CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 9 novembre 2022, 22BX00277, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 4e ch. (formation à 3), 9 nov. 2022, n° 22BX00277
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 22BX00277
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 4 octobre 2021, N° 2005573
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 11 novembre 2022
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046547816

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C B épouse H a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 9 octobre 2020, par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de délivrer un document de circulation pour étranger mineur au profit de son enfant, D A E.

Par un jugement n° 2005573 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 1er juillet 2022, Mme B, représentée par Me Le Guédard, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2005573 du tribunal administratif de Bordeaux du 5 octobre 2021 ;

2°) d’annuler la décision du 9 octobre 2020 de refus de délivrance d’un document de circulation pour étranger mineur pour son enfant D A E ;

3°) d’enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de délivrer à Yahia A E un document de circulation pour étranger mineur ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d’un mois suivant la date de notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision du 9 octobre 2020 est insuffisamment motivée dès lors qu’elle ne prend pas pleinement en compte la situation de son enfant, et les conséquences sur la nécessité d’obtenir une dispense de visa ; il n’est pas fait mention de son état de santé ;

— l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et les articles 3-1 et 16 de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) ont été méconnus ; le refus de délivrance d’un document de circulation est manifestement contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ; l’état de santé de l’enfant n’est pas compatible avec la demande systématique de délivrance d’un visa ;

— la décision du 9 octobre 2020 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

La requête a été communiquée le 4 mai 2022 à la préfète de la Gironde qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Mme B a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 18 octobre 2022 :

— le rapport de Mme G F,

— et les observations de Me Pitel-Marie, représentant Mme B.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, ressortissante algérienne, titulaire d’un certificat de résidence valable du 28 juillet 2021 au 27 juillet 2031, a sollicité la délivrance d’un document de circulation pour étranger mineur pour son fils D A E, né le 17 mai 2013, de nationalité algérienne, qu’elle élève seule. Mme B relève appel du jugement n° 2005573 du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 9 octobre 2020 de la préfète de la Gironde refusant la délivrance de ce document.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article 10 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d’un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu’ils relèvent de l’une des catégories mentionnées ci-après : /a) Le mineur algérien dont l’un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence de dix ans ou du certificat d’un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre de regroupement familial ; /b) Le mineur qui justifie, par tous moyens, avoir sa résidence habituelle en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de dix ans et pendant une durée d’au moins six ans ; /c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d’un visa d’une durée supérieure à trois mois ; /d) Le mineur algérien né en France dont l’un au moins des parents réside régulièrement en France. « . Il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une demande de délivrance d’un document de circulation au bénéfice d’un étranger mineur qui n’appartient pas à l’une des catégories mentionnées par l’article précité, de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, qu’un refus de délivrance d’un tel document ne méconnaît pas les stipulations de l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles » dans toutes les décisions qui concernent les enfants l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ".

3. L’intérêt supérieur d’un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du document de circulation prévu par l’article 10 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié précité, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s’apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l’obligation de présenter un visa.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jeune D A E, atteint d’un handicap dont le taux d’incapacité a été fixé entre 80 % et 95 % par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de la Gironde, a bénéficié à raison de 20 heures hebdomadaires d’une aide individuelle en soutien scolaire du 7 novembre 2018 au 31 août 2021, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé du 1er mars 2020 au 31 août 2025 compte tenu de difficultés ayant des conséquences majeures dans la vie quotidienne, d’une orientation d’une part, vers un institut médico-éducatif, d’autre part, vers une unité localisée pour l’inclusion scolaire du 18 mai 2020 au 31 août 2025. Il ressort également des certificats médicaux rédigés entre les mois d’octobre et de décembre 2020 que l’enfant qui souffre d’un important retard de développement, « demande une attention soutenue » de la part des professionnels qui assurent sa prise en charge et est suivi à titre individuel sur les plans non seulement éducatif, orthophonique et psychomoteur mais aussi neuro-pédiatrique, pédopsychiatrique et génétique. Compte tenu de la continuité de soins nécessitée par cet enfant, et alors qu’il peut être amené à retourner en Algérie, tant pour voir son père, divorcé de sa mère, que pour accompagner celle-ci, dont la présence lui est indispensable, laquelle est appelée à séjourner dans ce pays pour le traitement d’affaires judiciaires à caractère familial, il n’est pas contesté par la préfète de la Gironde, qui n’a défendu ni en première instance ni en appel, que les délais d’obtention d’un visa de long séjour, indispensable à son retour en France, auraient des conséquences nécessairement dommageables sur sa santé. Dans les circonstances particulières de l’espèce, la décision en litige a, dès lors, méconnu les stipulations précitées de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, Mme B est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 9 octobre 2020.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

5. Eu égard au motif d’annulation retenu par le présent arrêt, en l’absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, son exécution entraîne nécessairement la délivrance d’un document de circulation pour étranger mineur au bénéfice de l’enfant Yahia A E. Par suite, il y a lieu d’enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer ce document administratif dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés à l’instance :

6. Mme B a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Le Guédard, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2005573 du tribunal administratif de Bordeaux du 5 octobre 2021 et la décision du 9 octobre 2020 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer un document de circulation pour étrangers mineurs au jeune D A E dans un délai d’un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à Me Le Guédard une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C B épouse H, à Me Marion Le Guédard et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l’audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

La rapporteure,

Bénedicte FLa présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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