CAA de NANTES, 6ème chambre, 16 mars 2021, 19NT03413, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 16 mars 2021, n° 19NT03413
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT03413
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 19 juin 2019, N° 1701535, 1704326
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043260958

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… E… a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 13 mars 2017 par lequel le maire de Lampaul-Plouarzel a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie à compter du 26 juin 2015. Il a également demandé l’annulation de l’arrêté du 3 août 2017 du maire refusant de lui accorder un congé de longue maladie.

Par un jugement nos 1701535, 1704326 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du 13 mars 2017 (article 1er), a enjoint au maire de cette commune de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois (article 2), a mis la somme de 1 500 euros à la charge de la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions des demandes présentées par M. E… (article 4) ainsi que les conclusions de la commune présentées dans la seconde instance au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2019, la commune de Lampaul-Plouarzel, représentée par Me F…, demande à la cour :

1°) d’annuler les articles 1 à 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 juin 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. E… dans l’instance n° 1701535 ;

3°) de mettre à la charge de M. E… le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et en appel.

Elle soutient que :

 – le jugement est irrégulier dans la mesure où son mémoire du 9 mai 2019 n’a pas été communiqué ;

 – le recours à un spécialiste n’est nécessaire qu’en fonction de la complexité du dossier ; or, les faits soumis à l’appréciation de la commission de réforme ne présentaient aucun caractère de complexité ; ce moyen était irrecevable dès lors que M. E… n’avait apporté aucune précision suffisante sur ce point ; les avis médicaux soumis à la commission ne prêtaient aucunement à confusion ;

 – il n’est pas établi que le vice de procédure retenu par le tribunal administratif a exercé une influence sur le sens de l’arrêté du 13 mars 2017 ou qu’il a privé l’intéressé d’une garantie, de sorte qu’il ne pouvait conduire à l’annulation de cette décision ;

Elle s’en rapporte à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. E… devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2019, M. E…, représenté par Me B…, conclut au rejet de la requête, à ce qu’il soit enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au maire de Lampaul-Plouarzel de prendre un nouvel arrêté le plaçant à compter du 26 juin 2015 jusqu’à ce jour en congé de maladie imputable au service et de reconstituer sa carrière ou à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Lampaul-Plouarzel au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Lampaul-Plouarzel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

 – l’arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme D…,

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

 – et les observations de Me C…, substituant Me F…, représentant la commune de Lampaul-Plouarzel.

Considérant ce qui suit :

1. M. A… E… est adjoint technique de 2e classe au sein des effectifs de la commune de Lampaul-Plouarzel. Il a été placé en congé de maladie ordinaire du 31 octobre 2014 au 15 février 2015, puis de nouveau à compter du 26 juin 2015. Le 13 août 2015, il a présenté une demande de reconnaissance de l’imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont il souffre. Par un arrêté du 13 mars 2017, le maire de Lampaul-Plouarzel a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie. M. A… E… a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler cette décision. Parallèlement, le 21 février 2017, l’intéressé a sollicité son placement en congé longue maladie. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 13 août 2017. M. E… a de nouveau saisi le tribunal administratif de Rennes d’une demande tendant à l’annulation de cette décision. Par un jugement n° 1701535, 1704326 du 20 juin 2019, le tribunal administratif a annulé l’arrêté du 13 mars 2017 (article 1er), a enjoint au maire de la commune de Lampaul-Plouarzel de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois (article 2), a mis la somme de 1 500 euros à la charge de la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions des demandes présentées par M. E… (article 4) ainsi que les conclusions de la commune présentées dans la seconde instance au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (article 5). La commune relève appel des articles 1 à 3 de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 611-1 du code de justice administrative : « (…) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. ». Aux termes de l’article R. 613-3 du même code : « Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. (…) ». Il résulte de ces dispositions que, lorsque, après la clôture de l’instruction, le juge est saisi d’un mémoire émanant d’une des parties, il lui appartient d’en prendre connaissance ainsi que de le viser dans sa décision. S’il a toujours la faculté d’en tenir compte après l’avoir analysé et avoir rouvert l’instruction, il n’est tenu de le faire, à peine d’irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l’exposé soit d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office.

3. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lampaul-Plouarzel a présenté, le 15 mai 2018, un mémoire en défense dans lequel elle se prévalait de plusieurs jurisprudences de cours administratives d’appel pour soutenir que la commission de réforme était suffisamment éclairée sur l’état de santé de M. E… et que la présence d’un médecin expert n’était pas nécessaire. Elle a produit un second mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2019, soit postérieurement à la clôture de l’instruction fixée au 30 avril 2019 en vertu d’une ordonnance du 15 avril 2019. Le tribunal administratif a visé cette ordonnance et ce mémoire de la commune sans l’analyser. Si dans ce second mémoire la commune se prévalait d’une décision du Conseil d’Etat du 24 avril 2019 se prononçant sur les questions de la composition et de l’information de la commission de réforme, cette décision, qui ne pose aucun principe général portant revirement de sa jurisprudence, ne peut être regardée comme constituant une circonstance de droit nouvelle. Par suite, en ne procédant pas à la réouverture de l’instruction afin de communiquer ce mémoire de la commune, le tribunal n’a pas méconnu le principe du contradictoire. La commune n’est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité à raison de ce motif.

Sur la légalité de l’arrêté du 13 mars 2017 :

4. Aux termes de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant statut de la fonction publique territoriale dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : « Le fonctionnaire en activité a droit : (…) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions (…) / Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l’alinéa précédent, l’imputation au service de l’accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ». Aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 4 août 2004 relatif aux commission départementales de réformes : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s’il y a lieu, pour l’examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; 2. Deux représentants de l’administration ; 3. Deux représentants du personnel (…) "

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d’un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l’examen de son cas, l’absence d’un tel spécialiste est susceptible de priver l’intéressé d’une garantie et d’entacher ainsi la procédure devant la commission d’une irrégularité justifiant l’annulation de la décision attaquée.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme a siégé le 19 janvier 2017, en présence de deux médecins généralistes, sans s’adjoindre un psychiatre. La commission, qui a visé le rapport hiérarchique, le rapport du médecin de prévention et l’expertise médicale du médecin agréé dont elle a eu connaissance, a conclu que ces pièces ne lui permettaient pas d’émettre un avis favorable à la reconnaissance des arrêts de travail de M. E… au titre de la maladie professionnelle. Il est constant que, lors de ses séances des 10 décembre 2015 et 20 octobre 2016, la commission n’avait pas davantage siégé en présence d’un psychiatre. Or, ainsi que l’a constaté le tribunal administratif de Rennes, les seuls documents médicaux qu’elle a eu à connaitre, présentaient des appréciations divergentes. Ainsi, le 8 décembre 2016, le médecin de prévention, qui a reçu M. E…, faisait état d’un conflit avec sa hiérarchie, d’un changement de méthode de travail engendrant une surcharge de travail, des remontrances mal vécues par l’intéressé et d’un conflit avec le fils d’une élue. Il faisait référence à l’expertise d’un psychiatre du 27 mai 2016 qui, dans le cadre de la prolongation du congé longue maladie de l’intéressé, avait indiqué qu’il souffrait de troubles anxieux à type obsessionnel « dans un contexte de surcharge professionnelle et de conflit sur son lieu de travail », à un courrier du psychiatre qui suivait M. E… mentionnant une dépression réactionnelle à un conflit au travail et à une expertise d’un psychiatre et d’un généraliste. Au vu de ces éléments, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’ils aient été communiqués à la commission de réforme, le médecin du travail concluait à l’existence chez l’intéressé de troubles anxio-dépressifs, avec composante physique, semblant en relation avec un conflit sur le lieu de travail. Dans son expertise du 25 septembre 2015, le médecin généraliste agréé de l’administration estimait en revanche que la pathologie de l’intéressé ne présentait pas les critères d’imputabilité permettant de la rattacher à son activité professionnelle, ce même médecin ayant au demeurant un avis moins tranché dans son rapport du 24 février 2016 faisant état d’un syndrome anxio-dépressif « avec composante réactionnelle professionnelle ». Dans ces conditions, la commission de réforme ne disposait pas de tous les éléments médicaux nécessaires pour rendre son avis sans s’adjoindre un médecin spécialisé ainsi qu’elle en avait la faculté en vertu des dispositions précitées de l’article 3 de l’arrêté du 4 août 2004. Par suite, M. E… ayant implicitement été privé d’une garantie, l’arrêté du 13 mars 2017 est intervenu au terme d’une procédure irrégulière et doit, pour cette raison, être annulé.

7. Il résulte de ce tout ce qui précède, que la commune de Lampaul-Plouarzel n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 13 mars 2017.

Sur les conclusions à fin d’injonction présentées par M. E… :

8. Le tribunal administratif a enjoint au maire de Lampaul-Plouarzel de procéder dans un délai de deux mois à un nouvel examen de la demande d’imputabilité au service présentée par M. E…. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte sollicitée par l’intéressé.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les frais exposés devant le tribunal administratif :

9. Par l’article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a mis à la charge de la commune de Lampaul-Plouarzel le versement à M. E… de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif a fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par l’intéressé. Par suite, les conclusions de la commune tendant à l’annulation de l’article 3 du jugement attaqué doivent être rejetées.

En ce qui concerne les frais exposés devant la cour :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A… E…, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Lampaul-Plouarzel de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lampaul-Plouarzel le versement à M. A… E… d’une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Lampaul-Plouarzel est rejetée.

Article 2 : La commune de Lampaul-Plouarzel versera à M. E… une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. E… est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lampaul-Plouarzel et à M. A… E….

Délibéré après l’audience du 19 février 2021, à laquelle siégeaient :

 – M. Gaspon, président de chambre,

 – M. Coiffet, président-assesseur,

 – Mme D…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mars 2021.

Le rapporteur,

V. GELARD Le président,

O. GASPON

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


N° 19NT03413 2

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