CAA de DOUAI, 3e chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14DA00454, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 3e ch. - formation à 3, 17 mars 2016, n° 14DA00454
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 14DA00454
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Amiens, 23 décembre 2013, N° 1103312
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032289519

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… Z… a demandé au tribunal administratif d’Amiens d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 20 octobre 2011 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé à son égard la sanction disciplinaire du deuxième groupe de déplacement d’office et sa mutation au conseil de prud’hommes de Paris, et à être indemnisée des préjudices nés de cette situation.


Par un jugement n° 1103312 du 24 décembre 2013, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté la demande de Mme Z….


Procédure devant la cour :


Par une requête et des mémoires enregistrés, le 13 mars 2014, le 15 septembre 2015 et le 25 février 2016, Mme De Liège, représentée par Me B… C…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler le jugement du 24 décembre 2013 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 20 octobre 2011 du garde des sceaux ;

3°) de condamner l’Etat au paiement de la somme de 1 000 000 euros en réparation des préjudices subis ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

- le jugement est entaché d’une omission à statuer ;

- le conseil de discipline était irrégulièrement composé ;

- son droit de défense a été méconnu : la procédure disciplinaire ne pouvait se fonder sur la procédure pénale, celle-ci n’a pas été produite dans son ensemble, une pièce a été détruite, le médecin de prévention n’a pas été appelé à témoigner ;

- la décision contestée est entachée d’une erreur de fait ;

- elle est entachée d’une erreur de qualification juridique ;

- elle est disproportionnée ;

- un expert doit être nommé afin de fixer ses préjudices, l’affaire doit être renvoyée dans l’attente de la décision du juge pénal, la procédure pénale visant l’ancien président du conseil de prud’hommes de Soissons doit être versée dans la présente instance.


Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.


Il soutient que les moyens soulevés par Mme Z… ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :


- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- l’arrêté du 28 décembre 2001 relatif aux modalités d’aménagement et de réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat pour le ministère de la justice ;

- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.


Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me B… C…, représentant Mme Z….


Une note en délibéré présentée par Me C… a été enregistrée le 14 mars 2016.

1. Considérant que le 25 janvier 2011, Mme Z…, greffière du 1er grade, chef de greffe du conseil de prud’hommes de Soissons a été mise en examen du chef de harcèlement moral au détriment de ses trois collaboratrices et placée sous contrôle judiciaire avec interdiction de se présenter sur son lieu de travail, interdiction d’entrer en contact avec les victimes et avec les conseillers prud’hommes ; qu’à la suite d’une mission de l’inspection générale des services judiciaire sur son comportement professionnel et à l’issue de l’avis émis par le conseil de discipline le 3 octobre 2011, le garde des sceaux, ministre de la justice, par un arrêté du 11 octobre 2011, a prononcé à l’encontre de Mme Z… la sanction disciplinaire du déplacement d’office et l’a mutée d’office au conseil de prud’hommes de Paris ; que Mme Z… relève appel du jugement du 24 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté ainsi que ses conclusions indemnitaires ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif a jugé dans son considérant 3 que « si Mme Z… soutient que le conseil de discipline a siégé dans une formation irrégulière lors de sa séance du 3 octobre 2011 au cours de laquelle il a été consulté sur son cas, elle n’apporte à l’appui de son moyen aucun éléments précis permettant de douter sérieusement de la régularité de la composition de cet organe consultatif » ; que dès lors, le moyen tiré de l’omission à statuer, constitué par l’absence d’examen de la composition du conseil de discipline doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant qu’en cause d’appel, Mme Z… invoque à nouveau l’irrégularité dans la composition du conseil de discipline, sans assortir son moyen de précisions supplémentaires par rapport à ses écritures de première instance ; qu’elle ne met dès lors pas la cour en mesure d’en apprécier le bien-fondé ;

4. Considérant que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale ; que, par suite, y compris dans l’hypothèse où c’est à raison des mêmes faits que sont engagées parallèlement les deux procédures, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence en prononçant une sanction sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué ;

5. Considérant que Mme Z… ne peut utilement se prévaloir de l’absence de communication de l’ensemble de la procédure pénale dans le cadre de la procédure disciplinaire ;

que la production, dans le cadre de celle-ci, du procès-verbal de sa garde à vue du 25 janvier 2011, n’est pas de nature à établir que la sanction dont elle a fait l’objet serait fondée sur ce seul élément ; qu’en admettant même que le conseil de discipline ait écarté à tort une copie de l’écran de l’ordinateur d’une de ses collaboratrices, au motif qu’il s’agissait d’une correspondance privée entre deux personnes, cette circonstance a été sans influence sur le sens de l’avis rendu et n’a pas été, en tout état de cause, de nature à priver Mme Z… d’une garantie ; que la circonstance que le médecin de prévention de la cour d’appel d’Amiens n’ait pas été entendu par le conseil de discipline sur les faits de harcèlement moral intervenus en 2006 au conseil de prud’hommes de Friville-Escarbotin, dès lors que la requérante ne l’avait pas fait citer comme témoin, comme elle pouvait le faire en application des dispositions de l’article 3 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat, n’est pas de nature à établir que les droits de la défense, tels que garantis par les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, auraient été méconnus ;


En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

7. Considérant qu’il est reproché à Mme Z… de faire régner au sein du conseil de prud’hommes de Soissons un climat de tension qui perturbait les agents dans leur travail quotidien et les conseillers prud’hommes dans l’exercice de leurs fonctions ; qu’en dépit du fait que son poste de chef de greffe soit resté vacant durant deux ans et que ses notations passées étaient excellentes en ce qui concerne ses aptitudes au dialogue social, son comportement inadapté à la direction d’une petite équipe de trois agents est établi par les nombreux témoignages concordants, faisant état d’une agressivité constante tant à l’égard de ses collaborateurs que des conseillers prud’hommes, de crises de colère non maitrisée, d’instructions données sous forme de notes autoadhésives repositionnables collées sur les ordinateurs et d’absence de toute réunion formelle de coordination ; qu’alors que les dispositions de l’article R. 1423-41 du code du travail font obligation au directeur de greffe d’assister les conseillers prud’hommes à l’audience, elle ne peut justifier ses absences aux audiences par une volonté de déléguer une partie de ses attributions à ses collaborateurs ; que la référence aux dispositions de l’article 6 de l’arrêté du 28 décembre 2001 relatif aux modalités d’aménagement et de réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat pour le ministère de la justice prévoyant la possibilité d’un régime forfaitaire de temps de travail pour les agents exerçant des fonctions d’encadrement n’est pas de nature à justifier ses horaires de travail en décalage complet avec ceux des agents dont elle avait la responsabilité ; que l’ensemble de ces éléments, bien que contestés par Mme De Liège, est nettement établi par les pièces du dossier et par l’enquête administrative d’avril 2011 menée par l’inspection générale des services judiciaires sur son comportement professionnel ; que, dès lors, le moyen tiré de l’erreur de fait qu’aurait commis le garde des sceaux, ministre de la justice doit être écarté ;

8. Considérant que l’ensemble des éléments relevés à l’encontre de Z… constitue non pas l’expression d’une insuffisance professionnelle, mais celle d’une faute disciplinaire dans l’exercice des fonctions, justifiant la sanction dont elle a fait l’objet ; que dès lors, le moyen tiré de l’erreur de qualification juridique doit être écarté ;

9. Considérant que les faits reprochés à l’égard de Mme Z… traduisent une réelle méconnaissance de ses responsabilités de chef de greffe et une absence complète de remise en cause de son mode de direction ; que l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de procéder à sa mutation d’office au conseil de prud’hommes de Paris, sans que la requérante puisse à cet égard utilement soutenir qu’elle aurait d’abord du faire l’objet d’une sanction du premier groupe avant de faire l’objet de la présente sanction du second groupe ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme Z… tendant à l’annulation de la décision du 20 octobre 2011 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Considérant que, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par Mme Z… et fondées sur l’illégalité fautive de la décision du 20 octobre 2011 ne peuvent qu’être rejetées ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de procéder à la nomination d’un expert destiné à évaluer ses différents chefs de préjudice, de renvoyer l’affaire dans l’attente de la décision du juge pénal, de verser à la présente instance la procédure pénale visant l’ancien président du conseil de prud’hommes de Soissons, que Mme De Liège n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 24 décembre 2013, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Z… est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… Z… et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l’audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :


- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.


Lu en audience publique le 17 mars 2016.


Le rapporteur,

Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT


La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.


Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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