CAA de PARIS, 1ère chambre, 30 mars 2017, 15PA01071, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 1re ch., 30 mars 2017, n° 15PA01071
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 15PA01071
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 11 janvier 2015, N° 1314467/7-1
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034373050

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté du 23 mai 2013 par lequel le maire de Paris a rejeté sa demande d’installation d’une enseigne lumineuse en façade du cirque d’hiver au 112 rue Amelot à Paris (75011), ensemble la décision du 8 août 2013 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1314467/7-1 du 12 janvier 2015, le tribunal administratif de Paris a, d’une part, annulé l’arrêté attaqué et la décision de rejet du recours gracieux, d’autre part, mis à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour:

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mars 2015 et le 14 octobre 2015, la ville de Paris, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1314467/7-1 du 12 janvier 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est insuffisamment motivé ;

 – le recours de la SES Frères Bouglione n’était pas recevable puisque dirigé contre une décision confirmative de celle du 19 mai 2010 ;

 – le maire de Paris se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande présentée ;

 – la décision n’est pas entachée d’un vice de procédure dès lors que la ville de Paris n’avait pas à recueillir l’avis de l’architecte des bâtiments de France s’agissant d’une décision de refus d’installation d’enseigne ; en outre, l’absence de consultation de l’architecte des bâtiments de France n’a privé l’intéressée d’aucune garantie en l’espèce ;

 – le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision attaquée manque en fait ;

 – l’exception d’illégalité du règlement local de publicité ne peut qu’être écartée dès lors que les dispositions des articles E2.1.2.6 et E2.7.1 n’imposent pas une interdiction générale et absolue ;

 – elle aurait pris la même décision en se fondant sur les dispositions de l’article E2.7.1 d) du règlement, dès lors que les images diffusées ne sont pas statiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2015, la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione, représentée par Me Semeria, conclut :

1°) au rejet de la requête de la ville de Paris ;

2°) à ce qu’il soit enjoint à la ville de Paris de lui délivrer une autorisation d’enseigne dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d’une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – le maire de Paris n’était pas en situation de compétence liée et devait saisir l’architecte des bâtiments de France pour avis en application de l’article R. 581-16 du code de l’environnement ;

 – les décisions sont insuffisamment motivées ;

 – les décisions se fondent sur un règlement municipal du 7 juillet 2011 qui est lui-même illégal ;

 – le maire de Paris a commis une erreur de droit en appliquant l’article E2.1.2.6 du règlement local de publicité alors qu’il aurait dû appliquer les dispositions de l’article E2.7.1 du même règlement ;

 – le maire de Paris a commis une erreur manifeste d’appréciation sur le projet d’enseigne sollicitée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 –  la charte de l’environnement ;

 –  le code de l’environnement ;

 –  le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Amat,

 – les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

 – les observations de Me Pinet, avocat de la ville de Paris,

 – et les observations de Me Semeria, avocat de la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione.

1. Considérant que la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione a sollicité la délivrance d’une autorisation d’installation d’une enseigne lumineuse à écran en façade du cirque d’hiver ; que, par une décision du 23 mai 2013, confirmée le 8 août 2013, le maire de Paris a refusé l’autorisation sollicitée ; que la ville de Paris relève appel du jugement du 12 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés » ;

3. Considérant qu’il résulte du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris, qui a écarté la fin de non-recevoir opposée en défense par la ville de Paris et le moyen selon lequel elle se trouvait en situation de compétence liée, a annulé l’arrêté attaqué au motif que la ville de Paris aurait dû consulter l’architecte des bâtiments de France avant de prendre la décision de refus litigieuse ; qu’il ne s’est donc pas prononcé sur l’autre moyen de la demande de première instance tiré de ce que la ville avait commis une erreur de droit en se fondant sur l’article E2.1.2.6 du règlement local de la publicité et des enseignes sans tenir compte de l’article E2.7 du même règlement ; qu’il n’avait donc pas, en tout état de cause, à répondre à l’argumentation exposée dans le mémoire en défense selon laquelle les conditions de l’article E2.7 n’étaient pas plus réunies ; que, par suite, la ville de Paris n’est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier car entaché d’une insuffisance de motivation ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non recevoir invoquée par la ville de Paris :

4. Considérant que la ville de Paris soutient que l’arrêté du 23 mai 2013 est purement confirmatif de la décision du 19 mai 2010 par laquelle le maire de Paris a opposé un premier refus à la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione pour l’installation d’une enseigne ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision du 19 mai 2010 portait sur deux écrans devant diffuser du texte et des images variables alors que la demande d’autorisation sollicitée en 2013 ne concerne qu’un seul écran situé en façade du cirque d’hiver pour diffuser du texte variable sur fond noir ; qu’ainsi, alors même que cet écran est l’un de ceux prévus lors de la première demande, la décision attaquée n’a pas le même objet que celle du 19 mai 2010 ; qu’en outre, les circonstances de droit applicables aux deux demandes successives de la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione ne sont pas identiques dès lors que l’arrêté du 23 mai 2013 est fondé sur le règlement local de publicité de la ville de Paris approuvé par le conseil de Paris en juin 2011 soit postérieurement au premier refus d’installation d’enseigne opposé à la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione ; qu’ainsi, en l’absence d’identité d’objet des deux demandes ayant fait l’objet respectivement des décisions des 19 mai 2010 et 23 mai 2013 et d’identité de contexte de droit dans lequel elles sont intervenues, la décision du 23 mai 2013 ne peut être regardée comme présentant un caractère purement confirmatif de celle du 19 mai 2010 ; que, par suite, la fin de non recevoir invoquée par la ville de Paris ne peut qu’être écartée ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d’annulation :

5. Considérant qu’aux termes du II de l’article R. 581-16 du code de l’environnement : « L’autorisation d’installer une enseigne prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 581-18 est délivrée par l’autorité compétente en matière de police : 1° Après accord de l’architecte des Bâtiments de France lorsque cette installation est envisagée sur un immeuble classé au titre des monuments historiques ou dans le champ de visibilité de cet immeuble défini par le premier alinéa de l’article L. 621-30-1 du code du patrimoine ou sur un immeuble inscrit à l’inventaire supplémentaire (…) » ;

6. Considérant que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif de Paris a estimé que celle-ci était entachée d’un vice de procédure faute pour le maire de Paris d’avoir saisi pour avis l’architecte des bâtiments de France alors qu’il est constant que le cirque d’hiver, en façade duquel doit être apposé le dispositif d’enseigne en litige, est un bâtiment inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que, toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n’exige qu’un refus d’autorisation d’enseigne soit décidé suivant la même procédure que celle instituée pour l’autorisation d’installer une enseigne ; que, dès lors, le maire de Paris, qui a d’ailleurs refusé la demande d’enseigne de la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione pour un motif sans rapport avec la qualité de bâtiment inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques du cirque d’hiver, n’était pas tenu de saisir pour avis, préalablement à ce refus, l’architecte des bâtiments de France ; qu’il s’ensuit, que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif la décision du maire de Paris du 23 mai 2013 et la décision confirmative du 8 août 2013 ;

7. Considérant toutefois qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société de spectacles Frères Bouglione devant le tribunal administratif de Paris ;

8. Considérant qu’aux termes de l’article E2.1.2.6 du règlement local de publicité : « Les enseignes à écran sont interdites en façade (…) » ; qu’aux termes de l’article E2.7.1 du même règlement : « Par dérogation aux dispositions des sous-titres E2.3.2 et E2.3.3, les établissements à vocation culturelle et les salles de spectacles peuvent être signalés par des enseignes perpendiculaires placées au-dessus du niveau du premier étage. (…) En outre, par dérogation aux dispositions de l’article E2.1.2.6, leurs dispositifs d’enseignes apposées à plat peuvent prendre la forme d’écran ne pouvant afficher d’images autres que statiques (…) » ;

9. Considérant que pour refuser, par la décision du 23 mai 2013, l’autorisation d’installation d’enseigne sollicitée par la société de spectacles Frères Bouglione, le maire de Paris s’est fondé sur les seules dispositions de l’article E2.1.2.6 du règlement local de publicité interdisant les enseignes à écran en façade ;

10. Considérant, toutefois, qu’il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione avait pour objet l’installation d’une enseigne lumineuse comportant du texte variable sur la façade d’un immeuble accueillant une salle de spectacles ; que cette demande entrait ainsi dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article E2.7.1 du règlement local de publicité ; que, dès lors, la ville de Paris, qui ne se trouvait pas en situation de compétence liée compte tenu de ce qu’elle devait nécessairement procéder à une appréciation des faits et à la qualification juridique de ceux-ci afin notamment d’écarter l’application de l’article E2.7.1 du règlement local de publicité, a entaché sa décision d’une erreur de droit en omettant d’examiner la demande de l’intimée au regard de la dérogation prévue par l’article E2.7.1 ;

11. Considérant, il est vrai, que la ville de Paris soutient qu’elle aurait pris la même décision de refus en se fondant sur les dispositions de l’article E2.7.1 du règlement local de publicité et demande à la Cour de substituer ce motif à celui qu’elle a retenu dans la décision attaquée ;

12. Considérant que la ville de Paris fait valoir, d’une part, qu’à la date de la décision du 23 mai 2013, l’intimée diffusait des vidéos ; que, toutefois, et à la supposer même établie, cette circonstance ne permettait pas à la ville de Paris, à laquelle il appartient de mettre en oeuvre les procédures adéquates en cas de non respect d’une autorisation d’enseigne, de refuser l’autorisation sollicitée, dont l’objet, tel qu’indiqué dans la demande, n’était pas de diffuser des vidéos ; que, d’autre part, si la ville soutient que le dispositif envisagé permettra la diffusion d’images statiques successives entraînant ainsi un mouvement non statique, les dispositions précitées de l’article E2.7.1 du règlement local de publicité relatives aux enseignes sous forme d’écrans doivent s’interpréter, compte tenu des buts en vue desquels elles ont été édictées, comme interdisant la diffusion de vidéos et non la succession d’images informatives statiques ; qu’ainsi, et à supposer même que la demande de substitution de motifs de la ville de Paris soit recevable, il ne peut en tout état de cause y être fait droit sauf à ce qu’il soit fait une inexacte application des dispositions de l’article E2.7.1 du règlement local de publicité ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la ville de Paris n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté du 23 mai 2013, confirmé le 8 août 2013, refusant l’installation d’une enseigne lumineuse à écran en façade du cirque d’hiver ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

14. Considérant, que compte tenu du motif d’annulation retenu, le présent arrêt n’implique pas nécessairement qu’il soit enjoint au maire de Paris de procéder à la délivrance de l’autorisation d’enseigne sollicitée par la société d’exploitation de spectacles des Frères Bouglione ; qu’il y a seulement lieu, en application des dispositions de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au maire de Paris de procéder au réexamen de la demande de la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Paris, partie perdante en la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint à la ville de Paris de réexaminer la demande présentée par la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La ville de Paris versera une somme de 1 500 euros à la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à la société d’exploitation de spectacles Frères Bouglione.

Délibéré après l’audience du 2 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 mars 2017

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER

Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet de la région d’Ile de France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15PA01071

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