue, Mme B…, également déléguée syndicale, en utilisant le mot de passe de cette dernière et a procédé au transfert sur sa propre messagerie de 53 messages échangés par Mme B… avec le directeur de la Mission Locale, dont certains présentaient un caractère purement privé et étaient classés comme tels dans un répertoire dédié. Ces faits, qui sont survenus pendant un temps au cours duquel le salarié n’était pas sous la subordination de son employeur doivent ainsi être regardés comme ayant été commis en dehors de l’exécution du contrat de travail. Par suite, il appartenait au ministre du travail de rechercher seulement si le comportement de M. C… était établi et de nature, compte tenu de sa répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise, à rendre impossible son maintien au sein de ladite entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail. Or, il ressort de l’examen de la décision contestée que le ministre, qui s’est à tort prononcé sur le caractère fautif du comportement de M. C…, n’a pas effectué une telle recherche. Dans ces conditions, M. C… est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d’une erreur de droit et doit être annulée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.


DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201866 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse et la décision du 22 février 2012 du ministre du travail, de l’emploi et de la santé sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête M. C… et les conclusions présentées par la Mission Locale de la Haute-Garonne sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E… C…, au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la Mission Locale de la Haute-Garonne.

Délibéré après l’audience du 5 décembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.


Le greffier,

Cindy Virin

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N° 15BX00549

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