CAA de PARIS, 5ème chambre, 18 mars 2021, 20PA00655, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 5e ch., 18 mars 2021, n° 20PA00655
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA00655
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 19 décembre 2019, N° 1804298
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043278894

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) 3 I Capital a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes d’un montant global de 750 253 euros qui lui ont été infligées sur le fondement de l’article 1736-I 1° du code général des impôts au titre du défaut de déclaration des honoraires, commissions et courtages versés à des tiers au cours des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1804298 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris l’a partiellement déchargée de cette amende au titre de l’année 2015 à hauteur des sommes pour lesquelles la requérante a produit des attestations et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2020, la société 3 I Capital, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1804298 du 20 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il n’a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de l’intégralité des amendes infligées au titre des années 2014 et 2015 sur le fondement de l’article 1736-I 1° du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

L’EURL 3 I Capital soutient que :

 – les déclarations DAS et DAS2 ont été présentées et mises à la disposition du vérificateur lors des opérations de contrôle ; l’administration n’était donc pas fondée à appliquer l’amende litigieuse ;

 – la décision n° 2016-554 QPC du Conseil constitutionnel constitue un revirement de jurisprudence par rapport à la décision n° 2012-267 QPC ;

 – elle peut se prévaloir de la nouvelle rédaction du 1 du I de l’article 1736 issue de l’article 7 de la loi du 10 août 2018, puisqu’elle allège les pénalités prévues par cet article et constitue donc une loi pénale plus douce ;

 – la position de l’administration, suivie par le tribunal, est contradictoire, parce qu’elle considère que la déclaration pour l’année 2014 n’est pas susceptible d’être régularisée sur le terrain de la doctrine parce que cette année serait en dehors du délai de reprise s’agissant des bénéficiaires des versements tout en étant dans le délai de reprise de l’administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre précise que le quantum en litige est de 463 300 euros et soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – l’article 138 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ;

 – la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

 – l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

 – les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. A…,

 – et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société 3 I Capital, qui est une société holding ayant des activités d’investissement et de conseil en gestion des affaires, a fait l’objet d’une procédure de vérification de comptabilité du 20 février au 26 juin 2017 portant sur ses exercices 2014 et 2015. Consécutivement à cette procédure, l’administration lui a notifié par une proposition de rectification du 29 juin 2017 notamment des amendes sur le fondement du 1 du I de l’article 1736 du code général des impôts pour absence de dépôt des déclarations des honoraires, commissions et courtages (DAS2) pour les sommes versés à des tiers au cours des années 2014 et 2015. Par un jugement n° 1804298 du 20 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris l’a partiellement déchargée de cette amende au titre de l’année 2015 à hauteur des sommes pour lesquelles la requérante a produit des attestations et a rejeté le surplus de sa demande. La société relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus.

Sur l’établissement de l’amende :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l’article 240 du code général des impôts : « 1. Les personnes physiques qui, à l’occasion de l’exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes. / Ces sommes sont cotisées, au nom du bénéficiaire, d’après la nature d’activité au titre de laquelle ce dernier les a perçues. / La déclaration peut être souscrite selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article 87 A, quel que soit le statut du tiers bénéficiaire, durant le mois de janvier de l’année civile qui suit celle au cours de laquelle ces sommes ont été versées. / A défaut, la déclaration est souscrite auprès de l’organisme ou de l’administration désigné par décret, au plus tard le 31 janvier de l’année civile suivant celle au cours de laquelle ces sommes ont été versées ou, par dérogation, en même temps que la déclaration de résultats. (…) » et aux termes de l’article 1736 du même code : « I. – 1. Entraîne l’application d’une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l’article 240 et au 1 de l’article 242 ter et à l’article 242 ter B. L’amende n’est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l’administration, avant la fin de l’année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. (…) ».

3. Il résulte de l’instruction que la société 3 I Capital n’a déposé les déclarations relatives aux honoraires qu’elle a versés en 2014 et 2015, qu’en 2017, au cours des opérations de vérification de sa comptabilité, alors que les délais légaux, prévus par les dispositions précitées de l’article 240 du code général des impôts, étaient échus en 2015 et 2016 respectivement, et qu’ainsi, les sommes qu’elle a versées au cours de ces deux années à des tiers sans les déclarer, entraient dans l’assiette de l’amende litigieuse établie sur le fondement des dispositions de l’article 1736-I 1° précitées. La circonstance que le vérificateur aurait pu librement prendre copie des différentes pièces comptables et des déclarations envoyées par courrier simple au service reste sans incidence sur la tardiveté desdites déclarations. En outre, les dispositions précitées ne créent pas, contrairement à ce que soutient la requérante, une obligation pour l’administration de demander aux contribuables la souscription des déclarations dues dans les délais légaux.

4. Le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de ces dispositions, issues du IV de l’article 13 de l’ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l’harmonisation et l’aménagement du régime des pénalités, qui a été ratifiée par l’article 138 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, en l’absence de mémoire distinct soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, ne peut qu’être écarté.

5. En se prévalant du principe de rétroactivité de l’application de la loi pénale plus douce, la société réclame le bénéfice rétroactif des dispositions de l’article 1736 du code général des impôts dans leur rédaction désormais applicable issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 qui, par son article 7, a modifié les dispositions du 1 de I de l’article 1736 du code général des impôts en prévoyant, pour les personnes tenues d’effectuer une déclaration en application de l’article 240 du même code que : « La personne tenue d’effectuer une déclaration en application de l’article 240 peut régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l’application de l’amende prévue au premier alinéa du présent 1 lorsque les conditions suivantes sont réunies : elle présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux, à condition que le service puisse être en mesure de vérifier l’exactitude des justifications produites. Cette demande de régularisation peut avoir lieu au cours du contrôle fiscal de la personne soumise à l’obligation déclarative. »

6. Les dispositions précitées n’ont cependant pas pour objet d’adoucir la sanction applicable en cas d’omission de déclaration, mais de permettre, sous certaines conditions, au contribuable de démontrer que le manquement à ses obligations déclaratives est demeuré sans incidence au regard de l’objet de la loi, qui est de lutter contre le risque de fraude fiscale en permettant au service de vérifier que les sommes versées par le contribuable ont bien été déclarées par leur bénéficiaire. Dans ces conditions, la procédure de régularisation prévue par le nouvel alinéa du 1 du I de l’article 1736 ne peut être regardée comme constituant un adoucissement par la loi dans la mise en oeuvre de la sanction en cas d’omission déclarative. Elles sont par conséquent dépourvues d’effet rétroactif. Ainsi qu’il a été dit par les premiers juges, la société ne peut se prévaloir sur le terrain de la loi du principe de rétroactivité de l’application de la loi pénale plus douce pour que lui soit appliqué rétroactivement le second alinéa du 1 du I de l’article 1736.

En ce qui concerne l’interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Dans la décision de rescrit n° 2012/6 RC du 14 février 2012, relative aux modalités d’application de l’amende prévue par l’article 1736 du code général des impôts, publiée le 6 décembre 2017 au paragraphe 20 de l’instruction BOI-CF-INF-10-40-30, l’administration précisait que « par mesure de tempérament, il est admis que l’entreprise puisse régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l’application de cette sanction lorsque les conditions suivantes sont réunies. / L’entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux à la condition que le service puisse être en mesure de vérifier l’exactitude des justifications produites ».

8. Si la requérante entend, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se voir appliquer l’interprétation de la loi fiscale publiée par l’administration, il résulte de l’instruction que les attestations des bénéficiaires des sommes engagées l’année 2014 n’ont été produites qu’en 2018, à l’occasion de l’instance contentieuse, et cette année était en dehors du délai de trois années de régularisation résultant de cette tolérance administrative. Si la requérante souligne qu’il serait contradictoire qu’elle soit forclose pour régulariser l’année 2014 alors que l’administration ne l’était pas pour lui infliger l’amende, le motif de cette asymétrie réside dans le fait que l’amende litigieuse a été établie par l’administration en 2017 alors que l’apport des justifications n’est intervenu qu’en 2018 tardivement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société 3 I Capital n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, l’État n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société 3 I Capital est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) 3 I Capital et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques d’Île-de-France (Direction de contrôle fiscal Ile-de-France – division juridique).

Délibéré après l’audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. A…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 18 mars 2021.


Le rapporteur,

B. A… Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 20PA00655

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