CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 29 mars 2021, 18MA01137, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 6e ch., 29 mars 2021, n° 18MA01137
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 18MA01137
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 23 janvier 2018, N° 1509047
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043309788

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’établissement public d’aménagement Euroméditerranée a demandé au tribunal administratif de Marseille, d’une part, d’homologuer le rapport d’expertise du 21 novembre 2014, d’autre part, de condamner la société Ginger environnement infrastructure au paiement d’une somme de 507 229,37 euros hors taxes en réparation du préjudice subi résultant de l’exécution du marché de maîtrise d’oeuvre passé dans le cadre de la réalisation d’un bassin de rétention dans l’emprise de la place de la Méditerranée à Marseille, somme majorée des intérêts moratoires et, enfin, de mettre à la charge de la société Ginger environnement infrastructure le montant des honoraires d’expertise.

Par un jugement n° 1509047 du 24 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Otéis, venue aux droits de la société Ginger environnement infrastructure, à verser à l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée la somme de 507 229,37 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2015 et mis à sa charge les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 8 865,48 euros, outre une somme de 2 000 euros au titre des frais d’instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 mars, 23 octobre et 13 novembre 2018, la société Otéis, représentée par Me D…, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d’écarter toute responsabilité de la société Ginger aux droits de laquelle elle intervient ;

2°) à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la responsabilité de la société Otéis serait retenue, de limiter le montant du préjudice mis à sa charge au seul coût des travaux en relation directe avec la faute commise par la société Otéis ;

3°) de mettre à la charge de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée les dépens.

Elle soutient que :

 – son mémoire n’a pas été enregistré par le tribunal administratif de Marseille de sorte que son argumentaire en première instance n’a pas été pris en compte ;

 – sa requête d’appel, qui ne méconnaît pas les dispositions de l’article R. 411-1 du code de justice administrative, est recevable ;

 – elle conteste tant le principe de sa responsabilité que le montant des sommes mises à sa charge ;

 – la responsabilité contractuelle de la société Ginger, qui n’a commis aucune faute, ne peut qu’être écartée ; ainsi, elle ne pouvait anticiper les surcoûts liés à la découverte et à l’évacuation de 1 228 tonnes de terres polluées classe 2 intervenues entre le 12 et le 13 novembre 2009, soit postérieurement à l’établissement du Dossier de Consultation des Entreprises et il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir pris en compte le rapport complémentaire de BURGEAP du 6 novembre 2009 en l’absence de temps suffisant pour procéder à son analyse ;

 – les sommes mises à sa charge sont injustifiées dès lors que l’établissement public admet que les travaux qui ont été exécutés étaient nécessaires à la réalisation du chantier ;

 – l’indemnisation accordée par les premiers juges conduit à un enrichissement sans cause de l’établissement public ;

 – ainsi, et dès lors que les terres polluées devaient être évacuées pour la réalisation du chantier, seule la somme de 31 435 euros pourrait être mise à sa charge et non celle de 173 354,90 euros mis à sa charge par les premiers juges ;

 – au titre de la sous-estimation d’armature et de béton, aucune somme ne peut être mise à sa charge dès lors que la faute de la société Ginger constitue une simple hypothèse de l’expert et que les frais complémentaires n’ont engendré aucun surcoût puisque nécessaires à la réalisation du chantier ;

 – s’agissant des surcoûts liés à l’augmentation des postes installation/étude/perte de rendement pour un total de 175 846 euros, celui concernant la « perte de rendement » à hauteur de la somme de 74 041 euros est très subjectif ;

 – elle ne peut être condamnée qu’au paiement des seuls surcoûts en lien avec la faute commise par la société Ginger.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2018, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, représenté par la SCP Charrel et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la société Otéis, outre les frais d’expertise, la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – à titre principal, la requête d’appel, en s’abstenant de conclure à l’annulation du jugement contesté et en reproduisant l’argumentation de première instance sans émettre de critique sur les motifs du jugement, ne répond pas aux exigences de motivation posées à l’article R. 411-1 du code de justice administrative et est irrecevable ;

 – à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la société Otéis ne sont pas fondés ;

— ainsi, la société Ginger a manqué à ses obligations contractuelles quant à la sous-estimation des quantités de terres polluées à évacuer et à celle des quantités d’acier nécessaires ; de même, la société Otéis a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le coût qui résulte des contrats de travaux, en méconnaissance des articles 1.5 et 13 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d’oeuvre ;

 – s’agissant des postes de préjudices, la somme de 507 229,37 euros allouée par les premiers juges ne conduit aucunement à un enrichissement sans cause dès lors qu’elle n’a pas d’autre objet que d’indemniser le préjudice supporté du fait de la faute commise par la maîtrise d’oeuvre et qui l’ont contraint à conclure un avenant afin de payer le titulaire du marché au titre de la réalisation de prestations modificatives et supplémentaires.

Par ordonnance du 21 décembre 2018, la clôture de l’instruction a été fixée au 21 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code des marchés publics ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme F… Massé-Degois, rapporteure,

 – les conclusions de M. C… Thielé, rapporteur public,

 – et les observations de Me E…, représentant l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. L’établissement public d’aménagement Euroméditerranée a confié le 10 décembre 2007 à la société Ginger environnement infrastructure, pour un montant de 70 370 euros hors taxes, la maîtrise d’oeuvre de la réalisation d’un bassin de rétention des eaux pluviales dans le secteur de la ZAC de la Joliette situé dans l’emprise de la place de la Méditerranée à Marseille. Les travaux relatifs à la réalisation de l’ouvrage ont été confiés le 6 juillet 2009 au groupement Campenon Bernard sud-est et Charles Queyras TP pour un montant hors taxes de 2 053 379,75 euros par un marché n° 09-043. A la demande de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, le tribunal administratif de Marseille, par une ordonnance du 29 juin 2012, a désigné un expert aux fins notamment d’examiner les difficultés survenues lors de la préparation du chantier en raison, d’une part, de l’estimation de la quantité d’acier nécessaire à la réalisation de l’ouvrage et, d’autre part, de la détermination des quantités de terres polluées à évacuer en précisant les parts de responsabilités des intervenants dans leur survenue. A la suite du dépôt du rapport d’expertise le 20 novembre 2014, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée a demandé audit tribunal administratif de condamner la société Ginger environnement infrastructure, aux droits de laquelle est venue la société Otéis, à lui verser la somme de 507 229,37 euros hors taxes en réparation du préjudice subi du fait des difficultés apparues sur le chantier imputables à la maîtrise d’oeuvre. La société Otéis relève appel de ce jugement qui l’a condamnée à payer à l’établissement public ladite somme et a mis à sa charge le montant des frais d’expertise ainsi qu’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. (…) ».

3. La requête d’appel présentée par la société Otéis précise qu’elle interjette appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille le 24 janvier 2018 en raison, d’une part, de l’absence de prise en compte de son argumentaire de première instance et, d’autre part, de la contestation tant de sa responsabilité dans son principe que du montant de sa condamnation. Elle expose ainsi des conclusions d’appel, alors même qu’elle se borne dans la partie conclusive à énoncer des conclusions qui auraient pu être présentées en première instance. Par suite, la requête d’appel satisfait aux exigences de l’article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée doit, dès lors, être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. D’une part, la requête introductive d’instance de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 12 novembre 2015 a été communiquée par lettre recommandée à la société Ginger environnement infrastructure le 13 novembre 2015, puis a été communiquée à la société Otéis par deux lettres recommandées datées du 17 juillet 2017 notifiées les 18 et 19 juillet 2017 à deux adresses différentes. D’autre part, la société Otéis a accusé réception le 22 septembre 2017 de la lettre recommandée contenant l’ordonnance de clôture de l’instruction fixée au 23 octobre 2017 à 12 heures et le 11 décembre 2017 de la lettre recommandée contenant la communication d’un moyen d’ordre public. Enfin, et alors que les mentions du jugement contesté précisent que la société Otéis venue aux droits de la société Ginger environnement infrastructure n’a pas produit de mémoire, il ne résulte pas des pièces du dossier soumis au juge d’appel que la société Ginger ou la société Otéis auraient présenté des écritures devant le tribunal administratif avant la date de la clôture de l’instruction ni même après la date de la clôture de l’instruction, ni au demeurant que le tribunal aurait refusé de procéder à l’enregistrement d’écritures de première instance de la société Ginger ou de la société Otéis. Par suite, l’appelante n’est pas fondée à soutenir que le tribunal a méconnu le caractère contradictoire de l’instruction en n’enregistrant pas son mémoire déposé et en ne prenant pas en compte son argumentaire.


Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la responsabilité contractuelle du maître d’oeuvre :

5. En premier lieu, aux termes des stipulations de l’article 1 du cahier des clauses techniques particulières relatif à la « Mission de Maîtrise d’oeuvre » confiée à la société Ginger environnement infrastructures, cette mission " porte sur la conception et la réalisation : / – du bassin de rétention dont la capacité de stockage souhaitée est d’environ 3 000 m3. L’ouvrage à étudier comporte le bassin (structure,…) (…). / – de tous ouvrages annexes, (…). / Elle s’inscrit dans les conditions contractuelles définies par les textes en vigueur, en particulier la loi MOP et comporte les missions élémentaires suivantes : / – avant projet AVP ; / – projet PRO ; / – assistance au maître d’ouvrage pour la passation des contrats de travaux ACT ; / – visa des plans d’exécution VISA ; / – direction de l’exécution des travaux DET ; / – assistance aux opérations de réception AOR (…) ".

6. Il résulte de l’instruction, en particulier de l’avenant n° 1 au marché initial n° 09-043 conclu le 7 mai 2010 et du rapport du 21 novembre 2014 de l’expertise diligentée devant le tribunal administratif de Marseille, que la quantité d’acier nécessaire à la construction du bassin de rétention et prévue au cahier des clauses techniques particulières du marché de travaux n’avait pas fait l’objet d’une estimation correcte par le maître d’oeuvre et que cette inexacte évaluation a conduit le maître d’ouvrage, afin de diminuer les quantités d’acier nécessaires, à procéder au déclassement de l’ouvrage de la « Classe A » vers la « Classe C ». D’autre part, selon le rapport de présentation de l’avenant n° 1 au marché initial n° 09/043, la proposition de dimensionner l’ouvrage en « Classe C » a été faite par le maître d’oeuvre lui-même afin de réduire les dépenses induites par l’insuffisance de son évaluation figurant au détail estimatif, insuffisance qu’il a admise. En outre, les conclusions expertales relèvent que la quantité d’acier proposée initialement par le maître d’oeuvre a été évaluée à 95 kg par mètre cube, alors qu’elle aurait dû être déterminée à hauteur de 265,4 kg par mètre cube pour la construction d’un ouvrage de classe A et que, finalement, c’est un ratio de 129,93 kg par mètre cube qui a été retenu pour limiter les dépenses. Enfin, et ainsi que l’a relevé le tribunal administratif, la société Ginger environnement infrastructure n’a aucunement contesté, dans son courrier du 29 septembre 2014 joint au rapport d’expertise, la faute qui lui est reprochée résultant de la sous-estimation de la quantité d’acier à utiliser pour respecter les documents contractuels du marché. Par suite, l’appelante n’est pas fondée à soutenir que la responsabilité contractuelle de la société Ginger aux droits de laquelle elle est venue n’est pas engagée au titre de cette inexacte estimation de la quantité d’acier à utiliser pour la construction du bassin en « Classe A », qui est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité du maître d’oeuvre à l’égard de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

7. En second lieu, aux termes des stipulations de l’article 2 du cahier des clauses techniques particulières du marché de maîtrise d’oeuvre traitant des « Eléments de complexité et environnement du projet » : « (…) / Le maître d’oeuvre devra, dans sa mission, proposer le programme de ces analyses (portance du sol et analyse relative à la pollution) et intégrer les résultats dans son étude. En cas de pollution, il devra surveiller les opérations de dépollution (vérification des terrassements et de la teneur en polluant des déblais, collecte et analyse des bons de mise en décharge, établissement du rapport final, (…). ».

8. D’une part, eu égard aux missions dévolues à la société Ginger environnement infrastructure par l’article 2 cité du cahier des clauses techniques particulières du marché de maîtrise d’oeuvre au point 7, chargée de s’assurer de la qualité du sous-sol liée à l’emprise du projet de bassin de rétention et notamment d’établir un programme des analyses de pollution des sols, il lui appartenait de procéder à l’estimation des terres polluées à évacuer.

9. D’autre part, il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expertise judiciaire, que la société Ginger environnement infrastructure a eu communication le 4 mars 2009 du rapport rédigé le 26 février précédent par le cabinet BURGEAP, intervenu à la demande du maître d’ouvrage et en qualité de prestataire de ce dernier pour procéder, en amont du projet, à une étude de sol et à un diagnostic de terrain en vue de caractériser la nature des terres présentes sur le site et la dépollution à envisager. Il résulte également de l’instruction que, alors qu’aucun manquement ne peut être retenu à l’encontre du cabinet BURGEAP dans l’exercice de sa mission d’investigation qui lui avait été ainsi confiée, les termes de cette mission ayant été respectés par ce dernier, la société Ginger environnement infrastructure aurait dû cependant, à la lecture et à l’analyse du rapport de ce cabinet, s’étonner de la faible quantité des sondages effectués, insuffisants pour lever la totalité des aléas, et s’interroger sur les constats qui y étaient faits, tel celui de l’inaccessibilité de certaines zones de nature à entraîner un défaut d’observation. Il résulte, en outre, de l’instruction que la seconde campagne de sondages réalisée par la société Arcadis, avec un maillage plus dense eu égard au caractère insuffisant de la première campagne de sondages effectuée par le cabinet BURGEAP relevé par l’entreprise Campenon Bernard, a révélé que le volume total des terres dépassant les critères d’acceptation en installation de stockage de déchets inertes s’établissait à 2 300 mètres cubes. Il résulte encore de l’instruction que si la société Ginger avait, dans son détail quantitatif estimatif du 20 mars 2009, fixé un prix n° 202 correspondant à l’évacuation de terres polluées vers des installations de classe II, les estimations de tonnage utilisées pour le calcul du prix correspondant, fixées à 100 tonnes, étaient manifestement insuffisantes, eu égard aux rectifications apportées par l’avenant n° 1 du marché de travaux, prévoyant finalement, au vu des sondages réalisés par la société Arcadis, un volume de 1 228 tonnes.

10. Ainsi, eu égard aux éléments qui précèdent, le fait que les terres polluées présentes sur l’emprise de la construction projetée n’ont pu, compte tenu de leur volume et de leur teneur en pollution, être évacuées en totalité vers une installation de stockage de déchets inertes destinée à recevoir les déchets de classe III et celui qu’une partie de ces terres a dû être évacuée vers une installation de stockage de classe II résultent de la sous-évaluation faite par la société Ginger environnement infrastructure des terres polluées à évacuer et l’insuffisance de cette estimation, dans les circonstances décrites au point précédent, est constitutive d’un manquement à ses obligations de nature à engager sa responsabilité. Si le bureau d’études BURGEAP, dans son rapport du 26 février 2009, concluait à ce que l’ensemble des terres à éliminer pouvaient être évacuées vers une installation de stockage de classe III, cette circonstance ne saurait, à elle seule, suffire à exonérer de toute responsabilité le maître d’oeuvre qui, de par ses missions, devait notamment s’assurer de la compatibilité de la solution retenue avec les contraintes du programme et du site et établir, à partir de ses études, le coût prévisionnel des travaux. De même, la société appelante ne saurait pour s’exonérer de sa responsabilité soutenir qu’elle ne pouvait pas prendre en compte le rapport complémentaire de BURGEAP du 6 novembre 2009 en l’absence de temps suffisant pour procéder à son analyse dès lors qu’il lui appartenait, et dès le stade de la première campagne de sondage effectuée en février 2009, de relever la faiblesse des sondages effectués.

11. Par suite, les manquements ainsi constatés aux points 6 et 10 de la société Ginger environnement infrastructure étaient de nature à engager sa responsabilité à l’égard de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

12. Dans ces conditions, ainsi que l’a jugé le tribunal, la responsabilité contractuelle de la société Ginger environnement infrastructure se trouvant engagée du fait des manquements qu’elle a commis dans l’exécution du contrat de maîtrise d’oeuvre, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée était fondé à demander réparation des conséquences financières en résultant.

Sur les préjudices indemnisables :

13. L’entrepreneur a le droit d’être indemnisé du coût des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation d’un ouvrage dans les règles de l’art. La charge définitive de l’indemnisation incombe, en principe, au maître de l’ouvrage. Toutefois, le maître d’ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d’oeuvre, à l’appeler en garantie. Il en va ainsi lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n’est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d’une mauvaise évaluation initiale par le maître d’oeuvre, et qu’il établit qu’il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s’il en avait été avisé en temps utile. Il en va de même lorsque, en raison d’une faute du maître d’oeuvre dans la conception de l’ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l’ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l’ouvrage si le maître d’oeuvre n’avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.

14. L’expert a arrêté à la somme de 511 923,41 euros le coût des dépenses induites par la sous-estimation de la société Ginger environnement infrastructure du coût des armatures du bassin nécessaires à la réalisation d’un ouvrage de « Classe A » et du coût des terres polluées à évacuer, cette somme se décomposant en un montant de 158 028,25 euros au titre du poste « Armatures et pose de béton » dont 130 509,75 euros au titre du poste « Armatures », en un montant de 173 354,90 euros au titre des postes « Terrassement et déblais » et en un montant de 175 846,22 euros au titre des postes « Installation, études, indemnités » dont 74 041 euros au titre du poste « Indemnisation perte de rendement ». Les premiers juges ont fait droit aux conclusions indemnitaires de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée à hauteur de ces sommes représentant un total de 507 229,37 euros hors taxes mis à la charge de la société Otéis.

15. Toutefois, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, il ne résulte pas de l’instruction que les deux fautes commises par le maître d’oeuvre aient occasionné des surcoûts à hauteur de la somme de 507 229,37 euros hors taxes, ni au demeurant à hauteur d’une quelconque autre somme. En effet, les dépenses engagées à hauteur de cette somme de 507 229,37 euros hors taxes, nécessaires à la réalisation de l’ouvrage, sont indépendantes des manquements fautifs de la société Ginger environnement infrastructure. Ainsi, les coûts correspondant, d’une part, à l’utilisation d’acier et de béton supplémentaires, indispensables à la réalisation de l’ouvrage, d’autre part, à l’évacuation des terres polluées présentes sur le site du bassin à réaliser et, enfin, à la réalisation d’études complémentaires du fait de l’insuffisance de la première campagne de sondage réalisé par le cabinet BURGEA à la demande de l’établissement public auraient, même sans les manquements commis par le maître d’oeuvre dans l’exercice de sa mission, pesé sur le maître d’ouvrage, ces dépenses étant nécessaires à sa construction. Les éléments du dossier ne permettant pas de révéler que l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée aurait renoncé à la réalisation de son projet de bassin de rétention des eaux pluviales s’il avait été avisé en temps utile du coût réel de la construction d’un bassin de rétention répondant aux caractéristiques d’un bassin de Classe A ou de Classe C et du coût réel des terres à évacuer, ainsi que le fait valoir la société Otéis dans ses écritures d’appel à titre subsidiaire, qui demande à la Cour de limiter le montant du préjudice mis à sa charge au seul coût des travaux en relation directe avec la faute commise par la société Otéis, aucune somme ne saurait être mise à sa charge en l’absence de lien de causalité démontré par les pièces du dossier entre les manquements imputables à la société Ginger environnement infrastructure et les dépenses exposées à hauteur de 507 229,37 euros hors taxes.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Otéis est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif l’a condamnée à payer 507 229,37 euros hors taxes à l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2015, et mis à sa charge les frais d’expertise liquidés et taxés à 8 865,48 euros toutes taxes comprises, ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il suit de là que la société Otéis est fondée à demander l’annulation des articles 1, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 janvier 2018.

Sur les frais d’expertise :

17. Les frais d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 865,48 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille en date du 5 janvier 2015, doivent être mis à la charge de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

Sur les frais du litige :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Otéis, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La société Otéis ne présentant aucune demande sur le fondement de ces mêmes dispositions, aucune somme ne saurait lui être allouée à ce titre.


D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 1509047 du 9 janvier 2018 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 8 865,48 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

Article 4 : Les conclusions présentées par l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative devant la Cour sont rejetées.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Otéis et à l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée.

Copie en sera adressée à M. B… A…, expert.

Délibéré après l’audience du 15 mars 2021, où siégeaient :

— M. Guy Fédou, président,

 – Mme F… Massé-Degois, présidente assesseure,

 – M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2021.

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N° 18MA01137

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