CAA de PARIS, 3ème chambre, 1 décembre 2020, 19PA02123, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 3e ch., 1er déc. 2020, n° 19PA02123
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 19PA02123
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 5 mai 2019, N° 1809413/3-1
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042613655

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Burton a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision implicite de rejet née le 8 mai 2018 du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique contre de la décision de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi d’Ile-de-France du 12 janvier 2018 lui appliquant une pénalité de 0,5 % de sa masse salariale sur le fondement de l’article L. 2242-8 du code du travail.

Par un jugement n° 1809413/3-1 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2019, la société Burton, représentée par Me D…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la décision du 12 janvier 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi d’Ile-de-France lui appliquant une pénalité, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision du 12 janvier 2018 n’est pas suffisamment motivée ;

 – les décisions attaquées sont entachées d’erreur de droit dès lors que les dispositions des articles L. 2242-8 et R. 2242-3 ne prévoient la possibilité d’infliger une pénalité qu’en cas d’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conclu dans le délai de six mois après mise en demeure ;

 – l’administration a commis une erreur d’appréciation en estimant que l’accord conclu au sein de la société Burton le 27 novembre 2017 ne répondait pas aux prescriptions de l’article R. 2242-2 du code du travail ;

 – un second accord a été conclu le 31 janvier 2018, lequel a été validé par l’administration ;

 – sa situation financière marquée par des difficultés économiques n’a pas été prise en compte.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable dès lors qu’elle ne conteste pas le jugement attaqué ;

 – les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l’instruction est intervenue le 1er juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :


- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

 – le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme B…,

 – les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, représentant la société Burton.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 14 juin 2017, la société Burton a été mise en demeure par l’inspection du travail de Paris d’engager, dans le délai de six mois, une négociation annuelle portant sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et sur les mesures permettant de les atteindre, et en l’absence de conclusion de l’accord, d’établir un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Un accord collectif relatif à l’égalité professionnelle et salariale a été conclu le 27 novembre 2017, puis transmis par la société Burton à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Île-de-France le 7 décembre 2017. Par courrier du 20 décembre 2017, l’inspection du travail a demandé à la société requérante de reprendre les négociations et l’a informée de son intention de demander à la DIRECCTE l’application à son égard d’une pénalité financière. Par une décision du 12 janvier 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Île-de-France a infligé à la société Burton une pénalité de 0,5 % de sa masse salariale. Par courrier du 5 mars 2018 répondant au recours gracieux de l’intéressée, la DIRECCTE l’a informée du maintien de la pénalité pour le mois de janvier 2018, dès lors qu’un nouvel accord avait été conclu le 31 janvier 2018. La société Burton a ensuite formé un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail, implicitement rejeté le 8 mai 2018. Par un jugement du

6 mai 2019 dont la société requérante relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 8 mai 2018.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Contrairement à ce que soutient la ministre du travail, la requête présentée par la société Burton ne se borne pas à reprendre les écritures de première instance mais développe également une critique du jugement contesté. Elle est par suite recevable.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Aux termes de l’article L. 2242-1 du code du travail : « Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans : / (…) 2° Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail. ». Aux termes de l’article L. 2242-3 du même code : « En l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l’issue de la négociation mentionnée au 2° de l’article L. 2242-1, l’employeur établit un plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l’année écoulée, ce plan d’action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l’année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d’action est déposé auprès de l’autorité administrative. (…) ». Par ailleurs, aux termes de l’article L. 2242-8 dudit code : « Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur en l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l’issue de la négociation mentionnée au 2° de l’article L. 2242-1 ou, à défaut d’accord, par un plan d’action mentionné à l’article L. 2242-3. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ce défaut d’accord est attesté par un procès-verbal de désaccord. / Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa. / Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. ». Aux termes de l’article R. 2242-3 de ce code : « Lorsque l’inspecteur ou le contrôleur du travail constate qu’une entreprise n’est pas couverte par l’accord collectif ou, à défaut, le plan d’action prévu au 2° de l’article L. 2242-8, il met en demeure l’employeur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de remédier à cette situation dans un délai de six mois. ». Enfin, aux termes de l’article R. 2242-5 du même code : « A l’issue du délai prévu à l’article R. 2242-3, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi décide s’il y a lieu d’appliquer la pénalité mentionnée au premier alinéa de l’article L. 2242-9 et en fixe le taux. ».

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Burton, qui emploie huit cent cinquante salariés, a déposé le 7 décembre 2017 auprès de l’autorité administrative un accord collectif relatif à l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, signé avec deux organisations syndicales le 27 novembre 2017, avant expiration du délai de six mois prévu par la mise en demeure du 14 juin 2017, et comprenant une analyse de la situation de l’entreprise ainsi que des actions, objectifs et indicateurs de suivi en matière de recrutement, de formation professionnelle, de rémunération, d’évolution professionnelle et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale. Par suite, en appliquant une pénalité à la société Burton, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Île-de-France a fait une inexacte interprétation des dispositions précitées de l’article L. 2242-8 du code du travail, qui ne permettent l’infliction d’une telle sanction que dans la seule hypothèse où un accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n’est pas intervenu à l’issue de la négociation mentionnée au 2° de l’article L. 2242-1 du même code, et ne sauraient être entendues comme ayant pour effet de conférer à l’autorité administrative un pouvoir de contrôle sur le contenu de ces accords analogue à celui qu’elle peut exercer sur les plans d’action unilatéralement décidés par l’employeur. Elle a ainsi entaché sa décision du 12 janvier 2018 d’erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Burton est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, et à solliciter l’annulation de la décision du 12 janvier 2018 lui infligeant une pénalité ainsi, par voie de conséquence, que l’annulation de la décision du 8 mai 2018 par laquelle la ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la société Burton au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1809413/3-1 du 6 mai 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision implicite de rejet née le 8 mai 2018 du silence gardé par la ministre du travail sur le recours hiérarchique de la société Burton contre la décision de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi d’Ile-de-France du 12 janvier 2018 lui appliquant une pénalité, ensemble ladite décision du 12 janvier 2018, sont annulées.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Burton sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Burton et à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Délibéré après l’audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C…, premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme B…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.


Le rapporteur,

G. B… Le président,
M. C…

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19PA02123

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