CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 5 juillet 2022, 21BX00241, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 5e ch. (formation à 3), 5 juill. 2022, n° 21BX00241
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 21BX00241
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Martinique, 9 décembre 2020, N° 1900606
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046028732

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MS Cluny et M. et Mme E ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels M. et Mme E ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que les majorations et intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1900606 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a prononcé la décharge des intérêts de retard en litige et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021 et un mémoire enregistré le 14 août 2021, la société MS Cluny et M. et Mme E, représentés par Me Frionnet, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler ce jugement du 10 décembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge de la somme globale de 116 907 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— ils peuvent se prévaloir du régime d’exonération prévu par l’article 44 terdecies du code général des impôts qui s’applique aux bénéfices de certaines activités implantées dans une zone de restructuration de la défense ; contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, l’activité de l’EURL n’est pas issue de la reprise d’une activité préexistante et n’est donc pas exclue du bénéfice de ces dispositions ;

— le Bofip de l’administration fiscale (BOI-BIC-CHAMP-80-20-20-10 n°660 des 12/09/2012, 25/03/2014 et 29/08/2014) précise que la reprise se caractérise par une identité d’activité et par la reprise en droit ou en fait des moyens d’exploitation d’une entreprise préexistante ou par l’existence de relations juridiques ou d’intérêts avec une entreprise exerçant une activité identique ;

— le caractère nouveau de l’activité s’apprécie dès la constitution de l’entreprise ; en l’espèce, dès l’acte d’acquisition du fonds de commerce, l’activité a été modifiée car l’activité de vente de prêt-à-porter féminin du franchisé vendeur du fonds n’était pas viable, du fait du décalage de saisons avec le fournisseur métropolitain ; la société MS Cluny n’a conservé aucun lien juridique et n’entretient aucun lien privilégié avec l’entreprise préexistante, même si elle en a repris des moyens d’exploitation et même si ultérieurement, des achats ont été effectués auprès du concédant de l’enseigne ; l’activité n’est pas la même ; l’entreprise ancienne avait un contrat d’exclusivité avec la marque Sud Express alors que l’entreprise MS Cluny exerce une activité de vente de prêt-à-porter féminin multimarques et de vente d’accessoires ; les sources d’approvisionnement ont été diversifiées et ne sont pas exclusives ; les clientèles des deux entreprises ne sont pas strictement identiques ; les prix des articles vendus sont très inférieurs aux prix qui étaient pratiqués par l’exploitant précédent ;

— elle a formulé une demande de rescrit le 29 octobre 2013 et l’administration, qui n’a jamais pris de position formelle, remet en cause l’application de l’exonération quatre ans après en appliquant la majoration de 25 % prévue par le 7 de l’article 158 du code général des impôts ; compte tenu de la demande de rescrit, la majoration est infondée ; l’administration a également appliqué une majoration de 10 % pour défaut de déclaration alors que la société a réalisé toutes les démarches en vue d’informer l’administration ; les majorations sont infondées du fait de l’absence de bien-fondé des impositions contestées ;

— l’administration n’est pas fondée à demander que les intérêts de retard soient remis à leur charge dès lors que, comme l’a jugé le tribunal, ils remplissent les conditions prévues par l’article 1727 du code général des impôts.

Par des mémoires enregistrés les 30 juillet 2021 et 27 avril 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement du 10 décembre 2020 et à ce que M. et Mme E soient rétablis aux intérêts de retard dont le tribunal a prononcé la décharge.

Il soutient que :

— les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés ;

— c’est à tort que les requérants ont été déchargés des intérêts de retard dès lors qu’ils n’ont pas soutenu avoir porté sur leurs déclarations de revenus les motifs pour lesquels ils estimaient pouvoir bénéficier du dispositif prévu par l’article 44 terdecies du code général des impôts ; de telles mentions ne ressortaient pas non plus des éléments produits ; les déclarations, qui sont produites devant la cour, ne contenaient pas ces mentions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme C A,

— et les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée MS Cluny, qui exploite un commerce de détail de prêt-à-porter féminin situé au centre commercial « Les boutiques de Cluny », à Schœlcher, et dont Mme E est la gérante et unique associée, a fait l’objet, du 5 décembre 2017 au 23 janvier 2018, d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, à la suite de laquelle la vérificatrice a remis en cause le bénéfice du régime d’exonération, prévu à l’article 44 terdecies du code général des impôts, dont cette société entendait bénéficier au titre des entreprises situées dans une zone de restructuration de la défense. Après deux propositions de rectification des 18 décembre 2017 et 26 janvier 2018, l’administration a ainsi rehaussé les résultats de la société MS Cluny, et les a réintégrés aux revenus imposables de M. et Mme E. Les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu en résultant ont été mises en recouvrement le 30 avril 2019. Saisi par la société MS Cluny et M. et Mme E d’une demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations et intérêts de retard correspondants, le tribunal administratif de la Martinique, par jugement du 10 décembre 2020, a déchargé les contribuables des intérêts de retard et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société MS Cluny et M. et Mme E qui font appel de ce jugement, doivent être regardés comme demandant l’annulation de ce jugement en tant qu’il rejette le surplus de leurs conclusions. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et, par la voie de l’appel incident, demande que les intérêts de retard dont le tribunal a prononcé la décharge soient remis à la charge de M. et Mme E.

Sur l’appel principal :

2. Aux termes de l’article 44 terdecies du code général des impôts : « I. ' Dans le périmètre des zones de restructuration de la défense mentionnées au 1° du 3 ter de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et dans les emprises foncières libérées par la réorganisation des unités militaires et des établissements du ministère de la défense et situées dans les communes définies au seul 2° du même 3 ter, les contribuables qui créent des activités pendant une période de trois ans débutant à la date de publication de l’arrêté prévu au dernier alinéa du même 3 ter ou, si cette seconde date est postérieure, au 1er janvier de l’année précédant celle au titre de laquelle le territoire ou la commune est reconnu comme zone de restructuration de la défense par cet arrêté sont exonérés d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone de restructuration de la défense et réalisés jusqu’au terme du cinquante-neuvième mois suivant le début d’activité dans cette zone () L’exonération ne s’applique pas aux contribuables qui créent une activité dans le cadre d’un transfert, d’une concentration ou d’une restructuration d’activités préexistantes exercées dans les zones de restructuration de la défense ou qui reprennent de telles activités, sauf pour la durée restant à courir, si l’activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié du régime d’exonération prévu au présent article () ».

3. La société MS Cluny a été créée le 18 juillet 2013. Le 9 septembre 2013, elle a acquis de la société Sun express un fonds de commerce, créé en 2004, de vente aux particuliers de prêt-à-porter féminin, situé dans une zone de restructuration de la défense. Elle ne conteste pas avoir repris, dans le cadre de cette opération, les locaux, le matériel, les stocks et les contrats des deux salariés de la société Sun express. Le 7 octobre 2013, elle a conclu avec la société Ginger Sud express un contrat portant sur la concession de l’enseigne de vêtements « Sud express », lui conférant durant 5 ans notamment le droit de vendre des produits de la marque correspondante. Ainsi, et alors même qu’elle ne vend qu’environ 36 % des produits de cette marque, contrairement à la société Sun express qui vendait exclusivement des produits « Sud express », qu’elle vend non seulement des vêtements mais également des bijoux, sacs et chaussures, et que le prix de vente des produits qu’elle commercialise est en moyenne inférieur à celui des produits « Sud express », elle exerce la même activité que la société Sun express dont elle a repris les moyens d’exploitation et la clientèle. Dans ces conditions, comme l’a estimé le tribunal, elle doit être regardée comme ayant repris l’activité préexistante de la société Sun express et ne peut, par suite, se prévaloir du droit à exonération prévu par les dispositions précitées de l’article 44 terdecies du code général des impôts.

4. La doctrine invoquée par les requérants, référencée BOI-CHAMP-80-20-20-10 n° 660, ne donne pas de la loi une interprétation différente de celle qui en est faite en l’espèce. Ils ne peuvent dès lors s’en prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

5. S’agissant de la majoration prévue par le 7 de l’article 158 du code général des impôts et de celle prévue par l’article 1758 A du code général des impôts, les requérants n’invoquent en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à leur argumentation de première instance consistant à invoquer leur bonne foi et le fait qu’ils avaient porté à la connaissance de l’administration, par la voie d’un rescrit rappelé dans les déclarations de bénéfices industriels et commerciaux, leur intention de bénéficier de l’exonération prévue à l’article 44 terdecies du code général des impôts. Il y a lieu de rejeter leurs conclusions sur ces points par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des suppléments d’impôt en litige et des majorations correspondantes.

Sur l’appel incident :

7. Aux termes de l’article 1727 du code général des impôts : « I – Toute créance de nature fiscale, dont l’établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard (). L’intérêt de retard n’est pas dû : () 2. Au titre des éléments d’imposition pour lesquels un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées ».

8. Pour décharger M. et Mme E des intérêts de retard qui leur ont été appliqués, le tribunal a relevé que l’administration fiscale, qui ne contestait pas avoir reçu les déclarations de revenus souscrites par M. et Mme E au titre des années 2014, 2015 et 2016, n’apportait aucun élément, à défaut de produire les documents en cause, pour contredire les affirmations des requérants selon lesquelles ces déclarations mentionnaient les motifs pour lesquels ils estimaient que l’activité de la société MS Cluny était éligible au régime d’exonération prévu à l’article 44 terdecies du code général des impôts.

9. Devant le tribunal, les requérants ont invoqué, à l’appui de leurs conclusions en décharge des intérêts de retard, un moyen tiré de ce qu’ils avaient porté à la connaissance de l’administration, chaque année, à l’occasion de leurs obligations déclaratives, les raisons pour lesquelles ils pensaient pouvoir bénéficier de l’exonération prévue en faveur des créations d’activités dans les zones de restructuration de la défense. Comme le soutient le ministre, les requérants n’ont pas allégué en première instance avoir mentionné ces raisons dans leurs déclarations de revenus modèle 2042. Au demeurant, le ministre produit en appel ces déclarations souscrites par M. et Mme E sur lesquelles ne figure pas la mention de ces motifs. En revanche, les requérants ont soutenu avoir mentionné ces motifs « sur toutes les liasses fiscales (formulaire 2031 de la déclaration) ». En l’absence de tout élément permettant de remettre en cause l’existence de cette mention sur la déclaration modèle 2031 des bénéfices industriels et commerciaux de Mme E, et notamment en l’absence de production de ces déclarations par l’administration qui ne conteste pas les avoir reçues, la contribuable doit être regardée comme ayant fait connaître à l’administration, au titre des éléments d’imposition concernés, les motifs de droit ou de fait qui l’ont conduite à ne pas mentionner tout ou partie des bénéfices industriels et commerciaux qu’elle pensait éligibles à l’exonération prévue à l’article 44 terdecies du code général des impôts. En conséquence, le ministre n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la décharge des intérêts de retard.

Sur les frais liés à l’instance :

10. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme que demandent les requérants au titre des frais d’instance exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société MS Cluny et de M. et Mme E est rejetée.

Article 2 : L’appel incident du ministre de l’économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MS Cluny, à Mme D et M. B E et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Délibéré après l’audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La première assesseure,

Nathalie GayLa présidente-rapporteure,

Elisabeth A

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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