CAA de PARIS, 9ème chambre, 15 décembre 2023, 22PA02175, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 9e ch., 15 déc. 2023, n° 22PA02175
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 22PA02175
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 23 mars 2022, N° 2006704
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 19 décembre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048573016

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C B et Mme A D épouse B ont demandé au tribunal administratif de Montreuil :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 2017 ;

2°) d’annuler l’avis de mise en recouvrement du 21 novembre 2019 et d’ordonner la restitution du paiement de la somme de 39 201 euros ;

3°) de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris à intervenir sur la situation fiscale de la société Café Bar Le Chanzy ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2006704 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mai 2022 et 29 juin 2023, M. C B et Mme A D épouse B, représentés par Me Benchimol-Guez, avocat, demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2006704 du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 2017 ;

3°) d’annuler l’avis de mise en recouvrement du 21 novembre 2019 et d’ordonner la restitution du paiement de la somme de 39 201 euros ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— les premiers juges ont commis une erreur dans la conduite de l’instruction en statuant en l’absence de mémoire en défense ;

— en refusant de surseoir à statuer et de restituer les impositions en litige, les premiers juges ont méconnu leur office en préjugeant de ce que la cour administrative d’appel déciderait dans la requête introduite par la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Café Bar Le Chanzy ;

— ils ont renversé la charge de la preuve de la disposition des revenus de capitaux mobiliers en litige ;

— le jugement est insuffisamment motivé quant au défaut de base légale de l’avis de mise en recouvrement ;

— l’avis de mise en recouvrement du 21 novembre 2019 a été émis alors que les opérations de contrôle de la SASU Café Bar Le Chanzy n’étaient pas achevées et se trouvaient déjà formellement contestées ;

— la présomption de distribution de revenus résultant des distributions de bénéfices de la SASU Café Bar Le Chanzy en application du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts ne pouvait leur être opposée, alors que le fonds de commerce n’a été acquis que fin février 2017 et la mutation de licence correspondante effectuée le 8 mars 2017 avec effet au 22 mars 2017, et que Mme B n’était plus présidente de la société depuis le 15 décembre 2022, le fonds ayant été mis en gérance libre à compter du 1er janvier 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de M. et Mme B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Hamdi, premier conseiller,

— et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Café Bar Le Chanzy, devenue la SASU Le Marché, dont Mme B a été la présidente jusqu’au 15 décembre 2022, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au terme de laquelle l’administration fiscale a reconstitué ses recettes pour la période du 21 novembre 2016 au 31 décembre 2017. La somme de 52 800 euros hors taxe, présumée distribuée à Mme B, a été réintégrée dans les revenus de M. et Mme B dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l’année 2017, par une proposition de rectification du 4 juillet 2019, notifiée le 13 juillet 2019. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 21 novembre 2019. Les requérants ont adressé une réclamation le 20 janvier 2020, qui a été rejetée par une décision du 26 octobre 2020. Les requérants relèvent régulièrement appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l’année 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si les premiers juges ont statué sans avoir reçu de mémoire en défense, et ce en dépit de la communication de la requête, ils ne peuvent être regardés comme ayant méconnu leurs obligations au titre de l’instruction de cette requête, dès lors que celle-ci comportait des conclusions et des moyens articulés et, en outre, était assortie d’une copie de la décision de rejet de la réclamation préalable comportant l’énoncé précis des arguments de l’administration. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, à ce titre, que le jugement est entaché d’irrégularité.

3. En deuxième lieu, les premiers juges n’ont pas méconnu l’étendue de leur office en refusant de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de l’appel introduit par la SASU Café Bar Le Chanzy, eu égard à l’indépendance des procédures ayant abouti, respectivement, aux impositions contestées par cette dernière société, et aux impositions en litige, lesquelles reposent sur des fondements juridiques et mettent en cause des contribuables distincts. En tout état de cause, les requérants n’étaient pas privés de la possibilité d’invoquer des éléments de droit et de fait distincts au soutien de leurs conclusions. De même, en ne procédant pas à la restitution des impositions contestées avant le prononcé de la décision du juge d’appel dans la procédure mentionnée ci-dessus, restitution qu’ils ne pouvaient au demeurant prononcer sans statuer au fond sur le litige dont ils étaient saisis, en l’absence de toute conclusion aux fins de recouvrement ou de sursis d’imposition présentée au titre de ce litige, ils n’ont pas méconnu leur office.

4. En troisième lieu, si M. et Mme B soutiennent que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en tant qu’il s’est prononcé sur la régularité de l’avis de mise en recouvrement du 21 novembre 2019, il ressort du point 3 de ce jugement que les premiers juges ont énoncé les motifs de droit et de fait qui les ont amenés à considérer que l’avis de mise en recouvrement en cause, établi sur le fondement des redressements notifiés aux requérants, avait pu être émis indépendamment de la procédure d’imposition de la SASU Café Bar Le Chanzy, alors au demeurant que le contrôle de cette dernière était achevé.

5. En dernier lieu, dans le cadre de l’effet dévolutif, le juge d’appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve de l’appréhension des distributions en cause.

Sur la légalité de l’avis de mise en recouvrement :

6. Aux termes de l’article L. 256 du livre des procédures fiscales : « Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité ».

7. Si les requérants soutiennent que les opérations de vérification à l’égard de la SASU Café Bar Le Chanzy n’étaient pas achevées avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires mises à leur charge, il résulte de l’instruction qu’une proposition de rectification datée du 4 juillet 2019 a été notifiée à la société et que l’administration fiscale a répondu aux observations de cette société par un courrier du 3 septembre 2019, ainsi que par une lettre du 21 octobre 2019. Au surplus, et en tout état de cause, à la date du 21 novembre 2019, date d’émission de l’avis de mise en recouvrement en litige, les sommes mises en recouvrement à l’issue de la procédure de taxation des requérants, distincte de la procédure de taxation de la société, seules objet du présent litige, étaient exigibles au sens de l’article L. 256 du livre des procédures fiscales dès lors que la procédure de taxation s’était achevée à l’occasion de la réponse aux observations du contribuable reçue le 5 septembre 2019. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital () ». Aux termes de l’article 110 du même code : « Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ». En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l’affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle.

En ce qui concerne la distribution :

9. M. et Mme B soutiennent que l’administration ne peut se prévaloir à leur encontre des rectifications concernant la SASU Café Bar Le Chanzy qui ne sont pas définitives compte tenu de l’instance juridictionnelle pendante devant la présente Cour. Toutefois lorsqu’un redressement des bénéfices sociaux imposables à l’impôt sur les sociétés entraîne une taxation au titre des revenus distribués entre les mains des associés, l’administration est en droit d’établir l’imposition personnelle du bénéficiaire présumé des distributions, avant même que soit définitivement tranché le litige relatif à l’imposition de la société. Il résulte de l’instruction, au surplus, que par un arrêt n° 21PA05794 du 30 juin 2023, devenu définitif, la Cour a rejeté l’appel de la SASU Café Bar Le Chanzy interjeté à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Montreuil qui avait rejeté sa demande de décharge.

En ce qui concerne l’appréhension :

10. Les impositions en litige procèdent de l’inclusion dans les revenus taxables entre les mains de Mme B, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SASU Café Bar Le Chanzy au titre de l’exercice clos en 2017 et regardées comme des revenus distribués par cette entreprise à l’intéressée, que l’administration a considérée comme l’unique maître de l’affaire.

11. Pour retenir que Mme B était le seul maître de l’affaire, le service s’est fondé, ainsi que cela ressort de la proposition de rectification du 4 juillet 2019 sur la circonstance que l’intéressée est, depuis sa création le 21 novembre 2016, présidente de droit de la société et détient la totalité du capital social et dispose seule de la signature sur le compte courant ouvert par la société auprès de l’établissement bancaire BNP Paribas. En se bornant à soutenir que Mme B n’est plus présidente depuis le 15 décembre 2022, que le fonds de commerce était sans activité depuis novembre 2016 et n’a été acquis qu’au mois de février 2017, alors que la mutation de licence date du 8 mars 2017 avec effet au 22 mars 2017, et que le fonds a été mis en gérance libre à compter du 1er janvier 2018, alors que les circonstances mentionnées ne faisaient pas obstacle à ce que des recettes d’activité puissent être perçues par la SASU au cours de l’exercice clos en 2017, les requérants ne renversent pas la présomption d’appréhension des distributions de la SASU Café Bar Le Chanzy par Mme B, en sa qualité de maître de l’affaire, au titre de l’année 2017.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d’annulation et de décharge, ainsi que celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C B et Mme A D épouse B et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l’administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris (service du contentieux d’appel déconcentré – SCAD).

Délibéré après l’audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Carrère président,

— M. Marjanovic, président assesseur,

— Mme Hamdi, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

S. HAMDILe président,

S. CARRERELa greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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CAA de PARIS, 9ème chambre, 15 décembre 2023, 22PA02175, Inédit au recueil Lebon