Cour administrative d'appel de Nancy, 11 juin 2009, n° 08-00725

  • Imposition·
  • Administration·
  • Procédures fiscales·
  • Impôt·
  • Examen·
  • Justice administrative·
  • Contribuable·
  • Vérification de comptabilité·
  • Contrôle·
  • Détournement de fond

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 11 juin 2009, n° 08-00725
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 08-00725
Décision précédente : Tribunal administratif de Nancy, 24 mars 2008

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANCY

cs

N° 08NC00725 REPUBLIQUE FRANCAISE

______________

M. A Z

______________

M. X

Président AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

______________

Mme Y

Rapporteur

______________ La Cour administrative d’appel de Nancy

Mme Steinmetz-Schies (1re Chambre)

Rapporteur public

______________

Audience du 20 mai 2009

Lecture du 11 juin 2009

______________

19-01-03-01-01

19-04-02-05-01

C

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2008, complétée par mémoire enregistré le 16 février 2009, présentée pour M. A Z demeurant XXX, par Me Richert, avocat, membre de CMS Bureau Francis Lefebvre ;

M. Z demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement en date du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996, 1999, 2000, 2001 et 2002 et des pénalités y afférentes, mises en recouvrement le 31 mars 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations litigieuses et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement de la somme de 15 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— l’administration avait l’obligation de mettre en place une vérification de comptabilité , le détournement de fonds résultant du fonctionnement irrégulier de son activité de notaire ; la procédure était irrégulière puisqu’il a été empêché d’exercer ses droits à la défense ;

— le Tribunal a estimé à tort qu’aucun redressement ne lui avait été notifié à l’issue de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle dont il a fait l’objet avec son épouse et qu’il ne pouvait donc utilement critiquer la régularité de ladite procédure ;

— les bases d’imposition ont été établies sans débat oral et contradictoire ;

— l’examen de sa situation fiscale au titre des années 1995 à 1999 ayant débuté le 4 août 2003, le service n’est pas fondé à lui notifier des suppléments d’imposition le 15 juillet 2005, soit plus d’un an après le début de cet examen ;

— en opérant pour les années 1995 à 1999 un contrôle de cohérence entre les revenus déclarés et la situation des époux, l’administration a procédé à un examen de situation fiscale personnelle sans lui offrir les garanties prévues par cette procédure ;

— il appartient à l’administration et non au contribuable de démontrer que les sommes détournées constituaient un bénéfice au sens de l’article 92-1 du code général des impôts ;

— il a été taxé sur des bases fictives sans qu’il puisse en contester le caractère excessif puisqu’il n’avait plus accès à la comptabilité de l’étude notariale ;

— ayant été contraint de témoigner contre lui-même, la majoration de mauvaise foi que lui a appliquée l’administration fiscale entre dans le champ d’application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2008 et le 15 mai 2009, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la procédure d’imposition dans laquelle il y a lieu de distinguer le contrôle sur pièces de l’examen contradictoire de la situation personnelle a été régulière ; que l’administration n’a retenu, pour la détermination du bénéfice non commercial imposable, que les seules charges justifiées par le débit d’un compte bancaire privé de M. Z ; que le contribuable n’a pas fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation personnelle pour les années 1995, 1996 et 1999 ; que l’administration n’ayant pas procédé à des rectifications pour la même période et pour le même impôt postérieurement à l’examen contradictoire de la situation personnelle de M. Z,

celui-ci ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l’article L. 50 du livre des procédures fiscales ; que les rectifications effectuées dans le cadre du contrôle sur pièces ne sont pas le résultat d’un contrôle de cohérence de la situation patrimoniale, du train de vie ou d’un rapprochement entre les débits et crédits des comptes bancaires de M. Z ; que l’administration a régulièrement établi l’existence d’un bénéfice taxable au sens des dispositions de l’article 92-1 du code général des impôts ; qu’elle n’avait aucune obligation de mettre en œuvre une vérification de comptabilité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 mai 2009 :

— le rapport de Mme Y, premier conseiller,

— et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 170 du livre des procédures fiscales : « Même si les délais de reprise prévus à l’article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d’imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l’administration des impôts jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au cours de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme Z portant sur les années 2000, 2001 et 2002, qui n’a donné lieu à la notification d’aucun redressement, le vérificateur a été informé de la mise en examen de M. Z pour détournements de fonds, faux en écritures publiques ou authentiques par officier ministériel et usages de faux ainsi qu’abus de confiance aggravés commis au préjudice des clients de la SCP Z-Bai-Valdenaire, dont M. Z était notaire associé ; qu’il a, alors, demandé à l’autorité judiciaire, en application de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales de lui communiquer les informations qu’elle détenait sur la situation fiscale de l’intéressé ; que les éléments des procès-verbaux d’audition, corroborés par les pièces justificatives, notamment les quittances subrogatives délivrées par les clients lésés, également obtenues dans l’exercice du droit de communication auprès de la Caisse régionale de garantie des notaires et de l’étude notariale, ont permis de constater que M. Z tirait des revenus de l’exercice d’une activité occulte de détournement de fonds depuis les années 1991, 1992 ; que l’administration a alors entrepris, en 2005, un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme Z au titre des années 1995, 1996 et 1999 à 2003, sur la base des renseignements obtenus par l’exercice de son droit de communication ; que ce faisant, elle s’est bornée à faire usage du droit que lui confèrent les dispositions codifiées à l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable ; que l’administration a pu ainsi régulièrement imposer les revenus issus de détournements de fonds sans engager une vérification de comptabilité ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les garanties prévues en matière de vérification de comptabilité n’auraient pas été respectées est, en tout état de cause, inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’administration n’est pas tenue d’engager avec le contribuable un débat oral préalable à la proposition de rectification qu’elle adresse à partir des renseignements recueillis dans l’exercice de son droit de communication ; que s’il lui incombe, en revanche, d’informer le contribuable de la teneur des renseignements qu’elle a pu recueillir dans l’exercice de ce droit et qu’elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l’intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, il résulte de l’instruction que M. Z a obtenu de l’administration des entretiens avant et après la proposition de rectification au cours desquels lui ont été présentées les pièces recueillies auprès de l’autorité judiciaire, de la Caisse régionale des notaires et de la SCP Valdenaire-Bai-Constant ; qu’il a été ainsi à même d’en discuter le contenu ; que M. Z qui a, par ailleurs, bénéficié de l’ensemble des garanties prévues par la procédure contradictoire définie à l’article L. 55 du livre des procédures fiscales, n’est, par suite, pas fondé à soutenir qu’il n’aurait pas été en mesure de présenter sa défense ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de l’instruction, que le contrôle auquel le service a procédé au titre des années 1995, 1996 et 1999, s’est limité, à partir des seuls éléments communiqués par les tiers, à l’appréciation de l’exactitude des déclarations de revenus de

M. Z et à la détermination de la date d’appréhension des sommes détournées ; que contrairement à ce que soutient M. Z, sans d’ailleurs en apporter le moindre début de preuve, le contrôle ne s’est pas étendu à l’estimation de la valeur de son patrimoine ou au contrôle de la cohérence entre ses revenus et leur emploi ; qu’il n’est, dès lors, pas fondé à soutenir qu’il a fait l’objet, au titre des années considérées, d’un examen de sa situation fiscale d’ensemble dont il aurait dû être préalablement avisé ; qu’il ne peut dans ce sens invoquer une doctrine administrative pour contester la procédure d’imposition ;

Considérant, en cinquième lieu, qu’il résulte de l’instruction que les redressements contestés ont pour seul fondement la taxation des détournements opérés au préjudice des clients de

M. Z en 1995, 1996, 1999, 2000, 2001 et 2002, révélés dans le cadre d’une instance judiciaire ; que par suite les moyens tirés des irrégularités qui auraient affecté la procédure d’examen de la situation fiscale personnelle du requérant sont, en tout état de cause, inopérants ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que pour contester le bien-fondé des redressements qui lui ont été notifiés

M. Z reprend son argumentation de première instance sans y apporter des éléments de droit ou de fait nouveaux ; qu’il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges d’écarter les moyens qui sous-tendent cette argumentation ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu’aux termes du § 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement… par un tribunal… qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; que ces principes sont applicables à la contestation des pénalités, appliquées en vertu de l’article 1729 du code général des impôts, qui constituent des accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si, pour contester la majoration de 40 % pour absence de bonne foi dont l’administration a fait application sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts,

M. Z fait valoir qu’il a été contraint de témoigner contre lui-même, n’ayant d’autre choix que d’accepter les rectifications proposées pour limiter les conséquences du contrôle fiscal, cette circonstance n’est pas, en tout état de cause, de nature à établir qu’il n’aurait pas eu droit à être entendu équitablement ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Z n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. Z demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. Z est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A Z et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Délibéré après l’audience du 20 mai 2009, à laquelle siégeaient :

M. X, président de chambre,

M. Couvert-Castéra, président,

Mme Y, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2009.

Le rapporteur, Le président,

M. Y M. X

La greffière,

C. JADELOT

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. JADELOT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Nancy, 11 juin 2009, n° 08-00725