Cour Administrative d'Appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 9 novembre 2009, 07MA01549, Publié au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 6e ch. - formation à 3, 9 nov. 2009, n° 0701549T, Lebon
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 0701549T
Importance : Publié au recueil Lebon
Sur renvoi de : Conseil d'État, 16 décembre 2008, N° 282178
Identifiant Légifrance : CETATEXT000021345293

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2007, présentée pour COTE D’AZUR HABITAT, dont le siège est 53 Bd René Cassin à Nice Cedex (06282), par le cabinet Jean-Charles Msellati ;

COTE D’AZUR HABITAT demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0305454 du 16 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nice a condamné l’office public HLM de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) à verser à la société Gaglio la somme de 19.388,73 euros, assortie des intérêts à compter du 1er décembre 2003, et a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de ladite société ;

2°) de condamner la SA Gaglio à lui payer la somme de 238.537 euros avec intérêts légaux à compter de l’introduction de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la SA Gaglio la somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— la demande est atteinte par la prescription quadriennale, le point de départ de cette prescription étant la sommation interpellative en date du 10 novembre 1995 par laquelle la société Gaglio a déclaré avoir réalisé la totalité des travaux ; la requête du 13 décembre 1995 n’a pas interrompu le cours de la prescription quadriennale puisque les travaux étaient déjà réalisés ;

— la société ne démontre pas l’utilité des dépenses qu’elle a engagées pour lui ;

 – la société a commis une faute en laissant signer l’acte d’engagement dont elle ne pouvait ignorer l’existence puisqu’elle avait présenté son offre et démontrait sa volonté de réaliser les travaux de ce marché ;

 – la faute commise par la société Gaglio lui a occasionné des préjudices consistant dans l’installation d’une grue à concurrence de 5.239,83 euros, l’indemnisation de l’entreprise Casero, qui a été retardée, à hauteur de 36.039,86 euros, le surcoût des travaux de VRD à concurrence de 58.052,59 euros, une perte de loyers à hauteur de 110.677,99 euros ; après déduction des travaux exécutés par la société Gaglio pour la somme de 12.218,52 euros, sa demande reconventionnelle s’élève à 238.537 euros TTC ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l’ordonnance en date du 4 mai 2009 fixant la clôture d’instruction au 4 juin 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 août 2009, présenté pour la SA Gaglio, représentée par Me Arnaud, liquidateur de la société, par Maître Deplano ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de COTE D’AZUR HABITAT la somme de 1.500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

 – l’exception de prescription n’est pas soulevée par l’ordonnateur qui n’est pas signataire de la requête d’appel ; la demande n’est pas atteinte par la prescription quadriennale, dont le fait générateur est le jugement du 30 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Nice a déclaré nul le marché du 22 juin 1995 ; l’anéantissement des droits contractuels à indemnisation et l’ouverture de l’action de in rem verso découle de la déclaration de nullité du marché ;

 – l’entrepreneur dont le marché est entaché de nullité est fondé, sur la base de l’enrichissement sans cause, à demander le remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité et la réparation des dommages imputables à la faute de l’administration ; les travaux de terrassement et de décapage ont été effectués en exécution du marché déclaré nul, au cours desquels 5.476 m3 de terre ont été retirés ; la société Gaglio a interrompu le chantier car elle a réalisé qu’elle avait été trompée lors de l’appel d’offres sur le volume de terrassements nécessaires ; ces travaux ont été utiles et effectués avec l’approbation du maître de l’ouvrage ; sa faute est donc patente ;

 – COTE D’AZUR HABITAT ne critique pas le rejet par les premiers juges de sa demande reconventionnelle ; en tout état de cause, cette demande ne peut qu’être rejetée puisque le marché étant entaché de nullité, les sommes dont elle demande le remboursement sont privées de fondement ;

Vu l’ordonnance en date du 10 septembre 2009 réouvrant l’instruction, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions ;

Vu l’arrêté du vice-président du Conseil d’Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l’article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l’arrêt n° 282178 du 17 décembre 2008, par lequel le Conseil d’État a rejeté le pourvoi formé par l’OPAM tendant à l’annulation de l’arrêt du 10 janvier 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel tendant à l’annulation du jugement du 30 juin 2000 du tribunal administratif de Nice déclarant entaché de nullité le marché qu’il a passé le 22 juin 1995 avec la société Gaglio pour le lot terrassement -VRD d’une opération de réalisation d’un complexe immobilier situé avenue des Plantiez à Saint-Laurent-du-Var et rejetant ses conclusions reconventionnelles ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 octobre 2009 :

— le rapport de Mme E. Felmy, rapporteur,

 – les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

 – et les observations de Me Barbaro pour Côte d’Azur Habitat,

Considérant que l’Office public HLM de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) a conclu, le 22 juin 1995, un marché à prix forfaitaire portant sur des travaux de terrassements généraux et les voiries et réseaux divers d’un ensemble immobilier de 22 maisons individuelles à Saint Laurent du Var avec la société Gaglio ; que ce marché a été déclaré nul au motif de l’absence de qualité du cosignataire pour engager cette société ; que la société Gaglio a ensuite demandé la condamnation de l’OPAM à l’indemniser des dépenses utiles qu’elle a exposées, soit 25.851,64 euros ; que COTE D’AZUR HABITAT, venant aux droits de l’OPAM, interjette appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nice a fait partiellement droit à la demande de la société et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 238.537 euros ;

Sur la prescription de l’action de la société Gaglio:

Considérant que la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose en article 1er : Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public.  ; qu’aux termes de son article 2 : La prescription est interrompue par (…). Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée  ;

Considérant que le fait générateur de la créance litigieuse consiste en la réalisation des travaux en exécution du marché en date du 22 juin 1995 ; qu’il résulte de l’instruction que ces travaux ont été achevés au cours de l’année 1995 ; que le point de départ de la prescription de la créance était donc fixé au 1er janvier 1996 ; que par une demande enregistrée le 13 décembre 1995 au Tribunal administratif de Nice, la société Gaglio a demandé de faire constater la nullité du marché en exécution duquel les travaux dont elle demande l’indemnisation ont été réalisés ; que ce recours juridictionnel, relatif au fait générateur de la créance, a interrompu la prescription ; que le nouveau délai de prescription qui a couru à la suite du jugement du 30 juin 2000, par lequel le Tribunal administratif a fait droit à la demande de la société, a de nouveau été interrompu par la demande présentée devant ce même Tribunal le 1er décembre 2003, par laquelle la société Gaglio a demandé l’indemnisation des dépenses utiles qu’elle a exposées ; qu’ainsi, l’exception de prescription quadriennale opposée par COTE D’AZUR HABITAT doit être écartée ;

Sur le préjudice de la société Gaglio:

Considérant que l’entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sur un terrain quasi-délictuel, et sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée ;

Considérant qu’aux termes des dispositions alors en vigueur de l’article 46 du code des marchés publics, rendues applicables aux établissements publics au nombre desquels figure la requérante en application de l’article 256 de ce code : Les offres doivent être signées par les entrepreneurs ou fournisseurs qui les présentent ou par leurs représentants dûment habilités, sans qu’un même représentant puisse représenter plus d’un candidat pour un même marché  ; qu’ainsi qu’il résulte de l’arrêt susvisé du Conseil d’Etat, le marché en cause est entaché de nullité au motif de la méconnaissance de ces dernières dispositions dès lors qu’il appartient à la personne publique de vérifier que le représentant d’une société est dûment habilité, par les statuts ou par un mandat, pour signer en son nom un marché et que la circonstance que le cosignataire aurait pu apparaître comme ayant qualité pour engager la société Gaglio était sans incidence sur la nullité du marché ; qu’en ne vérifiant pas, comme il lui appartenait de le faire, si le cosignataire du marché, M. Dupont, représentant de la société, était dûment habilité par les statuts ou par un mandat, à signer l’acte d’engagement au nom de celle-ci, l’OPAM a commis une faute ; que si la société Gaglio a également commis une faute en laissant signer cet acte, dont elle ne pouvait ignorer l’existence puisqu’elle a réalisé une partie des travaux correspondant, par un de ses agents qui ne disposait pas du pouvoir de le faire, cette faute n’a pas été de nature à vicier le consentement de l’OPAM et ne fait par suite pas obstacle à ce que la société Gaglio soit indemnisée de celles de ses dépenses qui ont été utiles à l’OPAM ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les travaux effectués par la société Gaglio, décrits dans l’état de situation qu’elle a produit devant les premiers juges, ont été utiles à COTE D’AZUR HABITAT, qui ne conteste pas plus en appel qu’en première instance l’utilité ni le montant de ces dépenses ; que la société n’a pas réclamé d’indemnisation concernant un bénéfice escompté ; que, par suite, COTE D’AZUR HABITAT n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l’a condamnée à rembourser à la société Gaglio la somme de 19.388,73 euros, assortie des intérêts à compter du 1er décembre 2003 ;

Sur le préjudice de COTE D’AZUR HABITAT :

Considérant que si une personne publique peut prétendre, dans l’hypothèse de la nullité du contrat, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui l’ont indûment appauvrie et qui ont été source d’un enrichissement sans cause pour la société avec laquelle elle avait contracté, sans que les fautes éventuellement commises par cette personne publique antérieurement à la signature du contrat aient une incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de la société contractante, c’est à la condition de démontrer que les versements dont elle demande le remboursement ont indûment enrichi ladite société ; qu’une telle démonstration ne résulte pas, en l’espèce, de la seule mise en évidence de dépenses exposées par l’OPAM ;

Considérant, en outre, que les parties à un contrat frappé de nullité peuvent également invoquer, dans les mêmes conditions, des moyens relatifs à leur responsabilité quasi-délictuelle, de sorte qu’un maître d’ouvrage est recevable, après constatation par le juge de la nullité du marché le liant à un constructeur, à demander, sur ce fondement, la réparation des préjudices qui ont pu lui être causés dans l’exécution des prestations et travaux concernés et invoquer les fautes qu’aurait commises ce constructeur ; que, toutefois, aucun lien de causalité ne peut être établi entre les préjudices dont COTE D’AZUR HABITAT demande l’indemnisation consistant dans l’installation d’une grue, l’indemnisation de l’entreprise Casero, et le surcoût des travaux de VRD, et le manque à gagner subi du fait de la perte de loyers, et la faute que la société Gaglio a commise en concluant le marché en cause ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que COTE D’AZUR HABITAT n’est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande reconventionnelle ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Gaglio, qui n’est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que COTE D’AZUR HABITAT demande sur ce fondement ; qu’il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier la somme que demande Me Arnaud, liquidateur de la SA Gaglio, en application de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :


Article 1er : La requête de COTE D’AZUR HABITAT est rejetée.


Article 2 : COTE D’AZUR HABITAT versera à Me Arnaud, liquidateur de la SA GAGLIO la somme de 1.500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COTE D’AZUR HABITAT, à Me Michel Arnaud, liquidateur de la SA GAGLIO, et au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l’audience du 5 octobre 2009, où siégeaient :

— M. Guerrive, président,

 – Mme Favier, présidente assesseur,

 – Mme E. Felmy, conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2009.

Le rapporteur,

E. FELMYLe président,

J.-L. GUERRIVE

Le greffier,

J.-P. LEFEVRE

La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 07MA01549

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