Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 29 décembre 2000, 00NT01058, inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 29 déc. 2000, n° 00NT01058
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 00NT01058
Importance : Inédit au recueil Lebon
Sur renvoi de : Conseil d'État, 16 mai 2000
Textes appliqués :
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007533994

Sur les parties

Texte intégral


Vu la décision en date du 17 mai 2000, enregistrée au greffe de la Cour le 13 juin 2000, par laquelle le Conseil d’Etat a, d’une part, annulé un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 20 janvier 1997 statuant sur une requête présentée par M. Jean-Pierre CANAS et, d’autre part, renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Nantes ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Bordeaux le 11 mai 1995, présentée pour M. Y… CANAS, demeurant …, par Me NUNEZ, avocat au barreau de Libourne ;
M. X… demande à la Cour :
1 ) d’annuler le jugement n 88-0794 du 22 mars 1995 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier d’Orthez soit condamné à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu’il a subis du fait des suites des interventions chirurgicales pratiquées les 18 mars et 11 juin 1986 dans cet établissement ;
2 ) de condamner le centre hospitalier d’Orthez à lui payer la somme de 650 000 F au titre des préjudices subis, augmentée d’une somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 décembre 2000 :
 – le rapport de Mme COËNT-BOCHARD, premier conseiller,
 – les observations de Me NUNEZ, avocat de M. Y… CANAS,
 – et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par décision du 17 mai 2000, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi par M. Jean-Pierre CANAS, a, d’une part, annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait annulé, pour un motif de forme, le jugement du Tribunal administratif de Pau du 22 mars 1995 rejetant sa demande, et rejeté sa demande, d’autre part, renvoyé l’affaire devant la Cour de céans ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.373-1 du code de la sécurité sociale, l’assuré social ou son ayant droit, qui a été victime d’un accident n’entrant pas dans la catégorie des accidents du travail, doit indiquer sa qualité d’assuré social lorsqu’il demande en justice la réparation du préjudice qu’il a subi ; que cette obligation a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d’office, des caisses de sécurité sociale dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l’accident ;
Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier de première instance que M. X…, qui demandait au centre hospitalier d’Orthez réparation des conséquences dommageables d’une intervention chirurgicale, est assuré social ; que le Tribunal administratif de Pau n’a pas communiqué cette demande à la caisse de sécurité sociale ; qu’il a ainsi méconnu la portée de l’article L.373-1 précité ; que cette irrégularité doit être soulevée d’office par la Cour ; qu’il y a lieu, dès lors, d’annuler le jugement attaqué du 22 mars 1995, rejetant la demande de M. X… ;
Considérant que la Cour ayant mis en cause la Caisse primaire d’assurance maladie (C.P.A.M.) du Béarn et de la Soule, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d’indemnité présentées tant par M. X… que par cette caisse à l’encontre du centre hospitalier d’Orthez ;
Sur la responsabilité :
Considérant que lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n’est pas requise en cas d’urgence, d’impossibilité, de refus du patient d’être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu’exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu’après une opération qu’il a subie le 11 juin 1986, destinée à ôter l’anus artificiel qui avait été posé au mois de mars précédent dans le cadre d’une opération nécessitée par les problèmes intestinaux qu’il connaissait, M. X…, alors âgé de trente-sept ans, s’est plaint de troubles sexuels graves ; qu’il résulte de l’instruction que la blessure des nerfs érecteurs au cours d’une intervention abdomino-pelvienne, même effectuée dans les règles de l’art, était un risque déjà connu, quoique mal appréhendé, en 1986 ; que ce risque aurait dû être porté à la connaissance de M. X… ; qu’il est constant qu’il ne l’a pas été ; que cette omission constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d’Orthez ;

Considérant que les experts commis par le Tribunal administratif de Pau ont conclu à la vraisemblance du lien de cause à effet entre l’opération subie et les troubles fonctionnels sexuels dont souffre le requérant, lesquels, s’ils n’induisent pas la stérilité, sont importants, et ne trouvent pas leur origine, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, dans des troubles psychiques que M. X… aurait présentés avant même son opération ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment des dires d’experts que l’intervention s’est déroulée conformément aux règles de l’art et que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’existence d’une faute médicale n’est pas établie ;
Considérant qu’il résulte également des dires d’experts que les troubles dont souffre M. X… ne peuvent être regardés comme étant d’une extrême gravité et sans rapport avec son état initial au moment de l’opération du 11 juin 1986 et avec l’évolution prévisible de son état ; que, par suite, la responsabilité sans faute du centre hospitalier d’Orthez ne saurait être engagée ;
Considérant, toutefois, que la faute commise par le praticien de l’hôpital n’a entraîné pour M. X… que la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé ; qu’ainsi, le centre hospitalier d’Orthez ne peut être condamné à réparer intégralement les conséquences dommageables de l’opération subie par M. X… ;
Sur les préjudices :
Considérant que si M. X… a été pendant trois mois en état d’incapacité temporaire totale, cet état résultait directement de l’opération subie et non des troubles sexuels qu’il a constatés et dont il n’a d’ailleurs fait état que plusieurs mois après l’opération ; qu’ainsi, M. X… ne peut se prévaloir d’aucun chef de préjudice de ce fait dont la réparation incomberait au centre hospitalier d’Orthez ; qu’il résulte de l’instruction et des écritures de la C.P.A.M. du Béarn et de la Soule que les frais médicaux et pharmaceutiques, passés et futurs, pouvant résulter des conséquences dommageables de l’opération s’élèvent à 45 785,82 F ; que le taux d’incapacité résultant des troubles précités en relation directe avec l’opération doit être évalué à 25 % ; que l’ensemble des troubles de toute nature dans les conditions d’existence résultant de cette incapacité doit être évalué à une somme de 150 000 F dont 100 000 F réparent l’atteinte à l’intégrité physique ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en raison des souffrances physiques endurées en le fixant à la somme de 20 000 F ;
Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. X… de la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que compte tenu du rapprochement entre, d’une part, les risques inhérents à l’intervention et, d’autre part, les désagréments et les contraintes physiques qu’impliquait le renoncement à l’opération réalisée le 11 juin 1986, cette fraction doit être fixée au tiers ; qu’ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X… en le fixant à 48 595,27 F au titre du préjudice relatif à l’atteinte à l’intégrité physique et à 23 333,34 F au titre des autres dommages ;
Sur les droits de la C.P.A.M. du Béarn et de la Soule :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale le recours de la caisse s’exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d’une chance d’éviter un préjudice corporel, la part d’indemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que, par suite, la C.P.A.M. du Béarn et de la Soule, qui fait état de débours à hauteur de 71 503,32 F incluant 34 290 F de frais futurs dont elle indique que seul un quart est justifié par l’aléa thérapeutique du 11 juin 1986, a droit au remboursement des frais exposés par elle à hauteur de la somme de 45 785,82 F ; que, dès lors, il y a lieu de condamner le centre hospitalier d’Orthez à verser cette somme à ladite caisse ;
Sur les droits de M. X… :
Considérant que M. X… a droit à la somme totale de 26 142,79 F allouée au titre du préjudice personnel et de la part de l’indemnité réparant son préjudice corporel non absorbée par la créance de la C.P.A.M. du Béarn et de la Soule ;
Sur les dépens :
Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre les frais des deux expertises ordonnées par le Tribunal administratif de Pau, liquidés et taxés à la somme totale de 7 800 F, à la charge du centre hospitalier d’Orthez ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant que les dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel font obstacle à ce que M. X…, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au centre hospitalier d’Orthez la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstance de l’espèce, de condamner le centre hospitalier d’Orthez à payer à M. X… une somme de 6 000 F sur ce fondement pour les frais exposés par lui en première instance et une somme de 6 000 F pour ceux exposés par lui en appel ;
Article 1er  : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 22 mars 1995 est annulé.
Article 2  : Le centre hospitalier d’Orthez est condamné à verser à M. Jean-Pierre CANAS une somme de vingt six mille cent quarante deux francs et soixante dix neuf centimes (26 142,79 F).
Article 3  : Le centre hospitalier d’Orthez est condamné à verser à la Caisse primaire d’assurance maladie du Béarn et de la Soule une somme de quarante cinq mille sept cent quatre vingt cinq francs et quatre vingt deux centimes (45 785,82 F).
Article 4  : Le surplus des conclusions de la requête de M. Jean-Pierre CANAS est rejeté.
Article 5  : Les frais d’expertise arrêtés à la somme de sept mille huit cents francs (7 800 F) sont mis à la charge du centre hospitalier d’Orthez.
Article 6  : Le centre hospitalier d’Orthez est condamné à payer à M. Jean-Pierre CANAS une somme globale de douze mille francs (12 000 F) sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Article 7  : Les conclusions du centre hospitalier d’Orthez tendant à la condamnation de M. Jean-Pierre CANAS au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 8  : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre CANAS, au centre hospitalier d’Orthez, à la Caisse primaire d’assurance maladie du Béarn et de la Soule, et au ministre de l’emploi et de la solidarité.

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