Cour administrative d'appel de Lyon, 5e chambre, 27 février 2020, n° 18LY01161

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 5e ch., 27 févr. 2020, n° 18LY01161
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 18LY01161
Dispositif : Satisfaction partielle

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 mars 2018, 12 octobre 2018 et 5 juillet 2019, la SAS Crilifi, représentée par Me H, avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 31 janvier 2018 par lequel le maire de la commune de Thiers a délivré à la société Comminvest un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale pour la construction de deux bâtiments commerciaux situés 43 et 45 avenue du Général de Gaulle à Thiers ;

2°) de rejeter la demande présentée au titre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme présentée par la société Comminvest ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Thiers une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— sa requête n’est pas tardive ;

— elle justifie avoir adressé son recours à la Commission nationale d’aménagement commercial dans les délais requis ;

— elle a notifié son recours contentieux au pétitionnaire et à la commune ;

— elle justifie d’un intérêt à agir ;

— il n’est pas démontré que les signataires des autorisations sur papier libre figurant au dossier aient bien qualité pour engager les sociétés qu’ils prétendent représenter ; ainsi la maîtrise foncière n’est pas assurée ;

— le dossier ne comporte aucune information relative à la prise en compte des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, la description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs, en méconnaissance du 6° de l’article R. 752-6 du code de commerce ;

— il n’existe aucune certitude sur la date de réalisation des aménagements routiers projetés, ainsi les dispositions du 4° de l’article R. 752-6 du code de commerce ont été méconnues ;

— la commission a été induite en erreur sur le respect de l’article L. 111-19 du code de l’urbanisme ;

— l’article L. 111-19 du code de l’urbanisme a été méconnu ;

— le projet situé à l’écart des lieux de vie portera atteinte à l’animation de la vie urbaine et l’objectif en matière d’aménagement du territoire ne sera pas respecté ;

— la desserte en transports en commun n’est pas satisfaisante ; la route de desserte du projet est classée à grande circulation ; le projet aura des effets négatifs sur les flux de transport ;

— la sécurité des consommateurs n’est pas assurée.

Par des mémoires enregistrés le 25 juillet 2018 et le 24 janvier 2019, la commune de Thiers, représentée par Me Nowotny, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Crilifi au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le recours exercé par la société Crilifi devant la CNAC est tardif ;

— la requérante ne justifie pas avoir notifié son recours contentieux à la commune et au pétitionnaire ;

— elle ne justifie pas d’un intérêt à agir ;

— les dispositions de l’article R. 752-4 du code de commerce ont été respectées ;

— le dossier du pétitionnaire prend en compte le risque sismique ainsi que le risque lié à la pollution du sol, la démolition de la friche industrielle et le risque d’inondation ;

— la requérante ne démontre pas que la réalisation des aménagements routiers se ferait à une date incertaine ;

— le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 111-19 du code de l’urbanisme n’est pas recevable ;

— le projet vise à contribuer à l’animation des principaux secteurs existants et ne portera pas atteinte à la vie urbaine ;

— l’accès au site pour les piétons est sécurisé et deux arrêts de bus régulièrement desservis sont situés à proximité immédiate du site ;

— l’étude de flux montre que le projet n’aura qu’un impact limité sur la circulation et l’aménagement du tourne-à-gauche doit permettre d’éviter de bloquer la circulation ;

— le moyen tiré de l’atteinte à la protection des consommateurs manque en fait ;

— sa requête ne présente aucun caractère abusif et la société Cominvest ne justifie pas de son préjudice.

Par des mémoires enregistrés le 26 juillet 2018 et les 7 juin et 24 juillet 2019, la société Comminvest, représentée par Me B, conclut au rejet et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS Crilifi en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le recours exercé devant la CNAC était tardif ;

— elle justifie de la maîtrise foncière du projet ;

— le risque sismique est pris en compte dans le dossier ; il en est de même du risque d’inondation ; la requérante ne produit aucun élément permettant d’établir une quelconque pollution du site ;

— le site du projet est desservi par la RD 2089 et par les réseaux de transports publics ; également l’accès pour les cycles et les piétons est possible ; enfin, le conseil départemental du Puy-de-Dôme a formulé son accord pour la réalisation de l’aménagement routier destiné à assurer la sécurité des consommateurs ;

— le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 111-19 du code de l’urbanisme est irrecevable ; en tout état de cause, il manque en fait ;

— le projet s’intègre à la zone urbanisée de Thiers, et il n’est pas établi qu’il aurait un impact négatif sur le centre-ville de Thiers ;

— le projet sera desservi par les transports en commun et sera accessible aux cycles et aux piétons ;

— ce projet n’aura pas d’impact négatif sur les flux de transports motorisés ;

— la protection des consommateurs est assurée au regard de la prise en compte des risques d’inondation et sismique.

Par un mémoire distinct enregistré le 7 juin 2019, la société Comminvest demande à la cour, sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, de condamner la SAS Crilifi à lui verser une somme de 344 220 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le recours abusif qu’elle a initié.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de commerce ;

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A, présidente assesseure ;

— les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

— les observations de Me H, représentant la SAS Crilifi, de Me C G, représentant la commune de Thiers et de Me F, représentant la SARL Comminvest.

Considérant ce qui suit :

1. La société Comminvest a déposé, le 28 avril 2017, une demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, pour la réalisation de deux ensembles commerciaux concernant les enseignes « Weldom » et « Marie Blachère », situés aux 43 et 45 avenue du Général de Gaulle à Thiers. Le projet a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial du Puy-de-Dôme le 23 août 2017. La Commission nationale d’aménagement commercial a également émis un avis favorable au projet le 21 décembre 2017. Le 31 janvier 2018, le maire de Thiers a accordé à la société Comminvest un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale. La société Crilifi demande l’annulation de ce permis de construire du 31 janvier 2018 en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale. La société Comminvest demande à la cour, sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, de condamner la SAS Crilifi à lui verser une somme de 344 220 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le recours abusif qu’elle a initié.

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d’autorisation d’exploitation commerciale est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d’un titre du ou des propriétaires l’habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d’une de ces personnes ; / b) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique () ".

3. Le dossier de demande présenté par la société Comminvest comprend dans son annexe 1, l’autorisation accordée le 7 avril 2017, par la société ITW Rivex, propriétaire du terrain d’assiette du projet, à la société Comminvest de déposer une demande de permis de construire valant autorisation commerciale afin de réaliser les travaux, une attestation du 7 avril 2017 par laquelle M. D, gérant des sociétés Les Promenades et Comminvest autorise la société Comminvest à se substituer à la SARL les Promenades pour le dépôt du dossier de permis de construire. Enfin, cette annexe comprend également une attestation notariale du 7 avril 2017 certifiant qu’un compromis de vente a bien été conclu entre la société ITW Rivex et la société Les Promenades concernant deux bâtiments situés sur les parcelles n°67, 68 et 72 correspondant au terrain d’assiette du projet litigieux. La circonstance que l’autorisation émanant de la société ITW Rivex et qui comporte le tampon de cette société ne mentionne pas l’identité de son signataire n’entache en rien sa validité au regard des dispositions précitées. Par suite, le moyen selon lequel la société pétitionnaire ne justifierait pas d’un titre pour former sa demande d’autorisation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d’un dossier comportant les éléments suivants : / () / 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : / () / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; / () ".

5. La circonstance que le dossier de demande d’autorisation ne comporterait pas l’ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité l’autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Dans sa partie 6 « Effets du projet en matière de protection des consommateurs », le dossier de demande de permis de construire comporte une évaluation des risques naturels, technologiques ou miniers indiquant que le bâti de l’ensemble commercial se situe dans un secteur soumis à un aléa d’inondation faible à moyen, que les caractéristiques du bâtiment prennent en compte les prescriptions du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) et que le risque sismique est faible. Dans sa partie 2 « Informations relatives à la zone de chalandise et à l’environnement proche du projet », le dossier de demande de permis de construire comporte une photographie de la friche industrielle située sur le site du projet et indique que ce bâtiment sera démoli et que le site fera l’objet d’une dépollution. La prise en compte des risques de pollution dans la phase de réalisation du projet est précisée dans la partie 5 « Effets du projet en matière de développement durable » du dossier qui précise que les entreprises devront mettre en place des procédures préventives ainsi qu’une réponse rapide en cas de pollution éventuelle. S’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet se situe en partie sur une zone d’aléa fort de risque d’inondation qui ne figure pas dans le dossier de demande de permis de construire, aucun bâtiment ne sera construit sur cette zone où est prévu un aménagement d’espaces verts. Ainsi, en dépit de cette omission, le dossier de demande de permis de construire ne présente pas d’éléments trompeurs qui auraient été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d’un dossier comportant les éléments suivants : / () / 4° Effets du projet en matière d’aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l’aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / () / g) En cas d’aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d’ouverture de l’équipement commercial ; / () ".

8. L’annexe 7 du dossier de demande de permis de construire comprend un courrier du 10 mars 2016 du conseiller délégué à la voirie de la commune de Thiers informant le pétitionnaire de son accord pour la création d’une file tourne-à-gauche sur la route départementale n°2089 permettant de sécuriser l’accès à l’assiette du projet ainsi que du fait que le financement des travaux effectués par les services du conseil départemental sera à sa charge. Cette annexe comprend également les plans relatifs à l’aménagement de ce tourne-à-gauche ainsi qu’un courrier du 23 mai 2017 du directeur général des routes, de la mobilité et du patrimoine du département du Puy-de-Dôme confirmant l’accord du conseil départemental sur la construction de cet aménagement. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, les informations contenues dans le dossier de permis de construire ont suffisamment éclairé l’appréciation de la CNAC sur la création d’un tourne-à-gauche.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du code de commerce d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l’appui de telles conclusions ».

10. Il résulte des dispositions précitées du premier alinéa de l’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme que, lorsque le juge est saisi par un professionnel dont l’activité est susceptible d’être affectée par un projet d’aménagement commercial d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4 du même code, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire sont irrecevables. Par suite, la société requérante n’est pas recevable à se prévaloir des dispositions de l’article L. 111-19 du code de l’urbanisme pour contester un permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.

11. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 750-1 du code de commerce : « Les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d’une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariés. »

12. Aux termes de l’article L. 752-6 du code de commerce : " I.-L’autorisation d’exploitation commerciale mentionnée à l’article L. 752-1 est compatible avec le document d’orientation et d’objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l’article L. 123-1-4 du code de l’urbanisme. La commission départementale d’aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d’aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l’espace, notamment en termes de stationnement ; c) L’effet sur l’animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L’effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l’emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l’imperméabilisation des sols et de la préservation de l’environnement ; b) L’insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s’appliquent également aux bâtiments existants s’agissant des projets mentionnés au 2° de l’article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L’accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l’offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l’offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d’implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.() ".

13. Il résulte de ces dispositions que l’autorisation d’aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles statuent sur les dossiers de demande d’autorisation, d’apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 7526 du code de commerce.

En ce qui concerne l’aménagement du territoire :

S’agissant de la localisation du projet :

14. Le projet prendra place dans la partie basse de la ville de Thiers à environ 5 km du centre-ville, dans la zone commerciale organisée autour d’un hypermarché Carrefour le long de la RD 2089. Cette implantation correspond aux orientations du SCoT du Livradois-Forez qui prévoit de favoriser la densification par le comblement des dents creuses, la réutilisation des locaux non occupés, la réhabilitation des friches urbaines et l’optimisation du foncier non exploité. Par ailleurs le projet s’implantera en zone Ue du PLU, c’est à dire une zone urbaine à vocation économique, sur un terrain d’assiette correspondant à une friche commerciale en continuité avec le bâti commercial environnant et dans un secteur de la ville de Thiers dédié aux activités économiques, commerciales et d’habitat. Enfin comme le souligne la commune de Thiers l’implantation des enseignes « Weldom » et « Marie Blachère » s’inscrit dans le projet « THIERS 2030 », porté par la commune et la communauté de communes Thiers Dore et Montagne, qui cherche à repenser la périphérie commerciale et à porter l’effort d’attractivité commerciale sur la basse ville. Ainsi, la localisation des deux enseignes commerciales est en cohérence avec les projets de développement urbain de la ville de Thiers.

S’agissant de l’animation urbaine :

15. La société Crilifi soutient que l’implantation d’enseignes commerciales en ville basse se fera au détriment de la vitalité du centre-ville de Thiers en invoquant une convention conclue entre le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) et la commune, ainsi qu’un programme « coeur de ville ». Le programme FISAC dans le cadre duquel la ville a reçu des fonds a permis le maintien, le développement et la modernisation de petites cellules commerciales du centre-ville, telles que les magasins de bouche, coutellerie, artisans du cuir, potier, céramiste, bijoux fantaisie. Par conséquent l’implantation des nouvelles enseignes dans la ville basse ne devrait pas avoir d’impact sur les activités de la ville haute ainsi que son dynamisme. Par ailleurs, si la société Crilifi estime que l’enseigne « Weldom » concurrencera des offres déjà existantes, en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les quatre magasins de bricolage tels que « Gedimat », « Point P » et « Big Mat » qui sont implantés à Thiers proposent la vente de matériaux de construction aux professionnels du bâtiment. Par conséquent l’enseigne « Weldom » doit être regardée comme apportant une offre complémentaire à l’offre déjà existante puisqu’elle propose notamment la vente de matériaux de bricolage léger ainsi que des articles de décoration pour répondre à des besoins courants.

S’agissant de l’accessibilité du projet et des flux de transports :

16. En ce qui concerne les modes alternatifs de desserte des ensembles commerciaux « Weldom » et « Marie Blachère », il ressort du dossier de présentation du projet que sera créé un parc à vélos couvert pour le stationnement de dix vélos. Malgré l’absence d’aménagement effectif d’une piste cyclable, la voierie, suffisamment large, pourra permettre aux cyclistes et aux voitures de cohabiter. De plus, le projet sera également desservi par une ligne de bus du réseau des transports urbains de Thiers reliant les principaux points d’activités des parties haute et basse de Thiers et permettra l’accès au projet par deux arrêts « Geoffroy » à 80 mètres et « CCI » à 100 mètres.

17. En ce qui concerne l’impact du projet sur le flux de transport une étude a été réalisée par la société Emtis, à partir des deux carrefours entourant la zone du projet pendant les heures de pointes le soir en semaine et a également donné lieu à un comptable automatique sur la route RD 2089 pendant une semaine du 21 au 27 novembre 2017. Cette étude n’a relevé aucun dysfonctionnement et a même constaté une certaine fluidité sur la RD 2089 puisque des réserves de capacités sont existantes sur le réseau de voirie et les carrefours ayant un lien direct avec l’implantation du projet commercial. Par ailleurs les livraisons seront réalisées dans les tranches horaires de début de matinée en dehors des heures d’ouverture des magasins, très tôt en matinée ce qui ne devrait pas surcharger le réseau sur les heures de fortes affluences. Ainsi, le projet n’aura qu’un impact limité sur la circulation puisqu’il devra bénéficier du flux de circulation déjà existant dans la zone commerciale, et que les flux supplémentaires générés seront absorbés de sorte à garantir un accès sécurisé.

En ce qui concerne la protection du consommateur :

18. En premier lieu, la requérante rappelle que le projet litigieux prendra place sur un terrain classé en zones rouge et orange en terme de risque d’inondation par le bassin de la Dore. Cependant s’il n’est pas contesté que le terrain du projet est situé sur les trois zones R3 (aléa fort), O2 (aléa moyen) et O1 (aléa faible), il ressort des pièces du dossier qu’aucun sous-sol ne sera construit et que, de plus, la hauteur du rez-de-chaussée sera rehaussée de 100 cm par rapport au terrain naturel. Ainsi, en cas de risque majeur, le projet ne devrait pas être vulnérable en raison de cet aménagement spécifique. De plus sur la zone R3, qui correspond à l’aléa le plus fort, aucun bâtiment ne sera construit et il sera seulement procédé à l’aménagement d’espaces verts. Enfin en zone O2 les constructions nouvelles ne dépasseront pas 20 % de la surface du terrain concerné par le zonage tandis qu’en zone O1 les constructions nouvelles ne dépasseront pas 50 % de la surface du terrain concerné par le zonage.

19. En second lieu, la société Crilifi invoque une importante pollution des sols du terrain d’assiette en se référant à la base de données gouvernementale BASOL qui répertorie les sols pollués. Cependant, ainsi qu’il a été dit précédemment, il ressort du dossier de demande de permis de construire que la société Comminvest évoque bien la prise en compte des risques de pollution lors de la phase de réalisation du projet et mentionne que les entreprises devront mettre en place des procédures préventives et une réponse rapide. Par ailleurs, la société Comminvest produit un rapport de mission de repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante, datant du 9 mars 2018, et assorti d’un devis prévoyant une prestation de démolition totale et de désamiantage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’objectif de protection des consommateurs doit être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la SAS Crilifi n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme :

21. Aux termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire () est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts () ».

22. Il ne résulte pas de l’instruction que le recours contentieux formé par la SAS Crilifi ne viserait qu’à faire obstacle à la mise en oeuvre par la société Comminvest de l’autorisation de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale qu’elle a obtenue, qui permet la création de deux ensembles commerciaux dont l’importance et la nature peuvent modifier les conditions d’exploitation du magasin qu’elle exploite à proximité, à l’enseigne « Bricomarché ». Le caractère mal fondé ou inopérant de certains moyens invoqués dans la requête d’appel de la requérante ne permet pas de regarder le recours formé en l’espèce comme ayant excédé la défense des intérêts légitimes du demandeur au sens des dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme. Dès lors, et en tout état de cause, les conclusions présentées par la société Comminvest tendant à l’application de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Thiers qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Crilifi demande au titre des frais qu’elle a exposés à l’occasion de cette instance.

24. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAS Crilifi la somme de 2 000 euros, à verser à la société Comminvest et celle de 2 000 euros à verser à la commune de Thiers en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er :La requête de la SAS Crilifi est rejetée.

Article 2 :Les conclusions présentées par la société Comminvest au titre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme sont rejetées.

Article 3 :La SAS Crilifi versera une somme de 2 000 euros à la société Comminvest et une somme de 2 000 euros à la commune de Thiers au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 :Le présent arrêt sera notifié à la SAS Crilifi, à la société Comminvest, à la commune de Thiers et au ministre de l’économie et des finances.

Copie en sera adressée au président de la Commission nationale d’aménagement commercial.

Délibéré après l’audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A, présidente assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

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