CAA de DOUAI, 3ème chambre, 9 décembre 2021, 20DA01372, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Douai, 3e ch., 9 déc. 2021, n° 20DA01372
Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro : 20DA01372
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif d'Amiens, 2 juillet 2020, N° 1802375, 1803225
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044516206

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société régionale d’espaces verts et d’environnement a demandé, par une première requête, au tribunal administratif d’Amiens d’annuler le marché d’installation d’un terrain hybride sur la pelouse du stade de la Licorne à Amiens, conclu le 25 avril 2018 par la communauté d’agglomération Amiens métropole avec la société ID Verde. Par une seconde requête, la société régionale d’espaces verts et d’environnement a demandé au tribunal administratif d’Amiens de condamner la communauté d’agglomération Amiens métropole à lui verser la somme de 160 186,20 euros hors taxes, correspondant au manque à gagner qu’elle estime avoir subi du fait du rejet de son offre présentée par le groupement conjoint d’entreprises dont elle est mandataire dans ce marché, ainsi que la somme de 5 000 euros hors taxes correspondant aux frais engagés par le groupement pour répondre au marché.

Par un jugement n° 1802375, 1803225 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 septembre 2020, la société régionale d’espaces verts et d’environnement, représentée par Me Erwan Le Briquir, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) à titre principal :

 – d’annuler le marché d’installation d’un terrain hybride sur la pelouse du stade de la Licorne à Amiens ;

 – de condamner la communauté d’agglomération Amiens métropole à lui verser la somme de 160 186,2 euros hors taxes, correspondant au manque à gagner du groupement ;

 – de condamner la communauté d’agglomération Amiens métropole à lui verser la somme de 5 000 euros hors taxes correspondant aux frais engagés par le groupement pour répondre au marché ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de désigner un expert avec pour mission d’évaluer son préjudice financier ;

4°) dans tous les cas, de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Amiens métropole une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

 – le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Denis Perrin, premier-conseiller,

 – les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

 – et les observations de Me Gourdon, pour la société régionale d’espaces verts et d’environnement.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d’agglomération Amiens métropole a publié, le 5 mars 2018, un avis d’appel public à la concurrence pour la réalisation d’une pelouse hybride sur le stade de la Licorne à Amiens. Le 19 avril 2018, le président de la communauté d’agglomération a attribué ce marché à la société ID Verde et il en a informé, le 20 avril 2018, la société régionale d’espaces verts et d’environnement, seule autre soumissionnaire. Cette société a saisi le tribunal administratif d’Amiens de deux demandes tendant, d’une part, à l’annulation du marché et, d’autre part, à la condamnation de la communauté d’agglomération Amiens métropole à l’indemniser du préjudice résultant de l’irrégularité entachant, selon elle, la procédure d’attribution. La société régionale d’espaces verts et d’environnement relève appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif d’Amiens a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l’annulation du marché conclu par Amiens métropole avec la société ID Verde :

2. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours de conclusions indemnitaires ainsi que d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat. Ils ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif ne peut ainsi, à l’appui d’un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d’ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

3. Dans ce cadre, il appartient au juge du contrat, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les cocontractants à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les cocontractants à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.

4. En premier lieu, le seul fait que l’offre de l’entreprise attributaire du marché soit le cas échéant irrégulière ne suffit pas, en application des principes rappelés au point 2, à justifier l’annulation du marché, contrairement à ce que soutient la société appelante.

5. En deuxième lieu, la société régionale d’espaces verts et d’environnement soutient que l’attributaire a sciemment proposé dans son offre la mise en œuvre d’un produit qu’elle savait ne pas pouvoir fournir.

6. L’article 2.28.4 du cahier des clauses techniques particulières du marché stipule que le substrat élaboré en sable à mettre en œuvre sur la couche drainante du sol « devra obligatoirement posséder un système de renforcement par tuftage de fibres synthétiques polypropylène » d’une densité minimum de deux centimètres et d’une profondeur de dix-huit centimètres. Il ressort du rapport d’analyse des offres annexé au courrier adressé par la communauté d’agglomération Amiens métropole à la société régionale d’espaces verts et d’environnement le 20 avril 2018 que la société ID Verde avait proposé, pour le gazon hybride, le procédé Desso Grass Master. Si la société appelante soutient que ce procédé est la propriété exclusive de la société Tarkett qui était membre du groupement formé avec elle-même pour l’attribution du marché, il résulte de l’instruction que la société Tarkett a indiqué par courrier électronique à la société ID Verde le 26 janvier 2018 qu’elle pouvait fournir le produit Grass Master pour le stade d’Amiens en précisant le prix au mètre carré. Le 13 février 2018, un courrier adressé par la société Tarkett à la société ID Verde confirme qu’elle est en capacité de prévoir une installation du système Grass Master sur le stade de la Licorne entre début juin et fin juillet 2018. Si la société régionale d’espaces verts et d’environnement soutient que ce courrier était initialement adressé à la communauté d’agglomération et non à la société ID Verde et qu’il a été modifié pour les besoins de la cause, elle ne le démontre pas. L’attestation du 3 juin 2020 du directeur général de la société Tarkett, rédigée postérieurement à l’attribution du marché, indiquant que les travaux de mise en œuvre de la pelouse Grass Master en France sont menés exclusivement par ses soins avec son personnel et son matériel, ne démontre pas qu’en 2018, la société ID Verde ne pouvait faire le choix, lors de la constitution de son offre, de présenter la société Tarkett comme un simple fournisseur. D’ailleurs, la société ID Verde a mis en demeure le 26 juin 2018 la société Tarkett de lui fournir le produit Grass Master, conformément à sa proposition faite par courrier électronique du 26 janvier 2018. La convention de groupement entre la société régionale d’espaces verts et d’environnement, la société Hublart, chargée de l’arrosage automatique et la société Tarkett, établie le 3 avril 2018, prévoit que « chacune des parties se réserve une exclusivité réciproque et s’engage à ne pas remettre d’offre concurrente, seule ou avec un tiers, directement ou indirectement, ni à participer à une consultation, même partielle, relative au projet. ». Toutefois, la société ID Verde n’a, en tout état de cause, été informée de cette convention que le 25 avril 2018, soit postérieurement à l’attribution du marché. Il résulte de ces éléments que la société régionale d’espaces verts et d’environnement n’établit pas que la société ID Verde a sciemment falsifié la présentation de son offre et les modalités du recours au procédé Desso Grass Master pour se voir attribuer le marché, et qu’existerait ainsi un vice du consentement susceptible d’entraîner l’annulation du marché.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 50 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, alors en vigueur : « Pour vérifier que les candidats satisfont aux conditions de participation à la procédure, l’acheteur peut exiger la production des renseignements et documents figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l’économie. / Si le candidat s’appuie sur les capacités d’autres opérateurs économiques, il justifie des capacités de ce ou ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu’il en disposera pour l’exécution du marché public. Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié. ».

8. Il résulte du tableau d’analyse des offres, annexé au courrier déjà cité du 20 avril 2018 du pouvoir adjudicateur à la société appelante, que l’offre de la société ID Verde entendait recourir au produit Grass Master comme à de très nombreuses autres fournitures. Cette société fournissait les références de ces produits et justifiait de leur adéquation avec le cahier des clauses techniques particulières du marché. L’attestation mentionnée au point 6, du directeur général de la société Tarkett, établie le 3 juin 2020, qui indique que les travaux de mise en œuvre de la pelouse Grass Master en France sont menés exclusivement par les soins de cette société avec ses personnels est postérieure à la passation du marché. Dans les circonstances exposées précédemment, la société ID Verde s’était assurée de la disponibilité du produit Grass Master et présentait la société Tarkett comme son fournisseur. Elle ne s’appuyait donc pas sur les capacités de la société Tarkett au sens des dispositions de l’article 50 du décret du 25 mars 2016 et elle n’avait pas à justifier que la société Tarkett intervenait comme son sous-traitant ou son cotraitant, contrairement à ce que soutient la société régionale d’espaces verts et d’environnement.

9. Il ressort également du tableau d’analyse des offres que la communauté d’agglomération Amiens métropole a contrôlé les indications données par les deux concurrents sur la qualité des matériaux nécessaires à la réalisation du projet, permettant ainsi d’apprécier leurs qualités au regard des performances du marché. L’accord d’exclusivité déjà cité n’était pas connu du pouvoir adjudicateur avant l’attribution du marché, le 19 avril 2018. La circonstance que la société régionale d’espaces verts et d’environnement ait adressé, le jour de la signature du marché, un courrier informant la communauté d’agglomération de cet accord d’exclusivité ne permet pas d’établir que cet établissement public en ait eu effectivement connaissance à l’heure de la signature. Au demeurant, cet accord se limitait à interdire aux sociétés signataires de présenter une offre concurrente seule ou avec un tiers alors que l’offre de la société ID Verde qui ne prévoyait pas la participation de la société Tarkett à l’offre elle-même, ne lui est, en tout état de cause, pas directement contraire. Par suite, il n’est pas établi que la communauté d’agglomération Amiens métropole a été défaillante dans le contrôle des capacités des candidats et que l’attribution du marché serait irrégulière.

10. En quatrième lieu, compte tenu de l’impossibilité pour la société ID Verde d’effectuer le touffetage du terrain avec des fibres plastiques malgré la mise en demeure qu’elle a adressée le 26 juin 2018 à la société Tarkett de fournir cette prestation, la communauté d’agglomération Amiens métropole a lancé un appel public à la concurrence, le 3 juillet 2018, pour effectuer cette opération de touffetage et a parallèlement conclu un avenant en moins-value avec la société ID Verde pour un montant de 374 405 euros hors taxes. La société appelante soutient que ces procédures démontrent que la société attributaire était incapable d’exécuter le marché initial et, par suite, l’irrégularité de l’attribution de ce marché. Toutefois, il n’est pas établi, comme l’ont retenu à bon droit les premiers juges, que la passation de ce second marché et l’avenant en moins-value conclu avec l’attributaire aient porté atteinte, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, à un intérêt de la société régionale d’espaces verts et d’environnement, dès lors que cette société avait pu déposer une offre sur le besoin tel qu’il avait été initialement défini par le pouvoir adjudicateur. En tout état de cause, le seul fait que le titulaire du marché se heurte à la défaillance d’un de ses prestataires ne suffit pas à établir l’existence de vices entachant le contrat au stade de sa passation.

11. En cinquième lieu, la société régionale d’espaces verts et d’environnement soutient que l’avenant en moins-value conclu avec la société ID Verde constitue une modification substantielle du marché, contraire à l’article 139 du décret du 25 mars 2016. Elle soutient également que la communauté d’agglomération aurait dû résilier le marché aux torts de la société ID Verde ou à tout le moins lui appliquer des pénalités de retard et que l’absence de décisions en ce sens de la communauté d’agglomération est contraire aux règles de la commande publique Toutefois, l’avenant en moins-value comme l’absence de résiliation aux torts de l’entreprise et de pénalités de retard mis en avant par l’appelante ne constituent pas un manquement aux règles de passation du marché en litige en rapport direct avec l’éviction de la société régionale d’espaces verts et d’environnement. Ces moyens doivent donc être écartés comme inopérants.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société régionale d’espaces verts et d’environnement n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Amiens a rejeté sa demande tendant à l’annulation du marché conclu par la communauté d’agglomération Amiens métropole avec la société ID Verde.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société régionale d’espaces verts et d’environnement n’établit pas que le marché conclu par la communauté d’agglomération Amiens métropole avec la société ID Verde était entaché de vices l’ayant lésée. Par suite, les demandes indemnitaires de cette société ne peuvent qu’être rejetées. Les conclusions subsidiaires doivent également être rejetées, la désignation d’un expert pour évaluer le préjudice financier de la société régionale d’espaces verts n’étant pas utile à la solution du litige.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d’agglomération Amiens métropole, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame à ce titre la société régionale d’espaces verts et d’environnement. En revanche, Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette société une somme de 2 000 euros à verser à la communauté d’agglomération Amiens métropole.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société régionale d’espaces verts et d’environnement est rejetée.

Article 2 : La société régionale d’espaces verts et d’environnement versera à la communauté d’agglomération Amiens métropole la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société régionale d’espaces verts et d’environnement, à la communauté d’agglomération Amiens métropole et à la société ID Verde.

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N°20DA01372

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