CAA de PARIS, 4ème chambre, 5 juin 2018, 16PA01329, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 5 juin 2018, n° 16PA01329
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 16PA01329
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 17 février 2016, N° 1425922/5-1
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037039471

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C… B… a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l’Etat, ministère de la défense, à lui verser la somme de 5 535,66 euros au titre des jours de congés payés non pris avant la date de son placement à la retraite, une somme de 2 500 euros au titre des jours accumulés sur son compte épargne-temps, une somme de 9 219,10 euros au titre de l’indemnité de départ à la retraite et, enfin, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1425922/5-1 du 18 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’Etat à verser à M. B… une indemnité compensatrice correspondant à 16 jours de congés payés et a renvoyé l’intéressé devant le ministre de la défense pour qu’il soit procédé, dans les conditions fixées par les motifs du présent jugement, à la liquidation de l’indemnité compensatrice de congés payés visée à l’article 1er, dont le montant sera calculé en application des dispositions de l’article 10 du décret du 17 janvier 1986.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, M. B… représentée par Me Louvigné, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1425922/5-1 du

18 février 2016 en tant qu’il ne l’a pas indemnisé du solde de son compte épargne temps et qu’il ne lui a pas versé d’indemnité de départ à la retraite ;

2°) de condamner l’Etat – ministère de la défense à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des jours accumulés sur son compte épargne-temps, plus une somme de 9 219,10 euros au titre de l’indemnité de départ à la retraite ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – il a droit à l’indemnisation des jours inscrits sur son compte épargne-temps non soldés avant sa radiation des cadres en application de l’article 7 de la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

 – il a droit au versement d’une indemnité de départ à la retraite sur le fondement des dispositions de l’article 31 de la convention collective de la métallurgie du 13 mars 1972 relatives au départ volontaire à la retraite, dès lors que l’arrêté du 4 mai 1988 fait expressément référence à cette convention collective s’agissant des contrats des ingénieurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête et à titre incident à l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a condamné l’Etat à verser à M. B… une indemnité compensatrice correspondant à seize jours de congés payés.

Il soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé et, sur son appel incident, qu’en l’absence de textes relatifs à l’indemnisation des jours de congés au-delà du seuil minimal de 20 jours, M. B… n’était pas fondé à solliciter le paiement des jours d’ARTT qui se distinguent des jours de congés annuels.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

 – le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

 – le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;

 – l’arrêté du 4 mai 1988 relatif aux modalités de recrutement et de rémunération des agents sur contrat du ministère de la défense dans les services de la délégation générale pour l’armement qui n’ont pas un caractère industriel ou commercial ;

— l’arrêté du 28 août 2009 pris pour l’application du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme d’Argenlieu,

 – les conclusions de Mme A…,

 – et les observations de Me Louvigné, avocat de M. B….

Considérant ce qui suit :

1. M. B… a été recruté par le ministre de la défense en qualité d’ingénieur cadre technico-commercial non titulaire de l’Etat, par un contrat à durée déterminée signé le

19 février 1996. Ce contrat a été reconduit pour une durée indéterminée à compter du

28 juillet 2005. M. B… a été placé, par une décision du 13 février 2014, en congé de grave maladie, à plein traitement, du 19 septembre 2013 au 18 mars 2014. Son congé de maladie a ensuite été prolongé jusqu’au 31 mars 2014. Par une décision du 4 février 2014, M. B… a été admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2014. Il a alors demandé, par une lettre du 13 mai 2014, le paiement d’une indemnité au titre de l’indemnité de départ à la retraite, du solde de ses congés payés et du solde de son compte épargne-temps (CET). Par une décision du 1er septembre 2014, le ministre de la défense a refusé d’établir le solde de tout compte de M. B…, au motif que ce document n’était pas nécessaire à l’instruction de son dossier par l’assurance retraite et les caisses de retraites complémentaires et que des versements lui restaient dus au titre de son CET. Par la même décision, le ministre de la défense a refusé de verser à M. B… une indemnité de départ à la retraite. L’intéressé demande l’annulation du jugement du Tribunal administratif du 18 février 2016 en tant qu’il ne l’a pas indemnisé du solde de son CET et qu’il ne lui a pas versé d’indemnité de départ. Par un appel incident, le ministre de la défense demande l’annulation de ce même jugement en tant qu’il a condamné l’Etat à verser à M. B… une indemnité compensatrice correspondant à seize jours de congés payés.

Sur l’appel principal :

En ce qui concerne les jours placés sur le compte épargne temps :

2. L’article 7 de la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2003/88/CE du

4 novembre 2003 dispose que : « 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. / 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ».

3. Il ressort de l’article 3 du décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 modifié que : « Le compte épargne-temps est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels, tels que prévus par le décret du 26 octobre 1984 susvisé, sans que le nombre de jours de congés pris dans l’année puisse être inférieur à 20 (…). L’article 6 du même décret dispose que : » Lorsqu’au terme de chaque année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne temps est supérieur au seuil mentionné à l’article 5 : I. – Les jours ainsi épargnés n’excédant pas ce seuil ne peuvent être utilisés par l’agent que sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l’article 3 du décret du 26 octobre 1984 susvisé. II. – Les jours ainsi épargnés excédant ce seuil donnent lieu à une option exercée au plus tard le 31 janvier de l’année suivante : (…) 2° L’agent non titulaire mentionné à l’article 2 opte dans les proportions qu’il souhaite : a) Pour une indemnisation dans les conditions définies à l’article 6-2 ; b) Pour un maintien sur le compte épargne-temps dans les conditions définies à l’article 6-3. Les jours mentionnés au a sont retranchés du compte épargne-temps à la date d’exercice d’une option. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2009 susvisé : « Le seuil mentionné aux articles 5 et 6 du décret du 29 avril 2002 susvisé est fixé à 20 jours ».

4. Les dispositions de l’article 7. 2 de la directive précitée du 4 novembre 2003, interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt C-337/10 du 3 mai 2012 (point 37), ne s’opposent pas à des dispositions de droit national accordant au fonctionnaire des droits à congés payés supplémentaires s’ajoutant au droit à un congé annuel minimal de quatre semaines, tels que ceux inscrits sur le compte épargne-temps dans la fonction publique de l’Etat, sans que soit prévu le paiement d’une indemnité financière, lorsque le fonctionnaire en fin de relation de travail ne peut bénéficier de ces droits supplémentaires en raison du fait qu’il n’aurait pu exercer ses fonctions pour cause de maladie. Les jours épargnés sur un compte épargne temps n’ont donc pas le caractère de congés payés annuels, au sens de cette directive, et doivent dès lors être considérés comme des jours de congés supplémentaires. Les dispositions précitées de l’article 3 du décret n° 2002-634 du

29 avril 2002, dans sa version applicable prévoient quant à elle que seuls peuvent être épargnés sur le compte épargne temps des jours de congés supplémentaires excédant le seuil minimal des vingt jours de congés payés. Par ailleurs, l’article 6 précité du même décret prévoit que seuls les jours excédant le seuil minimal des vingt jours peuvent, si l’agent en fait le choix, être indemnisés, les vingt premiers jours ne pouvant être pris que sous forme de congés. Ce faisant, ces dispositions du droit national ne sont pas incompatibles avec l’article 7 de la directive précitée.

5. En l’espèce, il n’est pas contesté que 28 jours épargnés figuraient, à la date du 1er avril 2014, sur le compte épargne temps de M. B…. Il résulte de ce qui précède que seuls les jours excédentaires, soit huit jours, pouvaient être indemnisés. Il résulte de l’instruction que l’indemnisation de ces 8 jours, soit une somme de 1 000 euros, à raison de 125 euros par jour, a été versée par le ministre de la défense à l’appelant le 9 avril 2015. Partant, c’est sans méconnaître les dispositions du décret du 29 avril 2002 que les premiers juges ont rejeté le moyen soulevé par M. B… tiré de ce qu’il avait droit, en plus des 8 jours excédentaires, au versement d’une indemnité correspondant aux vingt jours restant sur son CET.

En ce qui concerne l’indemnité de départ à la retraite :

6. Aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général ne reconnaît aux agents publics non titulaires un droit à une indemnité de départ à la retraite. Mais M. B… fait valoir que si l’article 1er de son contrat conclu avec le ministre de la défense le 18 janvier 1996 stipule que l’agent est régi par les dispositions de l’arrêté du 4 mai 1988 relatif aux modalités de recrutement et de rémunération des agents sur contrat du ministère de la défense relevant des services de la délégation générale pour l’armement qui n’ont pas un caractère industriel et commercial, il renvoie en outre à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 modifiée laquelle prévoit le versement d’une indemnité de départ à la retraite.

7. En premier lieu, cette clause du contrat étant expressément circonscrite aux conditions de recrutement et à la rémunération de l’intéressé, elle n’a ni pour objet ni pour effet de soumettre ce contrat aux stipulations de ladite convention régissant la rupture du contrat de travail.

8. En deuxième lieu, M. B… fait, au surplus, valoir qu’en vertu du principe général du droit du travail, dit « principe de faveur », selon lequel un accord collectif peut toujours comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur, il devait bénéficier des stipulations de la convention collective à laquelle se réfère son contrat, qui lui étaient plus favorables que les textes le régissant. Toutefois, ce principe général du droit a uniquement pour objet d’interdire au pouvoir réglementaire, sauf à y avoir été autorisé expressément par une loi, de déroger dans un sens défavorable aux salariés, par une convention collective, aux règles posées par un texte législatif ou réglementaire. Ce faisant, ledit principe ne saurait être invoqué directement par un agent public dans le but de se voir appliquer les stipulations d’une convention collective qui lui seraient plus favorables que les lois ou règlements le régissant. Dans ces conditions, M. B… ne pouvait, pas plus à ce titre qu’au précédent, se voir attribuer une indemnité de départ à la retraite.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au versement d’une indemnité correspondant au solde de son CET et d’une indemnité de départ à la retraite.

Sur l’appel incident :

10. Dans ses arrêts C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009 Schultz-Hoff / Deutsche Rentenversicherung Bund et Stringer e.a. / Her Majesty’s Revenue and Customs, la Cour de justice de l’Union européenne, interprétant l’article 7 précité de la directive 2003/88/CE du

4 novembre 2003 relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail, a jugé qu’un travailleur ne perd pas le droit à ses congés payés annuels s’il n’a pu les prendre pour cause de maladie.

11. L’article 10 du décret susvisé du 17 janvier 1986, alors applicable, dispose que :

" I.- L’agent non titulaire en activité a droit, compte tenu de la durée de service effectué, à un congé annuel dont la durée et les conditions d’attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires prévu par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 susvisé. / II.- En cas de

licenciement n’intervenant pas à titre de sanction disciplinaire ou à la fin d’un contrat à durée déterminée, l’agent qui, du fait de l’administration, n’a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice de congés annuels. ". Ces dispositions ne prévoient le versement d’une indemnité compensatrice que pour les agents qui, du fait de l’administration, n’ont pu bénéficier de tout ou partie de leurs congés annuels, sans réserver le cas de ces mêmes agents qui ont été dans l’impossibilité de les prendre en raison d’un congé de maladie. Elles sont dès lors incompatibles avec les dispositions précitées de l’article 7 de la directive susvisée. Par conséquent, M. B… pouvait invoquer les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises de cet article 7 pour obtenir l’indemnisation de ses jours de congés.

12. Toutefois, si un fonctionnaire a droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris pour cause de maladie, ce droit à indemnisation s’exerce dans la limite de quatre semaines prévue par l’article 7 précité de la directive du 4 novembre 2003, en l’absence de dispositions plus favorables dans le droit national. Aucun texte national n’impose, pour les contractuels, un droit à indemnisation allant au-delà du seuil de quatre semaines prévu par cet article 7. Dans ces conditions, M. B… avait droit à être indemnisé de ses congés annuels non pris pour cause de maladie dans une limite de 20 jours.

13. Si M. B… demande à être indemnisé du reliquat de jours de congés annuels et d’ARTT pour l’année 2013, il résulte de l’instruction que ces jours ne sont pas indemnisables dans la mesure où ils sont versés sur son compte épargne temps. En revanche, pour l’année 2014, M. B… avait un droit à être indemnisé des jours de congés annuels et de réduction du temps de travail non pris. Toutefois, n’ayant travaillé que trois mois au titre de l’année 2014, il ne pouvait prétendre être indemnisé qu’à hauteur de 3/12 de ces 20 jours correspondant aux quatre semaines de congés annuels, soit 5 jours.

14. Par suite, le ministre de la défense est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit, à hauteur de 16 jours, à la demande de M. B… tendant au versement de cette indemnité compensatrice de congés payés pour l’année 2014, alors que cette indemnité devait être calculée sur la base de 5 jours de congés payés.

Sur les frais de justice :

15. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme réclamée par M. B… sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice de administrative.


DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : L’indemnité compensatrice due à M. B… au titre des congés payés non pris pour l’année 2014 doit être évaluée sur une base de 5 jours au lieu de 16. Le jugement du Tribunal administratif n° 1425922/5-1 du 18 février 2016 est réformé dans cette mesure.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… B… et à la ministre des armées.

Délibéré après l’audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :


- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d’Argenlieu, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 5 juin 2018.


Le rapporteur,

L. d’ARGENLIEU

Le président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPAR La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 16PA01329

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