CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30 décembre 2020, 19DA00472, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 3e ch., 30 déc. 2020, n° 19DA00472
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 19DA00472
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Amiens, 26 décembre 2018, N° 1603820
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042896594

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles ont demandé au tribunal administratif d’Amiens de condamner la société Restauration collective Casino à leur verser la somme de 2 948 291,43 euros en réparation des dommages causés par l’incendie survenu dans la nuit du 19 au 20 juillet 2014 dans le restaurant administratif du département de l’Oise, ainsi que la somme de 55 250 euros correspondant à des frais résultant d’expertises qu’elles ont elles-mêmes fait réaliser.

Par un jugement n° 1603820 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d’Amiens a condamné la société Restauration collective Casino à verser la somme de 3 000 354,07 euros aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles et a mis les dépens liquidés et taxés à la somme de 41 653,32 euros à la charge de la société Restauration collective Casino.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2019 et un mémoire enregistré le 26 novembre 2020, la société Restauration collective Casino, représentée par Me C… B…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes des sociétés MMA Iard et MMA IARD Assurances mutuelles ;

3°) de mettre à la charge des sociétés MMA Iard et MMA IARD Assurances mutuelles, la somme de 5 000 euros, à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code des assurances ;

 – le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

 – les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

 – et les observations de Me E… C… pour les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles.

Considérant ce qui suit :

1. La société Restauration collective Casino a conclu, le 29 août 2011, avec le département de l’Oise, une délégation de service public pour la gestion et l’exploitation du restaurant administratif des services du département. Le 20 juillet 2014, un incendie a lourdement endommagé ce bâtiment. La société Restauration collective Casino a demandé au tribunal administratif d’Amiens la désignation d’un expert. Celui-ci désigné par ordonnance du 26 février 2015, a déposé son rapport le 21 mars 2016. Les assureurs du département, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles, ont saisi le tribunal administratif d’Amiens au fond qui, par jugement du 27 décembre 2018, a condamné la société Restauration collective Casino à leur verser la somme de 3 000 354,07 euros et a mis à la charge de cette société les dépens liquidés et taxés à la somme de 41 653,32 euros. Cette société relève appel de ce jugement. Par la voie de l’appel incident, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles demandent la condamnation de la société Restauration collective Casino à leur verser la somme supplémentaire de 246 883,59 euros.

Sur l’irrecevabilité opposée en première instance :

2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-12 du code des assurances : « L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur. ». Il appartient à l’assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par les dispositions de l’article L. 121-12 du code des assurances de justifier par tout moyen du paiement d’une indemnité à son assuré. Le bénéfice de la subrogation légale n’est pas subordonné à la production de quittances subrogatives.

3. En l’espèce, il résulte de l’instruction que les sommes versées au département de l’Oise au titre de l’indemnisation du sinistre survenu le 20 juillet 2014, l’ont été conjointement par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles. Les quittances signées par le président du conseil départemental, le 9 mai 2016 et le 16 novembre 2018, font état, pour chacune d’entre elles de la subrogation des deux assureurs au département à hauteur respectivement des sommes de 1 845 286,37 euros et de 753 305,2 euros. Par ailleurs, ces deux assureurs justifient tant par les factures qu’ils produisent que par l’expert qu’ils ont missionné avoir payé directement et conjointement des prestations engagées pour le compte du département suite à ce sinistre. Ces prestations payées directement ont été fixées à la somme de 346 412,5 euros par le jugement contesté sans qu’aucune des parties ne vienne remettre en cause sérieusement ce montant. Elles justifient également la subrogation conjointe des deux assureurs au département, compte tenu des principes rappelés au point 2. Par suite, et même si le contrat d’assurance a été conclu avec un agent général d’assurances et non avec les deux assureurs précités, ce sont ces sociétés qui ont supporté le coût du sinistre et ont donc qualité pour agir et en demander réparation devant la juridiction administrative. La société Restauration collective Casino n’est donc pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif d’Amiens a écarté la fin de non-recevoir qu’elle avait soulevée en première instance. En ce qui concerne l’appel incident, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles produisent les quittances signées par le président du conseil départemental le 23 mai 2019 ainsi que le 13 décembre 2019, postérieurement au jugement du tribunal administratif. Ces deux quittances subrogent également conjointement les deux assureurs pour exercer l’action du département à hauteur des sommes de 101 698,03 euros et de 145 185,56 euros. Elles ont donc également intérêt à agir pour demander par la voie de l’appel incident le paiement complémentaire des sommes versées à concurrence de ces deux dernières quittances subrogatoires qui se rapportent à une aggravation du préjudice mise en évidence par les travaux visant à réparer les dommages.

Sur la responsabilité :

4. Aux termes du paragraphe intitulé « dispositions générales » de l’article 8 de la délégation de service public conclue le 29 août 2011 entre le département de l’Oise et la société Restauration collective Casino : «  Les responsabilités respectives du département et du délégataire sont celles résultant des principes de droit commun sans qu’il soit apporté de dérogation à ces principes…/ Le délégataire sera responsable de tous accidents, incidents ou avaries qui pourraient résulter, aussi bien pour le matériel que pour les tiers de l’exécution du service public délégué. » et aux termes du paragraphe « Responsabilités et assurances du délégataire » du même article: «  Dès la prise en charge des installations du service délégué, le Délégataire est responsable de leur bon fonctionnement dans la cadre de la Convention, ainsi que des dommages corporels, matériels et immatériels qui pourraient en résulter. / Tous les ouvrages, installations et équipements du service délégué doivent être exploités dans le souci de garantir la conservation du patrimoine, les droits des tiers et la qualité de l’environnement. / Le délégataire souscrit en conséquence les contrats d’assurance garantissant les dommages dont il pourrait être déclaré responsable ou affectant ses propres biens : risques locatifs pour les bâtiments (…) Les contrats d’assurance de dommages souscrits par le délégataire doivent obligatoirement comporter les garanties ou clauses suivantes : / Evénements assurés : / incendie-explosion-foudre, (…) ».

5. Il ressort clairement de ces dispositions qu’il incombait au délégataire de s’assurer comme un locataire et d’assumer la responsabilité des dommages résultant d’un incendie même en l’absence de faute de sa part. La référence dans le contrat aux « principes de droit commun de la responsabilité » ne saurait exonérer le délégataire, comme celui-ci le prétend, compte tenu des autres termes de la convention des risques locatifs afférents à un sinistre. Il en résulte qu’il appartient au délégataire de supporter le risque afférent à la délégation de service public qu’il a souscrite et en conséquence le coût du sinistre en cause.

6. L’expert désigné par le tribunal après avoir écarté la cause naturelle, la foudre comme la cause électrique a conclu que « suite à une éventuelle intrusion, les causes volontaires et accidentelle sont les plus vraisemblables à l’origine de départ de feu localisé au-dessus des cuisines. ». Ce seul constat ne permet pas d’établir avec certitude que le sinistre résulte d’une intrusion. Dès lors, la société Restauration collective Casino n’est pas, en tout état de cause, fondée à se prévaloir du fait du tiers pour s’exonérer de sa responsabilité.

7. La société Restauration collective Casino n’est pas plus fondé à invoquer la force majeure dès lors que l’éventuelle intrusion ne constitue pas un phénomène imprévisible et irrésistible et qu’elle n’évoque aucun autre élément justifiant la force majeure.

8. Si le délégataire soutient que le département a commis une faute qui l’exonère de sa responsabilité, il ne l’établit pas. Il résulte au contraire du rapport de l’expert que celui-ci n’a pas décelé d’éléments permettant de mettre en cause la qualité de la réalisation de l’ouvrage et des installations techniques, propriété du département. Si le maire de Beauvais atteste que la police municipale a fait le matin précédant l’incendie un tour des parties accessibles du bâtiment, suite au déclenchement d’une alarme anti-intrusion et a prévenu le département, ce dernier pour sa part conteste avoir été informé de ce déclenchement et de cette intervention. En tout état de cause, il ne résulte pas de l’instruction que l’absence de transmission de cette information à la société délégataire constitue une faute en lien direct avec l’incendie, intervenu plus de douze heures plus tard, alors que l’alarme anti-intrusion se déclenchait fréquemment, sans que soit établie une intrusion à chaque reprise, d’après les témoignages recueillis au cours de l’expertise. Par suite, il n’est pas établi que le département ait commis une faute, comme le soutient la société Restauration collective Casino.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 que la société Restauration collective Casino n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif d’Amiens a retenu sa responsabilité sans faute pour l’incendie survenu le 20 juillet 2014.

Sur les préjudices :

10. Il résulte de l’instruction que l’expert désigné par le tribunal administratif d’Amiens a estimé les préjudices à un montant de 2 664 162,79 euros, vétusté déduite, hors solution provisoire de restauration et expertise amiable. Les frais réellement engagés se sont élevés à 3 355 119,39 euros d’après l’expert missionné par les assureurs du département. Si l’appelante critique le caractère non contradictoire de cette expertise, elle n’a apporté aucun élément ni en première instance, ni en cause d’appel, de nature à remettre en cause les constats soumis au contradictoire dans le cadre du débat contentieux sur le lien entre les dépenses engagées et le sinistre. Les assureurs justifient également avoir versé des primes d’un montant de 1 845 286,37 euros, le 9 mai 2016 et de 753 305,2 euros, le 16 novembre 2018. Par ailleurs, ils justifient tant par les factures qu’ils produisent que par l’expert qu’ils ont missionné, avoir payé directement des prestations engagées pour le compte du département suite à ce sinistre. Ces prestations payées directement ont été fixées à la somme de 346 412,5 euros par le jugement contesté sans qu’aucune des parties ne viennent remettre en cause sérieusement ce montant. Compte tenu de ces éléments, la société Restauration collective Casino n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif l’a condamnée à payer la somme de 2 945 004,07 euros au titre des préjudices hors expertise résultant de l’incendie du 20 juillet 2014.

11. La société Restauration collective Casino critique à nouveau en cause d’appel, l’ajout à cette condamnation, des frais d’expertise engagés par les assureurs, chiffrés à 55 350 euros. Il résulte toutefois du rapport de l’expert désigné par le tribunal que cette expertise a été utile pour évaluer les préjudices et a été acceptée sur ce point par l’ensemble des parties. L’expert désigné par le tribunal administratif n’écartait d’ailleurs pas ces frais de la demande d’indemnisation. En outre, l’expertise missionnée par les assureurs a été utile tout au long de la phase de travaux pour chiffrer le montant des dépenses engagées et leur lien avec le sinistre du 20 juillet 2014. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d’appel principal de la société Restauration collective Casino à fin d’annulation du jugement du tribunal administratif d’Amiens ne peuvent qu’être rejetées.

12. Par la voie de l’appel incident, les sociétés MMA Iard et MMA Assurances mutuelles Iard demandent que soient ajoutées à leur indemnisation la prime de 101 698,03 euros, réglée le 23 mai 2019 au département de l’Oise et celle de 145 185,56 euros versée le 13 décembre 2019. L’expert missionné par les assureurs atteste après analyse de l’ensemble des factures produites que ces sommes correspondent à des travaux en lien direct avec le sinistre et non à des modifications des structures initiales. Les assureurs justifient ainsi de l’aggravation de leur préjudice. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à cette demande, liée au même fait générateur que le préjudice initial. La condamnation de la société Restauration collective Casino est en conséquence portée à 3 247 237,66 euros. Le jugement du tribunal administratif d’Amiens est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Sur les frais liés à l’instance :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Restauration collective Casino demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Restauration collective Casino une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Restauration collective Casino est rejetée.

Article 2 : La somme de 3 000 354,07 euros que le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de Lille a condamné la société Restauration collective Casino à verser aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles est portée à la somme de 3 247 237,66 euros

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d’Amiens du 27 décembre 2018 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société Restauration collective Casino versera aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me C… B… pour la société Restauration collective Casino, à Me A… D… pour les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles et au département de l’Oise.

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N°19DA00472

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