CAA de NANTES, 2ème chambre, 2 février 2018, 17NT01380, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 2 févr. 2018, n° 17NT01380
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 17NT01380
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 27 avril 2017
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036569616

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure devant le tribunal administratif :

Mme C… E…, Mme G… B…-F… et la SCI Ker Ael Coz ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 21 novembre 2011 du préfet du Finistère approuvant les modifications du tracé, les caractéristiques et les suspensions de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Fouesnant, dans le secteur de Beg Meil.

Par un jugement n° 1200314 du 28 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure contentieuse antérieure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 14NT02011, les 28 juillet, 3 septembre, 18 novembre 2014et 28 avril 2015, Mme E…, Mme B…-F… et la SCI Ker Ael Coz, représentées par Me D…, ont demandé à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 mai 2014 ;

2°) d’annuler l’arrêté préfectoral du 21 novembre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutenaient que :

 – le jugement du tribunal administratif était insuffisamment motivé sur le rejet du moyen tiré du caractère irrégulier de l’affichage de l’avis d’enquête publique ;

 – cet affichage méconnaissait les dispositions de l’article R. 123-11 du code de l’environnement prescrivant un affichage « sur les lieux prévus pour la réalisation du projet » ;

 – l’affichage de l’avis d’enquête publique, qui n’avait pas été assuré pendant toute la durée de l’enquête publique, était irrégulier, entachant d’illégalité la décision prise à l’issue de la procédure ;

 – le dossier d’enquête publique n’était pas suffisamment précis, en ce qu’il n’exposait pas précisément l’objet de l’opération prévue et ne contenait pas l’indication précise des parties du territoire où il était envisagé de suspendre l’application de la servitude ;

 – l’avis du commissaire-enquêteur était entaché d’une absence de motivation personnelle et circonstanciée ;

 – le projet de servitude avait été modifié après l’enquête publique ;

 – les premiers juges avaient dénaturé les pièces du dossier en considérant que les requérantes n’établissaient pas qu’un simple rehaussement du perré était suffisant pour permettre un passage à pied sec ;

 – le préfet avait commis une erreur d’appréciation en écartant, sans fournir d’explication précise, la solution proposée d’un rehaussement du perré ;

 – le préfet a commis une erreur en affirmant que l’article R. 423-58 du code de l’urbanisme ne s’appliquait pas ;

 – l’enquête publique était irrégulière dès lors que le commissaire-enquêteur avait procédé à une visite sur place en s’abstenant de convoquer tous les propriétaires intéressés, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 160-18 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2015, le ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité concluait au rejet de la requête.

Le ministre faisait valoir qu’aucun des moyens soulevés par les requérantes n’était fondé.

Par un arrêt du 11 décembre 2015, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 mai 2014 ainsi que l’arrêté du 21 novembre 2011.

Procédure contentieuse antérieure devant le Conseil d’Etat :

Le 15 février 2016, le ministre du logement et de l’habitat durable a introduit un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

Par une décision du 28 avril 2017 le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour du 11 décembre 2015 et renvoyé l’affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure contentieuse devant la cour :

Par des mémoires enregistrés les 7 et 27 novembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête présentée par Mme E… et autres.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2017, Mme E… et autres concluent aux mêmes fins que dans l’instance n° 14NT02011, par les mêmes moyens.

Elles soutiennent en outre que :

 – le vice entachant la procédure d’enquête publique a eu pour effet de priver les personnes concernées d’une garantie ;

 – la visite sur les lieux s’est déroulée après la clôture de l’enquête publique ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Gélard,

 – les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C… E…, Mme G… B…-F… et la SCI Ker Ael Coz, qui sont respectivement propriétaires des parcelles cadastrées section CB n°9, CB n°123 et CB n°122 situées entre la plage de Pen Ar Prat et la pointe du sémaphore de Beg Meil à Fouesnant, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 21 novembre 2011 du préfet du Finistère approuvant les modifications du tracé, les caractéristiques et les suspensions de la servitude de passage des piétons le long du littoral pour ce secteur ; que par un jugement du 28 mai 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ; que ce jugement ainsi que l’arrêté préfectoral du 21 novembre 2011 ont été annulés par un arrêt de la cour du 11 décembre 2015, lequel a lui-même été annulé par une décision du 28 avril 2017 du Conseil d’Etat, qui a renvoyé l’affaire devant la cour pour y être jugée ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 160-6 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. / L’autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d’une enquête publique effectuée comme en matière d’expropriation : / a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d’une part, d’assurer, compte tenu notamment de la présence d’obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d’autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; / b) A titre exceptionnel, la suspendre. » ; qu’aux termes de l’article R. 160-18 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête peut décider de procéder à une visite des lieux. Dans ce cas, le commissaire enquêteur ou le président de la commission avise le maire et convoque sur place les propriétaires intéressés ainsi que les représentants des administrations ; après les avoir entendus, il dresse procès-verbal de la réunion. » ;

3. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les propriétaires intéressés mentionnés à l’article R. 160-18 du code de l’urbanisme, devant être convoqués sur place par le commissaire enquêteur lorsque celui-ci décide de procéder à une visite des lieux, s’entendent des propriétaires des parcelles concernées soit par les modifications envisagées par l’autorité administrative du tracé ou des caractéristiques de la servitude soit par la suspension de celle-ci et ne se limite pas aux seuls propriétaires ayant exprimé le souhait qu’il soit procédé à cette visite ;

4. Considérant que dans son rapport, et notamment en pages 8 et 22, le commissaire enquêteur indique qu’à la demande de certains propriétaires, parmi lesquels figurent Mme E… et M. B… pour la SCI Ker Ael Coz, il a programmé des visites sur place le 22 juillet 2011, le matin et en soirée ; qu’il ajoute que par courrier des 18 et 19 juillet 2011, il a informé les propriétaires qui avaient sollicité ces visites de la date et de l’heure de son passage sur leur propriété et en a avisé le maire de la commune ainsi que le préfet ; qu’il n’est pas contesté que les autres propriétaires concernés par les modifications du tracé, les caractéristiques et les suspensions de la servitude de passage des piétons le long du littoral pour ce secteur, et qui possèdent des parcelles mitoyennes à celles des propriétaires présents lors de cette visite, n’ont pas été conviés à cette visite sur place ; que dès lors, les requérantes sont fondées à soutenir que les dispositions précitées de l’article R. 160-18 du code de l’urbanisme n’ont pas été respectées ;

5. Considérant, toutefois, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une enquête publique n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que tel est notamment le cas s’il a eu pour effet de nuire à l’information et à la participation de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la visite des lieux s’est tenue le 22 juillet 2011 le matin et en soirée « après la dernière permanence », le dernier jour de l’enquête publique ; que dans ces circonstances, les propriétaires non convoqués, qui étaient directement concernés par les modifications projetées, n’ont pas été en mesure d’exprimer leurs souhaits sur le tracé proposé ou les travaux envisagés sur leurs propriétés et n’ont pu répliquer aux remarques faites ou aux interrogations émises sur place à cette occasion, tant par le commissaire enquêteur et le maire de Fouesnant, que par le représentant d’une association locale qui assistaient à cette visite des lieux en présence des autres propriétaires présents ; qu’ils n’ont pu formuler leurs remarques ou observations postérieurement à cette visite, qui s’est tenue le dernier jour de l’enquête publique ; que les requérants sont, dès lors, fondés à soutenir que le non-respect des dispositions prévues à l’article R. 160-18 du code de l’urbanisme les a privés d’une garantie entachant d’illégalité l’arrêté contesté ;

7. Considérant, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, qu’aucun moyen n’est susceptible de fonder l’annulation de l’arrêté préfectoral contesté ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que Mme E… et autres sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme E…, à Mme B…-F… et à la SCI Ker Ael Coz, de la somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 juillet 2014 ainsi que l’arrêté préfectoral du 21 novembre 2011 sont annulés.

Article 2 : L’Etat versera à Mme E…, à Mme B…-F… et à la SCI Ker Ael Coz une somme globale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C… E…, à Mme G… B…-F…, à la SCI Ker Ael Coz, au ministre de la cohésion des territoires et à la commune de Fouesnant.

Une copie sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l’audience du 16 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

 – M. Degommier, président,

 – Mme Gélard, premier conseiller,

 – M. A…'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 février 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

K. BOURON La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 17NT01380

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