CAA de MARSEILLE, 5ème chambre - formation à 3, 6 juin 2017, 16MA01062, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 5e ch. - formation à 3, 6 juin 2017, n° 16MA01062
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 16MA01062
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulon, 3 mars 2016, N° 1501272
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034893081

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Var a demandé, par un déféré enregistré le 20 avril 2015, au tribunal administratif de Toulon d’annuler la délibération n° 30 du 19 février 2015 par laquelle le conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens a accordé la protection fonctionnelle à M. C…, maire de la commune, dans le cadre de l’appel introduit contre le jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 17 novembre 2014 le condamnant pour provocation à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion par parole à l’occasion d’une réunion publique le 12 novembre 2013.

Par un jugement n° 1501272 du 4 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération n° 30 du 19 février 2015 du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016, la commune de Roquebrune-sur-Argens, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 mars 2016 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet du Var à l’encontre de la délibération n° 30 du 19 février 2015 du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

 – lorsque le juge administratif se prononce sur une demande de protection fonctionnelle, il doit se placer à la date de la décision en cause ;

 – la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal ne s’impose ni à l’administration, ni au juge administratif ;

 – les propos qu’il a tenus avaient la nature de plaisanteries, dans un contexte bien spécifique ;

 – les faits reprochés à M. A… C… ne constituent pas une incitation à la haine raciale ou ethnique à l’égard des « Roms » au sens de l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2017, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune appelante ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par la commune de Roquebrune-sur-Argens a été enregistré le 15 mai 2017 à 12h05, postérieurement à la clôture d’instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code pénal ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. D… Marcovici en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Pecchioli,

 – et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que la commune de Roquebrune-sur-Argens relève appel du jugement du 4 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération n° 30 du 19 février 2015 du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens par laquelle le conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens a reconnu au maire de cette commune le droit à la protection fonctionnelle prévue à l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés. » ; qu’il résulte de l’examen du jugement attaqué que le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a identifié tous les moyens opérants soulevés par la commune de Roquebrune-sur-Argens dans ses écritures et y a suffisamment répondu ; que, par suite, le tribunal n’a pas entaché le jugement en cause d’une irrégularité au regard des exigences posées par les dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : « (…) La commune est tenue d’accorder sa protection au maire (…) lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions. (…) » ; que, pour l’application de cette disposition, présentent le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité ; qu’en revanche ni la qualification retenue par le juge pénal, ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande ;

4. Considérant que suivant la délibération n° 30 du 19 février 2015, le conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens a reconnu à son maire, le droit à la protection fonctionnelle prévue à l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales au titre de l’appel formé par celui-ci contre le jugement du tribunal correctionnel de Draguignan du 17 novembre 2014 le condamnant pour avoir tenu, lors d’une réunion publique ayant eu lieu le 12 novembre 2013, des propos constitutifs de provocation à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion par parole ; qu’il ressort des pièces du dossier et notamment des constatations de fait effectuées par le jugement du tribunal correctionnel, lequel a été confirmé par un arrêt rendu le 26 mai 2015 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, revêtu de l’autorité de la chose jugée, puis par un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er février 2017, que lors d’une réunion publique de quartier organisée à Roquebrune-sur-Argens le 12 novembre 2013, le maire, après avoir critiqué avec véhémence la présence sur le territoire communal d’un campement de personnes d’origine Rom, a fait la déclaration suivante : " Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m’ont mis neuf fois le feu. Neuf fois des départs de feux éteints par le SDIS dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes. Vous savez ce qu’ils font : ils piquent des câbles électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes. Un gag ! Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours ! Mais je ne l’ai pas dit, je ne l’ai pas dit. Non mais parce que les Roms, c’est un cauchemar, c’est un cauchemar » ; qu’en application des dispositions susvisées, de tel propos suggérant sur le ton assumé de la plaisanterie, lequel ne saurait en atténuer le caractère inacceptable, qu’il aurait fallu attendre avant d’appeler les secours s’avèrent d’une particulière gravité, de par leur caractère intentionnel et outrancier et de la circonstance qu’ils risquaient de susciter, chez certains de ses administrés, des réactions de rejet, voire de haine et de violence ; qu’ils procèdent ainsi d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques et présentent, par suite, le caractère de faute personnelle détachable des fonctions de maire ; que, dès lors, comme l’ont jugé à bon droit les premiers juges, sans s’estimer liés par la qualification juridique des faits du juge correctionnel et en se plaçant à la date où la décision en litige a été prise, de tels agissements ne peuvent permettre l’octroi de la protection fonctionnelle ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Roquebrune-sur-Argens n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la délibération en litige ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

7. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la commune de Roquebrune-sur-Argens au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu’être rejetées ;


D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Roquebrune-sur-Argens est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roquebrune-sur-Argens et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Var.

Délibéré après l’audience du 22 mai 2017, où siégeaient :

— M. Marcovici, président de la formation de jugement,

 – Mme Hameline, premier conseiller,

 – M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2017.

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N° 16MA01062

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