CAA de PARIS, 4ème chambre, 24 novembre 2023, 22PA01213, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 24 nov. 2023, n° 22PA01213
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 22PA01213
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 3 mars 2022, N° 439095
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 novembre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048464893

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La collectivité d’outre-mer de Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de

Saint-Martin :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 198 668,76 euros au titre des droits de timbre qu’il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 15 juillet 2007 au

12 mai 2010 inclus ;

2°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à l’Etat de transmettre le montant des mises effectuées sur le territoire de Saint-Martin entre le 15 juillet 2007 et le 12 mai 2010, et de le condamner à verser le montant des droits de timbre correspondant en application des articles 919 A à 919 C du code général des impôts ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser les intérêts de droit sur les indemnités allouées à compter du 9 août 2012, avec capitalisation.

Par un jugement n° 1500115 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d’État a attribué à la cour administrative de Paris la requête présentée par la collectivité

d’outre-mer de Saint-Martin.

Par cette requête, enregistrée le 6 septembre 2017 au greffe de Cour administrative d’appel de Bordeaux, régularisée le 14 décembre 2018, et par un mémoire enregistré le 10 mai 2019, la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, représentée par son Président et par la SELARL Genesis Avocats, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 6 juillet 2017 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 152 668,76 euros au titre des droits de timbre qu’il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 15 juillet 2007 au

12 mai 2010 inclus ou, a minima, de condamner l’Etat à lui verser la somme de 108 530 euros et d’assortir cette condamnation des intérêts moratoires à compter du 9 août 2012, date de sa demande préalable, avec capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à l’Etat de transmettre le montant des mises effectuées sur le territoire de Saint-Martin entre le 15 juillet 2007 et le 12 mai 2010 et de condamner l’Etat à verser le montant des droits de timbre correspondant en application des articles 919 A à 919 C du code général des impôts, pour la période allant du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle entend mettre en cause la responsabilité de l’Etat pour ne pas lui avoir reversé les droits de timbre qu’il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 1er janvier 2008 au 12 mai 2010 inclus ;

— en rejetant sa demande sans enjoindre à l’Etat de produire les informations dont il dispose sur le montant des mises, le tribunal administratif n’a pas complètement rempli son office ;

— si on se réfère aux chiffres disponibles pour les années 2013 et 2014, le montant total des droits de timbre dont elle a été privée s’élève à la somme de 152 668,76 euros ;

— le montant total des droits de timbre dont elle a été privée peut, a minima, être évalué à partir des chiffres disponibles pour l’année 2010, à la somme de 108 530 euros ;

— subsidiairement, il y a lieu pour la Cour d’enjoindre à l’Etat de produire les informations dont il dispose.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin ne sont pas fondés.

Par une décision n° 439095 du 4 mars 2022, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt n°17PA23026 du 12 novembre 2019 par lequel la cour administrative de Paris a rejeté la requête de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin et a renvoyé l’affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 22PA01213.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires, enregistrés le 18 octobre 2022 et le 12 janvier 2023, la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, représentée par la SELARL Genesis Avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 6 juillet 2017 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 152 668,76 euros au titre des droits de timbre qu’il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 15 juillet 2007 au

12 mai 2010 inclus, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire, d’enjoindre à l’Etat de transmettre le montant des mises effectuées sur le territoire de Saint-Martin entre le 15 juillet 2007 et le 12 mai 2010 et de condamner l’Etat à verser le montant des droits de timbre correspondant en application des articles 919 A à 919 C du code général des impôts, pour la période allant du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le tribunal n’a pas rempli complétement son office, en n’enjoignant pas à l’Etat de produire les éléments probants nécessaires à la solution du litige ;

—  l’Etat n’a pas pris en compte l’intégralité des jeux de tirage passibles du droit de timbre, notamment le Joker+, dès lors que ce jeu doit être impérativement associé à une prise de jeu du Loto ou du Super Loto ;

— il ressort des éléments transmis par la Française des jeux pour les premières semaines de l’année 2010, rapportés aux années précédentes, que l’estimation faite par l’Etat pour les années 2008 à 2010 est grandement sous-évaluée ;

— la référence à la moyenne des mises effectuées à Saint-Martin en 2013 et 2014 est pertinente pour calculer son préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— l’Etat a communiqué au tribunal tous les éléments en sa possession qui lui ont permis de déterminer le montant des droits de timbre revenant à la collectivité, en fonction des chiffres communiqués par la Française des jeux ;

— la requérante ne fait pas état de présomptions suffisamment sérieuses quant à une évaluation erronée des droits de timbre par l’administration ;

— les autres moyens soulevés par la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au

13 janvier 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code général des impôts ;

— la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Bruston,

— les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

— et les observations de Me Samin, représentant la collectivité d’outre-mer de

Saint-Martin.

Une note en délibéré, produite pour la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, a été enregistrée le 13 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La collectivité d’outre-mer de Saint-Martin a demandé au ministre des finances et des comptes publics, sur le fondement de la loi organique du 21 février 2007, de lui reverser le montant des droits de timbre perçus sur le territoire de la collectivité, en application des articles

919 A à 919 C du code général des impôts. Si le ministre a admis que les droits de timbre perçus devaient revenir à la collectivité, il a refusé ce reversement pour la période du 15 juillet au

31 décembre 2007 et a chiffré ces droits à la somme de 83 674 euros. Une somme de ce montant a été effectivement reversée par l’Etat à la collectivité en 2015 au titre de la période du

1er janvier 2008 au 12 mai 2010. Considérant que cette estimation était manifestement

sous- évaluée, la collectivité de Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l’Etat à lui reverser la somme de 198 668,76 euros au titre des droits de timbre qu’il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus. Par un jugement du 6 juillet 2017 dont la collectivité de Saint-Martin relève appel, le tribunal administratif d’appel de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La collectivité de Saint-Martin soutient que les premiers juges ont méconnu leur office en s’abstenant de procéder à une mesure d’instruction afin que soit produite par l’Etat, dans le cadre de l’instance, les éléments probants nécessaires à la solution du litige, en particulier les éléments comptables en possession de la Française des Jeux. Toutefois, une telle mesure relève des pouvoirs propres du juge, à qui il appartient d’en apprécier l’opportunité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l’article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales :

«  I.- La Collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l’article LO 6314-4 ; cadastre ; () ". En vertu de l’article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, la collectivité de Saint-Martin perçoit le produit des impositions de toute nature établies sur son territoire dans l’exercice des compétences qu’elle tient du 1° du I de l’article L.O. 6314-3 du même code. En application de ces dispositions, le conseil territorial de Saint-Martin a décidé, par une délibération du 1er août 2007, que les impôts, droits et taxes perçus au profit de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qui étaient applicables sur le territoire de la commune de Saint-Martin avant l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 demeureraient applicables sur le territoire de la collectivité de Saint-Martin en tant qu’impôts, droits et taxes perçus au profit de celle-ci et de ses établissements publics, dans les conditions et limites prévues à l’article

L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales. Jusqu’à leur abrogation par l’article 54 la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, les articles 919 A à 919 C du code général des impôts fixaient un droit de timbre, défini dans les termes suivants : Article 919 A : « Les bulletins du loto national sont soumis à un droit de timbre fixé à 4,70 % du montant des sommes engagées. » / Article 919 B : « Le droit de timbre prévu à l’article 919 A s’applique aux sommes engagées au jeu du loto sportif. » / Article 919 C : « Les bulletins ou billets de la loterie nationale en ce qui concerne les jeux dits » loterie instantanée et tapis vert « sont soumis à un droit de timbre fixé à 1,6 % du montant des sommes engagées. /Le droit de timbre prévu au premier alinéa s’applique aux appareils de jeux individuels, portables et jetables servant de support à un jeu exploité par la Française des jeux ». En raison du transfert de compétences prenant effet le 1er janvier 2008 en vertu de l’article D 6371-8 du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, créé par le décret du 26 décembre 2007, la collectivité de Saint-Martin était fondée à réclamer le reversement du montant des droits de timbre collectés par l’Etat, en application des articles

919 A à 919 C du code général des impôt, à raison des bulletins de jeux exploités par La Française des jeux, vendus à Saint-Martin, du 1er janvier 2008 jusqu’à leur abrogation par l’article 54 la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010.

4. Pour justifier la somme qu’elle demande au titre des droits de timbre non reversés par l’Etat, la collectivité de Saint-Martin soutient que la somme de 83 674 euros qui lui a été versée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 12 mai 2010 est largement sous-évaluée.

5. En vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci.

6. D’une part, si la collectivité de Saint-Martin soutient que seul l’Etat dispose des données permettant de déterminer le montant des droits de timbre qu’il a perçus, il résulte de l’instruction, en particulier du courrier du 31 mai 2016 adressé au conseil de la collectivité de Saint-Martin par la Française des Jeux, que l’Etat ne dispose plus des données afférentes aux années 2008 et 2009 et que la Française des jeux ne peut les lui fournir, dès lors qu’elle ne tenait aucune comptabilité des ventes de billets de loterie à Saint-Martin avant 2010. Il n’y a, dès lors, pas lieu d’ordonner, avant dire droit, une mesure d’instruction tendant à faire produire par l’Etat des données plus précises pour les années en litige.

7. D’autre part, si le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas en mesure de justifier le montant des sommes reversées, présenté initialement comme provenant d’un calcul effectué à partir de données non conservées de l’année 2008 concernant le chiffre d’affaires de la Française des jeux à Saint-Martin, il appartient à la collectivité de Saint-Martin, en vertu des règles qui gouvernent la charge de la preuve, d’apporter, à l’appui de ses prétentions, la démonstration du caractère sous-évalué des sommes en cause. Or, si la requérante fait valoir qu’il ressort du tableau fourni par l’administration et retraçant les données de l’année 2008, que plusieurs jeux générant des mises substantielles n’ont pas été pris en compte, il résulte de l’instruction que l’Etat a entendu prendre en compte l’ensemble de jeux assujettis aux droits de timbre, au nombre desquels ne figurent pas l’EuroMillion, le Rapido et autres jeux de tirage tel le Keno et le Joker +, quand bien même ce dernier jeu serait associé au tirage du loto, dès lors qu’il s’agit d’un jeu distinct auquel les joueurs sont libres de ne pas participer. En outre, si la collectivité de Saint-Martin fait valoir que le tableau transmis par la Française des Jeux pour les dix-neuf premières semaines de l’année 2010 fait apparaître des mises beaucoup plus importantes que celles qui ont été retenues par l’administration, il ressort de ce tableau, qui distingue uniquement les jeux de tirage, les jeux de grattage et instantanés et les Paris sportifs, que les données qui y figurent incluent les mises afférentes à des jeux non soumis au droit de timbre, s’agissant tant des jeux de tirage que des paris sportifs lorsqu’ils ne sont pas joués par un moyen informatisé. Or, il ressort des termes du rapport de M. B A, député, enregistré à l’Assemblée nationale le 22 juillet 2009, produit par la collectivité requérante, que le Loto national ne représentait, à cette date, que 15,8 % des mises, les autres jeux de tirage non soumis au droit de timbre représentant pour leur part 41 % du chiffre d’affaires de la Française des jeux, de sorte que, contrairement à ce qu’elle soutient, les chiffres de l’année 2010 ne sont pas incohérents avec les sommes allouées par l’Etat pour l’année 2008. Enfin, en raison tant de l’ouverture à la concurrence des jeux de hasard à compter de l’année 2010 que de l’évolution de l’offre de jeux et de l’augmentation substantielle des mises enregistrées à Saint-Martin, les données issues des années 2013 et 2014 ne peuvent être regardées comme pertinentes pour le calcul des droits de timbre collectés de 2008 à 2010. Dans ces conditions, compte tenu des sommes déjà reversées par l’Etat au titre de ces contributions, la collectivité de Saint-Martin n’apporte pas la preuve d’une sous-évaluation du montant de ces sommes.

8. Il résulte de ce qui précède que la collectivité de Saint-Martin n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la collectivité de Saint-Martin doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E  :

Article 1er : La requête de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin et au ministre de l’action et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 10 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERS La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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