Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, du 31 décembre 1997, 93NC01179, inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 3e ch., 31 déc. 1997, n° 93NC01179
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 93NC01179
Importance : Inédit au recueil Lebon
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 29 septembre 1993
Textes appliqués :
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007556100

Sur les parties

Texte intégral


(Troisième Chambre)
Vu le recours, enregistré le 2 décembre 1993 au greffe de la Cour, présenté pour l’Etat par le MINISTRE D’ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ;
Il demande que la Cour :
1 / annule le jugement, en date du 30 septembre 1993, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l’ETAT à verser à la société anonyme Sacome International, d’une part, la somme de 9 791 064,05 F correspondant au solde du montant du préjudice qu’elle a subi lors de la mutinerie survenue à la maison centrale d’Ensisheim (Haut-Rhin) les 16 et 17 avril 1988 et, d’autre part, une somme de 10 000 F au titre de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
2 / rejette, à titre principal, la demande de la société anonyme Sacome International devant le tribunal administratif de Strasbourg et, à titre subsidiaire, désigne tel expert judiciaire aux fins d’examiner, dans les règles de l’art, le préjudice d’exploitation subi par ladite société ;
Vu l’ordonnance, en date du 20 janvier 1995, par laquelle le président de la première chambre de la cour administrative d’appel de Nancy a prononcé la clôture de l’instruction de cette affaire à compter du 14 avril 1995 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 décembre 1997 :
 – le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
 – les observations de Me GRIT, avocat de la société Sacome International,
 – et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant qu’en jugeant que : « Le mode d’évaluation des pertes d’exploitation retenu par l’expert, lequel se réfère, notamment, au chiffre d’affaires de la société au cours des douze mois précédant le sinistre et procède à des ajustements en considération de la tendance générale de l’entreprise et des résultats qu’elle aurait obtenus en l’absence de dommage, rend compte, de manière pertinente, de l’étendue des pertes en cause », le tribunal a entendu faire siennes les conclusions du rapport de l’expertise contractuelle instaurée entre les parties au litige ; qu’eu égard à l’argumentation développée par le MINISTRE DE LA JUSTICE devant les premiers juges, ceux-ci, en s’appropriant les conclusions de l’expert, n’ont pas entaché leur jugement d’insuffisance de motivation nonobstant le caractère succinct de celle-ci ;
Au Fond :
Considérant qu’à la suite de la mutinerie qui s’est déroulée les 16 et 17 avril 1988 dans l’enceinte de la maison centrale d’Ensisheim, la société anonyme Sacome International, titulaire d’un contrat de concession de main-d’oeuvre pénale conclu le 14 janvier 1986, a demandé à l’ETAT réparation des divers chefs du préjudice qu’elle a subi à raison des dégradations provoquées par les mutins et de l’arrêt ou de la diminution de ses activités de production au sein de l’établissement pénitentiaire ; que le tribunal administratif, après avoir déclaré l’ETAT entièrement responsable des conséquences dommageables de cette mutinerie à l’égard de ladite société, a arrêté à la somme de 18 320367 F le montant du préjudice commercial de cette dernière et consistant notamment en une perte de recettes et en un accroissement des dépenses d’exploitation ; que, sans remettre en cause le principe de sa responsabilité, l’ETAT soutient que le préjudice commercial réellement subi par la société Sacome International n’excède pas la somme de 8 550 675 F ;
Considérant, en premier lieu, que si le MINISTRE DE LA JUSTICE soutient qu’à la suite d’une première mesure d’expertise contractuelle, qui s’est déroulée en avril 1988 entre l’expert désigné par la société Sacome International et celui de sa compagnie d’assurances et en présence de M. X…, désigné par ledit ministre, le montant des pertes d’exploitation avait été fixé à 3 665 604 F, une telle mesure ne saurait être regardée comme une transaction opposable aux parties en litige et mettant fin à celui-ci compte tenu, d’une part, de la date à laquelle est intervenue cette expertise qui ne permettait pas d’appréhender l’ensemble des conséquences dommageables des événements et, d’autre part, des réserves émises par ladite société quant à la période d’indemnisation dont il avait été tenu compte ;

Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction et notamment d’une lettre du chef de la division du travail pénitentiaire et de la formation professionnelle au MINISTRE DE LA JUSTICE adressée le 5 juillet 1989 au président-directeur général de la société Sacome International, que les travaux de réfection de la centrale d’Ensisheim qui devaient permettre la réinstallation complète de ladite société n’ont été terminés qu’en septembre 1989 ; que, toutefois si cette dernière soutient qu’à cette date elle n’avait toujours pas retrouvé les effectifs de détenus lui permettant de faire fonctionner son usine à pleine capacité, il est constant, d’une part, qu’aucune stipulation de la convention de concession du 14 janvier 1986 ne garantit à la société anonyme Sacome International la disposition d’un effectif minimum et constant de détenus pour assurer la production et, d’autre part, que l’article 9-7 de la même convention ne met à la charge de l’ETAT l’indemnisation des pertes d’exploitation du concessionnaire qu’en cas « d’arrêt de l’exploitation pour une cause quelconque liée à une carence de l’administration » ; qu’il en résulte que le seul préjudice dont ladite société est fondée à solliciter réparation est celui afférent à la période du 16 avril 1988 au 15 septembre 1989, date à laquelle les activités de production avaient repris dans des conditions satisfaisantes ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il est constant que pour déterminer le montant du manque à gagner de la société Sacome International au titre de la période considérée, l’expert s’est fondé sur un taux de bénéfice brut calculé sur le seul bilan d’exploitation arrêté au 31 décembre 1987 et a fait acception non du chiffre d’affaires qui pouvait être raisonnablement escompté compte tenu des résultats des trois années antérieures mais s’est fondé sur des éléments prévisionnels tels qu’ils ressortaient du dossier de demande de subvention déposé auprès de l’Agence Nationale de Valorisation de la Recherche ; qu’à cette méthode, qui ne permet pas d’appréhender avec suffisamment de précision le préjudice réellement subi par la société concessionnaire, l’ETAT oppose d’autres modalités de calcul de ce préjudice, lesquelles ne sont pas sérieusement critiquées par cette dernière ; qu’en application de ces modalités, lesquelles révèlent une correcte appréciation de la situation réelle de l’entreprise, et compte tenu de la durée susmentionnée de la période d’indemnisation, la perte de bénéfice doit être ramenée de 10 812 166 F à 4 467 924 F ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 1148 du code civil : « Il n’y a lieu à aucun dommage et intérêt lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé … » ; que le MINISTRE DE LA JUSTICE peut à bon droit soutenir, sur le fondement de la disposition précitée, que la société Sacome International n’établit pas avoir été dans l’obligation de verser la somme de 1 347 737 F correspondant à des pénalités contractuelles résultant du retard avec lequel ses clients ont été approvisionnés ; que, dès lors, s’agissant des dépenses supplémentaires d’exploitation, il y a lieu de retrancher de la somme de 7 508 201 F, retenue par l’expert, ladite somme de 1 347 737 F ; que, d’autre part, doivent être également retranchées les sommes de 30 225 F correspondant à deux factures non justifiées de la société filiale S.E.A.C et de 149 427 F équivalant au montant non critiqué d’une sous-estimation par l’expert du coût de la main-d’oeuvre pénale ; qu’en outre les frais financiers supplémentaires doivent être ramenés de 888 717 F à 629 508 F eu égard à la réduction ci-avant précisée de la période d’indemnisation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le montant des dépenses supplémentaires d’exploitation doit être ramené de 7 508 201 F à 5 721 603 F ; que, dans ces conditions, le préjudice global dont est fondé à demander réparation la société anonyme Sacome International s’élève à 10 189 527 F ; que par suite, et alors qu’il n’est pas contesté que ladite société a déjà perçu au titre de son préjudice autre que matériel une somme de 8 550 675 F, il y a lieu de condamner l’ETAT à lui payer une somme de 1 638 852 F et de réduire à due concurrence de celle-ci le montant de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur le intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la société anonyme Sacome International a droit aux intérêts de la somme de 1 638 852 F à compter du 9 octobre 1992 comme il est demandé par elle ; que la capitalisation de ces intérêts a été demandée le 30 mars 1995 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant qu’aux termes de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation »

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’ETAT, qui n’a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, soit condamné, sur le fondement des dispositions précitées, à payer à la société anonyme Sacome International la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1 : Le montant de la condamnation que l’ETAT a été condamné à verser à la société anonyme Sacome International par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, en date du 30 septembre 1993, est ramené de 9 791 064,05 F à 1 638 852 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 septembre 1993 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La somme de 1 638 852 F mentionnée à l’article 1er portera intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 1992 ; les intérêts échus le 30 mars 1995 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE LA JUSTICE et les conclusions de la société anonyme Sacome International tendant au bénéfice de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE et à la société anonyme Sacome International.

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