Cour Administrative d'Appel de Nantes, 2ème Chambre, 4 mai 2018, 17NT00873, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 4 mai 2018, n° 17NT00873
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 17NT00873
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 9 janvier 2017, N° 1403521, 1405085
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036876757

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… F…, Mme G… E… et Mme I… H… ont demandé au Tribunal Administratif de Nantes d’annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du 20 février 2014 par laquelle le conseil municipal de l’Ile d’Yeu a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune.

Par un jugement n°s 1403521, 1405085 du 10 janvier 2017, le Tribunal Administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2017 et le 24 avril 2017, Mme E… et Mme H…, représentées par Me A…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 10 janvier 2017 ;

2°) d’annuler cette délibération du 20 février 2014 du conseil municipal de l’Ile d’Yeu.

Elles soutiennent que :

 – le jugement attaqué n’a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l’insuffisante motivation des conclusions du commissaire enquêteur ;

 – les conclusions du commissaire enquêteur, qui ne figurent pas dans un document séparé, sont insuffisamment motivées, le commissaire enquêteur n’ayant pas donné son avis personnel et motivé et n’ayant pas explicité les raisons de son avis favorable ;

 – le classement des parcelles cadastrées 188, 391 et 388 est entaché d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que ces parcelles sont entourées de terrains bâtis classés en zone urbaine et bordés par une route et qu’elles étaient précédemment classées en zone urbaine ; l’existence d’un cône de visibilité ne suffit pas à justifier ce classement ;

 – un tel classement entraîne une inégalité de traitement à leur détriment.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2017, la commune de l’Ile d’Yeu, représentée par Me D…, conclut au rejet de la requête, à ce que soit mise à la charge de Mmes E… et H… une somme de 3000 euros, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce un sursis à statuer en application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme.

Elle soutient que :

 – les moyens soulevés par Mmes E… et H… ne sont pas fondés ;

 – les éventuelles illégalités affectant le PLU peuvent faire l’objet d’une régularisation en application de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Degommier,

 – les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, substituant Me D…, représentant la commune de l’Ile-d’Yeu.

1. Considérant que Mme G… E… et Mme I… H… interjettent appel du jugement du 10 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 20 février 2014 par laquelle le conseil municipal de l’Ile d’Yeu a approuvé le plan local d’ urbanisme de la commune ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le tribunal administratif, en réponse au moyen tiré de l’insuffisante motivation des conclusions du commissaire enquêteur, après avoir rappelé les textes régissant le contenu du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, a, de manière détaillée, exposé les motifs qui l’ont conduit à considérer que le commissaire enquêteur a indiqué les raisons personnelles ayant motivé son avis favorable au projet de plan local d’urbanisme ; qu’ainsi, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen ;


Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de l’île d’Yeu :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme, alors applicable : « Le projet de plan local d’urbanisme est soumis à l’enquête publique (…) par le maire dans les formes prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. » ; qu’aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable : « Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies. (…) Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet » ; que ces dispositions obligent le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et inconvénients du projet et à indiquer, au moins sommairement et, sans qu’il soit tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l’enquête publique, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;

4. Considérant, d’une part, que si l’article R. 123-19 précité du code de l’environnement, prévoit que le commissaire enquêteur consigne ses conclusions « dans un document séparé », cette disposition n’est pas méconnue lorsque, comme en l’espèce, les conclusions de l’enquête, sans faire l’objet d’un document séparé, figurent dans une partie distincte du rapport, aisément identifiable ;

5. Considérant, d’autre part, que, dans ses conclusions, le commissaire-enquêteur, après avoir souligné que l’élaboration d’un plan local d’urbanisme constituait « une nécessité » pour la commune de l’Ile d’Yeu et que ce point faisait « la quasi-unanimité parmi le public et les personnes publiques associées », a, ensuite, relevé que le dossier élaboré par le cabinet d’études avait « le mérite de balayer l’ensemble des problèmes que soulève l’application de toute la législation sur l’urbanisme et la protection de l’environnement » ; qu’il a également indiqué qu’il faisait siennes les réserves formulées par l’autorité environnementale « sur l’évaluation globale du nombre de logements, les occupations et utilisations du sol autorisées, les coupures d’urbanisation, les boisements, les conditions d’utilisation du sol en zone humide, agricole et naturelle, etc. », a émis plusieurs recommandations portant sur les périmètres des espaces boisés classés et remarquables, sur les coefficients d’occupation des sols, sur les orientations d’aménagement et de programmation, sur l’étendue des zones classées N, « la plupart du temps justifiée » ; qu’il a en outre demandé à ce que soient classées en secteur Nhc certaines parcelles classées en zone N, ces recommandations renvoyant pour une part à l’analyse détaillée faite dans son rapport, en réponse aux observations du public ; qu’il a enfin, rendu compte du ressenti d’une partie du public sur le projet ; qu’au vu de ces considérations, il a donné un avis favorable au projet de plan local d’urbanisme de la commune de l’Ile d’Yeu ; que, ce faisant, le commissaire-enquêteur a indiqué les raisons personnelles qui 1'ont conduit à émettre un avis favorable sur le projet de plan local d’urbanisme ; que le moyen de l’insuffisante motivation de son avis ne peut, dès lors, qu’être écarté ;


En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant qu’aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’urbanisme alors en vigueur : « Les zones naturelles et forestières sont dites » zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l’existence d’une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d’espaces naturels. (…) ";

7. Considérant qu’il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme, qui ne sont pas liés, pour déterminer l’affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d’utilisation des sols, de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; qu’ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l’article R. 123-8, un secteur qu’ils entendent soustraire, pour l’avenir, à 1'urbanisation ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

8. Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article L. 146-2 du code de l’urbanisme, alors applicable : « Les plans locaux d’urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d’une coupure d’urbanisation » ; et qu’aux termes de l’article L. 123-1-5 du même code, alors applicable : « Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions. A ce titre, le règlement peut : (…) 7° Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou écologique et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur protection. » ;

9. Considérant que les auteurs du plan local d’urbanisme de la commune de l’Ile d’Yeu ont classé en zone naturelle N les parcelles cadastrées section AS n° 133, 391 et 388 appartenant à Mmes E… etH…, qui en sont les propriétaires indivises ; qu’il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de zonage ainsi que des plans et photographies du secteur, que ces trois parcelles sont bordées, au nord, par des terrains bâtis classés en zone UCa, au sud, par des terrains également bâtis classés en zone UH et à l’est et à l’ouest, par des terrains demeurés à l’état naturel, classés en zone naturelle ou agricole ; que ces parcelles ne sont pas bâties, à l’exception de la parcelle cadastrée AS n° 133 qui supporte une maison et un garage ; qu’il ressort du rapport de présentation que ces parcelles font partie intégrante d’un important espace naturel et agricole, allant du secteur dit de « Ker Bossy » au « Marais de la Guerche », qui a été identifié, par le projet d’aménagement et de développement durables du plan, en application de l’article L. 146-2 du code de l’urbanisme, comme une coupure d’urbanisation, dénommée « La Chapelle du père de Monfort », qui permet notamment d’assurer une coupure entre les deux zones urbaines qui les bordent, celle de Port-Joinville au nord et celle de Saint-Sauveur au sud ; que ce classement est également motivé par la volonté de limiter le mitage des espaces naturels et ruraux de la commune de l’Ile d’Yeu, en cohérence avec l’orientation générale du projet d’aménagement et de développement durables tendant à la préservation et à la protection des milieux naturels ; que les parcelles litigieuses sont, en outre, situées à l’intérieur d’un cône de vue, que les auteurs du plan local d’urbanisme ont entendu protéger, ainsi que les dispositions précitées du 7° de l’article L. 123-1-5 précité du code de l’urbanisme le permettaient ; qu’à cet effet, l’article N 13.5 du règlement du PLU prévoit que « Au sein des cônes de vue repérés au titre de l’article L. 123-1-5 7° du code de l’urbanisme, l’organisation du bâti doit permettre de préserver les vues perceptibles depuis les voies ou les espaces accessibles au public » ; que si les requérantes soutiennent que ce cône de vue englobe également des terrains classés en zone urbaine, elles n’apportent aucun argument circonstancié de nature à remettre en cause la pertinence de l’institution de ce cône de vue, alors que la commune précise que le règlement de la zone UC comporte également des prescriptions destinées à assurer la protection de ces cônes de vue ; qu’enfin, la maison édifiée sur la parcelle cadastrée AS n° 133 a été classée, néanmoins, en secteur Nh, dont le règlement autorise la rénovation, la réhabilitation et l’extension limitée et mesurée des constructions existantes ; que, dans ces conditions, et alors même que ces parcelles étaient classées en zone UB dans l’ancien plan d’occupation des sols, et qu’elles sont desservies par une route, les auteurs du plan local d’urbanisme de la commune de l’Ile d’Yeu n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en les classant en zone naturelle ;

10. Considérant, enfin, qu’il est dans la nature de toute réglementation d’urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes ainsi que des zones inconstructibles ; que dans la mesure où, comme en l’espèce, cette délimitation ne repose pas sur une erreur de droit ou une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas une atteinte illégale au principe d’égalité des citoyens devant la loi ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme E… et Mme H… ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;


Sur les frais liés au litige :

12. Considérant qu’il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge des requérantes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ;

D E C I D E  :


Article 1er : La requête de Mme E… et Mme H… est rejetée.

Article 2 : Mme E… et Mme H… verseront à la commune de l’Ile d’Yeu une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G… E…, à Mme I… H… et à la commune de l’Ile d’Yeu.


Délibéré après l’audience du 17 avril 2018, à laquelle siégeaient :

— Mme Phémolant, présidente de la Cour,

 – M. Degommier, président assesseur,

 – Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 mai 2018.


Le rapporteur,

S. DEGOMMIER


Le greffier,

S. BOYERE


La présidente de la Cour,

B. PHEMOLANT

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 17NT00873

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