CAA de NANCY, 1ère chambre - formation à 3, 7 mars 2019, 17NC02335-17NC02336-17NC02713, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 1re ch., 7 mars 2019, n° 17NC02335-17NC02336-17NC02713
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 17NC02335-17NC02336-17NC02713
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Besançon, 6 août 2017, N° 1601421
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000038234185

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler l’arrêté du 25 août 2016 par lequel le maire de Ruffey-sur-Seille a mis en demeure l’Espace communautaire Lons-agglomération de cesser immédiatement les travaux en cours sur les parcelles cadastrées AW n° 128 et 132, au lieu dit Le Troussant.

Par un jugement n° 1601421 du 7 août 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

II. La commune de Ruffey-sur-Seille a demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler l’arrêté du 12 octobre 2016 par lequel le préfet du Jura a annulé l’arrêté interruptif de travaux du 25 août 2016 pris au nom de l’Etat par le maire de Ruffey-sur-Seille.

Par un jugement n° 1601679 du 7 août 2017, le tribunal administratif a annulé l’arrêté préfectoral attaqué.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le numéro 17NC02336 le 26 septembre 2017 et le 15 mars 2018, la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier, représentées par Me D…, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1601421 du tribunal administratif de Besançon du 7 août 2017 ;

2°) d’annuler l’arrêté du maire de Ruffey-sur-Seille du 25 août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros à leur verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

 – aucune autorisation d’urbanisme n’était nécessaire pour effectuer les travaux d’exhaussement en cause, ni pour réaliser une aire de grand passage ;

 – la commune ne pouvait invoquer son plan local d’urbanisme modifié dans le but d’interdire des travaux qui ne nécessitent pas d’autorisation d’urbanisme ;

 – le plan local d’urbanisme ne pouvait s’appliquer alors qu’aucune autorisation n’était nécessaire pour créer une aire de grand passage ;

 – la commune ne peut utilement invoquer l’existence d’une voie de fait.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 mars et 11 mai 2018, la commune de Ruffey-sur-Seille, représentée par Me C…, conclut :

— au rejet de la requête ;

— à ce que soit mise à la charge d’ECLA et de la ville de Lons-le-Saunier une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les travaux, par leur ampleur, étaient soumis à une autorisation d’urbanisme ;

 – les travaux sont contraires au plan local d’urbanisme de Ruffey-sur-Seille ;

 – ils nécessitaient des autorisations au titre du code de l’environnement.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 17NC02335 le 26 septembre 2017 et le 13 avril 2018, la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier représentées par Me D…, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1601679 du tribunal administratif de Besançon du 7 août 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Ruffey-sur-Seille ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros à leur verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

— c’est à tort que le tribunal administratif a jugé qu’une autorisation d’urbanisme était nécessaire pour la création d’une aire de grand passage sur le fondement des articles R. 421-23 et R. 421-19 du code de l’urbanisme ;

 – contrairement à ce que soutient la commune de Ruffey-sur-Seille, il n’y a pas de voie de fait qu’il n’appartient en tout état de cause pas au juge administratif de qualifier.

III. Par une requête enregistrée sous le n° 17NC02713 le 9 octobre 2017, le ministre de la cohésion des territoires, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1601679 du tribunal administratif de Besançon du 7 août 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Ruffey-sur-Seille.

Il soutient que :

— le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur les raisons de l’application du k) de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme ;

 – le tribunal administratif a commis une erreur de droit en appliquant le k) de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme ;

 – il a commis une erreur de qualification en estimant que les travaux correspondaient à la création d’une aire d’accueil des gens du voyages au sens du k) de l’article R. 421-23.

Par des mémoires enregistrés les 1er et 15 mars 2018 et le 13 avril 2018, la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier, représentées par Me D…, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 août 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Ruffey-sur-Seille ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros à leur verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

 – il convient que leur requête soit jointe à celle du ministre de la cohésion des territoires ;

 – les travaux n’ont pas eu l’ampleur alléguée par la commune de Ruffey-sur-Seille ;

 – la modification du plan local d’urbanisme de la commune adoptée dans le but d’interdire l’opération envisagée est irrégulière et la commune ne peut s’en prévaloir dans le cadre de la substitution de motifs qu’elle invoque ;

 – aucune autorisation n’est nécessaire pour réaliser l’opération envisagée ;

 – contrairement à ce que soutient la commune de Ruffey-sur-Seille, l’existence d’une voie de fait n’est pas établie et il n’appartient pas en tout état de cause au juge administratif de la qualifier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2018, la commune de Ruffey-sur-Seille, représentée par Me C… conclut :

— au rejet de la requête ;

 – à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— il n’est pas établi que le signataire de l’appel a qualité pour agir au nom du ministre de la cohésion des territoires ;

 – le jugement est suffisamment motivé ;

 – le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit dès lors qu’une autorisation d’urbanisme était nécessaire pour effectuer les travaux en cause ;

 – les travaux sont contraires à l’article 1-NT du plan local d’urbanisme de la commune alors même que le tribunal administratif aurait à tort fondé sa décisions sur le k) de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme ;

 – les parcelles se situent dans un environnement dangereux, à proximité de l’autoroute A 39, d’une installation classée et dans un lieu difficilement accessible pour les services de secours ;

 – le juge peut procéder à une substitution de motifs ;

 – le projet méconnaît le code de l’environnement alors qu’une enquête environnementale aurait dû être réalisée en application des articles L. 121-1-1, L. 122-1-I et L. 123-2 du code de l’environnement, ainsi qu’une étude d’impact ;

 – le maître de l’ouvrage aurait dû demander des autorisations à l’Etat au titre de remblais effectués sur une zone humide en vertu de l’article R. 214-1 du code de l’environnement et de la rubrique n° 3.3.1.0 ;

 – l’emplacement choisi ne permet pas de respecter l’objectif de valeur constitutionnelle tenant à la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Stefanski, président,

 – les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

 – et les observations de Me B…, substituant Me D…, pour la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération (ECLA) et la commune de Lons-le-Saunier, celles de Me C… pour la commune de Ruffey-sur-Seille, ainsi que l’intervention de Mme A…, maire de la commune de Ruffey-sur-Seille.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le but de transférer un stand de tir, la commune de Lons-le-Saunier avait procédé à un échange de terrains avec la commune de Ruffey-sur-Seille et est devenue propriétaire en 2008 des parcelles cadastrées section AW n° 128 et n° 132, d’une superficie totale de 6 hectares 45 ares et 10 centiares, situées à Ruffey-sur-Seille au lieudit Le Troussant. Après avoir obtenu, le 23 février 2011, un arrêté préfectoral de défrichement des parcelles et un permis de construire délivré par la commune de Ruffey-sur-Seille, le 16 février 2010, et après avoir commencé les travaux de défrichement en 2011, la commune de Lons-le-Saunier a finalement abandonné son projet.

2. En novembre 2015, le maire de Ruffey-sur-Seille a constaté que des travaux de défrichement avaient repris sur les parcelles AW n° 128 et n° 132 et a appris par l’entrepreneur présent sur les lieux, que ces travaux lui avaient été commandés par la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération.

3. Il est alors apparu que la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, chargée par le schéma départemental d’accueil des gens du voyage approuvé par le préfet du Jura le 31 mars 2014, d’aménager une aire de grand passage, avait décidé d’implanter cette aire de passage sur les parcelles dont la commune de Lons-le-Saunier était propriétaire sur le territoire de la commune de Ruffey-sur-Seille.

4. Le 14 décembre 2015, le maire de Ruffey-sur-Seille a demandé au préfet du Jura de faire cesser les travaux. Celui-ci lui a opposé une décision implicite de rejet devenue définitive à la suite du rejet par le tribunal administratif de Besançon du recours pour excès de pouvoir intenté par la commune.

5. Constatant en août 2016 que les travaux de défrichement avaient fait place à des travaux de remblaiement, le maire de Ruffey-sur-Seille a, par un arrêté du 25 août 2016, mis en demeure la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération de faire cesser immédiatement les travaux, en se fondant sur le fait que la création d’une aire de grand passage nécessitait la délivrance préalable d’un permis d’aménager et que les travaux méconnaissaient le règlement du plan local d’urbanisme de la commune. Par arrêté du 12 octobre 2016, le préfet du Jura a annulé cet arrêté du maire au motif que la création d’une aire de grand passage n’était pas soumise à une autorisation d’aménager.

6. Par la requête n° 17NC02336, la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération et la commune de Lons-le-Saunier forment appel du jugement n° 1601421 du 7 août 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande dirigée contre l’arrêté du maire de Ruffey-sur-Seille du 25 août 2016.

7. Saisi par la commune de Ruffey-sur-Seille, le tribunal administratif de Besançon a annulé l’arrêté préfectoral au motif que les travaux portaient en réalité, non sur la réalisation d’une aire de passage mais sur celle d’une aire d’accueil des gens du voyage nécessitant une autorisation d’urbanisme. Par les requêtes n° 17NC02335 et 17NC02713, la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, la commune de Lons-le-Saunier et le ministre de la cohésion des territoires forment appel du jugement n° 1601679 du 7 août 2017.

8. Les requêtes n°17NC2335 de la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération et de la commune de Lons-le-Saunier et n° 17NC02713 du ministre de la cohésion des territoires sont dirigées contre un même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. De même, il y a lieu de joindre la requête n° 17NC2336, qui porte sur l’acte annulé par l’arrêté préfectoral contesté et présente à juger des questions semblables.

Sur la régularité du jugement n° 1601679 :

9. Le moyen tiré par le ministre de la cohésion des territoires de ce que le jugement attaqué est insuffisamment motivé manque en fait, dès lors que les premiers juges ont précisé les motifs de droit et de fait fondant leur solution.

Sur la légalité de l’arrêté préfectoral du 12 octobre 2016 :

10. L’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 dans sa rédaction alors applicable disposait que : «  I. – Les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. / II. – Dans chaque département, (…) un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées. / (…) Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l’Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements. (…) III. – Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil départemental. Après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission consultative prévue au IV, il est approuvé conjointement par le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil départemental dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Passé ce délai, il est approuvé par le représentant de l’Etat dans le département. Il fait l’objet d’une publication. (…) ».

11. Ces dispositions législatives opèrent une distinction entre les aires d’accueil des gens du voyage destinées à accueillir des résidences mobiles de gens du voyage sur des emplacements équipés leur permettant de se loger dans de bonnes conditions et des aires dites de grand passage, qui ne possèdent pas tous les équipements d’une aire d’accueil, destinées à accueillir pour quelques jours ou quelques semaines seulement un nombre éventuellement important de résidences mobiles se rendant à des rassemblements traditionnels ou occasionnels.

12. Il ressort des pièces du dossier que les travaux effectués sur les parcelles AW n° 128 et n° 132 avaient pour objet de rendre les terrains propres à recevoir un nombre important de caravanes, allant jusqu’à 242, se dirigeant deux fois dans l’année, notamment vers des lieux de pèlerinage, pour une période allant de quelques jours à quelques semaines. S’il était prévu d’implanter une arrivée d’eau potable, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles comporteraient des emplacements propres à chaque caravane, reliés à l’ensemble des réseaux, ni que d’autres aménagements caractéristiques d’une aire d’accueil étaient prévus. Ainsi, les travaux avaient pour objet la réalisation d’une aire de passage et non la création d’une aire d’accueil. La circonstance que des affouillements et exhaussements aient été réalisés sur l’ensemble des parcelles afin que le terrain supporte dans de bonnes conditions de sécurité la présence de nombreuses résidences mobiles ne suffit pas à établir que les travaux portaient sur la création d’une aire d’accueil. De même, sont sans incidence sur la qualification de l’aire réalisée, la surface du terrain, le nombre de caravanes attendues et le fait que les travaux aient été effectués en zone naturelle.

13. Aux termes de l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme : «  L’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour permettre l’installation de résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs définies par décret en Conseil d’Etat ou de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, est soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Ces terrains doivent être situés dans des secteurs constructibles. Ils peuvent être autorisés dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, dans les conditions prévues à l’article L. 151-13. ».

14. Aux termes de l’article R. 421-19 du même code : « Doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager : / (…) l) L’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis prévu à l’article L. 444-1, destinés aux aires d’accueil et aux terrains familiaux des gens du voyage, permettant l’installation de plus de deux résidences mobiles mentionnées à l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, constituant l’habitat permanent des gens du voyage (…) ». Aux termes de l’article R. 421-23 dudit code : « Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (…) k) L’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis prévu à l’article L. 444-1, destinés aux aires d’accueil et aux terrains familiaux des gens du voyage, ne nécessitant pas un permis d’aménager en application de l’article R. 421-19 (…) ».

15. Il résulte de ces dispositions combinées du code de l’urbanisme, qu’en l’absence de dispositions relatives aux aires dites de grand passage, seuls les travaux de création des aires d’accueil des gens du voyage sont soumis à permis d’aménager ou à autorisation d’urbanisme en application du k) de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme. Par suite, c’est à bon droit que le préfet du Jura a estimé que le maire de Ruffey-sur-Seille avait commis une erreur de droit en mettant en demeure la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération de cesser les travaux au motif que les travaux en cours, portant sur une aire de grand passage, nécessitaient un permis d’aménager.

16. Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif de Besançon s’est fondé, pour annuler l’arrêté préfectoral contesté, sur ce que les travaux litigieux avaient pour objet la création d’une aire d’accueil des gens du voyage, qu’ils nécessitaient une déclaration préalable de travaux et qu’ils avaient été entrepris en méconnaissance des règles du code de l’urbanisme. En revanche, le moyen tiré par la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération et la commune de Lons-le-Saunier de ce que le tribunal administratif aurait appliqué à tort les articles du code de l’urbanisme prévoyant la nécessité d’une autorisation d’urbanisme en cas d’affouillements ou d’exhaussement de plus de deux mètres est inopérant, le tribunal administratif n’ayant pas fondé sa décision sur ce motif.

17. Il appartient à la cour administrative d’appel saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel d’examiner les autres moyens soulevés par la commune de Ruffey-sur-Seille tant devant la cour que devant le tribunal administratif.

18. En premier lieu, la commune de Ruffey-sur-Seille soutient que le plan local d’urbanisme dans sa version approuvée le 13 mai 2016 et entrée en vigueur le 26 mai suivant s’opposait aux travaux qu’effectuait la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, l’article 1 NT du règlement interdisant dans la zone où se trouvent les parcelles litigieuses : «  le stationnement de plus de 3 mois de caravanes isolées, les terrains de camping et de caravanage, les terrains d’accueil d’habitations légères de loisir, les affouillement et exhaussements du sol à l’exception de ceux nécessaires à la réalisation d’une occupation du sol autorisée » et que ces dispositions fondaient également les pouvoirs d’intervention du maire au titre de l’article L. 480-2 et L. 610-1 du code de l’urbanisme.

19. Toutefois, ces dispositions du règlement du plan local d’urbanisme ne suffisent pas à interdire la réalisation d’une aire dite de grand passage, qui n’a pas pour objet le stationnement de caravanes isolées, au surplus pendant plus de 3 mois, et qui, régie intégralement par les dispositions de la loi 2000-614 du 5 juillet 2000, ne saurait être assimilée à des terrains de camping ou de caravanage ou à des terrains destinés à l’accueil d’habitations légères de loisirs au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme.

20. Par suite, la commune ne peut utilement soutenir que le motif tiré de la méconnaissance du règlement du plan local d’urbanisme était de nature à justifier légalement son arrêté du 25 août 2016 et à entacher d’illégalité l’arrêté du 12 octobre 2016 du préfet du Jura.

21. En second lieu, le maire ayant mis en oeuvre des pouvoirs tirés du code de l’urbanisme, la circonstance que les travaux auraient été effectués en méconnaissance de règles relatives à la protection de l’environnement est inopérant.

22. Il résulte de ce qui précède que la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, la commune de Lons-le-Saunier et le ministre de la cohésion des territoires sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la commune de Ruffey-sur-Seille, annulé l’arrêté du préfet du Jura du 12 octobre 2016 et rejeté la demande de la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération et de la commune de Lons-le-Saunier.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 25 août 2016 du maire de Ruffey-sur-Seille :

23. Il résulte de l’annulation prononcée par le présent arrêt que l’arrêté du préfet du Jura du 12 octobre 2016 est, par l’effet rétroactif de cette annulation, revenu en vigueur. Par suite, l’arrêté du maire de Ruffey-sur-Seille du 25 août 2016, qui a été annulé par cet arrêté préfectoral, a disparu rétroactivement de l’ordonnancement juridique de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

En ce qui concerne la requête n° 17NC02335 et 17NC02713 :

24. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, la commune de Lons-le-Saunier et la commune de Ruffey-sur-Seille au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En ce qui concerne la requête n° 17NC02336 :

25. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération et de la commune de Lons-le-Saunier, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Ruffey-sur-Seille au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

26. Il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre une somme à la charge de l’Etat au titre des mêmes frais.

DECIDE :


Article 1er : Les jugements n° 1601679 et n° 1601421 du 7 août 2017 du tribunal administratif de Besançon sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Ruffey-sur-Seille devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 25 août 2016 du maire de Ruffey-sur-Seille.

Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, la commune de Lons-le-Saunier et la commune de Ruffey-sur-Seille, dans les requêtes n° 17NC02335, n° 17NC02336 et 17NC02713, tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d’agglomération Espace communautaire Lons-Agglomération, à la commune de Lons-le-Saunier, à la commune de Ruffey-sur-Seille et au ministre de la cohésion des territoires

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

Délibéré après l’audience du 7 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Rees, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 7 mars 2019.

Le rapporteur,

Signé : C. STEFANSKI Le président,

Signé : P. MESLAY

La greffière,


Signé : V. FIRMERY


La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. ROBINET

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N° 17NC02335, 17NC02336 et 17NC02713

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