CAA de PARIS, 2ème chambre, 16 février 2022, 21PA01183, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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www.weka.fr · 16 mars 2022

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Cet article est gratuit ! vous pouvez le consulter dans son intégralité NON : dans un arrêt en date du 16 février 2022, la Cour administrative d'appel de Paris a jugé qu'alors que le caractère anonyme des pièces produites par Pôle Emploi n'a pas permis à l'agent public de vérifier si les auteurs des témoignages avaient participé à la session de formation et de contredire utilement leur contenu, la requérante est fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés tirés de propos dénigrants ou dégradants qu'elle aurait tenus à l'encontre de Pôle Emploi et de certains de ses collègues …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 2e ch., 16 févr. 2022, n° 21PA01183
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA01183
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 7 janvier 2021, N° 1913330/3
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045184391

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… C… a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d’annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur général adjoint de Pôle emploi lui a infligé une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux mois et d’enjoindre à Pôle emploi de retirer de son dossier l’intégralité des pièces liées à la procédure disciplinaire correspondante.

Par un jugement n° 1913330/3 du 8 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 mars et 24 novembre 2021, Mme C…, représentée par Me Benoît Arvis, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1913330/3 du 8 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d’annuler la décision du 1er octobre 2019 contestée devant ce tribunal ;

3°) d’enjoindre à Pôle Emploi de retirer de son dossier administratif l’intégralité des pièces liées à la procédure disciplinaire correspondante ;

3°) de mettre à la charge de Pôle Emploi la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est entaché d’irrégularités de nature à entraîner son annulation ; il méconnaît les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative à défaut d’avoir visé et analysé l’ensemble des écritures des parties dont les moyens qu’elle avait soulevés et tirés de vices de procédures et de ce que la sanction dont elle fait l’objet a été prise dans un contexte de harcèlement moral dont elle est victime ; il méconnaît les droits de la défense et le droit à un procès équitable dès lors que les premiers juges se sont uniquement fondés sur des témoignages anonymes pour estimer que la matérialité des faits était établie ;

 – la décision du 1er octobre 2019 est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l’article L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

 – elle a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ; elle n’a pu avoir accès, en méconnaissance des dispositions de l’article 30 du décret du 31 décembre 2003, à l’entier dossier disciplinaire et aux pièces utiles à sa défense dont celles afférentes à l’enquête administrative en méconnaissance des principes des droits de la défense et d’impartialité de l’enquête administrative ; elle a été privée de son droit de faire citer des témoins prévu à l’article 31 de ce même décret ; l’avis émis par le conseil de discipline le 13 septembre 2019 est, en méconnaissance de l’article 32 du décret, insuffisamment motivé ; en l’absence de majorité sur la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de six mois, le conseil de discipline ne peut être regardé comme ayant émis un avis à défaut d’avoir soumis au vote les autres sanctions moins sévères figurant dans l’échelle des sanctions ; il a ainsi méconnu les dispositions de l’article 32 du décret du 31 décembre 2003 à défaut d’avoir émis un avis sur les suites lui paraissant devoir être réservées à la procédure disciplinaire ;

 – le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en relevant que les témoignages directs produits ainsi que la synthèse de quatre autres témoignages étaient tous concordants ;

 – les faits qui lui sont reprochés et tirés de « propos dénigrants ou dégradants » à l’encontre tant de l’institution que de certains collègues, ne sont matériellement pas établis par les témoignages, au demeurant, obtenus sous la contrainte, produits par Pôle Emploi, contrairement à ce qu’a relevé le tribunal, dont l’appréciation sur ces faits est entachée d’erreur ; il ne peut lui être reproché de ne pas prouver qu’elle n’aurait pas tenu les propos qui lui sont imputés par Pôle Emploi alors que cette institution a interdit aux dix agents concernés de lui répondre ; il appartient à la Cour de faire usage de ses pouvoirs d’instruction en demandant à Pôle Emploi de produire les pièces démontrant que Mme C., alors membre de la direction, a insisté auprès de trois stagiaires pour produire des témoignages que la majorité d’entre eux ont refusé de réaliser et que c’est bien dans un contexte de harcèlement moral, dont est à l’origine Mme A…,. qui a inventé les faits qui lui sont reprochés, qu’elle a été sanctionnée ;


- la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de deux mois est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ; les premiers juges n’ont pris en considération ni sa manière de servir ni les témoignages qu’elle a produits relatif à son professionnalisme ni la circonstance qu’elle n’a jamais fait l’objet de reproche similaire tout au long de sa carrière.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre et 8 décembre 2021, Pôle Emploi, représenté par Me Christophe Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C… sur le fondement de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C… ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 décembre 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 27 décembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

 – le décret n°86-83 du 17 janvier 1986

 – le décret n°2003-1370 du 31 décembre 2003 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

 – les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bourgeois, substituant Me Benoît Arvis, avocat de Mme C… et celles de Me Kukuryka, substituant Me Christophe Lonqueue, avocat de Pôle Emploi.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C…, affectée à la direction générale de Pôle Emploi Ile-de-France, occupe, depuis le 1er mai 2008, l’emploi de cadre adjoint titulaire chargée de la conception et de l’intégration de l’offre de service. A l’issue d’une session de formation interne que Mme C… a animée du 21 au 23 janvier 2019 sur le campus de Noisy-le-Grand, intitulée « demandeur d’emploi et employeur au cœur de la relation de service », il lui a été reproché d’avoir tenu des propos dénigrants ou dégradants à l’encontre de Pôle Emploi et de certains collègues, soit à titre de commentaire ou d’illustration pendant les séquences de formation, soit lors d’échanges interpersonnels pendant les pauses. Le directeur général de Pôle Emploi, qui a estimé que les faits ainsi reprochés à l’intéressée constituaient une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, a prononcé à son encontre, par décision du 1er octobre 2019, la sanction du deuxième groupe d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois. Par un jugement du 8 janvier 2021, dont Mme C… relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision et à ce qu’il soit enjoint à Pôle Emploi de retirer de son dossier l’intégralité des pièces liées à la procédure disciplinaire correspondante.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article 28 du décret du 31 décembre 2003 : " Par dérogation aux dispositions de l’article 43 du décret du 17 janvier 1986 susvisé, les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux agents de Pôle emploi sont réparties en quatre groupes : / (…) ; / Deuxième groupe : (…) / b) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de six mois ; / (…) ".

3. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.

4. Mme C… soutient que la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux mois critiquée repose sur des faits qui ne sont matériellement pas établis. Il ressort des pièces du dossier que Pôle Emploi s’est exclusivement fondé sur des témoignages qui émaneraient d’agents qui auraient participé à la session de formation, rapportant des propos qui auraient alors été tenus, ces témoignages ayant été anonymisés et ne permettant ainsi pas d’identifier leurs auteurs, ainsi que sur une synthèse, également anonymisée et dont l’auteur reste ainsi inconnu, rapportant des propos qui auraient été tenus à l’occasion d’une enquête téléphonique avec des agents dont l’identité n’est pas plus précisée et qui ont refusé de confirmer leurs propos par écrit. Dans ces conditions, et alors que le caractère anonyme des pièces ainsi produites par Pôle Emploi n’a au demeurant pas permis à Mme C… de vérifier si les auteurs des témoignages avaient participé à la session de formation et de contredire utilement leur contenu, la requérante est fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés tirés de propos dénigrants ou dégradants qu’elle aurait tenus à l’encontre de Pôle Emploi et de certains de ses collègues ne sont pas établis. Il suit de là que Mme C… est fondée à soutenir que la décision du 1er octobre 2019 est, pour ce motif, entachée d’illégalité et doit en conséquence être annulée.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête y compris ceux afférents à la régularité du jugement attaqué, que Mme C… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 1er octobre 2019 du directeur général de Pôle Emploi. Il y a lieu, par voie de conséquence, d’annuler son jugement.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

6. L’exécution du présent arrêt implique qu’il soit enjoint à Pôle Emploi de retirer du dossier administratif de Mme C… l’intégralité des pièces liées à la procédure disciplinaire correspondante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Pôle Emploi, qui a la qualité de partie de perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme C…, sur ce même fondement, la somme que demande Pôle Emploi.


DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1913330/3 du 8 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur général adjoint de Pôle emploi a infligé à Mme C… une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux mois sont annulés.

Article 2 : Pôle Emploi versera à Mme C… la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est enjoint à Pôle Emploi de retirer du dossier administratif de Mme C… l’intégralité des pièces liées à la procédure disciplinaire relative à la sanction mentionnée à l’article 1er dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C… et les conclusions présentées par Pôle Emploi sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… C… et à Pôle Emploi.

Délibéré après l’audience du 2 février 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.

Le rapporteur,


S. BONNEAU-MATHELOTLe président assesseur,

En application de l’article R. 222-26 du code

de justice administrative,


F. PLATILLERO

Le greffier,


I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 21PA01183

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