CAA de PARIS, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA00909, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 29 déc. 2023, n° 23PA00909
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 23PA00909
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 4 janvier 2023, N° 2202076
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 9 janvier 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048865924

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cook France a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler, d’une part, la décision du 4 octobre 2021 par laquelle le président du comité économique des produits de santé (CEPS) a mis à sa charge au titre de l’année 2020 la somme de 251 977,06 euros au titre des remises conventionnelles dues sur les ventes de l’endoprothèse ZENITH BRANCH et, d’autre part, la décision du 1er décembre 2021 rejetant partiellement le recours gracieux formé contre cette décision et ramenant le montant à sa charge à la somme de 242 476,20 euros.

Par jugement n° 2202076/6-3 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2023, la société Cook France, représentée par Me de Belenet, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2202076 du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d’annuler, d’une part, la décision du 4 octobre 2021 par laquelle le président du CEPS a mis à sa charge au titre de l’année 2020 la somme de 251 977,06 euros au titre des remises conventionnelles dues sur les ventes de l’endoprothèse ZENITH BRANCH et, d’autre part, la décision rejetant partiellement le recours gracieux formé contre cette décision et ramenant le montant à sa charge à la somme de 242 476,20 euros ;

3°) de la décharger du paiement de la somme de 242 476,20 euros mise à sa charge ;

4°) d’enjoindre à l’URSSAF d’Ile-de-France de procéder au remboursement des sommes indûment perçues, avec intérêts de droit au taux légal, mis à la charge de l’État, calculés à compter de la date de chacun des paiements ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu’il est insuffisamment motivé s’agissant des moyens relatifs à la méconnaissance de l’obligation d’adaptation de la clause de remise en cas d’évolution significative des données scientifiques prises en compte pour la conclusion de la convention en application de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale et à l’obligation d’adaptation de la clause de remise mutualisée entre deux produits au regard de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale ;

— les décisions attaquées sont entachées d’un vice de procédure dès lors que le CEPS ne prouve pas que le quorum prescrit par l’article D. 162-2-5 du code de la sécurité sociale était atteint et qu’un ordre du jour conforme des séances du comité des 30 juin et 3 novembre 2021 a préalablement été envoyé aux membres ;

— elles ont été prises sur le fondement de la convention conclue entre le CEPS et la société requérante qui a un caractère réglementaire et de l’illégalité de laquelle elle excipe dès lors que le maintien de cette clause de remise de cette convention méconnaît, d’une part, les dispositions des articles L. 162-17-4 et R. 162-20-2 du code de la sécurité sociale qui sont applicables par renvoi aux dispositifs médicaux, en application des dispositions de l’article L. 165-2 du code de la sécurité sociale et qui imposent une révision de la convention et notamment de la clause de remise lorsque celle-ci, compte tenu des nouvelles données scientifiques disponibles, n’apparaît plus adaptée à la situation existant lors de la conclusion initiale de la convention et, d’autre part, le règlement intérieur du CEPS du 20 janvier 2016 et la présentation faite par le CEPS de cette clause de remise dans ses rapports d’activité 2018, 2019 et 2021 ;

— les décisions attaquées sont illégales dès lors qu’elles sont fondées sur une clause de remise illégale qui méconnaît les dispositions combinées des articles L. 165-4 du code de la sécurité sociale et L. 243-2 du code des relations entre le public et que le double changement de circonstances de fait intervenu impliquait que l’administration procède à la mise à jour de la convention dans un délai raisonnable ;

— les décisions attaquées méconnaissent le principe de loyauté des relations contractuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Cook France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la sécurité sociale,

— le code des relations entre le public et l’administration,

— l’ordonnance n°2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations des instances administratives à caractère collégial,

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Collet,

— les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

— et les observations de Me de Belenet, avocat de la société Cook France.

Une note en délibéré a été présentée le 12 décembre 2023 pour la société Cook France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cook France commercialise en France un dispositif médical dénommé ZENITH BRANCH, constitué par une endoprothèse vasculaire de bifurcation iliaque, qui a été inscrit par un arrêté du 10 avril 2013 sur la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie , prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale après avis du 25 septembre 2012 de la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). Dans cet avis, la commission a, en application du 8° de l’article R. 165-11 du code de la sécurité sociale, considéré que la population cible susceptible de bénéficier de ce dispositif médical dans l’indication proposée au remboursement, devait être fixée à 100 patients à haut risque chirurgical par an. Le 12 mars 2013, la société Cook France a signé, sur le fondement des articles L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-4 du code de la sécurité sociale, une convention avec le comité économique des produits de santé (CEPS) fixant le tarif de responsabilité sur la base duquel intervient le remboursement par l’assurance maladie et le prix limite de vente au public de cette endoprothèse et les modalités de calcul « prix volume » de la remise versée par la société en cas de vente annuelle supérieure au seuil maximal fixé à 100 unités par an auprès des organismes de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale. Compte tenu du dépassement du seuil et de l’arrivée d’un produit concurrent, un avenant à cette convention a été signé en novembre 2017 modifiant à compter du 1er janvier 2018 la clause « prix volume » et ajustant les modalités de calcul de la remise sur le volume global de vente des endoprothèses précitées inscrites au remboursement. Par un nouvel avis du 26 juin 2018, la CNEDiMTS a étendu le bénéfice de ce dispositif médical aux patients à risque chirurgical standard et la population cible du ZENITH BRANCH à 940 patients par an pour les indications proposées au remboursement en application des dispositions du 8° de l’article R. 165-11-1 du code de la sécurité sociale. Par arrêté du 23 août 2018, la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l’action et des comptes publics ont modifié les conditions d’inscription et de renouvellement d’inscription de ce dispositif médical sur la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Par courrier du 20 juillet 2018 puis par courriel du 23 mai 2019 et par courrier du 13 février 2020, la société Cook France a sollicité auprès du CEPS une nouvelle négociation de la convention pour prendre en compte ces nouvelles indications de remboursement à savoir une population cible susceptible de bénéficier de ce dispositif médical dans l’indication proposée au remboursement de 940 patients à risque chirurgical standard. Par courrier du 4 octobre 2021, le CEPS a fixé le montant de la remise conventionnelle due par la société Cook France en raison du dépassement du seuil des ventes fixé conventionnellement pour l’année 2020 à 251 977,06 euros. Par courrier du 1er décembre 2021, le CEPS a partiellement rejeté le recours gracieux formé le 15 octobre 2021 par la société Cook France contre cette décision et a ramené le montant de la remise conventionnelle due au titre des ventes de l’année 2020 à une somme de 242 476,20 euros. Par jugement n° 2202076 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces décisions. La société Cook France relève appel de ce jugement,.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés ».

3. Il ressort, d’une part, du point 8 du jugement attaqué que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation d’adaptation de la clause de remise en cas d’évolution significative des données scientifiques prises en compte pour la conclusion de la convention en application de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale lequel figure au demeurant bien dans les visas dudit jugement contrairement à ce que soutient la société Cook France. D’autre part, au même point du jugement attaqué les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation d’adaptation de la clause de remise mutualisée entre deux produits au regard de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale, moyen figurant également dans les visas dudit jugement. Par suite, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments de la société requérante, a suffisamment motivé son jugement. Le moyen tiré de l’irrégularité du jugement attaqué pour ce motif ne peut donc qu’être écarté.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article D. 162-2-5 du code de la sécurité sociale : « Le comité économique des produits de santé se réunit sur convocation de son président. Le président fixe l’ordre du jour des séances. Les délibérations du comité économique des produits de santé ne sont valables que si au moins six de ses membres ayant voix délibérative sont présents. / Le président recherche l’accord des membres du comité sur les dossiers qui lui sont présentés. En cas de désaccord, les décisions du comité sont prises à la majorité simple des membres présents. En cas de partage égal des voix, le président a voix prépondérante. () ». D’autre part, aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations des instances administratives à caractère collégial : « I. – La validité des délibérations organisées selon les modalités prévues aux articles 2 et 3 est subordonnée à la mise en œuvre d’un dispositif permettant l’identification des participants et au respect de la confidentialité des débats vis-à-vis des tiers. Les modalités d’enregistrement et de conservation des débats ou des échanges ainsi que les modalités selon lesquelles des tiers peuvent être entendus par le collège sont fixées par l’organe délibérant de l’autorité mentionnée à l’article 1er ou, à défaut, par le collège. II. – Sans préjudice des règles particulières de quorum applicables au collège, une délibération organisée selon les modalités prévues à l’article 3 n’est valable que si la moitié au moins des membres du collège y ont effectivement participé. ». En vertu de l’article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale : " Le comité économique des produits de santé institué par l’article L. 162-17-3 est composé des membres suivants : / 1° Un président et deux vice-présidents, l’un chargé du médicament, l’autre des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1, nommés pour une durée de trois ans par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’économie ; / 2° Le directeur de la sécurité sociale ou son représentant ; / 3° Le directeur général de la santé ou son représentant ; / 4° Le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou son représentant ; / 5° Le directeur général des entreprises ou son représentant ; / 6° Trois représentants des organismes nationaux d’assurance maladie désignés par le collège des directeurs de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie mentionné à l’article L. 182-2-2. Ces représentants peuvent être différents selon que le comité siège en section du médicament ou en section des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 ; / 7° Un représentant désigné par le conseil de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire. / Pour chaque représentant titulaire désigné au titre du 6° et du 7°, deux représentants suppléants peuvent être désignés dans les mêmes conditions que les représentants titulaires. En cas d’empêchement, chaque membre mentionné au 6° peut donner mandat à un autre membre, désigné au titre du même 6°, pour le représenter ; nul ne peut être porteur de plus de deux mandats par séance. / Assistent aux réunions du comité, avec voix consultative, le directeur général de l’offre de soins ou son représentant et un représentant du ministre chargé de la recherche. () « . En vertu du II de l’article D. 162-2-3 du même code : » Lorsqu’il exerce les missions définies aux articles L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-4, le comité économique des produits de santé se réunit en section des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 ; le vice-président qui siège est celui en charge des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 ".

5. Le CEPS produit, afin de justifier de la composition du comité et du quorum, lors des séances qui se sont tenues de façon dématérialisée les 30 juin et 3 novembre 2021, des attestations de participation. Pour la séance du 30 juin 2021, la société appelante ne conteste pas la validité des attestations émanant du président du CEPS, de la représentante du directeur de la sécurité sociale, de celle du directeur général des entreprises, et de deux représentantes de l’union nationale des caisses d’assurance maladie. Il résulte de l’instruction que Mme A était, eu égard à sa désignation conformément aux dispositions de l’article D. 162-2-1 du code de la sécurité sociale, et en dépit des termes maladroits dans lesquels a été rédigée son attestation, également habilitée à voter en tant que représentantes des organismes nationaux d’assurance maladie. Il suit de là que, même en faisant abstraction des attestations manifestement surchargées, l’administration justifie que le quorum était atteint. Il en va de même pour la séance du 3 novembre 2021. Par ailleurs, le ministre de la santé a produit en défense les courriels des 24 juin et 28 octobre 2021 avec en annexe l’ordre du jour des séances des 30 juin et 3 novembre 2021 mentionnant à la page 6 la question des remises 2020 de la société Cook France. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les membres du Comité économique des produits de santé n’ont pas été régulièrement convoqués aux réunions à l’issue desquelles ont été prises les décisions du 4 octobre et 1er décembre 2021 .

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale dans sa version alors applicable : « I.- Le Comité économique des produits de santé peut conclure, avec les exploitants ou les distributeurs au détail, des conventions qui peuvent notamment porter sur les volumes de ventes, les dépenses remboursées par l’assurance maladie, le cas échéant par indication thérapeutique, les conditions réelles d’usage des produits ou prestations, les niveaux de recours au sein d’une catégorie de produits ou prestations comparables, ainsi que sur les autres critères prévus aux I et II de l’article L. 165-2. Ces critères peuvent être considérés pour un ensemble de produits ou prestations comparables même si la convention ne porte que sur certains de ces produits ou prestations. Dans le cadre de ces conventions, les entreprises ou groupement d’entreprises peuvent s’engager à faire bénéficier la Caisse nationale de l’assurance maladie d’une remise sur tout ou partie du chiffre d’affaires réalisé en France sur les produits ou prestations mentionnés à l’article L. 165-1 et pris en charge par l’assurance maladie. Le produit des remises est recouvré par les organismes mentionnés à l’article L. 213-1 désignés pour le recouvrement des contributions mentionnées à l’article L. 138-20. / II.- Le remboursement par l’assurance maladie des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 peut être subordonné au versement obligatoire de remises par les exploitants ou distributeurs au détail. Le cas échéant, une décision du Comité économique des produits de santé précise si ces remises sont dues par les exploitants ou par les distributeurs au détail. Les remises peuvent concerner un produit ou une prestation ou, le cas échéant, un ensemble de produits ou prestations comparables ou répondant à des visées thérapeutiques similaires. Les remises peuvent notamment prendre en compte l’évolution globale des volumes de ventes pour cet ensemble de produits ou prestations. / S’agissant des produits ou prestations inscrits sur la liste mentionnée au même article L. 165-1 sous forme de marque ou de nom commercial, les remises sont fixées par convention entre l’exploitant ou le distributeur au détail et le Comité économique des produits de santé ou, à défaut, par décision du comité. () ». Aux termes de l’article L. 162-18 du même code, dans sa version alors applicable : « I.- Les entreprises qui exploitent, qui assurent l’importation parallèle ou qui assurent la distribution parallèle d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux peuvent s’engager collectivement par une convention nationale à faire bénéficier la caisse nationale de l’assurance maladie d’une remise sur tout ou partie du chiffre d’affaires de ces spécialités réalisé en France. / Elles peuvent s’engager individuellement par des conventions ayant le même objet. / Ces conventions, individuelles ou collectives, déterminent le taux de ces remises et les conditions auxquelles se trouve subordonné leur versement qui présente un caractère exceptionnel et temporaire. Elles peuvent notamment contribuer au respect d’objectifs relatifs aux dépenses de promotion des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l’usage des collectivités. () ». En vertu de l’article R. 165-15 du même code : « () IV. – Les remises fixées en application du II de l’article L. 165-4 peuvent être modifiées, pour un motif d’intérêt général, par convention ou par décision du Comité économique des produits de santé. Cette modification peut intervenir soit à la demande des fabricants ou des distributeurs concernés, soit à l’initiative du Comité économique des produits de santé ou des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. () ».

7. La convention conclue entre le comité économique des produits de santé et une entreprise, pour déterminer notamment le prix d’un dispositif médical à usage individuel, en application de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale, présente le caractère d’un acte réglementaire, y compris en ce qu’elle prévoit les éventuelles remises associées, de sorte que la société Cook France peut utilement se prévaloir, par voie d''exception, de l’illégalité de cette convention à l’appui de ses conclusions dirigées contre les décisions contestées qui constituent un acte d’application de la clause de remise incluse dans cette convention.

8. En premier lieu, aux termes de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale : " En application des orientations qu’il reçoit annuellement des ministres compétents, le Comité économique des produits de santé peut conclure avec des entreprises ou groupes d’entreprises des conventions d’une durée maximum de quatre années relatives à un ou à des médicaments visés au premier alinéa du I de l’article L. 162-16-6 et au premier et deuxième alinéas l’article L. 162-17. () Ces conventions, dont le cadre peut être précisé par un accord conclu avec un ou plusieurs syndicats représentatifs des entreprises concernées, déterminent les relations entre le comité et chaque entreprise, et notamment : () / 2° Le cas échéant, les remises prévues en application des articles L. 138-13, L. 138-19-4, L. 162-18 et L. 162-16-5-1-1 ; () / Lorsque les orientations reçues par le comité ne sont pas compatibles avec les conventions précédemment conclues, lorsque l’évolution des dépenses de médicaments n’est manifestement pas compatible avec le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ou en cas d’évolution significative des données scientifiques et épidémiologiques prises en compte pour la conclusion des conventions, le comité demande à l’entreprise concernée de conclure un avenant permettant d’adapter la convention à cette situation. En cas de refus de l’entreprise, le comité peut résilier la convention ou certaines de ses dispositions. Dans ce cas, le comité peut fixer le prix de ces médicaments par décision prise en application des articles L. 162-16-4, L. 162-16-5 ou L. 162-16-6. Les dispositions du présent alinéa sont indépendantes et ne font pas obstacle à l’application des articles L. 162-16-4, () / Les modalités d’application du présent article, et notamment les conditions de révision et de résiliation des conventions, sont définies par décret en Conseil d’Etat. « . Aux termes de l’article R. 162-20-2 du même code : » Lorsque le Comité économique du médicament constate la survenance d’une des situations mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 162-17-4, il en informe l’entreprise et lui notifie une proposition d’avenant pour adapter la convention à cette situation, en lui indiquant les motivations de cette proposition. / L’entreprise dispose d’au moins un mois à compter de la date de cette notification pour présenter ses observations écrites ou demander à être entendue par le Comité économique du médicament. / A défaut de conclusion d’un avenant dans un délai de deux mois à compter de cette même date, le Comité économique du médicament peut résilier la convention ou certaines de ses dispositions et proposer aux ministres chargés de la sécurité sociale, de la santé et de l’économie de fixer le prix du ou des médicaments concernés par arrêté. ".

9. Dans l’exercice de ses missions, le CEPS met en œuvre les orientations des ministres concernés, qui visent notamment à assurer le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Si les dispositions de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, auxquelles renvoie le I de l’article L. 165-2 de ce code, applicable aux produits de santé de la nature de celui qui est en cause en l’espèce, lui permettent, en cas d’évolution significative des données scientifiques et épidémiologiques prises en compte pour la conclusion des conventions, de proposer à l’entreprise concernée de conclure un avenant permettant d’adapter la convention à cette situation avant de pouvoir, en cas de refus de l’entreprise, résilier, en tout ou partie, la convention ou certaines de ses dispositions, le prix de ces produits étant alors fixé unilatéralement, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de lui imposer de renégocier les clauses de remises contenues dans la convention lorsque, du fait d’une évolution des indications du produit de santé non suivie d’un réexamen du prix convenu, le jeu de ces clauses, destinées à contenir une dérive des dépenses de santé, conduit à une évolution substantielle des remises dues par l’entreprise. Une telle obligation ne saurait davantage résulter de l’article R. 162-20-2 du code de la sécurité sociale, d’ailleurs applicable aux seuls médicaments, ni du d) du V règlement intérieur du CEPS du 20 janvier 2016 confiant à son secrétaire général le soin de veiller à la mise à jour régulière des conventions pluriannuelles conclues en application de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, pas plus que des lignes directrices du CEPS mentionnées dans ses rapports d’activité portant sur les années 2019 et 2020, selon lesquelles « lors d’extension d’indication ou de révision de la population cible, des seuils intermédiaires de remise peuvent être proposés ». Il suit de là que la société Cook France qui, en dépit de l’extension du produit ZENITH BRANCH à une population plus large de patient, s’est bornée à solliciter une renégociation de la clause de remise existante sans envisager la possibilité d’une révision d’un prix pourtant fixé en considération d’une population cible plus restreinte, n’est pas fondée à soutenir que les dispositions des articles L. 162-17-4, R. 162-15 ou le règlement intérieur du CEPS ou ses lignes directrices lui imposaient de procéder à une nouvelle négociation et à une mise à jour des modalités de calcul de la remise prévue par la convention au regard de l’extension de l’indication thérapeutique du ZENITH BRANCH et de la population cible de ce dispositif médical.

10. En deuxième lieu, d’une part, l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que : « L’administration est tenue d’abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l’illégalité ait cessé. () ». D’autre part, selon l’article 3.2 de l’avenant applicable à compter du 1er juillet 2018 à la convention conclue entre la société Cook France et le CEPS, fixant le tarif et le prix limite de vente de cette endoprothèse : " Si le nombre N bifurcations iliaques, représentant le nombre d’endoprothèses vasculaires de bifurcation iliaque ZENITH BRANCH (N Branch ) et de toute autre endoprothèses vasculaires de bifurcation iliaque inscrites sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale et partageant les indications de ZENITH BRANCH vendues aux établissements de santé, dépasse 200 unités, l’entreprise sera redevable d’une remise (R) calculée comme suit :

N bifurcations iliaques

de l’ensemble des sociétésREMISE DUEJusqu’à 200 unitésR = 0Au-delà de 201 unitésR = 2 000 x (N bifurcations iliaques – 200) x (N Branch/ N bifurcations iliaques)

11. Si, comme le fait valoir la société, il résulte de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale que la mutualisation d’une clause de remises entre des produits distincts n’est possible que lorsque les produits sont comparables ou répondent à des visées thérapeutiques similaires, il résulte de la rédaction de la clause en litige qu’elle se réfère aux seules endoprothèses vasculaires de bifurcation iliaques partageant les indications de Zenith Branch. L’ajout d’une indication à ce produit est demeuré sans incidence sur la légalité de cette clause au regard des prescriptions de l’article L. 165-4 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, si l’extension de l’indication du produit au traitement des anévrismes aortoiliaques ou iliaques avec atteinte bilatérale de l’artère iliaque commune a conduit à une déconnexion entre la population cible de ce produit et la valeur retenue pour le calcul de la remise due, cette déconnexion ne résulte pas de la mutualisation de la clause de remise dont la légalité est contestée mais simplement de l’extension des indications du produit. Enfin, en l’absence d’obligation légale de renégocier une clause de remise, cette simple déconnexion ne saurait caractériser une circonstance postérieure ayant rendu cette clause illégale. Il suit de là que la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’en application des dispositions de l’article L. 243-2 du code précité, l’administration aurait été tenue de l’abroger.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société n’est pas fondée à exciper de l’illégalité de la clause de remise de la convention du 12 mars 2013 modifiée conclue avec le CEPS.

13. En dernier lieu, dès lors qu’ainsi qu’il a été dit, la convention conclue entre le CEPS et la société Cook France le 12 mars 2013 présente le caractère d’un acte réglementaire, le moyen selon lequel les décisions attaquées méconnaissent le principe de loyauté des relations contractuelles est inopérant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cook France n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 4 octobre 2021 mettant à sa charge au titre de l’année 2020 la somme ramenée à 242 476,20 euros au titre des remises conventionnelles dues sur les ventes de l’endoprothèse ZENITH BRANCH et, d’autre part, de la décision du 1er décembre 2021 rejetant partiellement le recours gracieux formé contre cette décision et ramenant le montant à sa charge à la somme de 242 476,20 euros. Ses conclusions à fin d’annulation, de décharge et, par voie de conséquence, celles à fin d’injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Cook France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cook France, au ministre de la santé et de la prévention et à l’URSSAF Île-de-France.

Copie en sera adressée au comité économique des produits de santé.

Délibéré après l’audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

— Mme Menasseyre, présidente,

— M. Ho Si Fat, président assesseur,

— Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET

La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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CAA de PARIS, 8ème chambre, 29 décembre 2023, 23PA00909, Inédit au recueil Lebon