CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 31 mars 2016, 15LY03345, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 4e ch. - formation à 3, 31 mars 2016, n° 15LY03345
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 15LY03345
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Dijon, 13 septembre 2015, N° 1501018
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032377635

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C… A… a demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler l’arrêté du 6 mars 2015 par lequel le préfet de la Côte-d’Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Bénin, pays dont elle a la nationalité, comme pays à destination duquel elle pourra être éloignée d’office.

Par le jugement n° 1501018 du 14 septembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a annulé l’arrêté attaqué.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 octobre 2015, le préfet de la Côte-d’Or demande à la cour d’annuler ce jugement du 14 septembre 2015 et de rejeter la demande formée par Mme A… devant le tribunal administratif de Dijon.

Le préfet soutient que :

 – c’est à tort que les premiers juges ont retenu qu’il avait commis une erreur manifeste d’appréciation de la situation personnelle de l’intéressée sur le fondement du 1° de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) avait rendu une décision devenue définitive et qu’il était lié par celle-ci ,

 – Mme A… n’est pas fondée à invoquer l’article L. 313-14 du même code sur le fondement duquel elle n’avait pas présenté de demande de titre ;

 – l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a pas été méconnu et Mme A… ne peut se prévaloir de la méconnaissance du 7° de l’article L. 313-11 puisqu’elle n’a pas déposé de demande de titre sur ce fondement.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, Mme A… représentée par Me B…, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la requête du préfet de la Côte-d’Or.

Mme A… fait valoir que :

 – le préfet de la Côte-d’Or ne s’est pas fondé sur les bons éléments pour apprécier sa situation, nonobstant la décision de la DIRECCTE, l’arrêté est donc entaché d’erreur manifeste d’appréciation, comme l’a relevé le tribunal administratif ;

 – sa demande de changement de statut (d’étudiante à salariée) doit s’analyser en une demande de régularisation par le travail au titre de l’admission exceptionnelle au séjour dans le cadre de la loi du 20 novembre 2007 ;

 – elle peut solliciter l’application du 7° de l’article L. 313-11 dès lors qu’elle ne vit pas en état de polygamie, ne peut bénéficier du droit au regroupement familial et a tous ses cousins en France où elle est, elle-même, bien intégrée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention relative à la circulation et au séjour des personnes entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin signée le 21 décembre 1992 ;

 – le code du travail ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,

- et les observations de Me B…, représentant Mme A….

1. Considérant que Mme C… A…, née en 1984 et de nationalité béninoise, est arrivée en France le 1er septembre 2010 sous couvert de son passeport revêtu d’un visa long séjour portant la mention « étudiant » ; qu’elle a obtenu une carte de séjour mention « étudiant » sur le fondement de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le 15 novembre 2011, carte renouvelée jusqu’au 15 octobre 2014 ; que, le 25 juin 2014, elle a sollicité la délivrance d’un titre de séjour portant la mention « salarié » sur le fondement du 1° de l’article L. 313-10 du même code ; que par un arrêté du 6 mars 2015, le préfet de la Côte-d’Or a rejeté sa demande et assorti le refus de délivrance d’un titre d’une obligation de quitter le territoire ainsi que d’une décision fixant le pays de destination ; que le préfet relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 septembre 2015 qui a annulé le refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, les autres décisions ;

2. Considérant que, d’une part, le 1° de l’article L. 313-10 du code précité prévoit que la carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée « À l’étranger titulaire d’un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l’article L. 341-2 du code du travail. / Pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l’autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives, l’étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l’emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention »salarié« lorsque l’activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention »travailleur temporaire« lorsque l’activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois (…) » ; que l’article R. 5221-20 du code du travail précise que pour accorder ou refuser l’une des autorisations de travail mentionnées à l’article R. 5221-11, dont fait partie la carte délivrée au titre du 1° de l’article L. 313-10 précité, le préfet prend en compte les éléments d’appréciation suivants : " 1° La situation de l’emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l’employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L’adéquation entre la qualification, l’expérience, les diplômes ou titres de l’étranger et les caractéristiques de l’emploi auquel il postule ; (…) 5° Les conditions d’emploi et de rémunération offertes à l’étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l’entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; 6° Le salaire proposé à l’étranger qui, même en cas d’emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l’article L. 3232-1(…) » ;

3. Considérant que, d’autre part, aux termes de l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de douze mois non renouvelable est délivrée à l’étranger qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et, le cas échéant, à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret. (…) / Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article » ; que l’article R. 5221-29 du code du travail prévoit que « Le seuil de rémunération du contrat correspondant à la première expérience professionnelle d’un étranger ayant achevé avec succès un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, mentionné à l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est fixé à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle » ;

4. Considérant que, pour refuser à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), employeur de Mme A…, l’autorisation de travail demandée, la DIRECCTE a retenu, tant dans sa décision du 12 septembre 2014 que dans sa réponse au recours gracieux en date du 18 novembre 2014, que l’INRA n’apportait pas la preuve d’avoir préalablement recherché d’autres candidats disponibles sur le marché du travail, contrairement aux dispositions du 1er alinéa de l’article R. 5221-20 du code du travail malgré la demande expresse de l’administration du travail du 25 juillet 2014, que Pôle emploi disposait de 57 demandes d’emploi pour zéro offre pour l’ensemble du département (postes d’ingénieur d’études) et que le salaire proposé à l’intéressée ne correspondait pas « aux dispositions de l’article R. 5221-29 du code du travail qui prévoient une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle pour un étranger ayant achevé avec succès un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au grade de master » ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que Mme A… qui détenait une carte de séjour mention « étudiant » a sollicité un changement de statut en déposant une demande de carte de séjour mention « salarié » sur le fondement du 1° de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et non sur celui des dispositions de l’article L. 311-11 du même code ; que, dès lors, lui étaient opposables, non les dispositions de l’article R. 5221-29 du code du travail, mais celles de l’article R. 5221-20 de ce code ; que, comme l’ont relevé les premiers juges, si la rémunération mensuelle brute prévue s’élève à 1 995,66 euros soit moins que les 2 168,07 euros requis sur le fondement des articles L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et R. 5221-29 du code du travail, pour la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour à l’étudiant titulaire d’un master qui souhaite compléter sa formation professionnelle par une première expérience professionnelle, elle correspondait toutefois, dans la grille indiciaire des ingénieurs d’études, à la rémunération d’un ingénieur d’études de 2e classe ; que cette rémunération répondait en tout état de cause aux exigences des dispositions des 5° et 6° de l’article R. 5221-20 du code du travail précitées ; que par suite, le préfet de la Côte-d’Or qui s’est cru, à tort, lié par l’avis de la DIRECCTE dont il a repris les motifs et retenu que le montant de la rémunération proposée à Mme A… n’atteignait pas le niveau requis par l’article R. 5221-29 du code du travail a fait une application erronée de cet article ;

6. Considérant, en second lieu, qu’il ressort des pièces du dossier et en particulier du courrier adressé par l’INRA à la DIRECCTE le 27 octobre 2014, que les compétences de Mme A… étaient indiscutables dans le domaine considéré, qu’elle avait déjà développé des programmes informatiques applicables au projet, était directement « opérationnelle » car elle connaissait déjà parfaitement le sujet et que recourir à une autre personne aurait nécessité un temps de formation plus long ainsi qu’une charge financière plus importante ; que, dès lors, dans les circonstances de l’espèce, en refusant de délivrer un titre de séjour mention « salarié » à Mme A… alors qu’existait une parfaite adéquation entre sa qualification, son expérience, ses diplômes et les caractéristiques de l’emploi auquel elle postulait, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d’Or n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 6 mars 2015 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A…, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Bénin, pays dont elle a la nationalité, comme pays à destination duquel elle pourra être éloignée d’office ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d’Or est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’intérieur et à Mme C… A….

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d’Or.

Délibéré après l’audience du 10 mars 2016 où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel président de chambre,

- M. Mesmin d’Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2016.

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N° 15LY03345

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