CAA de NANTES, 3ème chambre, 24 février 2017, 15NT01727, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 24 févr. 2017, n° 15NT01727
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 15NT01727
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 2 avril 2015, N° 1303782
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034166376

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 14 août 2013 par lequel le préfet des Côtes d’Armor a ordonné l’interruption de l’accueil de quatre-vingt mineurs en séjour prévu du 4 au 23 août 2013 à Pommerit-Jaudy.

Par un jugement n° 1303782 du 3 avril 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 3 juin 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 6 août 2015, les sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques, représentées par Me A…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 avril 2015 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 14 août 2013 par lequel le préfet des Côtes d’Armor a ordonné l’interruption du séjour prévu du 4 au 23 août 2013 à Pommerit-Jaudy ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

 – les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l’application par le préfet de la procédure prévue au I de l’article L. 227-1 du code de l’action sociale et des familles alors qu’elles relevaient, en tant que personne morale, de la procédure prévue au II du même article ;

 – le préfet a commis une erreur en prenant un arrêté à l’encontre de la société Vacances éducatives et séjour linguistique alors que le séjour interrompu était organisé par la société Vacances éducatives, qui rémunérait le personnel et a conclu les contrats avec les parents des mineurs accueillis ;

 – le préfet a commis une erreur de droit en faisant application des articles L. 227-1 et suivant du code de l’action sociale et des familles alors que ceux-ci ne sont pas applicables à la société Vacances éducatives, qui est un établissement d’enseignement hors contrat ;

 – le préfet a entaché sa décision de vice de procédure car elles devaient se voir appliquer, en tant que personnes morales, le II de l’article L. 227-11, qui ne prévoit pas de procédure dérogatoire en cas d’urgence et implique la consultation préalable d’une commission départementale ;

 – les faits invoqués par le préfet pour interrompre le séjour ne permettent pas de caractériser une situation d’urgence ;

 – la décision d’interruption est disproportionnée par rapport aux faits invoqués, alors que les mesures qu’elles avaient prises, notamment la mise à pied du directeur, étaient de nature à remédier aux dysfonctionnements constatés.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2015 le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

 – le préfet n’a pas commis d’erreur quant au destinataire de la décision dès lors que c’est la société Vacances éducatives et séjours linguistiques qui a procédé à la déclaration du séjour objet du litige, en application du 1° de l’article R. 227-2 du code de l’action sociale et des familles ;

 – le préfet a fait à bon droit application des articles L. 227-1 et suivant du code de l’action sociale et des familles dès lors que le séjour organisé constituait un accueil collectif de mineurs au sens des articles L. 227-4 et R. 227-1 du même code ;

 – le préfet a fait à bon droit application du I de l’article L. 227-11 du code de l’action sociale et des familles, qui permet d’interrompre un accueil de mineurs en particulier, sans préjudice des dispositions du II, qui peuvent conduire à interdire à une personne moral qui organise l’accueil de mineurs de poursuivre cette activité de manière temporaire ou définitive ;

 – les dysfonctionnements justifiant la décision n’ont pas été uniquement révélés par le directeur du séjour mais également constatés lors de deux inspections sur places et étaient constitutifs d’une situation d’urgence compte tenu des risques encourus par les mineurs ;

 – le préfet n’a pas commis d’erreur dans l’appréciation des faits, qui justifiaient la décision qu’il a prise.

Les parties ont été informées par une lettre du 26 septembre 2016 que l’affaire était susceptible, à compter du 2 novembre 2016, de faire l’objet d’une clôture d’instruction à effet immédiat en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l’instruction a été fixée au 3 novembre 2016 par une ordonnance du même jour en application des dispositions de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Le Bris,

 – les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, représentant les sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques.

Une note en délibéré présentée par Me A… a été enregistrée le 20 février 2017.

1. Considérant que le groupe Vacances éducatives est composé de la société Vacances éducatives, dont l’objet est l’enseignement, et de la société Vacances éducatives et séjours linguistiques, dont l’objet est l’organisation de séjour de vacances pour mineurs, en France et à l’étranger ; que ces différentes entités juridiques sont dirigées par M. D… et partagent le même siège social ; que la société Vacances éducatives séjours linguistiques a déclaré le 29 avril 2013, auprès de la direction départementale de la cohésion sociale de Paris, l’organisation d’un séjour de vacances pour des jeunes de 12 à 17 ans du 4 au 23 août 2013 à Pommerit-Jaudy (Côtes d’Armor) ; qu’à la suite d’une inspection sur le site réalisée le 12 août 2013, le préfet des Côtes d’Armor a pris le 14 août 2013 un arrêté ordonnant l’interruption de ce séjour ; que les sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques relèvent appel du jugement du 3 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif de Rennes a statué sur le moyen tiré des vices de procédure qui auraient entaché l’arrêté du 14 août 2013 et a notamment indiqué que le préfet avait pu à bon droit prendre cette décision sans adresser au préalable une injonction au responsable de l’accueil ; que le tribunal administratif n’était pas tenu de répondre à chacun des arguments exposés par les sociétés demanderesses au soutien de leurs moyens ; que, par suite, les sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité ;

Sur la légalité de l’arrêté du 14 août 2013 :

3. Considérant, en premier lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que l’arrêté en litige serait irrégulier dès lors qu’il a été adressé à la société Vacances éducatives et séjours linguistiques alors que le séjour faisant l’objet de l’interruption était organisé par la société Vacances éducatives ; que toutefois, d’une part, les bulletins d’inscription, facture et bulletin de salaire versés au dossier à l’appui de cette affirmation portent soit l’en-tête des deux sociétés, soit l’en-tête « Vacances éducatives » sans qu’il soit possible de déterminer si cette mention désigne le groupe ou la société du même nom ; que, d’autre part et en tout état de cause, il est également constant, ainsi qu’il a été dit au point 1, que c’est la société Vacances éducatives et séjours linguistiques qui a procédé auprès de la direction départementale de la cohésion sociale de Paris à la déclaration du séjour litigieux en application des dispositions de l’article R. 227-2 du code de l’action sociale et des familles ; que l’administration était ainsi fondée à estimer que cette société en était l’organisateur et, en conséquence, à prendre à son encontre toute mesure prévue par la réglementation applicable et rendue nécessaire par les circonstances ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles : « La protection des mineurs, dès leur inscription dans un établissement scolaire en application de l’article L. 113-1 du code de l’éducation, qui bénéficient hors du domicile parental, à l’occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d’un mode d’accueil collectif à caractère éducatif entrant dans une des catégories fixées par décret en Conseil d’Etat, est confiée au représentant de l’Etat dans le département. / Ce décret définit, pour chaque catégorie d’accueil, la réglementation qui lui est applicable, et les conditions dans lesquelles un projet éducatif doit être établi. / Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à l’accueil organisé par des établissements d’enseignement scolaire. » ; qu’il ressort des pièces versées au dossier que la société Vacances éducatives et séjours linguistiques qui a, ainsi qu’il a été rappelé au point précédent, organisé l’accueil de quatre-vingt-dix mineurs âgés de 14 à 17 ans à Pommerit-Jaudy n’est pas un établissement d’enseignement scolaire ; que, par suite, le préfet des Côtes d’Armor, représentant de l’Etat dans ce département, était bien compétent pour décider d’interrompre ce séjour en faisant usage des pouvoirs qu’il tient en matière de protection des mineurs en application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 227-11 du code de l’action sociale et des familles : " I.-Le représentant de l’Etat dans le département peut adresser, à toute personne qui exerce une responsabilité dans l’accueil des mineurs mentionné à l’article L. 227-4 ou aux exploitants des locaux les accueillant, une injonction pour mettre fin : / -aux manquements aux dispositions prévues à l’article L. 227-5 ; / -aux risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent les conditions de leur accueil ;(…) A l’expiration du délai fixé dans l’injonction, le représentant de l’Etat dans le département peut, de manière totale ou partielle, interdire ou interrompre l’accueil de mineurs mentionné à l’article L. 227-4, ainsi que prononcer la fermeture temporaire ou définitive des locaux dans lesquels il se déroule, si la ou les personnes qui exercent une responsabilité dans l’accueil des mineurs mentionné à l’article L. 227-4 ou les exploitants des locaux les accueillant n’ont pas remédié aux situations qui ont justifié l’injonction. / En cas d’urgence (…), le représentant de l’Etat dans le département peut décider, sans injonction préalable, d’interdire ou d’interrompre l’accueil ou de fermer les locaux dans lesquels il se déroule. /(…)" ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une décision d’interrompre l’accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental de mineurs à l’occasion des vacances scolaires peut, en cas d’urgence, être prise par le préfet, sans injonction ni consultation de la commission mentionnée à l’article L. 227-10 du code de l’action sociale et des familles, à l’encontre de toute personne, physique ou morale, qui exerce une responsabilité dans l’accueil des mineurs ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de l’arrêté contesté du 14 août 2013 l’administration avait été alertée à deux reprises par le directeur du séjour sur les risques induits par l’insuffisance des moyens matériels et humains dont il disposait ; qu’elle avait également reçu des signalements émanant de deux familles et une liste de doléances établie par quatorze jeunes participant au séjour ; que le directeur comme les familles relevaient l’absence de réaction de l’organisateur du séjour face aux difficultés dont il avait été informé ; que l’administration avait par ailleurs eu connaissance de l’hospitalisation de deux jeunes filles suite à des chocs reçus à la tête ; qu’enfin, le rapport établi par M. B…, directeur départemental de la cohésion sociale des Côtes d’Armor suite à sa visite sur place le 12 août 2013, faisait état d’une équipe d’encadrement insuffisante en nombre, peu solidaire, peu investie, et manifestement dans l’incapacité de mettre en place une organisation, une surveillance et le respect de règles de vie permettant d’assurer la sécurité des jeunes ; que dans ces conditions, le préfet a pu, sans se méprendre sur l’appréciation des faits qui étaient portés à sa connaissance estimer, qu’il se trouvait face à une situation d’urgence justifiant que l’accueil des mineurs soit interrompu sans injonction préalable ; que, par suite, les sociétés requérantes, qui ne sauraient prétendre que l’organisateur du séjour n’exerce pas de responsabilité dans l’accueil des mineurs au sens des dispositions précitées, ne sont fondées à soutenir ni que l’arrêté contesté serait intervenu à l’issue d’une procédure irrégulière au motif qu’il n’a pas été précédé d’une injonction et de la consultation de la commission mentionnée à l’article L. 227-10 du code de l’action sociale et des familles, ni qu’il serait pour les mêmes motifs entaché d’erreur de droit ;

7. Considérant, en dernier lieu, que lors d’une visite effectuée le 5 août 2013 M. Colleu, conseiller d’éducation populaire, avait déjà identifié le nombre insuffisant de personnels d’encadrement compte tenu des droits aux repos compensateurs et du fait que les professeurs intervenant pour assurer des cours en matinée ne s’étaient pas engagés à participer à l’animation ; qu’il avait également relevé l’insuffisance de moyens financier et en matériel et le fait que le séjour n’avait pas été suffisamment préparé, notamment pour tenir compte de la présence d’une vingtaine de jeunes pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance et dont certains ne parlaient quasiment pas le français ; que des dysfonctionnements sont rapidement apparus, non seulement dans les conditions matérielles du séjour mais surtout dans les conditions d’encadrement des mineurs, se manifestant notamment par la délivrance de médicament sans ordonnance, la libre consommation du tabac, l’absence de respect des horaires et de la séparation entre fille et garçon dans les chambres et les sanitaires et le défaut de participation aux activités de certains jeunes qui leur permettaient d’échapper à toute surveillance ; que l’ensemble de ces manquements ont été constatés par M. B… lors de sa visite du 12 août qui a noté, en outre, que ce défaut d’encadrement avait rendu possible des « bousculades » dans les locaux de sommeil ayant conduit à l’hospitalisation de deux jeunes filles les 9 et 13 août ; que la société organisatrice, rendue destinataire du rapport de M. Colleu et alertée à la fois par le directeur et par des parents, n’est pas intervenue pour remédier aux difficultés rencontrées autrement qu’en allouant le 12 août 2013 à la caisse du séjour, dédiée aux dépenses courantes, une somme supplémentaire de 600 euros ; que dans ces conditions, le préfet, en décidant par l’arrêté contesté d’interrompre ce séjour au regard des risques pour la santé et la sécurité physique et morale des mineurs que présentaient les conditions de leur accueil, n’a pas commis d’erreur d’appréciation ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement aux sociétés requérantes de la somme qu’elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Vacances éducatives et Vacances éducatives et séjours linguistiques est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vacances éducatives, à la société Vacances éducatives et séjours linguistiques et au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Une copie sera transmise au préfet des Côtes d’Armor.

Délibéré après l’audience du 9 février 2017, à laquelle siégeaient :

 – M. Coiffet, président assesseur,

 – M. Gauthier, premier conseiller,

 – Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 février 2017.

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

O. Coiffet

Le greffier,
M. C…


La République mande et ordonne au ministre de la ville, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°15NT01727

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