CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 6 juin 2017, 15MA03261, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 9e ch. - formation à 3, 6 juin 2017, n° 15MA03261
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 15MA03261
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 4 juin 2015, N° 1302917
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034900281

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre intercommunal d’action sociale de Quillan à lui verser la somme de 43 069,18 euros, de lui enjoindre de régulariser sa situation à l’égard des organismes sociaux et de mettre son contrat de travail en date du 1er janvier 2012 en conformité avec la réglementation en vigueur, sous astreinte de 100 euros par mois de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1302917 du 5 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2015, M. A…, représenté par Me C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 5 juin 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner le centre intercommunal d’action sociale (CIAS) de Quillan à lui verser une indemnité de 43 069,18 euros en réparation du préjudice subi du fait de la décision illégale par laquelle ledit CIAS a limité à 0,10 « équivalent-temps-plein » (ETP) son temps de travail au sein de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « La Coustète » ;

3°) de mettre à la charge du CIAS de Quillan le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L-761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et ont statué « ultra petita » ;

 – les revenus éventuellement perçus grâce à l’exercice de son activité libérale ne peuvent faire obstacle à la réalité d’un préjudice résultant de l’application erronée des dispositions de l’article D. 312-156 du code de l’action sociale et des familles, le cumul d’une activité libérale et salarié de médecin étant possible ;

 – sa situation caractérise une rupture d’égalité devant les charges publiques engageant la responsabilité sans faute de l’administration ;

 – la décision fautive de l’administration de limiter son temps de travail à 0,10 ETP lui a causé un préjudice que le CIAS doit réparer ;

 – pour exercer ses fonctions de médecin coordonnateur, il a travaillé chaque semaine au-delà de 0,10 ETP et les heures effectuées non rémunérées constituent un préjudice que le CIAS doit indemniser ;

 – la faute commise par le centre l’a privé d’une chance de se former à une autre spécialité que celle de la gériatrie/ gérontologie ;

 – la faute commise par le centre l’a privé d’une chance de bénéficier d’avantages et de primes propres à l’exercice des fonctions de médecin territorial hors cadre ;

 – le fait générateur du préjudice qu’il a subi ne se limite pas au service incomplet qu’il a accompli au sein de l’EHPAD « La Coustète » mais inclut l’absence de relations contractuelles à défaut pour le CIAS de lui avoir proposé un contrat respectant les dispositions du décret du 11 avril 2007 et l’article R. 313-30-1 du code de l’action sociale et des familles ;

 – la créance qu’il détient à l’égard du CIAS n’est pas prescrite.

Par un mémoire en défense et d’appel incident, enregistré le 9 juin 2016, le centre intercommunal d’action sociale de Quillan, représenté par le cabinet Alexandre Lévy Kahn Braun et Associés, conclut à l’annulation du jugement, au rejet de la requête et à ce que le versement d’une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. A… en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – les premiers juges n’ont pas statué ultra petita ni dénaturé les pièces du dossier ;

 – les conclusions à fin d’injonction présentées par M. A… en première instance sont irrecevables ;

 – toutes les demandes indemnitaires présentées pour une période antérieure au 1er janvier 2008 sont prescrites en application de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

 – M. A… n’établit pas la réalité du préjudice qu’il a subi ;

 – M. A… n’a pas effectué d’heures supplémentaires et n’a même pas assuré le temps de service pour lequel il a été rémunéré ;

 – le requérant exerçait bien une activité libérale en parallèle de son activité au sein de la maison de retraite « La Coustète » ;

 – M. A… n’établit pas une prétendue perte de chance d’avoir pu se former à une autre spécialité ;

 – il n’a pas rempli les obligations découlant de son statut de médecin coordonnateur et n’a pas été suffisamment présent auprès des patients ;

 – M. A… n’est pas recevable à demander pour la première fois en appel l’engagement de la responsabilité sans faute du centre ;

 – il n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en réduisant, sur demande de l’autorité de tutelle, le volume horaire du médecin coordonnateur.

Par un courrier du 10 mai 2017, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d’office un moyen d’ordre public tiré de ce que les conclusions incidentes présentées par le centre intercommunal d’action sociale de Quillan devant la Cour tendant à l’annulation du jugement attaqué sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

 – le décret n° 2007-547 du 11 avril 2007 ;

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Busidan,

 – les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, représentant M. A….

1. Considérant qu’à compter de décembre 2000, M. A… a été recruté par le centre intercommunal d’action sociale (CIAS) de Quillan, à raison de trois vacations par semaine, pour exercer des fonctions de médecin coordonnateur auprès de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD) « La Coustète » ; que, dans le cadre du renouvellement de la convention tripartite pluri-annuelle conclue entre l’agence régionale de santé, le département de l’Aude et le CIAS, le président de ce centre a proposé, le 5 février 2007, à M. A… un contrat à durée déterminée d’un an pour effectuer les fonctions de médecin coordonnateur sur la base d’un « équivalent temps plein » (ETP) de 0,10, représentant 15,16 heures mensuelles de travail, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007 ; que s’il a refusé de signer le contrat proposé, M. A… a toutefois continué d’exercer des fonctions de médecin coordonnateur au sein de l’EHPAD jusqu’à sa démission le 31 mai 2013 ; qu’il relève appel du jugement rendu le 5 juin 2015 par le tribunal administratif de Montpellier, en tant que, par ce jugement qui a rejeté l’intégralité de sa demande, le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que, pour sa part, par la voie de conclusions incidentes, le CIAS de Quillan demande l’annulation du jugement attaqué en tant que les premiers juges ont considéré qu’il avait commis une faute à l’égard de M. A… ;

Sur la recevabilité des conclusions incidentes :

2. Considérant que, par les conclusions incidentes sus-indiquées, le CIAS se borne à contester l’un des motifs du jugement et non son dispositif, qui fait intégralement droit à ses conclusions tendant au rejet de la demande de M. A… ; que, dès lors, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que le moyen tenant à ce que les premiers juges auraient entaché le jugement de dénaturation des pièces du dossier relève du bien-fondé du jugement et n’est pas de nature à entraîner son annulation pour irrégularité par le juge d’appel ;

4. Considérant, en second lieu, qu’en estimant que la réalité du préjudice invoqué par M. A… n’était pas établie dès lors que le requérant n’alléguait même pas que les revenus correspondant au 0,2 ETP qu’il aurait dû percevoir n’avaient pas été compensés, voire dépassés, par ceux qu’il avait retirés de l’activité libérale qu’il avait pu exercer à la place de l’activité salariée de médecin coordonnateur, les premiers juges n’ont pas statué « ultra petita », mais se sont bornés à exercer leur office de juge du plein contentieux ;

Sur la responsabilité sans faute :

5. Considérant, en premier lieu, que les conditions dans lesquelles M. A… a été employé de 2007 à 2013 ne sont pas à l’origine d’une rupture d’égalité devant les charges publiques qui lui aurait causé un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute du centre intercommunal d’action sociale de Quillan ; qu’il y a lieu de rejeter la demande d’indemnité présentée sur ce fondement ;

Sur la responsabilité pour faute :

6. Considérant que la faute invoquée par M. A… consiste, pour le CIAS de Quillan, à avoir méconnu le décret n° 2007-547 du 11 avril 2007 paru au Journal Officiel de la République Française le 13 avril 2007, qui a modifié l’article D. 312-156 du code de l’action sociale et des familles ; que jusqu’au 13 avril 2007, cet article disposait que : « Tout établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes relevant du I de l’article L. 313-12 doit se doter d’un médecin coordonnateur. » ; qu’à compter du 13 avril 2007 et jusqu’au 4 septembre 2011, cet article, modifié par le décret invoqué par M. A…, a disposé que " Tout établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes relevant du I de l’article L. 313-12 doit se doter d’un médecin coordonnateur. //Pour les établissements renouvelant la convention pluriannuelle mentionnée au I de l’article L. 313-12 (…), le temps de présence du médecin coordonnateur, pour sa fonction de coordination, ne peut être inférieur à : (…) – un équivalent temps plein de 0,30 pour un établissement dont la capacité autorisée est comprise entre 45 et 59 places ; (…) » ; qu’à compter du 5 septembre 2011 et jusqu’à la date du 31 mai 2013 à laquelle M. A… a décidé de ne plus exercer de fonctions de médecin coordonnateur au sein de l’EHPAD « La Coustète », ce même article, modifié par le décret n° 2011-1047 du 2 septembre 2011 a disposé que : " Tout établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes relevant du I de l’article L. 312-1 doit se doter d’un médecin coordonnateur.// Pour les établissements renouvelant la convention pluriannuelle mentionnée au I de l’article L. 313-12 (…), le temps de présence du médecin coordonnateur, pour sa fonction de coordination, ne peut être inférieur à : (…) un équivalent temps plein de 0,40 pour un établissement dont la capacité autorisée est comprise entre 45 et 59 places ;(…) » ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et n’est d’ailleurs pas contesté par le CIAS, que l’EHPAD « La Coustète » dispose d’une capacité autorisée de 50 lits d’hébergement permanent et de 3 places d’accueil de jour ; que, dès lors, si, jusqu’au 13 avril 2007, aucune disposition légale ou réglementaire n’obligeait le CIAS à proposer à M. A… d’effectuer ses missions de médecin coordonnateur sur la base d’un ETP supérieur à 0,1, le CIAS a commis une faute, à compter du 13 avril 2007, en s’abstenant de proposer à l’intéressé d’effectuer ces missions sur la base d’un ETP correspondant au seuil minimal fixé par les dispositions précitées de l’article D. 312-156 ; que, toutefois, cette faute ne peut ouvrir droit à réparation au profit du requérant qu’à la condition qu’elle soit à l’origine d’un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

8. Considérant, en premier lieu, s’agissant du préjudice allégué correspondant à la différence entre une rémunération relative à 0,30 ETP et celle versée de 0,1 ETP, que, d’une part, M. A… affirme avoir effectué le volume de travail non rémunéré correspondant à 0,2 ETP ; que, toutefois, alors que le CIAS verse au dossier plusieurs documents selon lesquels le temps de présence de M. A… aurait été inférieur même à 0,1 ETP, M. A… n’établit pas, en se bornant à énumérer la liste des tâches dévolues à un médecin coordonnateur, avoir travaillé au sein de l’EHPAD La Coustète selon un temps de présence équivalant à 0,3 ETP ;

9. Considérant, d’autre part, que les premiers juges ont estimé que M. A… n’établissait pas la réalité de son préjudice, dès lors qu’il ne justifiait pas, ni même n’alléguait, que les revenus correspondant à l’ETP de 0,2 dont il a été illégalement privé auraient été supérieurs à ceux qu’il a pu tirer de l’activité libérale également exercée par l’intéressé ; qu’en se bornant à faire valoir que cet exercice libéral ne pourrait faire obstacle à la réalité d’un préjudice résultant de l’application erronée des dispositions précitées de l’article D. 312-156 dès lors qu’un tel cumul d’activités est réglementairement possible, sans verser aucun élément relatif, par exemple, au volume horaire de son activité libérale à compter du 13 avril 2007, ce qui n’exigerait pas de lui une preuve « impossible matériellement », contrairement à ce qu’il prétend, M. A… ne justifie pas plus en appel qu’en première instance de la réalité du préjudice invoqué ;

10. Considérant, en second lieu, s’agissant du préjudice allégué tiré de la perte de chance de se former à une autre spécialité que celle de la gériatrie/gérontologie, qu’aucun élément versé au dossier ne fait état d’un projet professionnel pour la réalisation duquel une telle formation particulière aurait été nécessaire ; que, par suite, la réalité de ce second préjudice n’est pas davantage établie ; qu’enfin, dès lors qu’au contraire de ce qu’il soutient, M. A… n’a pas exercé en qualité de médecin territorial hors cadre, il ne peut valablement soutenir avoir subi un préjudice tiré de la perte d’une chance de bénéficier d’avantages et de primes propres à l’exercice de ces fonctions ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de prescription quadriennale invoquée par le CIAS, que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions accessoires présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, sur le fondement de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’appelant la somme que demande le CIAS au titre des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre intercommunal d’action sociale de Quillan par la voie d’appel incident et sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au centre intercommunal d’action sociale de Quillan.

Délibéré après l’audience du 19 mai 2017, où siégeaient :

— Mme Buccafurri, présidente,

 – M. Portail, président assesseur,

 – Mme Busidan, première-conseillère.

Lu en audience publique, le 6 juin 2017.

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N° 15MA03261

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