CAA de NANTES, 3ème chambre, 9 février 2024, 22NT03913, Inédit au recueil Lebon

  • Hôpitaux·
  • Santé publique·
  • Centre hospitalier·
  • Tribunaux administratifs·
  • Droit de retrait·
  • Suspension·
  • Thérapeutique·
  • Justice administrative·
  • Cliniques·
  • Annulation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 9 févr. 2024, n° 22NT03913
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 22NT03913
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 13 octobre 2022, N° 2000625,210653
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 13 février 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000049121666

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E D a demandé au tribunal administratif de Rennes, d’une part, d’annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal (CHI) de G l’a suspendu de toute activité clinique et thérapeutique à compter du 16 décembre 2019, d’autre part, d’annuler la décision du 28 octobre 2021 par laquelle le directeur du CHI de G lui a refusé le bénéfice du droit de retrait et a rejeté sa demande tendant au versement de ses salaires à compter de cette date, enfin, d’enjoindre au CHI de G de lui verser sa rémunération pour les mois de septembre, octobre et novembre 2021 jusqu’à sa réintégration effective dans un établissement de santé dans le cadre de sa mutation.

Par un jugement n° 2000625,210653 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 10 décembre 2019 du directeur du CHI de G et rejeté le surplus des conclusions à fin d’annulation de M. D.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 décembre 2022 et le 15 janvier 2024, le CHI de G, représenté par Me Lesné, demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 1er du jugement n° 2000625,210653 du 14 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 10 décembre 2019 prononçant la suspension de M. D de toute activité clinique et thérapeutique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D tendant à l’annulation de la décision du 10 décembre 2019 ;

3°) de rejeter, à titre principal, pour irrecevabilité, et, à titre subsidiaire, comme mal fondées les conclusions d’appel incident de M. D tendant à l’annulation du jugement du 14 octobre 2022 en tant qu’il a rejeté les conclusions de l’intéressé dirigées contre la décision du 28 octobre 2021 par laquelle l’hôpital lui a refusé le bénéfice du droit de retrait et le paiement de sa rémunération correspondant aux mois de septembre et octobre 2021 ;

4°) de mettre à la charge de M. D la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— c’est à tort que le tribunal a estimé qu’il ne pouvait pas être fait application à M. D des dispositions de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique permettant au directeur de l’hôpital de prononcer une suspension de son activité, dès lors qu’étaient remplies les conditions tenant à l’urgence et à l’existence de circonstances exceptionnelles mettant en péril la continuité du service et la sécurité des patients ;

— les conclusions d’appel de M. D dirigées contre le jugement n°2106553 concernant la décision du 28 octobre 2021 sont irrecevables, car tardives ;

— les moyens d’annulation dirigés contre cette dernière décision ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 5 janvier 2024, M. E D, représenté par

Me Guyon, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie d’appel incident, de réformer ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du 28 octobre 2021 par laquelle l’hôpital lui a refusé le bénéfice du droit de retrait et le paiement de sa rémunération correspondant aux mois de septembre et octobre 2021, et, réexaminant l’affaire, d’annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge du CHI de G la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

S’agissant de la décision du 10 décembre 2019 :

— la décision du 10 décembre 2019 a été prise par une autorité incompétente ;

— elle est entachée d’un double vice de procédure en raison, d’une part, de l’absence de respect de la formalité de remise en main propre prévue par l’article R. 4113-11 du code de la santé publique et, d’autre part, d’indication de la date à laquelle le médecin sera entendu ;

— elle a été prise sans respect de la procédure contradictoire préalable obligatoire ;

— elle est entachée d’insuffisance de motivation ;

— en tant qu’il n’y a pas été mis un terme dès la date du 18 mai 2021 à laquelle le conseil de l’ordre des médecins a statué sur sa situation, elle méconnaît les dispositions de l’article R. 4113-1 du code de la santé publique ;

— elle est entachée d’erreur de fait dès lors que les deux prises en charge inadaptées de patients, avec séquelles ou risques de séquelles, sur lesquelles elles se fondent, ne sont ni démontrées, ni même réellement évoquées par le courrier du Professeur A F exploité par le CHI ;

— elle constitue une sanction déguisée ;

— elle est entachée d’une erreur de qualification juridique des faits au regard des dispositions de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, l’existence d’une situation exceptionnelle mettant en péril de manière imminente la sécurité des patients n’étant pas démontrée ;

— elle est entachée de disproportion et d’erreur manifeste d’appréciation.

S’agissant de la décision du 28 octobre 2021 :

— la décision est entachée d’un vice de procédure en ce qu’elle lui refuse le bénéfice du droit de retrait sans avoir été précédée de la consultation obligatoire en urgence, prévue par les dispositions de l’article L. 4131 du code du travail, du comité social et économique, ou, dès lors que celui-ci n’était pas encore institué, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;

— c’est à tort que l’hôpital a considéré que les conditions posées par l’article L. 4131-1 du code de travail lui permettant d’exercer son droit de retrait n’étaient pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de la santé publique ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Vergne,

— et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E D, praticien hospitalier en chirurgie orthopédique et traumatologique, spécialiste du membre supérieur, a été affecté à partir du 1er février 2018 au sein du centre hospitalier intercommunal (CHI) de G dans le pôle de chirurgie, où il travaille une semaine sur deux. A la suite d’informations reçues par la direction de cet hôpital, il a fait l’objet le 10 décembre 2019 d’une décision du directeur de cet établissement public prononçant sa suspension de toute activité clinique et thérapeutique à compter du 16 décembre 2019. Cette mesure de suspension a toutefois été abrogée le 25 juin 2021, après qu’une expertise eût été diligentée sur les pratiques professionnelles de ce chirurgien à la demande de l’Agence régionale de santé et que le conseil de l’ordre des médecins, saisi, eût estimé qu’il n’y avait pas lieu à constatation d’une insuffisance professionnelle. M. D n’ayant pas repris ses fonctions à la suite de cette décision a été informé, le 11 août 2021, de l’interruption du versement de sa rémunération. Il a alors, le 26 août 2021, par l’intermédiaire de son conseil, fait valoir son droit de retrait, puis, le 27 octobre suivant, il a demandé le paiement de sa rémunération des mois de septembre et octobre 2021, ce qui lui a été refusé par une décision du 28 octobre 2021 du directeur de l’hôpital. M. D a contesté par deux demandes distinctes les décisions du

10 décembre 2019 et du 28 octobre 2021 devant le tribunal administratif de Rennes qui, par un seul jugement n° 2000625,210653 du 14 octobre 2022, après avoir joint les deux affaires, a annulé la première de ces décisions et confirmé la légalité de la seconde. Le centre hospitalier de B relève appel de ce jugement en tant qu’il a, à l’article 1er de son dispositif, annulé la mesure de suspension prise le 10 décembre 2019. M. D demande l’annulation du jugement du

14 octobre 2022 en tant qu’il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 28 octobre 2021.

Sur les conclusions d’appel de l’hôpital de G :

Sur le moyen d’annulation retenu par le tribunal administratif :

2. S’il appartient, en cas d’urgence, au directeur général de l’agence régionale de santé compétent de suspendre, sur le fondement de l’article L. 4113-14 du code de la santé publique, le droit d’exercer d’un médecin qui exposerait ses patients à un danger grave, le directeur d’un centre hospitalier, qui, aux termes de l’article L. 6143-7 du même code, exerce son autorité sur l’ensemble du personnel de son établissement, peut toutefois, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider lui aussi de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d’un praticien hospitalier au sein du centre, à condition d’en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

3. Pour annuler la décision contestée prise le 10 décembre 2019 sur le fondement des dispositions de l’article L. 4113-7 du code de la santé publique, les premiers juges ont considéré qu’au vu des informations portées à sa connaissance, le directeur de l’hôpital de G n’avait pu, sans erreur d’appréciation, estimer que les conditions d’urgence et de mise en péril de la continuité du service ou de la sécurité des patients lui permettant de suspendre le droit d’exercer de M. D était satisfaites.

4. Il résulte de l’instruction que M. C, directeur du CHI de G, a été destinataire d’un courrier du 5 décembre 2019 du professeur A F, chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Rennes, destiné à l’alerter, « à la suite de notre récent entretien et après le recueil de différents témoignages ainsi que la survenue d’un nouveau cas de patient victime d’une faute chirurgicale », « sur la problématique de l’exercice du Docteur D dans votre établissement ». Ce chirurgien écrit « avoir pu constater, soit personnellement, à l’occasion de consultations, soit par l’intermédiaire de collègues médecins, la succession de plusieurs cas de patients victimes de complications ou de séquelles définitives en rapport avec des erreurs d’indications et/ou des fautes techniques chirurgicales de la part du docteur D », relevant que « l’accumulation de tant de cas en si peu de temps pose le problème des compétences techniques » de l’intéressé et appelant à une mesure de « mise à pied administrative » pour « protéger les patients vis-à-vis d’un collègue dont l’exercice devient dangereux ». Si cette pièce, bien qu’émanant du chef d’un service hospitalier constituant l’établissement de référence du centre hospitalier de B, vers lequel sont orientés des patients présentant des complications, et notamment certains patients antérieurement pris en charge par le docteur D, manque de précision sur les faits signalés, leur nombre et les dates auxquels ils sont survenus, l’hôpital produit en appel un relevé précis des anomalies ou signalements qui lui ont été transmis concernant le docteur D, accompagné de courriers et de plaintes de patients ou d’éléments attestant de démarches indemnitaires engagées, et dont il ressort que, sur une période totale d’exercice de la chirurgie de 21 mois de février 2018 à novembre 2019, M. D étant placé en congé de maladie pour des périodes significatives à compter de l’automne 2019 pour des sciatalgies invalidantes, six complications signalées ont concerné ce chirurgien et donné lieu au dépôt de réclamations pour des soins ou interventions pratiqués en août 2018, octobre 2018, avril 2019, mai 2019 et novembre 2019. Par ailleurs, plusieurs courriers ou attestations sont aussi produits, émanant de personnels de l’hôpital, dénonçant des attitudes non coopératives et des comportements agressifs ou brusques au plan professionnel de M. D, celui-ci allant jusqu’à refuser de prendre en charge sur son temps de travail un patient âgé devant être opéré en urgence, ou quittant le bloc opératoire au moment d’opérer au motif qu’il ne pourrait pas utiliser un matériel d’intervention dont la contrindication lui avait pourtant été signalée, alors qu’une autre technique opératoire était accessible, comportements à l’origine de situations pouvant représenter un danger pour la sécurité des patients. Il doit être considéré, dans ces conditions, que, le 10 décembre 2019, les conditions d’urgence et de mise en péril de la sécurité des patients étaient réunies pour prononcer une mesure de suspension. Les circonstances que, postérieurement à la décision contestée, une expertise de compétence réalisée par trois médecins qualifiés en chirurgie orthopédique et traumatologique a conclu qu’aucune insuffisance professionnelle du requérant pouvant rendre dangereux l’exercice de sa profession n’était caractérisée et que la formation restreinte du conseil de l’Ordre national des médecins, sur la base de cette expertise, a décidé, le 18 mai 2021, de ne pas suspendre le praticien pour insuffisance professionnelle, en application de l’article

R. 4124-3-5 du code de la santé publique, sont sans incidence sur la légalité de cette décision, qui doit être appréciée à la date à laquelle elle a été prise et en fonction des éléments d’information dont disposait alors le directeur du centre hospitalier, qui révélaient une situation présentant un caractère de gravité et de vraisemblance suffisant pour justifier que ce directeur prenne à l’encontre de M. D une mesure de suspension. Ainsi, le CHI de B est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Rennes s’est fondé, pour annuler la décision litigieuse, sur le moyen d’erreur d’appréciation analysé au point 3 ci-dessus.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. D tant devant le tribunal administratif de Rennes que devant la cour administrative d’appel de Nantes.

Sur les autres moyens invoqués par M. D :

6. En premier lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus au point 4, le directeur d’un centre hospitalier qui, aux termes de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l’ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, dans des circonstances exceptionnelles, avérées en l’espèce, où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d’un praticien hospitalier au sein de l’établissement. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse est signée par M. C, directeur du CHI de G. Le moyen tiré de ce qu’elle a été prise par une autorité incompétente doit donc être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, la mesure de suspension prise à l’encontre de M. D, intervenue, ainsi qu’il a été rappelé au point 3, sur le fondement des dispositions de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, a le caractère d’une mesure conservatoire et non d’une sanction disciplinaire. Elle n’est, par suite, pas au nombre des décisions qui doivent, d’une part, être motivées en vertu de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration, et, d’autre part, être précédées d’une procédure contradictoire.

8. En troisième lieu, si le requérant invoque la méconnaissance par l’autorité administrative des dispositions de l’article R. 4113-111 du code de la santé publique en l’absence de respect de la formalité de remise en main propre contre émargement et de précision, dans la décision litigieuse, de la date à laquelle aura lieu l’audition du médecin concerné, il ne peut se prévaloir de ces dispositions, qui ne sont pas applicables aux décisions de suspension prononcées par le directeur de l’hôpital sur le fondement des dispositions de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par des courriers du

13 décembre 2019, le directeur du CHI de G a informé le Centre national de gestion compétent pour la gestion statutaire des praticiens hospitaliers, ainsi que l’agence régionale de santé de Bretagne, de la décision qu’il avait prise de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques de M. D à partir du 16 décembre. Le moyen tiré de ce que ce directeur n’aurait pas respecté son obligation, rappelée ci-dessus au point 2 du présent arrêt, d’en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné doit être écarté.

10. En cinquième lieu, si le requérant fait grief à l’administration de ne pas avoir mis un terme à la mesure de suspension dès la date du 18 mai 2021 à laquelle le conseil de l’ordre des médecins a statué sur sa situation, une telle circonstance, qui concerne le maintien en vigueur ou les conditions d’exécution de la décision litigieuse, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de celle-ci, qui doit s’apprécier à la date à laquelle elle a été prise. Le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les dispositions de l’article R. 4113-1 du code de la santé publique doit être écarté.

11. En sixième lieu, M. D fait valoir que la décision qu’il conteste est entachée d’erreur de fait dès lors, d’une part, qu’elle se réfère à l’information, communiquée au directeur de l’hôpital par le professeur F, de la « prise en charge inadaptée d’au moins deux patients », et, d’autre part, que ces prises en charge avec séquelles ou risques de séquelles ne sont pas démontrées. Toutefois, le courrier du Professeur A F exploité par le directeur du CHI comporte bien l’indication de « plusieurs » cas, donc « au moins deux », ainsi que l’a retenu ce directeur, de patients victimes de complications ou de séquelles définitives en rapport avec des erreurs d’indications et/ou des fautes techniques chirurgicales de la part du docteur D. D’autre part, compte tenu des éléments produits en cause d’appel, la réalité de l’accomplissement par le docteur D d’actes de soin susceptibles de préjudicier gravement à la santé des patients qu’il avait pris en charge présentait, à la date du 10 décembre 2019, un caractère de gravité et de vraisemblance suffisant pour justifier une mesure de suspension. Le moyen tiré d’erreurs de fait entachant la décision litigieuse doit donc être écarté.

12. En septième lieu, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, l’existence d’une situation exceptionnelle présentant un caractère de gravité et de vraisemblance suffisant pour justifier que le directeur de l’hôpital de G prenne à l’encontre du docteur D une mesure de suspension étant démontrée, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait entachée de disproportion et d’erreur manifeste d’appréciation ne peuvent qu’être écartés.

13. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, bien que certaines d’entre elles manifestent un désaccord parfois vif entre M. D et la direction de l’hôpital en ce qui concerne l’insuffisance ou la vétusté des moyens ou équipements mis à sa disposition, l’organisation des gardes et des astreintes, ou certains éléments de sa rémunération, que la décision litigieuse constituerait une sanction déguisée. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que le CHI de G est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes à annulé la décision du 10 décembre 2019 par laquelle son directeur a suspendu M. D de toute activité clinique et thérapeutique à compter du 16 décembre 2019.

Sur les conclusions de M. D :

15. M. D, qui demande à la cour de réformer le jugement attaqué, en tant qu’il a rejeté ses conclusions à fin d’annulation de la décision du 28 octobre 2021, doit être regardé comme présentant des conclusions d’appel incident. Toutefois, un appel incident n’est recevable, sans condition de délai, que s’il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l’appel principal.

16. L’appel principal formé par le CHI de G tend à la seule annulation de l’article 1er du jugement n° 2000625,210653 du 14 octobre 2022 prononçant l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 décembre 2019 par laquelle le directeur de l’hôpital a suspendu de toute activité clinique et thérapeutique M. D. Si celui-ci demande à la cour, dans ses écritures d’appel enregistrées le 5 janvier 2014, soit plus de deux mois après la notification qui lui a été faite, le 21 octobre 2022, du jugement n° 2000625, 210653 du 14 octobre 2022, l’annulation de ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions tenant à l’annulation de la décision du 28 octobre 2021 par laquelle l’hôpital lui a refusé le bénéfice du droit de retrait et le paiement de sa rémunération correspondant aux mois de septembre et octobre 2021, cette dernière décision, bien que concernant un même justiciable et bien qu’examinée par les premiers juges, après jonction des deux instances, avec celle du 10 décembre 2019, ne présente pas avec celle-ci un lien suffisant. Les conclusions d’appel incident présentées par M. D soulèvent ainsi un litige distinct de celui résultant de l’appel principal. Elles ne peuvent, par suite, qu’être rejetées comme irrecevable ainsi que le demande le CHI de G.

Sur les frais liés au litige :

17. D’une part, en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. D doivent dès lors être rejetées. D’autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. D, au bénéfice du CHI de G une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d’appel incident de M. D et celles qu’il présente sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : M. D versera au centre hospitalier intercommunal de G la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal de G et à M. E D.

Délibéré après l’audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

— Mme Brisson, présidente,

— M. Vergne, président-assesseur,

— M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de NANTES, 3ème chambre, 9 février 2024, 22NT03913, Inédit au recueil Lebon