CAA de PARIS, 1ère chambre, 27 avril 2017, 15PA02975, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 1re ch., 27 avr. 2017, n° 15PA02975
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 15PA02975
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 18 mars 2015, N° 1410869
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034542140

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E… C… a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 25 avril 2013 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son transfert de la maison centrale d’Ensisheim vers la maison centrale de Saint-Maur.

Par un jugement n° 1410869 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2015, M. C…, représenté par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1410869 du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d’annuler la décision du 25 avril 2013 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son transfert de la maison centrale d’Ensisheim vers la maison centrale de Saint Maur ;

3°) d’enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de prononcer son transfert vers la maison centrale d’Ensisheim, dans un délai de quinze jours à compter de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Il soutient que :

 – le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur un document non versé aux débats pour écarter le moyen, par lui soulevé en première instance, tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision contestée ;

 – la décision de demander le changement d’affectation a été prise par une autorité incompétente, n’étant pas signée du chef d’établissement ;

 – elle est entachée d’un vice de procédure substantiel car elle n’a pas été précédée de l’avis du procureur de la République, dès lors que le document présenté comme tel ne comporte qu’une signature illisible ;

 – elle repose sur des faits matériellement inexacts, s’agissant de l’attitude inappropriée vis-à-vis d’un personnel féminin de la maison centrale d’Ensisheim qui lui est reprochée ;

 – elle est entachée d’une erreur d’appréciation, les faits ne justifiant pas en tout état de cause la décision de transfert litigieuse ;

 – la décision attaquée porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, car il ne peut plus recevoir la visite de sa mère.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens du requérant sont infondés.

M. C… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 22 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de l’organisation judiciaire ;

 – le code de procédure pénale ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Diémert,

 – les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que M. C… a été condamné par la cour d’assises du Haut-Rhin statuant en appel à la peine de trente ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté de vingt ans ; que, selon sa fiche pénale, il est libérable en 2028 ; qu’il est incarcéré depuis 2009 à la maison centrale d’Ensisheim dans le Haut-Rhin ; que par décision du 25 avril 2013, le garde des sceaux, ministre de la justice, a procédé au changement d’affectation de M. C… et ordonné son transfert de la maison centrale d’Ensisheim à la maison centrale de Saint-Maur, dans

l’Indre ; que par courriers des 13 mai, 9 juin et 24 août 2013, M. C… a contesté ce changement d’affectation ; que le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté ses demandes par une décision du 19 juin 2013 ; que le transfert de l’intéressé a été réalisé le 21 juin 2013 ; que
M. C… a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler les décisions des 25 avril et

19 juin 2013 ; que, par un jugement du 19 mars 2015, dont M. C… relève appel, le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les délégations de signature consenties aux personnels administratifs de l’État revêtent un caractère réglementaire ; qu’en l’espèce, l’arrêté du 23 octobre 2006 portant délégation de signature pour la direction régionale des services pénitentiaires de Strasbourg (direction de l’administration pénitentiaire), dont les premiers juges ont inféré que Mme A… était compétente pour demander le transfert de M. C…, a été publié au Journal officiel de la République française du 29 octobre 2006 et est, en outre, accessible sur le réseau internet par simple consultation du site du service public de la diffusion du droit, legifrance.gouv.fr ; qu’il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’en se fondant sur cet arrêté, non versé au dossier de première instance, sans le lui communiquer, les premiers juges auraient méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure consacré par l’article L. 5 du code de justice administrative ; que le moyen doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse :

3. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article D. 82 du code de procédure pénale : « L’affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l’établissement dans lequel il exécute sa peine » ; que Mme A…, directrice des services pénitentiaires, adjointe au chef de l’établissement de la maison centrale d’Ensisheim, a reçu du garde des sceaux, ministre de la justice, en vertu de l’article 2 de l’arrêté du 23 octobre 2006 mentionné au point 2, « délégation (…) à l’effet de signer, au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, et dans la limite de leurs attributions, tous actes, arrêtés et décisions, à l’exclusion des décrets » ; que l’intéressée a pu ainsi régulièrement présenter la demande de modification de l’affectation du requérant, sur le fondement de laquelle est intervenue la décision ministérielle en litige ; que le moyen tiré de l’incompétence de l’autorité ayant demandé le changement d’affectation doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article D. 82-1 du code de procédure pénale : « La décision de changement d’affectation est prise, sauf urgence, après avis du juge de l’application des peines et du procureur de la République du lieu de détention » ;

5. Considérant que figure au dossier un document qui, présenté comme l’avis du procureur de la République requis par les dispositions précitées, est revêtu d’une signature illisible et est dépourvu de toute indication permettant d’en identifier l’auteur ; que, comme le soutient M. C…, il n’est dès lors pas établi que le procureur de la République territorialement compétent a rendu un avis, conformément aux dispositions précitées du code de procédure pénale, avant la décision de transfert ;

6. Considérant, toutefois, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que l’absence d’avis valablement émis par le procureur de la République aurait privé
M. C… d’une garantie, ou exercé une influence sur le sens de la décision prise ; qu’il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article D. 82-1 du code de procédure pénale doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :

8. Considérant que la décision de changement d’affectation litigieuse a été prise au motif que M. C… ne pouvait être maintenu à la maison centrale d’Ensisheim en raison d’incidents avec le personnel pénitentiaire ; qu’il soutient que l’administration n’a pas démontré que l’écrit injurieux affiché sur un mur de sa cellule le 27 février 2013 à l’encontre d’une personne désignée par son prénom visait un personnel de la prison d’Ensisheim ; que si ce fait n’a effectivement pas été établi, il est constant que M. C…, qui a fait l’objet de nombreuses procédures disciplinaires dont quatre pour insultes ou menaces envers le personnel, entretenait des relations conflictuelles avec le personnel et la direction de la maison centrale d’Ensisheim ; que, dans ces conditions, le garde des sceaux a pu, sans se fonder sur des faits matériellement inexacts ni commettre d’erreur d’appréciation, décider son transfert dans un autre établissement afin de lui permettre d’exécuter sa peine dans un cadre plus serein ;

9. Considérant que M. C… fait valoir que son transfert dans un établissement situé à plus de 600 km d’Audincourt (Doubs) où réside sa mère, âgée de 81 ans et malade, seule personne lui rendant visite, porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu’il produit notamment des documents faisant apparaitre que le trajet que sa mère doit effectuer en train dure, de porte à porte, six heures ; qu’il ne ressort cependant pas de l’ensemble des pièces du dossier que l’atteinte portée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des motifs pour lesquels la décision d’affectation a été prise ; qu’ainsi M. C… n’est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnait les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 25 avril 2013 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a prononcé son transfert de la maison centrale d’Ensisheim vers la maison centrale de Saint Maur ; que sa requête d’appel, en ce comprises les conclusions à fin d’injonction et les conclusions tendant à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, doit être rejetée ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E… C… et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l’audience du 30 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,
M. D…

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15PA02975

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