CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 19 janvier 2021, 19BX00175, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 4e ch., 19 janv. 2021, n° 19BX00175
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 19BX00175
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Pau, 30 octobre 2018, N° 1600940
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043109378

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI de Marlenx et M. E… B… ont demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du 23 mars 2016 par lequel le préfet des Landes a refusé de délivrer à M. E… B… une autorisation de défrichement sur des terrains de 14 ha situés sur la commune d’Ychoux.

Par un jugement n° 1600940 du 31 octobre 2018 le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du 23 mars 2016.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 14 janvier 2019 et le 28 septembre 2020, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation demande à la cour d’annuler ce jugement du 31 octobre 2018 du tribunal administratif de Pau et de rejeter la demande de première instance de la SCI de Marlenx et de M. B….

Il soutient que :

 – c’est à tort que le tribunal a estimé que le terrain en litige ne devait pas être considéré comme relevant du champ d’application des articles L. 341-1 et suivants du code forestier ;

 – les autres moyens dirigés contre l’arrêté du 23 mars 2016 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2019, M. B… et la SCI de Marlenx, représentés par Me A…, concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

 – la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre les motifs du jugement et non son dispositif ;

 – le moyen retenu par les premiers juges est fondé ;

 – à défaut elle reprend en appel les moyens soulevés dans sa demande de première instance à savoir notamment l’incompétence de l’auteur de l’acte et l’erreur manifeste d’appréciation commise dès lors que le projet n’affecte pas l’équilibre biologique de la parcelle.

Par ordonnance du 29 septembre 2020 la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 22 octobre 2020 à 12h00.

Vu :

 – les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code forestier ;

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. H… G…,

 – les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, représentant la SCI de Marlens et M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. B… a demandé, pour la compte de la SCI de Marlenx, une autorisation de défrichement pour les parcelles cadastrées section G, numéros 293, 298, 299, 300, 399 et 402, d’une surface cumulée de 14 hectares, situées sur le territoire de la commune d’Ychoux. Le préfet des Landes a rejeté cette demande par un arrêté du 23 mars 2016. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation relève appel du jugement en date du 31 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, par la requête présentée le 14 janvier 2019, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation ne se borne pas à contester les motifs d’annulation retenus par le jugement du 31 octobre 2018 mais demande à la cour d’annuler ce jugement et de rejeter les demandes de première instance dirigées contre l’arrêté du 23 mars 2016. La fin de non-recevoir soulevée par M. B… et la SCI de Marlenx doit donc être écartée.

Sur la légalité de l’arrêté du 23 mars 2016 :

En ce qui concerne le motif d’annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes des dispositions de l’article L. 341-1 du code forestier : « Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. / Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d’une servitude d’utilité publique. / La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre. ». Aux termes de l’article L. 341-3 du même code : « Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. (…) ». Aux termes de l’article L. 342-1 dudit code : " Sont exemptés des dispositions de l’article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l’Etat, sauf s’ils font partie d’un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; (…) ".

4. Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, d’une part, et ainsi que le prévoient les dispositions précitées du dernier alinéa de l’article L. 341-1 du code forestier, la seule circonstance que le terrain considéré ne soit pas boisé ne permet pas de l’exclure du champ d’application des articles L. 341-1 et suivants du code forestier. D’autre part, il résulte des dispositions précitées que constitue un défrichement, une opération volontaire qui a pour effet la destruction de l’état boisé d’un terrain dans une mesure ou selon des modalités empêchant la régénération naturelle de la végétation et mettant ainsi fin à sa destination forestière.

5. Il est constant que les parcelles concernées par la demande sont contiguës à plusieurs centaines d’hectares de bois au sein du massif forestier des Landes de Gascogne et étaient destinées à la production forestière, et totalement boisées, entre 1965 et 2007. Ainsi, et alors même qu’elles sont en coupe rase de pins maritimes, la partie ouest ayant subi les effets de la tempête du 24 janvier 2009 sur environs 3,30 hectares cependant que la partie est avait fait l’objet d’une coupe au plus tard en 2007, elles ont conservé leur destination forestière. Par suite, les opérations ayant pour objet d’installer une activité d’élevage ovin sur ces parcelles, et donc de leur faire perdre leur destination forestière, constituent un défrichement au sens des dispositions précitées de l’article L. 341-1 du code forestier.

6. Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur le motif tiré de ce que le projet de M. B… et la SCI de Marlenx n’était pas soumis à autorisation de défrichement pour annuler l’arrêté du 23 mars 2016.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les intimés devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les autres moyens :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté contesté a été signé par le directeur départemental des territoires et de la mer des Landes mais ne comporte pas, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration, le nom et prénom de son signataire. Compte tenu des indications figurant sur ce document, et notamment de la mention des nom et prénom du signataire sur le plan parcellaire qui lui est annexé, le signataire de la décision pouvant être aisément identifié, la méconnaissance des dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, revêtu un caractère substantiel justifiant l’annulation de l’arrêté attaqué.

9. En deuxième lieu, il ressort du point 2-2 du point VI de l’arrêté préfectoral n° 2015/75/PJI du 29 juin 2015, publié au recueil des actes administratifs (RAA) n° 2 du 6 juillet 2015, disponible sur le site internet de la préfecture, que M. F… I…, directeur départemental des Territoires et de la Mer a reçu délégation, laquelle n’est pas conditionnée par l’absence ou l’empêchement du préfet, pour signer les autorisations ou refus d’autorisation de défrichement aux particuliers. Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’acte doit donc être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes du point II de l’article L. 341-2 du même code : « Le défrichement destiné à la réouverture des espaces à vocation pastorale est autorisé après que le représentant de l’Etat dans le département a soumis, pour avis, le projet à la commission de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai d’un mois à compter de la saisine de la commission. ».

11. Compte tenu de l’exploitation forestière des parcelles en litige entre 1965 et 2007, M. B… et la SCI de Marlenx ne sont pas fondés à soutenir que la demande d’autorisation de défrichement doit être regardée comme tendant à la réouverture d’espaces à vocation pastorale au seul motif que ces terrains ont été le siège d’une activité d’élevage avant 1965. La demande d’autorisation de défrichement en litige n’entrait donc pas dans le champ d’application des dispositions précitées du point II de l’article L. 341-2 du code forestier. Le moyen tiré de l’absence de consultation de la commission de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et celui tiré de ce que le préfet était tenu d’accorder l’autorisation sollicitée en application de ces dispositions doivent donc être écartés.

12. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 341-5 du code forestier : « L’autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu’ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : 2° A la défense du sol contre les érosions (…) / 8° A l’équilibre biologique d’une région ou d’un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l’écosystème ou au bien-être de la population (…) ». Aux termes de l’article L. 341-6 du même code, dans sa version alors applicable : « L’autorité administrative compétente de l’Etat subordonne son autorisation à l’une ou plusieurs des conditions suivantes : (…) 3° L’exécution de travaux de génie civil ou biologique en vue de la protection contre l’érosion des sols des parcelles concernées par le défrichement (…) ».

13. D’une part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles concernées se situent dans une partie du massif forestier landais, au milieu de parcelles faisant l’objet d’une exploitation forestière et que son défrichement aurait, en créant une large trouée dans le massif forestier, pour effet d’augmenter le risque d’érosion éolienne dans la zone environnante, risque particulièrement présent dans ce secteur dédié à la production agricole sur de vastes étendues. Les pétitionnaires ne sont pas fondés à soutenir que la végétalisation d’une parcelle destinée à l’élevage d’ovins aurait les mêmes effets que ceux d’une parcelle boisée. La circonstance que les parcelles étaient en coupe rase de pin maritime à la date de la décision litigieuse est indifférente dès lors qu’en application des dispositions de l’article L. 124-6 du code forestier, les parcelles ayant fait l’objet d’une coupe doivent être reconstituées. Les requérants ne sont d’ailleurs pas fondés à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article L. 341-6 du code forestier qui ne trouvent à s’appliquer que dans l’hypothèse où une autorisation de défrichement est délivrée. De même, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’exploitation à fin d’élevage de la parcelle permettrait de lui conserver son rôle de régulation des eaux pluviales ou à contester qu’un couvert forestier contribue, grâce à son rôle de filtrage et de limitation des intrants, à la bonne qualité écologique des cours d’eaux. D’autre part, il est constant que la fauvette Pitchou, espèce protégée au niveau national inscrite sur la liste des espèces de l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009, s’est adaptée au cycle du pin maritime, affectionne les milieux ouverts et buissonnants et occupe les coupes rases, les jeunes plantations et les anciennes plantations de pins maritimes. En retenant que le défrichement des terrains concernés engendrerait une rupture de la continuité des parcelles forestière au sein desquelles ils sont situés, et aurait des conséquences sur les populations de cette espèce protégée, le préfet des Landes n’a pas méconnu les dispositions précitées du 8° de l’article L. 341-5 du code forestier.

14. Enfin, si M. B… et la SCI de Marlenx sont fondés à soutenir que le motif tiré de ce que les parcelles concernées offrent de bonnes potentialités forestières ne correspond à aucun des motifs prévus par l’article L. 341-5 du code forestier et est, par conséquent, entaché d’une erreur de droit, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet des Landes aurait adopté la même décision s’il n’avait retenu que les motifs mentionnés au point 13.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du 23 mars 2016 par lequel le préfet des Landes a refusé d’autoriser le défrichement des parcelles cadastrées section G, numéros 293, 298, 299, 300, 399 et 402 situées sur le territoire de la commune d’Ychoux.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B… et la SCI de Marlenx demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600940 du 31 octobre 2018 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI de Marlenx et M. B… devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de Marlenx, à M. E… B… et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Copie pour information sera adressée au préfet des Landes.

Délibéré après l’audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D… C…, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. H… G…, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

La présidente,

Evelyne C…

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de l’alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 19BX00175

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