Cour administrative d'appel de Paris, 22 mai 2015, n° 14PA04464

  • Justice administrative·
  • Réserve·
  • Tribunaux administratifs·
  • Juge des référés·
  • Sociétés·
  • Marches·
  • Béton·
  • Provision·
  • Expert judiciaire·
  • Entrepreneur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 22 mai 2015, n° 14PA04464
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 14PA04464
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 15 octobre 2014, N° 1405825

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE PARIS

N°14PA04464


OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT A LOYER MODERE D’IVRY-SUR-SEINE


Ordonnance du 22 mai 2015


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Paris

Le président-assesseur de la 6e chambre

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Ferracin Frères a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de condamner l’Office public de l’habitat à loyer modéré (OPH) d’Ivry-sur-Seine à lui verser une provision d’un montant de 99 882,06 euros hors taxes au titre des travaux réalisés dans le cadre du lot n°1, « Terrassement, gros œuvre, ravalements, bardages, aménagements extérieurs et VRD », du marché relatif aux travaux de construction de vingt-sept logements sociaux et d’une salle de quartier, de mettre à la charge de l’OPH d’Ivry-sur-Seine la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Par une ordonnance n°1405825 du 16 octobre 2014, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a condamné l’OPH d’Ivry-sur-Seine à verser à la société Ferracin Frères une provision de 99 882,06 euros hors taxes et la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2014 sous forme dématérialisée, l’OPH d’Ivry-sur-Seine, représenté par Me Moisson, demande à la Cour :

1°) d’annuler l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 16 octobre 2014 ;

2°) de condamner la société Ferracin Frères à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— les réserves mentionnées dans l’acte de réception de l’ouvrage ont eu pour effet de maintenir la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur ;

— il est fondé à effectuer une réfaction correspondant au montant des travaux nécessaires ;

— la circonstance tenant à ce que les désordres ne remettent pas en cause la stabilité de l’ouvrage est sans incidence sur la responsabilité contractuelle de la société Ferracin Frères ;

— le rapport d’expertise rendu le 30 mai 2014 conclut à la responsabilité de la société Ferracin Frères dans deux des trois désordres subsistant et à un coût des travaux de reprise de 136 096,00 euros ;

— la société Ferracin Frères n’a pas respecté les termes de l’avenant n°1 au marché par lequel les parties étaient convenues de la levée des réserves et des conséquences financières des travaux de reprise ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2014, complété le 21 janvier 2015, la société Ferracin Frères, représentée par la SELARL Pelletier et associés, demande à la Cour de rejeter la requête de l’OPH d’Ivry-sur-Seine et de le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 de code justice administrative.

Elle soutient que :

— l’expertise judiciaire rendue le 30 mai 2014 conclut à l’existence de désordres sans gravité, en outre constatés plus de six ans après la réception de l’ouvrage ;

— l’une des deux réserves, relative au fractionnement des balcons filants, a été levée et ne la concerne pas, se rapportant à un problème d’étanchéité, lot dont elle n’est pas titulaire, la réserve relative aux fissures des façades en béton apparent porte, quant à elle, sur un désordre purement esthétique, de sorte qu’aucune de ces réserves n’est, en tout état de cause, de nature à justifier le refus du paiement du solde du marché ;

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— le code civil ;

— le code des marchés publics ;

— le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2014 par laquelle le président de la Cour a désigné M. Auvray, président-assesseur, pour statuer sur les appels formés devant la Cour contre les décisions rendues par le juge des référés des tribunaux administratifs de son ressort ;

1. Considérant que, par acte d’engagement signé le 7 mars 2006, l’OPH d’Ivry-sur-Seine a confié à la société Ferracin Frères le lot n°1, « Terrassement, gros œuvre, ravalements, bardages, aménagements extérieurs, VRD » du marché public de travaux relatifs à la construction de vingt-sept logements sociaux et d’une salle de quartier sur le territoire de la commune d’Ivry-sur-Seine pour un montant forfaitaire de 1 595 644,59 euros TTC ; que la réception des travaux, à l’exception du logement n°6, a été prononcée avec réserves le 3 juillet 2008, avec effet au 9 juin 2008 ; que la reprise des désordres consignés dans l’acte de réception a donné lieu, au cours du mois de juillet 2008, à la signature d’un avenant n°1 au contrat, par lequel la société Ferracin frères s’engageait notamment à lever l’ensemble des réserves en contrepartie de quoi les pénalités de retard imputées à la société Ferracin Frères seraient levées et le coût de reprise, évalué à 28 114,69 euros, porté en moins-value au décompte général à venir ; que, toutefois, l’OPH d’Ivry-sur-Seine a considéré que les travaux effectués par la société Ferracin Frères n’avaient pas permis de lever ces réserves ; qu’après un premier rapport d’expertise rendu le 18 novembre 2010 par la société d’expertise technique Saretec, qui concluait à la possibilité de lever les réserves, dont les conclusions n’ont pas été suivies par l’OPH d’Ivry, la société Ferracin Frères a alors sollicité une expertise judiciaire du juge des référés du Tribunal administratif de Melun ; que dans son rapport du 30 mai 2014, l’expert désigné par ordonnance n° 1109605/2 du 25 septembre 2012 du juge des référés de ce tribunal a conclu à la persistance de trois types de désordres ; que la société Ferracin Frères demande le versement, à titre de provision, d’un montant de 99 882,06 euros correspondant aux situations n°14 et 15 dudit marché ; que l’OPH d’Ivry-sur-Seine relève appel de l’ordonnance du 16 octobre 2014 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Melun l’a condamné à verser à la société par actions simplifiée Ferracin Frères, à titre de provision, cette somme de 99 882,06 euros hors taxes ;

Sur la demande de provision :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R.541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. » ;

3. Considérant qu’en vertu des dispositions combinées des articles 41 et 44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG-travaux), la réception des travaux, même lorsqu’elle est prononcée avec réserves, fait courir un délai de garantie qui est en principe d’un an ou de six mois, selon que le marché concerne ou non des travaux autres que d’entretien ou des terrassements, et pendant lequel l’entrepreneur est tenu à l’obligation dite « de parfait achèvement », ce délai n’étant susceptible d’être prolongé que par une décision explicite du maître de l’ouvrage ; qu’alors même que ces articles prévoient que, lorsque la réception est assortie de réserves, l’entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes, à défaut d’autre délai fixé par le responsable du marché, trois mois avant l’expiration du délai de garantie, ces dispositions ne peuvent conduire à assimiler l’absence de décision de prolongation du délai prise par le responsable du marché à une levée implicite des réserves dont la réception a été assortie ; qu’ainsi les relations contractuelles entre le responsable du marché et l’entrepreneur se poursuivent jusqu’à ce qu’aient été expressément levées les réserves exprimées lors de la réception, alors même que le délai de garantie de parfait achèvement n’aurait pas été prolongé ;

4. Considérant que lors de la réception des travaux prononcée avec effet au 9 juin 2008, l’OPH d’Ivry-sur-Seine a émis de nombreuses réserves, relatives notamment aux cunettes en pied de menuiseries, au fractionnement des balcons filtrants et aux fissures des façades en béton apparent ;

5. Considérant que s’il ne résulte pas de l’instruction que l’OPH d’Ivry-sur-Seine aurait prolongé le délai de garantie de parfait achèvement, l’Office, qui reconnaît que les réserves ayant trait aux cunettes en pied de mensuiseries ne concerne pas la société Ferracin Frères, soutient qu’il n’a pas levé les réserves mentionnées au point précédent et en déduit, à juste titre, que la responsabilité contractuelle de l’intimée peut encore être engagée à raison des désordres affectant les balcons filtrants et les façades en béton apparent ;

6. Considérant que, s’agissant des balcons filtrants, la société Ferracin Frères soutient que l’OPH d’Ivry-sur-Seine a procédé à la levée des réserves ; que, toutefois, outre que l’OPH conteste ce fait, l’intimée n’en rapporte pas la preuve en se fondant notamment sur le rapport d’expertise qui, établi à sa demande le 18 novembre 2010, mentionne certes en page 4 que « la réserve est visiblement levée », après avoir cependant précisé qu’un représentant de l’Office « convient du fait que les sciages ont bien été réalisés, mais souhaite mettre en observation l’étanchéité des joints » pour conclure, en page 5, que « la levée des réserves n’a pas abouti, en l’absence d’accord sur les constats. Les parties se sont séparées sans accord technique, ni financier », alors surtout que le rapport du 30 mai 2014, établi par l’expert judiciaire désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, indique, en page 19, que les réserves relatives aux cunettes en pied de menuiseries, mais aussi celles ayant trait aux balcons filtrants et aux fissures des façades en béton apparent n’ont pas été levées ; que si la société Ferracin Frères soutient également, s’agissant des balcons filtrants, que les désordres les affectant ne la concernent pas dès lors qu’elle n’était pas titulaire du lot « étanchéité » et que l’expert judiciaire estime que « la solution de créer un revêtement d’étanchéité est la plus cohérente », il résulte de l’instruction que ce même expert conclut, sur ce point, à la responsabilité partagée entre la maîtrise d’œuvre et la société intimée, après avoir relevé un non-respect des DTU 20-1 et du CCTP ;

7. Considérant que, s’agissant des fissures des façades en béton apparent, la société Ferracin Frères relève que l’expert judiciaire estime que « la difficulté porte ici sur l’esthétique des parements » ; que, contrairement à ce que soutient la société intimée, cette appréciation, ainsi que celle, plus générale de l’expert judiciaire, aux termes de laquelle « ces réserves ne présentent pas de caractère de gravité structurelle et la stabilité de l’ouvrage n’est pas remise en cause à court terme », ne sont pas de nature à exonérer l’entrepreneur de sa responsabilité contractuelle, seule ici en cause ; qu’en outre, ce même expert conclut, comme pour le désordre décrit au point précédent, à une responsabilité partagée entre la maîtrise d’œuvre et la société Ferracin Frères ;

8. Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction et, notamment, du rapport de

l’expert judiciaire, que le coût de reprise de ces trois désordres est estimé à 136 096 euros hors taxes, dont l’OPH retient 118 450 euros HT au titre des seuls désordres imputables, au moins pour partie, à la société Ferracin Frères, soit, d’une part, le fractionnement des balcons filants, d’autre part, les fissures des façades en béton apparent affectant la seule façade Nord-Ouest, les autres façades ne présentant, selon l’expert judiciaire, que des désordres « dispersés » ; que cette circonstance rend contestable la créance dont se prévaut la société Ferracin Frères, susceptible d’être diminuée à raison des travaux de reprise non encore effectués ; que, dès lors, l’OPH d’Ivry-sur-Seine est fondé à soutenir que la créance de 99 882,06 euros hors taxes revendiquée par la société Ferracin Frères ne peut, en l’état de l’instruction, être regardée comme n’étant pas sérieusement contestable ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’OPH d’Ivry-sur-Seine est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun l’a condamné à verser, à titre de provision, une somme de 99 882,06 euros HT à la société Ferracin Frères ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’OPH d’Ivry-sur-Seine, qui n’est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Ferracin Frères demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l’OPH d’Ivry-sur-Seine sur le fondement des mêmes dispositions ;

ORDONNE :

Article 1er : L’ordonnance n°1405825 du 16 octobre 2014 du juge des référés du Tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La demande de provision présentée par la société Ferracin Frères devant le juge des référés du Tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d’appel de l’OPH d’Ivry-sur-Seine et celles de la société Ferrracin Frères tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’Office public de l’habitat à loyer modéré d’Ivry-sur-Seine et à la société Ferracin Frères.

Fait à Paris, le 22 mai 2015.

Le président assesseur, juge des référés,

XXX

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Paris, 22 mai 2015, n° 14PA04464