Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 7 avril 2021, n° 19MA02296

  • Sociétés·
  • Arbre·
  • Canal·
  • Justice administrative·
  • Bateau·
  • Voie navigable·
  • Tribunaux administratifs·
  • Assurances·
  • Etablissement public·
  • Personne publique

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 8e ch., 7 avr. 2021, n° 19MA02296
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA02296
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 10 avril 2019, N° 1702037
Dispositif : Satisfaction partielle

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Locaboat plaisance et la société anonyme (SA) Helvetia assurances ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l’établissement public Voies navigables de France (VNF) à verser, à la société Helvetia assurances, la somme de 18 539,74 euros et, à la société Locaboat plaisance, la somme de 22 097 euros, en réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis résultant de la chute d’un arbre en rive du canal du Midi.

Par un jugement n° 1702037 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mai 2019 et le 17 février 2020, la société Locaboat plaisance et la société Helvetia assurances, représentées par Me B, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de condamner VNF à leur verser ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2015 et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de VNF la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

— la chute d’un arbre en rive du canal du Midi qui a endommagé le bateau dont la société Locaboat plaisance est propriétaire engage la responsabilité de VNF dans la mesure où elle révèle un défaut d’entretien normal de l’ouvrage ;

— le préjudice subi, et notamment les pertes d’exploitation, est établi par le rapport d’expertise.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 novembre 2019 et le 3 mars 2020, VNF, représenté par Me A, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Locaboat plaisance et de la société Helvetia assurances au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la demande de première instance est tardive et donc irrecevable ;

— les moyens soulevés par la société Locaboat plaisance et la société Helvetia assurances ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 mars 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 9 avril 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code civil ;

— le code général de la propriété des personnes publiques ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. C,

— les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

— et les observations de Me A, représentant Voies navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 octobre 2014, un peuplier bordant le canal du Midi en aval de l’écluse de Trèbes (Aude) s’est abattu sur le bateau appartenant à la société Locaboat, occupé par les passagers qui l’avaient loué. La société Locaboat et la société Helvetia, son assureur, relèvent appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l’établissement public Voies navigables de France (VNF) à verser, à la société Helvetia assurances, la somme de 18 539,74 euros et, à la société Locaboat plaisance, la somme de 22 097 euros, en réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis résultant de cet accident.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d’une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s’il entend obtenir l’annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique qui, s’ils doivent être précédés d’une réclamation auprès de l’administration, ne tendent pas à l’annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l’effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l’article L. 1142-28 du code de la santé publique.

3. Il résulte de l’instruction que la décision du 18 mars 2016 par laquelle VNF a rejeté la réclamation préalable présentée par la société Helvétia en son nom et au nom de la société Locaboat a été notifiée le 29 mars 2016 sans qu’il ait été fait mention des voies et délais de recours. Ainsi, alors même que la demande de première instance a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 27 avril 2017, le délai de deux mois fixé par l’article R. 421-2 du code de justice administrative n’est pas opposable aux requérantes. Pour le motif exposé au point 2, VNF n’est pas davantage fondé à soutenir que cette demande n’aurait pas été présentée dans un délai raisonnable.

Sur la responsabilité :

4. Il résulte de l’instruction que l’arbre qui s’est abattu sur le bateau appartenant à la société Locaboat était un peuplier qui était planté comme une dizaine d’arbres de la même espèce en rive gauche du canal, à une distance d’un mètre environ du bord de celui-ci. L’ensemble de ces arbres, qui étaient inclinés en direction du canal, poussaient sur un sol sablonneux. Il ressort des constatations faites de manière contradictoire par les experts missionnés par la société Helvetia et par VNF que le tronc de l’arbre litigieux était fortement fragilisé par un coeur largement vermoulu et que des signes d’un arrachement antérieur à l’accident étaient visibles sur sa face opposée à la rive du canal. Si VNF justifie d’un programme d’abattage d’arbres sur les années 2014 et 2015, notamment dans le secteur concerné en septembre 2014, l’établissement ne démontre pas que ce programme, qui fait référence à des foyers d’infection, visait d’autres arbres que les platanes contaminés par un champignon, les experts précités ayant d’ailleurs relevé que, à la date de leur rapport daté du 27 mars 2015, des travaux d’abattage étaient en cours portant sur des platanes situés en rive droite du canal. Il ressort au contraire du compte rendu de l’incident établi par le chef de centre de Carcassonne, le 22 octobre 2014, que ce n’est que postérieurement à cette date qu’il a été envisagé de procéder au recensement des arbres situés en bordure du canal afin d’identifier leur capacité de résistance au vent et donc leur fragilité éventuelle et ainsi de les abattre le cas échéant. En outre, le courrier adressé à la société Helvétia le 18 mars 2016 indique que la zone où se trouvait le peuplier déraciné n’était pas accessible aux engins forestiers et que VNF considérait qu’un entretien habituel était impossible à mettre en oeuvre à cet endroit. Dans ces conditions, cet établissement ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’entretien normal des arbres situés en rive du canal du Midi sur le domaine public dont il a la charge. Par suite, il doit être déclaré responsable des dommages résultant directement de ce défaut d’entretien.

Sur la réparation :

5. Ainsi que l’établissent les factures produites, le montant des travaux de réparation du bateau endommagé s’élève à 19 521,98 euros, auquel il convient d’ajouter le coût de remplacement d’un hublot cassé, qui est de 409,76 euros. Le rapatriement des passagers du bateau a entraîné une dépense de 108 euros. L’ensemble de ces préjudices s’élève donc à 20 039,74 euros.

6. L’accident du 21 octobre 2014 a provoqué l’immobilisation du bateau concerné jusqu’au mois de juillet 2015. Les requérantes font état d’une perte d’exploitation en résultant qu’elles chiffrent à 20 597 euros, sur la base du taux moyen d’occupation d’un bateau du même modèle affecté à sa base d’Argens et du prix moyen versé par la clientèle au cours de la période qui déterminent la perte du chiffre d’affaires sur location et sur ventes sur base, en y ajoutant un préjudice lié au surclassement des clients. Eu égard toutefois au taux d’occupation de 11,2 seulement retenu pour la période de 15 mars au 3 juillet 2015 et en l’absence de précisions supplémentaires portant par exemple sur le nombre de bateaux restés disponibles au cours de la période, alors que VNF conteste expressément ce point, ce préjudice ne peut être regardé comme certain.

7. La société Helvétia assurances justifie qu’elle a versé à la société Locaboat plaisance une indemnité d’assurance de 18 539,74 euros, déduction faite de la franchise de 1 500 euros prévue par le contrat. VNF doit être condamné à lui verser cette somme. La société Locaboat plaisance a droit au versement par VNF de la somme de 1 500 euros restée à sa charge.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Locaboat plaisance et la société Helvetia assurances sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. La société Locaboat plaisance et la société Helvetia ont droit aux intérêts des sommes, respectivement, de 18 539,74 euros et de 1 500 euros à compter du 18 mars 2016, date de la décision de VNF rejetant leur demande d’indemnité, reçue au plus tard à cette date. La capitalisation des intérêts a été demandée le 27 avril 2017, date d’enregistrement de la demande devant le tribunal administratif de Montpellier. A cette date, il était dû au moins une année d’intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Locaboat plaisance et de la société Helvetia, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par VNF au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de VNF une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Locaboat plaisance et la société Helvetia et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 avril 2019 est annulé.

Article 2 : VNF est condamné à verser à la société Locaboat plaisance et à la société Helvetia les sommes, respectivement, de 18 539,74 euros et de 1 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2016. Les intérêts échus à la date du 27 avril 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : VNF versera à la société Locaboat plaisance et à la société Helvetia une somme globale de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Locaboat plaisance et de la société Helvetia et les conclusions de VNF devant la Cour au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié a` la société par actions simplifiée Locaboat plaisance, à la société anonyme Helvetia assurances et à l’établissement public Voies navigables de France.

Délibéré après l’audience du 23 mars 2021, où siégeaient :

— M. Badie, président,

— M. C, président assesseur,

— M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2021.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 7 avril 2021, n° 19MA02296