Cour administrative d'appel de Lyon, 5e chambre a, 27 juin 2019, n° 17LY02989

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 5e ch. a, 27 juin 2019, n° 17LY02989
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 17LY02989
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 5 juin 2017, N° 1407420
Dispositif : Satisfaction partielle

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société LIM SAS a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 pour un montant de 320 456 euros en droits ou, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces cotisations supplémentaires d’un montant de 159 457 euros en droits, et d’ordonner une expertise en vue de déterminer l’éligibilité au crédit impôt recherche de ses projets.

Par un jugement n° 1407420 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 août 2017, le 29 novembre 2017 et le 16 mars 2018, la société LIM SAS, représentée par Me A, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2017 ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société LIM SAS soutient que :

— les deux experts désignés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour donner leur avis sur le projet en application de l’article L. 45 B du livre des procédures fiscales sont également ceux qui ont donné leur avis dans le cadre de la « contre-expertise », ce qui vicie la procédure puisqu’il ne peut s’agir d’une expertise indépendante de la première ;

— le service vérificateur s’est à tort estimé lié par les avis des experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

— la réponse aux observations du contribuable n’est pas motivée sur le choix des taux d’affectation à la recherche de certaines dépenses ;

— il n’y a eu aucun débat oral et contradictoire entre elle-même et le service vérificateur au sujet de « l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte » et des taux d’affectation à la recherche de certaines dépenses ;

— les dépenses de recherche exposées sont éligibles, dans leur intégralité, au crédit d’impôt recherche, dès lors qu’elles ont été engagées pour des projets de recherche au sens de l’article 244 quater B du code général des impôts, les différents projets correspondant à des opérations de développement expérimental telles que définies à l’article 49 septies F de l’annexe III au code général des impôts, dans l’instruction BOI 4-A-00 n° 27 du 8 février 2000 et dans le guide 2008 du crédit impôt recherche édité par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

— le pourcentage d’éligibilité des projets DeviaLIM et GEOLOG 4 n’a pas été déterminé avec pertinence, les projets ne pouvant faire l’objet d’un séquençage ; retenir un pourcentage de dépenses est en contradiction avec la loi et la doctrine administrative BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 ;

— en tout état de cause, les projets DévialLIM et GEOLOG 4 doivent recevoir une éligibilité complète.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l’action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la société LIM SAS ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 mars 2019, la clôture d’instruction a été fixée au 1er avril 2019, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme B, première conseillère,

— et les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société LIM SAS, qui exerce une activité de conception, de fabrication et de commercialisation d’appareillages électroniques de mesure et des logiciels associés à ces appareils pour des applications dédiées au forage du sol et à l’injection du béton, a déclaré, au titre de ses exercices clos en 2008 et en 2009, des crédits d’impôt en faveur de la recherche à hauteur respectivement de 202 886 euros et de 215 552 euros qu’elle a imputés sur son impôt sur les sociétés. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, à l’issue de laquelle l’administration a partiellement remis en cause ces crédits d’impôt. Les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés en résultant, ainsi que les pénalités correspondantes, ont été mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009 par une proposition de rectification du 19 décembre 2012. Les rectifications envisagées ont été partiellement confirmées le 10 octobre 2013 à hauteur de 162 361 euros en 2008 et de 163 038 euros en 2009, soit un total de 325 399 euros. Les impositions supplémentaires et pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement le 21 janvier 2014. La réclamation préalable du 18 février 2014 a été admise partiellement le 23 juillet 2014, conduisant à un dégrèvement de 4 943 euros en droits et à un dégrèvement des pénalités correspondantes. La société LIM SAS relève appel du jugement du 6 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires et des pénalités correspondantes restant en litige ou, à tout le moins, à leur réduction.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Aux termes de l’article L. 45 B du livre des procédures fiscales : « La réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt défini à l’article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l’administration fiscale qui demeure seule compétente pour l’application des procédures de redressement, être vérifiée par les agents du ministère de la recherche et de la technologie. Un décret fixe les conditions d’application du présent article ». Aux termes de l’article R. 45 B-1 du même livre : « I- La réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt mentionné à l’article L. 45 B peut être vérifiée, soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par des délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. ».

3. Il résulte de l’instruction que les deux experts scientifiques ayant contrôlé la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses engagées par la société LIM SAS ont été désignés par les services de la direction pour la recherche et l’innovation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, conformément aux dispositions des articles L. 45 B et R. 45 B du livre des procédures fiscales. Ils ont dressé un premier rapport le 17 décembre 2012 sur les dépenses éligibles en 2008 et 2009, puis un second rapport le 8 février 2013 sur les dépenses éligibles de 2008 à 2010 et enfin, compte tenu des nouveaux éléments soumis par la société à l’administration, un dernier rapport le 20 septembre 2013, qualifié, dans le rejet de la réclamation contentieuse de « rapport de contre-expertise ». Si la société fait valoir que chacune des expertises a été faite par les mêmes experts, ce qui a eu pour effet de vicier la procédure puisque la dernière expertise ne peut avoir été faite de manière indépendante, toutefois, aucune disposition ni aucun principe ne prévoit qu’au cas où l’administration demande un nouvel avis au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, celui-ci doive être rendu par d’autres agents que ceux qui se sont prononcés la première fois. En outre, en l’espèce, dans leur dernier rapport, les experts scientifiques sont revenus sur une partie des appréciations qu’ils avaient portées jusque-là.

4. Il résulte des termes de la proposition de rectification que, pour décider que les dépenses retenues par la société LIM SAS n’étaient pas éligibles au crédit d’impôt recherche, le vérificateur s’est fondé sur le rapport des deux experts désignés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et sur l’examen des pièces. Dans la réponse aux observations du contribuable du 10 octobre 2013, le vérificateur a précisé qu’il s’était à la fois fondé sur le nouveau rapport des experts daté du 20 septembre 2013, qui lui a été communiqué le 1er octobre 2013, ce qui lui a permis d’en prendre connaissance avant de répondre à la société, et sur l’examen de l’ensemble des pièces dont il disposait. Par suite, et alors même que l’administration a indiqué, dans la réponse aux observations du contribuable, qu’elle retenait comme éligibles au crédit d’impôt les dépenses à hauteur du taux d’éligibilité retenu par les experts, il ne résulte pas de l’instruction que l’administration des impôts se soit estimée liée par l’avis des experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

5. Aux termes de l’article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables [] ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d’une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l’a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, c’est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’il ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. En l’espèce, la société LIM SAS n’établit pas, comme cela lui incombe, qu’au cours du contrôle, le vérificateur aurait refusé tout débat oral et contradictoire avec les représentants de la société, en particulier sur les taux d’éligibilité des différents projets.

6. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l’administration avant l’expiration du délai mentionné à l’article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. () Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ». L’administration, qui a régulièrement motivé tant la proposition de rectification du 19 décembre 2012 que la réponse aux observations du contribuable du 10 octobre 2013, et a notamment exposé les raisons pour lesquelles une partie des dépenses des projets DeviaLIM et GEOLOG 4 n’était pas éligible au crédit d’impôt recherche, n’était pas tenue de justifier davantage le recours à des taux forfaitaires d’éligibilité et leurs montants.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

7. Aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts : « I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel () peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année () ». Aux termes de l’article 49 septies F de l’annexe III au même code : « Pour l’application des dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / () c. Les activités ayant le caractère d’opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d’installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d’une simple utilisation de l’état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ».

8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt, au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d’application du crédit d’impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations.

S’agissant du projet « DeviaLIM », présenté au titre des années 2008 et 2009 :

9. Le projet DeviaLIM consiste à développer une sonde, par mesure magnétique et mesure gyroscopique, permettant de mesurer la déviation d’un forage en son extrémité. Au cours de l’année 2008, les travaux ont consisté à définir la structure mécanique de la sonde, définir des algorithmes de traitement des mesures magnétiques et gyroscopiques, définir l’algorithme de calibrage de la sonde. Au cours de l’année 2009, les travaux ont porté sur l’implémentation de ces développements sur carte électronique et la réalisation de campagnes de test.

10. Au titre des années 2008 et 2009, l’administration fiscale a estimé que 25 % des dépenses présentées par la société comme rattachées à ce projet étaient éligibles au dispositif de crédit d’impôt recherche. Elle a estimé que, parmi les sept séries de travaux présentés dans ce projet, cinq relevaient de la mise en oeuvre du savoir-faire d’hommes de l’art, sans recherche et développement. Elle a qualifié de la sorte la conception d’une carte électronique et son montage, l’optimisation de circuits embarqués, l’étude de l’influence des éléments mécaniques sur la mesure, la conception d’un câble et d’une accroche de sonde et la conception d’un boîtier de commande. Elle a, au contraire, estimé que pouvait être éligible au dispositif, compte tenu des verrous techniques existants, le calibrage du capteur magnétomètre. Elle a enfin estimé que, le calibrage d’alignement de repères de mesure se rapportant à des travaux réalisés en 2010, il ne pouvait être pris en compte au titre des années antérieures.

11. Toutefois, il résulte de l’instruction, et notamment des documents présentés pour la première fois en appel par la société, que les travaux du projet DeviaLIM que la société a pris en compte au titre des dépenses éligibles au crédit impôt recherche au titre des années 2008 et 2009 ont directement participé à la conception, à l’amélioration et aux essais du prototype de cette sonde. L’ensemble de ces travaux ont été réalisés au cours des années 2008 et 2009 et étaient nécessaires à la création de la sonde et formaient un unique projet de développement, compte tenu des interactions entre les différentes phases du projet. Alors même que certains de ces travaux, qui étaient nécessaires à la création du prototype, pris de façon isolés, auraient pu être qualifiés de simples travaux d’innovation, les travaux ayant conduit à création de cette sonde présentaient, compte tenu de ses caractéristiques propres, un caractère de nouveauté au sens des dispositions précitées, nécessitant, compte tenu de l’état de l’art existant, des travaux de recherche et développement. Dans ces conditions, c’est à tort que l’administration fiscale a regardé le projet DeviaLIM comme n’étant éligible qu’à hauteur de 25 % au titre des années 2008 et 2009.

S’agissant du projet « PressioLim » présenté au titre des années 2008 et 2009 :

12. Le projet PressioLIM consiste à développer un instrument permettant de mesurer la résistance d’un sol au cours d’un forage. Si la solution proposée par la société LIM SAS devrait être plus compacte et plus précise que les solutions existantes et permettre de réaliser et d’enregistrer les essais automatiquement, avec une lecture numérique des résultats, il résulte de l’instruction, ainsi que l’a noté l’expert du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la base des éléments présentés par la société, que le développement de ce produit découle d’une simple utilisation de l’état des techniques existantes. Ainsi, le projet en cause, alors même qu’il permet l’adaptation de techniques connues dans l’environnement particulier du forage, ne constitue pas, au sens des dispositions citées ci-dessus, une amélioration substantielle d’un produit. Dans ces conditions, c’est à bon droit que l’administration fiscale a regardé le projet PressioLIM comme inéligible au titre des années 2008 et 2009.

S’agissant du projet « MultiLIM 5G » présenté au titre de l’année 2008 :

13. Le projet MultiLIM 5G consiste à créer un produit multifonctionnel capable de collecter, enregistrer et transmettre à distance les données extraites lors d’opérations de forage. L’administration fait valoir, sans être contredite par les pièces produites par la société, qui a elle-même indiqué qu’elle a utilisé les technologies existantes pour développer son projet afin de répondre à un besoin non satisfait, que le projet MultiLIM 5G se borne à combiner et adapter entre elles des techniques existantes à la date à laquelle son développement a été entrepris. Ainsi que l’a noté le tribunal, la société requérante ne démontre pas que les travaux effectués en 2008 pour ce projet seraient de même nature et présenteraient les mêmes caractéristiques au regard du crédit impôt recherche que ceux menés en 2007 et validés à 25 % pour le projet du même nom. Elle n’a produit aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles les travaux qu’elle a entrepris sur son propre contrôleur graphique relèveraient de travaux de recherche au sens des dispositions précitées. Si la société fait valoir que le projet MultiLIM 5G de 2008 est le même que le projet PocketLim de 2010 pour lequel un expert du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, le 1er octobre 2017, à l’éligibilité du projet, il résulte des termes mêmes de ce rapport que les travaux développés en 2010 ont eu pour objectif d’apporter des solutions nouvelles au produit mis en place antérieurement et qui ne donnait pas satisfaction et que l’expert ne s’est prononcé que sur l’éligibilité au crédit d’impôt des travaux de recherche réalisés en 2010. Dans ces conditions c’est à bon droit que l’administration fiscale a regardé ce projet comme non éligible au titre du crédit impôt recherche au titre de l’année 2008.

S’agissant du projet « Mesure Ultra Son » présenté au titre de l’année 2009 :

14. Le projet « mesure Ultra Son » consiste à développer une nouvelle fonctionnalité au PressioLIM en créant une mesure du volume par un capteur ultra-sons. L’expert du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a indiqué que les techniques de mesure de volume par ultra-sons sont bien connues, que la société a utilisé un capteur du commerce dont les caractéristiques techniques ont été testées sur le PressioLIM et que des améliorations ont été effectuées à la suite des essais. Si les connaissances de l’entreprise, qui ne disposait d’aucun document précis sur la façon d’utiliser ce capteur, se sont améliorées en la matière et si le projet a permis d’adapter cet outil dans le cadre de forages, ces éléments ne suffisent pas à donner au projet en cause le caractère d’un projet de recherche appliquée au sens des dispositions de l’article l’article 49 septies F de l’annexe III au code général des impôts.

S’agissant du projet « GEOLOG 4 » présenté au titre des années 2008 et 2009 :

15. Le projet GEOLOG 4 a pour objet de concevoir et développer une architecture permettant de gérer les notions de collaboration et de travail web adaptée au domaine de la prise de mesures de forage et les outils logiciels permettant la centralisation, le stockage, le traitement et l’export de données de manière automatique sous la contrainte web, répondant au critère de généricité, universalité et évolutivité.

16. Il résulte de l’instruction qu’au cours de l’année 2008, la société LIM SAS a travaillé, dans le cadre de ce projet, d’une part, sur un outil générique de manipulation de mesures et, d’autre part, sur la mise en place d’un moteur de rendu. Les experts du ministère de l’enseignement et de la recherche ont, dans leur rapport du 20 septembre 2013, conclu que la première sous-étape du projet, à savoir la mise en place d’un outil générique de manipulation de mesures, relevait de la mise en oeuvre du savoir-faire de la profession, mais que le travail opéré sur le moteur de rendu, qui a nécessité de pousser l’étude d’outils et de langages open source récents, était éligible. Si la société a fourni en appel des explications complémentaires sur la nature des travaux qu’elle a effectués au cours de la première phase de son projet, les éléments produits ne suffisent pas à contredire le rapport d’expertise. La circonstance que les travaux qu’elle a entrepris lui ont permis de développer un outil qui n’existait jusqu’alors pas dans la profession ne suffit pas à démontrer que ces travaux constituaient des travaux de recherche et de développement au sens des dispositions du code général des impôts. Il ne résulte par ailleurs pas de l’instruction que cette étape du projet était indissociable de la suite du projet. La circonstance qu’un expert du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, le 1er octobre 2017, à l’éligibilité du projet GEOLOG 4 au titre des années 2010 et 2011, en évoquant principalement les travaux réalisés sur le moteur de rendu, n’est pas de nature à démontrer, pour les raisons qui viennent d’être évoquées, que le projet devait, dans toutes ses branches, être éligible au crédit impôt recherche en 2008. Enfin, la société LIM SAS, seule en mesure de le faire, n’a produit aucun élément permettant de remettre en cause le taux retenu par l’administration de 50 % des dépenses engagées comme correspondant au taux des dépenses dédiées au moteur de rendu. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a regardé ce projet comme éligible à seulement 50 % au titre du crédit impôt recherche au titre de l’année 2008.

17. Il résulte de l’instruction qu’au cours de l’année 2009, la société LIM SAS a poursuivi ce projet en se consacrant, d’une part, à la poursuite de son travail sur le moteur de rendu, et d’autre part, à la définition et au choix d’une architecture capable de supporter sa solution. Les experts du ministère de l’enseignement et de la recherche ont, dans leur rapport du 20 septembre 2013, conclu qu’à l’exception de la « programmation RUBY » du moteur de rendu, qui relevait des savoir-faire de la profession, le reste des travaux engagés dans la continuité des travaux réalisés en 2008 et ceux entrepris sur l’architecture virtuelle du système étaient éligibles au crédit impôt recherche. Toutefois, ainsi que le fait valoir la société, la programmation RUBY du moteur de rendu était indispensable à la mise au point de ce moteur et formait une étape indissociable du reste de ce projet considéré comme éligible. Dans ces conditions, c’est à tort que l’administration fiscale a regardé le projet GEOLOG 4 comme n’étant éligible qu’à hauteur de 50 % au titre de l’année 2009.

En ce qui concerne la doctrine administrative :

18. Aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. () ».

19. En premier lieu, la société LIM SAS n’est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni des paragraphes 8 à 14 et 29, 30, 34 à 37 de l’instruction 4 A-1-00 du 21 janvier 2000 publiée au bulletin officiel des impôts n° 27 du 8 février 2000, ni des prévisions du paragraphe n° 310 du BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 2 novembre 2016, dès lors qu’ils ne donnent pas d’interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

20. En deuxième lieu, la société LIM SAS ne peut pas se prévaloir, sur le fondement du second alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des dispositions du « guide du crédit d’impôt recherche » de 2008 qui correspond à un guide émanant du ministère de l’enseignement et de la recherche, et non de l’administration fiscale, et ne peut, en conséquence, contenir d’interprétation d’un texte fiscal invocable sur le fondement de cet article.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société LIM SAS est partiellement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il y a lieu de prendre en compte, pour le calcul du crédit impôt recherche, outre les dépenses déjà prises en compte par l’administration, le reste des dépenses engagées pour le projet DeviaLIM en 2008, ainsi que le reste des dépenses engagées pour les projets DeviaLIM et GEOLOG 4 en 2009, soit un montant net de dépenses ouvrant droit au crédit impôt recherche de 303 223,10 euros en 2008 (8 537 euros de dotations aux amortissements + 168 392,06 euros de dépenses de personnel, correspondant à 112 503,73 euros pour DeviaLIM et 55 888,33 euros pour GEOLOG 4 + 126 294,04 euros de dépenses de fonctionnement, correspondant à 75 % des dépenses de personnel) et de 469 393,14 euros en 2009 (11 091 euros de dotations aux amortissements + 261 886,94 euros de dépenses de personnel, correspondant à 130 075,75 euros pour DeviaLIM et 131 811,19 euros pour GEOLOG 4 + 196 415,20 euros de dépenses de fonctionnement, correspondant à 75 % des dépenses de personnel). Le montant du crédit d’impôt s’élève, pour 2008, à 90 967 euros, au lieu de 46 668 euros retenu par l’administration à l’issue de l’admission partielle de la réclamation de la société. Il s’élève, pour 2009, à 140 818 euros au lieu de 55 000 euros.

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l’Etat au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er :Les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles la société LIM SAS a été assujettie au titre de l’année 2008, sont réduites d’une somme de 44 299 euros, ainsi, à due concurrence, que les pénalités correspondantes.

Article 2 :Les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles la société LIM SAS a été assujettie au titre de l’année 2009 sont réduites d’une somme de 85 818 euros, ainsi, à due concurrence, que les pénalités correspondantes.

Article 3 :Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 6 juin 2017 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 :L’Etat versera à la société LIM SAS une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 :Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 :Le présent arrêt sera notifié à la société LIM SAS et au ministre de l’action et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 6 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

Mme B, première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 juin 2019.

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