Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 4 novembre 2022, n° 21PA03181

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 4 nov. 2022, n° 21PA03181
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA03181
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 7 avril 2021, N° 1911668/51
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 17 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B E a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d’annuler l’arrêté en date du 5 février 2019 par lequel la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle,

2°) d’enjoindre à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de le réintégrer dans le corps des magasiniers des bibliothèques.

Par un jugement n° 1911668/5-1 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, M. E, représenté par Me Halpern, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1911668/5-1 du 8 avril 2021 du tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa requête ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 5 février 2019 par lequel la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a mis fin à son stage pour insuffisance professionnelle

3°) d’enjoindre à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de le réintégrer dans ses fonctions de magasinier des bibliothèques, de le titulariser dans ces fonctions et de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux à compter de la date d’effet de son licenciement dans le délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt à intervenir en application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative,

4°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

— les premiers juges ont à tort, déclaré irrecevable le moyen tiré du défaut de communication de son dossier individuel ;

Sur le bien-fondé du jugement :

— l’arrêté contesté est entaché d’un vice de procédure ;

— l’arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

— l’arrêté contesté n’est pas motivé en fait ;

— l’arrêté contesté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2022, le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B E ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 juin 2022, l’instruction a été ré-ouverte.

M. E a produit un mémoire enregistré le 5 octobre 2022 qui n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le décret n° 94-6874 du 7 octobre 1994,

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme D d’Argenlieu,

— les conclusions de Mme Iliada Lipsos, rapporteure publique,

— et les observations de Me Halpern, représentant M. E.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 décembre 2016, M. E a été recruté en qualité de magasinier stagiaire de 2ème classe des bibliothèques, au sein de la Bibliothèque nationale de France (BNF) dans le département « Philosophie, Histoire, Sciences de l’homme », à compter du 1er janvier 2017. Par un arrêté du 26 juin 2018, son stage a été prolongé pour une durée d’un an, avec effet au 31 décembre 2017. Le 1er octobre 2018, M. E a été affecté au département « Cartes et Plans » de la BNF. Par un arrêté du 5 février 2019, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a licencié M. E pour insuffisance professionnelle. Par un jugement du 8 avril 2021, dont M. E relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le fait, pour le juge de première instance, d’écarter à tort un moyen comme irrecevable doit être censuré dans le cadre de l’effet dévolutif par le juge d’appel, qui se prononcera ensuite sur le bien-fondé du moyen ainsi écarté. Par suite, le moyen soulevé par M. E tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité dans la mesure où il aurait, à tort, déclaré le moyen de légalité externe irrecevable sera écarté et il y sera statué dans le cadre de l’examen de son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En deuxième lieu, M. E persiste à soutenir que l’arrêté du 5 février 2019 est entaché d’un vice de procédure, en ce qu’il a été édicté sans que l’intéressé ait été au préalable averti de son droit à consulter son dossier. Il ressort des pièces produites que ce moyen a été soulevé, pour la première fois, dans un mémoire enregistré le 11 janvier 2021, soit plus deux mois après l’expiration du délai de recours contentieux, lequel a commencé à courir au plus tard à compter de la saisine du tribunal administratif de Paris, soit le 3 juin 2019. Or, il est constant que la requête ne contenait aucun moyen de légalité externe. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure relevant d’une cause juridique distincte de celle ayant servi de fondement à la demande, il est irrecevable et doit, par suite, écarté.

4. En troisième lieu, M. E soulève, pour la première fois en appel, le moyen, qui n’est pas d’ordre public, tiré de l’absence de motivation en fait de l’arrêté contesté. Dès lors qu’aucun moyen de légalité externe n’avait été soulevé devant les premiers juges avant l’expiration du délai de recours contentieux, ce moyen est irrecevable et doit, pour ce motif, être écarté.

5. En quatrième lieu, eu égard au caractère d’ordre public du moyen d’incompétence, M. E est fondé à l’invoquer, pour la première fois, devant les juges d’appel même si aucun moyen de légalité n’a été soulevé devant les premiers juges avant l’expiration du délai de recours contentieux.

6. Aux termes de l’article 15 de l’arrêté du 17 février 2014 fixant l’organisation de l’administration centrale des ministères de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l’enseignement supérieur et de la recherche : « la sous-direction de la gestion des carrières assure la gestion des actes centralisés et le pilotage de la gestion déconcentrée des personnels ingénieurs, administratifs, pédagogiques, sociaux, de santé et des bibliothèques ». L’article 1er 2° du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2015 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement dispose, par ailleurs, que : « à compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter de l’enregistrement de cet acte au recueil spécial mentionné à l’article L. 861-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu’il est fait application de cet article, ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité () : 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 du décret du 9 mai 1997 () ».

7. En l’espèce, par arrêté du 25 septembre 2018 portant nomination, Mme C F a été reconduite dans ses fonctions de sous-directrice de la gestion des carrières au sein du service des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé, et des bibliothèques à la direction générale des ressources humaines de l’administration centrale () du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, pour une durée de trois ans, à compter du 1er octobre 2018. Par suite, elle était compétente, en application des dispositions précitées, pour signer, au nom de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la décision contestée du 5 février 2019. Le moyen d’incompétence doit donc écarté.

8. En cinquième lieu, il ressort des termes de l’article 7 du décret n° 94-784 du 7 octobre 2014 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l’Etat et de ses établissements publics que : « Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu’il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage () La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l’article 29 du présent décret sauf dans le cas où l’aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury ».

9. Si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d’effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. En l’absence d’une décision expresse de titularisation, de réintégration ou de licenciement au cours ou à l’issue de cette période, l’agent, qui se trouve dans une situation probatoire et provisoire, conserve la qualité de stagiaire. L’administration peut alors mettre fin à tout moment à son stage par une décision qui doit être regardée comme un refus de titularisation. Cette décision, qui n’est soumise qu’aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, ne peut être prise que si les faits qu’elle retient caractérisent des insuffisances dans l’exercice des fonctions et la manière de servir de l’intéressé.

10. Pour apprécier la légalité d’une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu’elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu’elle n’est entachée ni d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste dans l’appréciation de l’insuffisance professionnelle de l’intéressé, qu’elle ne revêt pas le caractère d’une sanction disciplinaire et n’est entachée d’aucun détournement de pouvoir.

11. En l’espèce, M. E fait valoir que la décision contestée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où d’une part, son évaluation lorsqu’il était affecté au département des « Cartes et Plans » n’a pas été faite sur une période suffisamment longue et d’autre part, ses capacités professionnelles lorsqu’il était affecté au département « Philosophie, Histoire, Sciences de l’homme » n’ont pas été justement appréciées.

12. S’agissant, tout d’abord, de la durée de la période d’évaluation au sein du département « Cartes et Plans », il ressort des pièces du dossier qu’ayant été affecté le 1er octobre 2018 dans ce département et ayant été placé en arrêt maladie du 6 au 25 novembre 2018, l’évaluation en date du 26 novembre 2018 n’a effectivement porté que sur cinq semaines de travail effectif. Il importe toutefois de rappeler que M. E, avant d’intégrer le département « Cartes et Plans » en octobre 2018, a travaillé, en tant que magasinier, au sein du département « Philosophie, Histoire et Sciences de l’homme » pendant près de dix-huit mois. Par ailleurs, compte tenu des difficultés durant ces dix-huit premiers mois, M. E a bénéficié lors de son affectation au sein du département « Cartes et Plans » de conditions de travail aménagées, avec un tutorat personnalisé et une adaptation des tâches confiées. Il y a donc lieu, dans ce contexte, de considérer que cinq semaines étaient suffisantes pour apprécier les qualités professionnelles de l’intéressé.

13. S’agissant ensuite de l’erreur manifeste prétendument commise dans l’appréciation des capacités professionnelles de M. E lors de son passage dans le département « Philosophie, Histoire, Sciences de l’homme », il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient l’intéressé, que les trois rapports d’évaluation émis entre le 4 avril 2017 et le 6 juin 2018 aient été rédigés dans des termes similaires. Certes, il est possible d’y retrouver des remarques identiques notamment sur la difficulté pour l’agent à faire face à l’intensité de la communication des documents et au stress que cela génère. Toutefois, les conclusions des trois rapports ont changé au cours des mois puisqu’elles ont été complétées, de manière détaillée et circonstanciée, afin de noter l’évolution de l’agent dans ses fonctions. Il est ainsi difficile de déceler un parti pris chez l’évaluateur, et ce d’autant que celui-ci s’est appliqué à relever les efforts effectués par l’agent, reconnaissant même que ce dernier était en capacité d’assurer certaines tâches correctement. Au demeurant, l’évaluateur a été d’avis de renouveler le stage pour une durée d’un an, mais dans un service plus adapté. Enfin, ni les lettres de soutien rédigées par les collègues de M. E au sein du département « Philosophie, Histoire, Sciences de l’homme » et ni le fait que la commission administrative paritaire nationale, lors de sa réunion du 24 janvier 2019, laquelle émet un avis simple, ne soit parvenue à dégager une majorité pour ou contre la titularisation de M. E ne permettent davantage d’établir qu’en licenciant ce dernier pour insuffisance professionnelle, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B E et à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l’audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

— Mme Mireille Heers, présidente de chambre ;

— M. d’Haëm, président-assesseur ;

— Mme D d’Argenlieu, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2022.

La rapporteure,

L. D’ARGENLIEU

La présidente,

M. A

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 4 novembre 2022, n° 21PA03181