CAA de MARSEILLE, 7ème chambre - formation à 3, 10 mai 2016, 14MA04491, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch. - formation à 3, 10 mai 2016, n° 14MA04491
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 14MA04491
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 17 septembre 2014, N° 1202413
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032529462

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes-du-Rhône ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler l’arrêté du 5 septembre 2011 par lequel le préfet de Vaucluse a autorisé la société Lafarge Granulats Sud à poursuivre et à étendre l’exploitation d’une carrière de calcaire aux lieux-dits « Le Lampourdier, Les sept Combes, Maubuisson est, Maubuisson ouest et Aurias est », sur le territoire de la commune d’Orange.

Par un jugement n° 1202413 du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 novembre 2014, le 30 octobre 2015, le 8 janvier 2016, le 16 février 2016 et le 5 avril 2016, l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes-du-Rhône, représentés par Me C…, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 septembre 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté préfectoral du 5 septembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat les entiers dépens de l’instance ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 – ils justifient d’un intérêt pour agir ;

 – les écritures de la société Lafarge Granulats Sud, qui a été radiée du registre du commerce, sont irrecevables ;

 – le jugement est entaché d’une omission à statuer ;

 – en l’absence des documents exigés par les articles R. 512-3 et R. 516-2 du code de l’environnement au dossier de demande d’autorisation, le public n’a pas été informé sur les capacités financières de l’exploitant ainsi que sur ses garanties financières ;

 – la composition du dossier d’enquête publique est irrégulière en l’absence de l’avis de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), imposée par l’article L. 643-5 du code rural et de la pêche maritime et les articles L. 512-6, L. 515-1 et R. 123-6 du code de l’environnement, cette absence ayant été susceptible d’exercer une influence sur la décision du commissaire enquêteur ;

 – les dispositions de l’article R. 512-4 du code de l’environnement relatives à l’arrêté de défrichement ont été méconnues ;

 – l’étude d’impact est insuffisante au regard de l’effet des poussières sur les vignes, de la minimisation de la représentation économique et sociale du secteur viticole, de l’impact paysager et de l’impact du trafic routier sur la circulation et les nuisances sonores ;

 – l’irrégularité de l’étude d’impact entraîne celle de l’enquête publique ;

 – les dispositions des articles L. 512-2 et R. 512-28 du code de l’environnement ont été méconnues en l’absence de prescriptions particulières portant sur le trafic routier, sur les périodes d’exploitation de la carrière au regard du cycle naturel de la vigne et sur les mesures compensatoires relatives à l’atteinte à l’image de la viticulture.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2015, le 19 janvier 2016, le 23 février 2016 et le 31 mars 2016, la société Lafarge Granulats Sud, aux droits de laquelle est ensuite venue la société Lafarge Granulats France, représentées par la SCP B…- de la Nouvelle-Hannotin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – ses écritures en défense sont recevables ;

 – le moyen tiré de l’absence de l’avis de l’INAO au dossier soumis à enquête publique est inopérant en raison de l’inopposabilité de l’article R. 123-6 du code de l’environnement ;

 – les autres moyens soulevés par l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre ne sont pas fondés ;

 – à titre subsidiaire, si la Cour estimait que les prescriptions dont est assortie l’autorisation d’exploiter sont insuffisantes, cette circonstance ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêté en litige mais seulement à l’édiction des prescriptions complémentaires nécessaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2015, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

 – les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

 – les observations de Me C…, représentant l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre et de Me B…, représentant la société Lafarge Granulats France.

1. Considérant que, par jugement du 18 septembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre tendant à l’annulation de l’arrêté du 5 septembre 2011 par lequel le préfet de Vaucluse a autorisé la société Lafarge Granulats Sud à poursuivre et à étendre l’exploitation d’une carrière de calcaire aux lieux-dits « Le Lampourdier, Les sept Combes, Maubuisson est, Maubuisson ouest et Aurias est », sur le territoire de la commune d’Orange, en portant la capacité annuelle d’extraction de 500 000 à 800 000 tonnes sur une superficie totale de 319 888 m², pour une durée de vingt-cinq années ; que l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre relèvent appel de ce jugement ;


Sur la recevabilité des écritures de la société Lafarge Granulats Sud :

2. Considérant que, par mémoire enregistré le 19 janvier 2016, la société Lafarge Granulats France a justifié qu’elle venait aux droits de la société Lafarge Granulats Sud, laquelle a été radiée du registre du commerce ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par les appelants, tirée de l’irrecevabilité des écritures de la société Lafarge Granulats Sud, ne peut être accueillie ;


Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés, a suffisamment motivé le jugement et ne l’a en tout état de cause pas entaché d’une omission à statuer en écartant le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact, alors même qu’il n’a pas fait état d’une étude critique de l’analyse des effets des poussières sur les vignes produite par l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre ; que, dès lors, le moyen tiré de l’irrégularité du jugement doit être écarté ;


Sur la légalité de l’arrêté préfectoral :

En ce qui concerne la composition du dossier d’enquête publique :

4. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article R. 512-3 du code de l’environnement, la demande d’autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement doit comprendre « 5° les capacités (…) financières de l’exploitant » ;

5. Considérant que la demande d’autorisation présentée par la société Lafarge Granulats Sud, versée au dossier soumis à l’enquête publique, comporte en annexe des indications suffisantes relatives aux capacités financières de la société dès lors qu’elle mentionne que son capital social s’élève à 23 555 848 euros et son chiffre d’affaires pour l’exercice 2007 à 165 millions d’euros, qu’elle est une filiale de la société Lafarge Granulat elle-même filiale à 100 % du groupe Lafarge dont le chiffre d’affaire net pour l’année 2008 est de 19 milliards d’euros ; qu’elle précise enfin les modalités de consolidation des comptes de la société au sein du groupe ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose, à ce stade de la procédure, la production de pièces comptables ou d’une caution bancaire ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 512-5 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté préfectoral : « Lorsque la demande d’autorisation porte sur une installation mentionnée à l’article R. 516-1 ou R. 553-1, elle précise, en outre, les modalités des garanties financières exigées à l’article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution » ; que l’article R. 516-1 de ce code dispose : « Les installations dont la mise en activité est subordonnée à l’existence de garanties financières et dont le changement d’exploitant est soumis à autorisation préfectorale sont : (…) / 2° Les carrières (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 516-2 du même code : « I.- Les garanties financières exigées à l’article L. 516-1 résultent de l’engagement écrit d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’assurance, ou également, en ce qui concerne les installations de stockage de déchets, d’un fonds de garantie géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. / II.- L’arrêté d’autorisation fixe le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d’actualisation de ce montant. / III.- Dès la mise en activité de l’installation, l’exploitant transmet au préfet un document attestant la constitution des garanties financières. Ce document est établi selon un modèle défini par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des installations classées (…) » ;

7. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les garanties financières, dont le montant est fixé par l’arrêté d’autorisation et qui sont constituées par l’exploitant après la mise en activité de l’installation, ne peuvent être mentionnées dans la demande d’autorisation ; que cette dernière doit seulement préciser les modalités des garanties financières, lesquelles figurent en l’espèce au point 7 du dossier de la demande d’autorisation, énoncées à partir du montant des travaux de remise en état, tels qu’estimés par l’étude d’impact, pour chaque phase d’exploitation quinquennale ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence des garanties financières dans le dossier soumis à l’enquête publique doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 512-6 du code de l’environnement : « Dans les communes comportant une aire de production de vins d’appellation d’origine, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation consulte l’Institut national de l’origine et de la qualité. (…) / L’Institut national de l’origine et de la qualité dispose d’un délai de trois mois pour donner son avis. Ce délai court à partir de la date à laquelle il a été saisi par l’autorité compétente. Cet avis est réputé favorable au-delà de ce délai » ; que l’article L. 515-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté contesté, dispose : « (…) Toute autorisation ou enregistrement d’exploitation de carrières est soumise, dans les vignobles classés appellation d’origine contrôlée, vin délimité de qualité supérieure, et dans les aires de production de vins de pays, à l’avis de l’Institut national de l’origine et de la qualité (…) » ; qu’enfin en vertu de l’article R. 123-6 de ce code, le dossier soumis à l’enquête publique comprend notamment « 8° Lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire, les avis émis par une autorité administrative sur le projet d’opération » ; qu’il résulte de ces dispositions combinées, qui sont applicables en l’espèce contrairement à ce qui est soutenu en défense par l’exploitant, que lorsque l’avis de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) est requis, il doit être versé au dossier soumis à l’enquête publique, qu’il soit intervenu antérieurement ou au cours de celle-ci ;

9. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette enquête que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur cette décision ;

10. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté en défense, que l’avis de l’INAO devait être recueilli en l’espèce ; que le préfet de Vaucluse a sollicité l’avis de cet organisme par lettre du 3 décembre 2010 ; que le directeur de l’INAO a émis un avis sur le projet le 26 janvier 2011, reçu le 27, alors que l’enquête publique s’est déroulée du 17 janvier au 17 février 2011, soit à une date à laquelle il pouvait matériellement être joint au dossier soumis à enquête publique mais ne l’a néanmoins pas été ; que cet avis, qui n’est explicitement ni favorable, ni défavorable, critique l’étude d’impact en tant qu’elle traite des conséquences pour la vigne des émissions de poussières résultant de l’exploitation de la carrière, en citant notamment une étude du professeur Rasugles, et souligne l’impact paysager de celle-ci ; qu’il émet ensuite des réserves tenant au respect des conditions techniques visant à limiter et réduire les poussières, au respect des propositions techniques en vue de limiter l’impact visuel et à la programmation de l’arrêt de l’exploitation ; qu’il ressort notamment du rapport du commissaire enquêteur que ces éléments figuraient déjà au dossier de l’enquête publique et que tant l’impact paysager que l’impact des poussières ont fait l’objet de plusieurs observations détaillées, qui critiquent en particulier de façon circonstanciée l’étude figurant au dossier pour ce qui concerne les incidences des poussières sur le vignoble, en invoquant l’étude du professeur Rasugles, laquelle est annexée au rapport du commissaire enquêteur ; que, dans les circonstances de l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’absence de l’avis de l’INAO ait nui à l’information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur l’arrêté préfectoral en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l’absence de production au dossier d’enquête publique de l’avis de l’INAO en méconnaissance des dispositions citées au point 8, ne peut être accueilli ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu’aux termes de l’article R. 512-4 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté contesté : « La demande d’autorisation est complétée dans les conditions suivantes : (…) / 2° Lorsque l’implantation d’une installation nécessite l’obtention d’une autorisation de défrichement, la demande d’autorisation doit être accompagnée ou complétée dans les dix jours suivant sa présentation par la justification du dépôt de la demande d’autorisation de défrichement. L’octroi de l’autorisation de défrichement ne vaut pas autorisation au sens de l’article L. 512-1 (…) » ;

12. Considérant que le pétitionnaire a joint à la demande d’autorisation le récépissé de dépôt d’une demande d’autorisation de défrichement en date du 30 juillet 2010 mentionnant que la demande « concerne un terrain situé sur la commune d’Orange » ; qu’ainsi, il a satisfait à l’obligation résultant des dispositions de l’article R. 512-4 du code de l’environnement ;

13. Considérant qu’il suit de ce qui a été dit aux points 4 à 12 que l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre n’établissent pas que le dossier soumis à l’enquête publique aurait été irrégulièrement composé et que, pour ce motif, l’information du public aurait été insuffisante ;

En ce qui concerne l’étude d’impact :

14. Considérant qu’aux termes de l’article R. 512-8 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté en litige : « I.- Le contenu de l’étude d’impact mentionnée à l’article R. 512-6 doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II.- Elle présente successivement : (…) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l’installation sur l’environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’agriculture, l’hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l’origine, la nature et la gravité des pollutions de l’air, de l’eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu’ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d’approvisionnement en eau et d’utilisation de l’eau (…) » ;

15. Considérant que l’étude d’impact consacre plusieurs développements aux effets de l’exploitation de la carrière sur les vignes, en particulier du fait de l’émission de poussières ; que lui est annexé un rapport de synthèse relatif à « l’influence des retombées de poussières calcaires sur le fonctionnement de la vigne », rédigé à la suite d’une étude expérimentale d’un laboratoire de l’université de la vigne et du vin de Suze-la-Rousse, qui avait été prescrite par la précédente autorisation d’exploitation du 3 juin 2002 ; que cette étude conclut à l’absence d’impact significatif sur la viticulture des poussières issues de la carrière, en particulier sur la photosynthèse ; que l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre ne peuvent donc sérieusement se prévaloir de ce qu’aucune étude de phytotoxicité ne figure à l’appui de la demande d’autorisation ; que le « rapport d’expertise » de M. A… en date du 19 avril 2013, établi à la seule demande des requérants, qui conclut « au caractère orienté de l’interprétation des résultats obtenus au travers de l’expérimentation mise en place et à l’insuffisance de rigueur technique et scientifique de l’ensemble de l’étude » du laboratoire de l’université de la vigne et du vin, se borne à critiquer la méthodologie scientifique adoptée sans apporter aucun élément de nature à mettre en évidence un effet négatif des poussières sur les vignobles autour de la carrière, et, par suite, à contredire l’étude d’impact ;

16. Considérant que l’impact sur l’économie, et notamment le tourisme, ne figure pas au nombre des incidences qui doivent être analysées par l’étude d’impact en vertu des dispositions du I et du 2° II de l’article R. 512-8 du code de l’environnement ; que les appelants ne peuvent donc utilement soutenir que l’étude aurait minimisé la représentation économique et sociale du secteur viticole ou « passé sous silence la réputation de l’AOP Châteauneuf-du-Pape », ce qui est au demeurant inexact ;

17. Considérant que l’étude d’impact comporte en annexe une étude paysagère globale, portant sur la carrière en cause ainsi que sur une carrière immédiatement voisine relevant d’un autre exploitant, ainsi qu’une étude complémentaire réalisées par le bureau d’études Encem en octobre 2006 et en avril 2009 ; qu’il résulte de ces études que, compte tenu en particulier des réaménagements envisagés, consistant notamment en des talutages et une végétalisation, l’impact paysager de l’autorisation en litige devrait être mineur ; que l’étude commandée par l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre au bureau d’étude Atelier Territoires et Paysages, rédigée en 2013, qui porte au demeurant sur l’impact de l’exploitation des trois carrières implantées dans le secteur géographique concerné, et pas seulement sur le plan paysager mais aussi sur le plan touristique, n’est pas de nature, à elle-seule, à établir que l’étude d’impact serait, dans son volet paysager, entachée d’inexactitudes ou serait insuffisante ; que les appelants n’apportent aucune précision à l’appui de leur allégation selon laquelle l’étude d’impact ne suivrait pas les indications du schéma départemental des carrières relatives à l’impact paysager ;

18. Considérant que l’étude d’impact mentionne notamment le nombre attendu de rotation de camions et précise que le trafic routier sera identique à celui alors généré par l’exploitation de la carrière, l’augmentation de la capacité de production autorisée par l’arrêté préfectoral étant absorbée par le trafic fluvial ; que l’impact de la carrière est évalué à 2,2 % du trafic routier total, l’estimation de ce dernier résultant d’enquêtes de circulation contrairement à ce qui est soutenu ; qu’eu égard à cette faible incidence, et alors qu’aucune habitation n’est implantée à proximité de l’accès du site de la carrière, l’étude d’impact n’était pas tenue d’analyser les nuisances sonores liées au trafic de poids lourds ; que la circonstance que l’étude d’impact présente le trafic de poids lourds de la carrière par rapport au trafic global et non par rapport au seul trafic de poids lourds, qui ne repose sur aucune obligation légale ou réglementaire, n’est pas de nature à entacher l’étude d’impact d’insuffisance, notamment au regard des autres éléments analysés sur ce point ; que le courrier du 15 juin 2011 répondant à une demande du préfet sur la justification des tonnages devant transiter par la route ne démontre pas, par lui-même, l’existence de lacunes de l’étude d’impact ;

19. Considérant qu’il suit de là que le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact et celui, soulevé par voie de conséquence, tenant à l’irrégularité de l’enquête publique, ne peuvent être accueillis ;

En ce qui concerne les prescriptions de l’arrêté préfectoral :

20. Considérant qu’aux termes de l’article L. 512-1 du code de l’environnement : « Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l’article L. 511-1. / L’autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l’arrêté préfectoral (…) » ; que l’article R. 512-28 du même code dispose : « L’arrêté d’autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1 (…) » ;

21. Considérant que, comme il a été dit au point 18, l’impact du trafic routier induit par l’exploitation de la carrière sur le trafic global est faible ; que l’article 15 de l’arrêté du 5 septembre 2011 impose à l’exploitant d’effectuer le transport des matériaux par camion à hauteur maximale de 250 000 tonnes par an, soit le même volume qu’antérieurement, et par voie fluviale, en utilisant le terminal installé sur le Rhône, pour un volume maximal de 550 000 tonnes par an ; que les appelants ne démontrent pas que le tonnage transporté par voie fluviale aurait pu être augmenté ou que l’agglomération de Châteauneuf-du-Pape pourrait être contournée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l’absence de prescriptions sur le trafic routier doit être écarté ;

22. Considérant que l’article 11 de l’arrêté préfectoral, relatif à la pollution de l’air, prévoit que l’exploitant doit prendre toutes dispositions utiles pour éviter l’émission et la propagation des poussières, en particulier par la mise en oeuvre de systèmes d’arrosage adaptés ; qu’il fixe la nature et la périodicité des contrôles d’empoussiérage ; qu’il impose la mise en place d’un réseau approprié de mesures de retombées de poussières dans l’environnement ; qu’il prescrit à l’exploitant de s’associer à la poursuite de l’étude sur l’influence des retombées de poussières calcaires sur le fonctionnement de la vigne initiée en 2001 avec l’université de la vigne et du vin de Suze-la-Rousse, et aujourd’hui confiée à la « Sadef » ; que l’article 15 précise que les camions transportant des éléments fins sont obligatoirement bâchés avant la sortie de la carrière ; qu’ainsi qu’il a été dit à propos de l’étude d’impact, le caractère significatif des incidences de la poussière sur la viticulture n’est pas démontré ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence de prescriptions sur les périodes d’exploitation de la carrière au regard du cycle naturel de la vigne, qui seraient rendues nécessaires par l’émission de poussières, ne peut être accueilli ;

23. Considérant que le moyen tiré de l’absence de mesures compensatoires relatives à l’atteinte à l’image de la viticulture, laquelle ne saurait au demeurant être établie par les seuls avis défavorables de la communauté de communes des pays Rhône et Ouvèze et de la commune de Châteauneuf-du-Pape et alors que, comme il a été dit au point 16, l’impact paysager est mineur, est dépourvu des précisions permettant à la Cour d’en apprécier le bien-fondé ;

24. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande ;

25. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions de l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre, qui ont la qualité de parties perdantes dans la présente instance, formulées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre le versement à la société Lafarge Granulats France de la somme de 2 000 euros au même titre ;


D É C I D E :


Article 1er : La requête l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre est rejetée.


Article 2 : L’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et autre verseront à la société Lafarge Granulats France la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape, au Syndicat général des vignerons réunis des Côtes-du-Rhône, à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, et à la société Lafarge Granulats France.

Délibéré après l’audience du 19 avril 2016, à laquelle siégeaient :

— M. Lascar, président de chambre,

 – M. Guidal, président assesseur,

 – M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016.

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N° 14MA04491 7

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