Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6e chambre, 13 janvier 2020, n° 18BX00426

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 6e ch., 13 janv. 2020, n° 18BX00426
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 18BX00426
Décision précédente : Tribunal administratif de Pau, 30 novembre 2017, N° 1700654
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déféré au tribunal administratif de Pau la délibération du 12 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Lacq-Orthez a défini les modalités de mise en oeuvre pour ses agents du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP).

Par un jugement n° 1700654 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Pau . a annulé la délibération du 12 décembre 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes de Lacq-Orthez.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2018, la communauté de communes de Lacq-Orthez, représentée par Me B, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er décembre 2017 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— si l’équivalence entre les corps de l’Etat et les cadres d’emploi de la fonction publique territoriale est établie par grade, le principe de parité impose seulement de respecter, pour l’application du régime indemnitaire d’un agent de la fonction publique territoriale, le montant maximal du régime indemnitaire d’un agent de la fonction publique d’Etat quelles que soient les fonctions exercées. Le tribunal n’a donc pas correctement interprété le principe de parité en se référant aux fonctions au lieu de se référer aux grades. Or la délibération litigieuse respecte précisément le principe de parité par référence aux grades ;

— les groupes de fonctions ne sont qu’une modalité de fixation du nouveau régime indemnitaire qui est propre à l’Etat et dont les collectivités peuvent s’affranchir. Cette souplesse dans la détermination des régimes indemnitaires est rappelée à l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984, laquelle est elle-même conforme au principe de libre administration des collectivités locales rappelé à l’article 2 du décret du 6 septembre 1991 ;

— en outre, la délibération du 12 décembre 2016 tient effectivement compte des fonctions et responsabilités exercées et des sujétions pour l’attribution individuelle de l’IFSE, conformément aux prescriptions de l’article 2 du décret du 20 mai 2014 ;

— la délibération respecte l’objectif tendant à la valorisation de la carrière ainsi que les dispositions de l’article 3 du décret du 20 mai 2014 pour les motifs énoncés précédemment.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2018, le préfet des Pyrénées Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la communauté de communes de Lacq-Orthez ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 juin 2019, la clôture de l’instruction a été fixée au 25 juillet 2019 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la Constitution ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

— le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. F A,

— les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

— et les observations de Me C, représentant la communauté de communes de Lacq-Orthez.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 12 décembre 2016, le conseil communautaire de la communauté de communes de Lacq-Orthez a défini les modalités de mise en oeuvre pour ses agents du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP). Le préfet des Pyrénées-Atlantiques, dans le cadre du contrôle de légalité, a sollicité le retrait de cette délibération. Face au refus opposé par le président de la communauté de communes de Lacq-Orthez, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déféré cette délibération devant le tribunal administratif de Pau. La communauté de communes de Lacq-Orthez relève appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé cette délibération.

2. Pour annuler la délibération du 12 décembre 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes de Lacq-Orthez, le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 au motif que le régime indemnitaire mis en place par cette délibération est composé de plusieurs groupes au sein de chaque cadre d’emplois sans tenir compte des tâches attribuées à chacun des agents ce qui fait obstacle à la comparaison du régime indemnitaire de ces fonctionnaires territoriaux avec celui des fonctionnaires de l’Etat telle que prévue par cet article 88.

3. Aux termes du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : « Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l’Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d’exercice des fonctions et de l’engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l’Etat servant de référence bénéficient d’une indemnité servie en deux parts, l’organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l’Etat ». Il résulte de ces dispositions que les collectivités territoriales qui décident de mettre en place un tel régime indemnitaire demeurent libres, d’une part, de fixer les plafonds applicables à chacune des parts, sous la seule réserve que leur somme ne dépasse pas le plafond global des primes octroyées aux agents de l’Etat, et, d’autre part, de déterminer les critères d’attribution des primes correspondant à chacune de ces parts.

4. Aux termes de l’article 1er du décret du 20 mai 2014 susvisé dans sa rédaction alors en vigueur : « Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d’une part, d’une indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise et, d’autre part, d’un complément indemnitaire annuel lié à l’engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret () ». Aux termes de l’article 2 de ce décret dans sa rédaction alors en vigueur : « Le montant de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d’expertise requis dans l’exercice des fonctions. Les fonctions occupées par les fonctionnaires d’un même corps ou statut d’emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants (). Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d’emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d’emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions () ». Aux termes de l’article 4 de ce décret dans sa rédaction alors en vigueur : « Les fonctionnaires mentionnés à l’article 1er peuvent bénéficier d’un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir () Il est compris entre 0 et 100 % d’un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé () ».

5. En l’espèce, la délibération litigieuse définit les montants de référence des primes par grade au sein de cadres d’emploi. Il résulte cependant des dispositions précitées des articles 2 et 4 du décret du 20 mai 2014 que le montant maximal des deux parts de ce régime indemnitaire est, pour les fonctionnaires de l’Etat, défini par groupe de fonctions. Dès lors, le respect de la seule contrainte imposée par l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 aux collectivités territoriales dans la mise en place de ce régime indemnitaire, qui consiste à fixer des plafonds pour chacune des parts dont la somme n’excède pas le plafond global des primes octroyés aux agents de l’Etat, implique, implicitement mais nécessairement, que les collectivités territoriales définissent les plafonds de chacune des parts en faisant usage des mêmes termes de référence que ceux employés pour les agents de l’Etat. Par conséquent, les collectivités territoriales doivent définir les plafonds de chacune des parts par référence aux groupes de fonctions mentionnés aux articles 2 et 4 du décret. En outre, si la communauté de communes de Lacq-Orthez soutient qu’une telle interprétation de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, il résulte des articles 34 et 72 de la Constitution que le législateur peut assujettir les collectivités territoriales à des obligations à condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d’intérêt général sans entraver la compétence propre des collectivités concernées ni leur libre administration. En l’espèce, l’obligation imposée vise à garantir une certaine parité entre le régime indemnitaire applicable aux agents de l’Etat et celui applicable aux agents des collectivités territoriales. Cette obligation contribue ainsi à l’harmonisation des conditions de rémunération au sein des fonctions publiques étatiques et territoriale et poursuit donc un objectif d’intérêt général. Or, comme rappelé au point 3, les collectivités territoriales demeurent . Dans ces conditions, l’obligation de se référer aux groupes de fonctions applicables à la fonction publique étatique ne porte pas une atteinte excessive à la libre administration des collectivités territoriales. Par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984.

6. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes de Lacq-Orthez n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé la délibération de son conseil communautaire du 12 décembre 2016. Par voie de conséquence, les conclusions de la communauté de communes de Lacq-Orthez tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes de Lacq-Orthez est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Lacq-Orthez et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E D, présidente-assesseure,

M. F A, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 janvier 2020.

Le rapporteur,

Paul-André A

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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