CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 14PA04887

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 30 septembre 2014
Précédents jurisprudentiels : CAA Versailles, 17 février 2011, Mme F, G
CE, 1986-12-10, Département de la Charente c/ Mme Z, 71744
CE, 1989-06-26, Institut géographique national c/ Autuly, 75747
CE, 2000-12-20, Mme A, 189264
CE, 2001-10-03, Gillard, 219662
CE, 2014-09-22, 365199
CE, 2014-09-22, Mme B, 365199
CE, 2015-04-29, Mme I, 382322
CE, 2015-11-25, Ministre des affaires sociales, de la santé et droits des femmes c/ Mme H, 383220
CE, 2015-12-02, M. Y, 382641
CE, 30 juillet 2003, APHP c/ M. C, 244618
CE, 3 décembre 1952, Dubois, au Recueil p. 555
CE, 4 juin 2012, Mme D, 337996
CE, 5 novembre 2012, M. E, 363203
CE, 7 avril 2011, Amnesty international section française et Groupe d'information et de soutien des immigrés, n° 343595
CE, Assemblée, 1996-10-30, Ministre du budget c/ S.A. K L, 141043
CE Section, 14 octobre 1960
CE, Section, 1971-03-19, Sieurs Mergui, 19962
CE, Section, 1992-06-26, Commune de Béthoncourt c/ Consorts Barbier, 114728
CE, Section, 2013-12-06, Commune d'Ajaccio, 365155

Texte intégral

14PA04887
Université de Paris-Sorbonne c/ M. J X
Séance du 15 novembre 2016
Lecture du 29 novembre 2016
CONCLUSIONS de M. Baffray, rapporteur public M. J X, ingénieur d’études de deuxième classe du ministère chargé de l’enseignement supérieur, était affecté à l’Institut universitaire de formation des maîtres de Paris géré par l’Université de Paris IV-Sorbonne, a obtenu à sa demande sa mise en disponibilité à compter du 21 novembre 2011 pour une durée d’un an renouvelable tacitement pour un maximum de trois ans. Le 28 novembre 2012, il a sollicité auprès du ministre de l’enseignement supérieur sa réintégration de manière anticipée à compter du 1er février 2013 et en a informé simultanément le président du l’UP4. Le 28 décembre 2012, le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche l’a invité à présenter sa demande de réintégration à l’Université Paris-Sorbonne, dans la mesure où il y était affecté avant sa mise en disponibilité. Le 11 juillet 2013, le président de cette université a indiqué à M. X qu’il ne pouvait donner une suite favorable à sa demande de réintégration, en l’absence de poste vacant d’ingénieur d’études dans sa branche d’activité (BAP E). Ce n’est que le 18 octobre 2013 qu’un poste au sein de l’université a pu lui être proposé, au sein de l’Ecole supérieure du Professorat et de l’Education (ESPE) de l’académie de Paris, école interne à l’Université Paris-Sorbonne, que M. X a accepté. Il a donc été réintégré sur ce poste par un arrêté du président de l’université du 31 octobre 2013, à compter du 21 novembre 2013. Le 24 janvier 2014, M. X a présenté un recours gracieux contre cet arrêté en tant que la date de sa réintégration devait être fixée au 28 décembre 2012, correspondant à sa demande de réintégration, et a réclamé le paiement de sa rémunération au titre de la période comprise entre le 28 décembre 2012 et le 20 novembre 2013. Par une décision du 13 février 2014, le président de l’université a rejeté cette demande. M. X a alors demandé au tribunal administratif de Paris, d’une part, d’annuler la décision du 13 février 2014 et d’enjoindre à l’Université Paris-Sorbonne d’arrêter la date de sa réintégration effective au plus tard au 17 janvier 2013, date de publication de la vacance d’un poste d’ingénieur d’études au CELSA, et de procéder à la reconstitution de sa carrière en conséquence, d’autre part, de condamner l’Université Paris-Sorbonne à lui verser une somme de 18 935,84 euros en réparation des préjudices résultant de la faute qu’aurait commise le président de l’université en ne le réintégrant qu’à compter du 21 novembre 2013.
Par un jugement du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin d’annulation de l’arrêté de réintégration comme tardives et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction mais a condamné l’Université Paris IV-Sorbonne à l’indemniser de la perte de revenus subie du fait de sa non réintégration sur le poste vacant au CELSA entre le 1er février et le 20 novembre 2013.
L’Université Paris IV-Sorbonne fait appel de ce jugement en tant qu’il la condamne à verser une indemnité de perte de revenus à M. X.
Ce dernier vous demande, par la voie de l’appel incident, d’infirmer le jugement en tant qu’il a fixé la période de responsabilité à compter du 1er février 2013, au lieu du 17 janvier 2013, et de faire droit à ses conclusions à fin d’annulation de l’arrêté de réintégration en tant qu’il fixe la date de réintégration au 21 novembre 2013 et celles à fin d’injonction à l’université de le réintégrer à compter du 28 décembre 2012.
Cette seconde partie des conclusions d’appel incident de M. X est irrecevable.
L’appel principal de l’université est limité à la partie du jugement portant sur les demandes indemnitaires. L’intimé ne peut alors former d’appel incident que dans la limite de cet appel incident après l’expiration du délai d’appel contre le jugement notifié aux parties le 6 octobre 2014. Ce délai était largement expiré lorsque M. X a présenté, le 20 mars 2015, son mémoire en défense et d’appel incident. Les conclusions d’appel incident critiquant le rejet des conclusions à fin d’annulation et d’injonction, autrement dit celles portant sur le litige d’excès de pouvoir, sont distinctes du litige indemnitaire objet de l’appel principal et, dès lors, irrecevables (CE, 1989-06-26, Institut géographique national c/ Autuly, 75747, B). Quoiqu’il en soit, vous pourrez toujours les rejeter comme infondées, car les conclusions en annulation de la décision du 13 février 2014 refusant de le réintégrer à titre rétroactif ne sont pas recevables, comme l’a dit le tribunal.
Il ressort des pièces du dossier de première instance que l’arrêté de réintégration du 11 décembre 2013 a été notifié à M. X par un courrier électronique du 7 novembre 2013, qu’il ne conteste pas, y compris devant vous, avoir reçu le jour même. Cet arrêté mentionnait les délais et voies de recours. Son recours gracieux contre cet arrêté n’a cependant été présenté que le 24 janvier 2014, soit après l’expiration, le 8 janvier précédent[1], du délai de deux mois de recours contentieux contre cet arrêté, qu’il n’a donc pas conservé. L’arrêté de réintégration était ainsi devenu définitif avant que M. X ne le conteste. En l’absence de changement de circonstances de fait et de droit, la décision du 13 février 2014 en tant qu’elle refuse de fixer une date de réintégration antérieure à celle figurant dans l’arrêté du 11 décembre 2013 était dès lors confirmative de cet arrêté, définitif, et ne pouvait faire l’objet d’un recours contentieux (CE, 2001-10-03, Gillard, 219662, B).
Vous pourrez ainsi rejeter en tout état de cause pour ce motif les conclusions d’appel incident de M. X tendant à ce que vous infirmiez le jugement attaqué en faisant droit à ses conclusions à fin d’annulation de la décision du 13 février 2014 en tant qu’elle refuse de fixer la date de sa réintégration avant le 21 novembre 2013 ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l’injonction à l’UP4 de le réintégrer rétroactivement au 28 décembre 2012 ou au 17 janvier 2013 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et au versement de son traitement depuis ces dates.
Revenons maintenant à l’appel principal.
L’UP4 soutient que le jugement est irrégulier à défaut de mentionner, comme l’exigent les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative, de la production par elle d’une note en délibéré que le tribunal a effectivement reçue le 19 septembre 2014, avant la lecture de la décision, le 1er octobre suivant. L’université peut utilement obtenir se fonder sur cette irrégularité pour obtenir l’annulation du jugement (CE, 7 avril 2011, Amnesty international section française et Groupe d’information et de soutien des immigrés, n° 343595, B ; a contrario, pour le défaut de mention d’une note en délibéré produite par la partie adverse : CE, 2015-12-02, M. Y, 382641, B).
Vous évoquerez donc l’affaire dans la limite de l’objet de l’appel principal, portant sur la condamnation indemnitaire, ce qui devrait vous conduire au rejet de la demande indemnitaire de M. X.
Le caractère définitif d’une décision individuelle n’entraine pas l’impossibilité d’invoquer son illégalité fautive à l’appui d’une demande indemnitaire (cf CE, 3 décembre 1952, Dubois, au Recueil p. 555 ; CE Section, 14 octobre 1960, Laplace, au Recueil p. 541 ; pour une illustration plus récente : CE, 2004-11-17, Société générale d’archives, 252514, B). Il n’en va autrement que si cette décision a un objet exclusivement pécuniaire (Section, 2 mai 1959, Ministre des finances c/ Lafon, au Recueil p. 282) ou autrement dit si l’action en responsabilité a le même objet que l’action forclose (CE, Assemblée, 1996-10-30, Ministre du budget c/ S.A. K L, 141043, A).
Or, une décision de réintégration n’est pas une décision exclusivement pécuniaire et son illégalité peut être invoquée à l’appui d’un recours indemnitaire malgré son caractère définitif (CE, 1986-12-10, Département de la Charente c/ Mme Z, 71744, inédit au recueil), de même que, à titre de comparaison, l’illégalité d’un licenciement peut être soulevée à l’appui d’un recours tendant à l’indemnisation du préjudice résultant de ce licenciement alors même que l’agent n’en a pas demandé l’annulation (CE, 2000-12-20, Mme A, 189264, B ; CE, 2014-09-22, Mme B, 365199, B).
Vous pourriez aussi estimer, contrairement à ce que soutient l’université, que le « recours gracieux » qu’elle a reçu le 24 janvier 2014 comportait bien une demande d’indemnisation des difficultés résultant de ce qu’il est resté sans ressources du fait de l’absence de réintégration depuis le 28 décembre 2012 et sollicitant le versement des salaires qu’il estimait dus entre cette date et le 20 novembre 2013. Une telle demande préalable n’a pas à être chiffrée avant la saisine du juge (CE, 30 juillet 2003, APHP c/ M. C, 244618, B).
Et cette réclamation me semble justifiée dans la mesure où il est constant qu’un poste correspondant aux grade et compétences de M. X a été disponible au sein de l’université, au CELSA, à partir du 17 janvier 2013, soit après que l’université a été informée de sa demande de réintégration anticipée.
Certes, cet ingénieur d’études a adressé sa demande à son ministère de rattachement, mais il a pris soin d’en adresser copie à l’université qui ne pouvait alors pas faire comme si cette demande n’était pas régulière et qu’il ne lui incombait pas de la traiter.
Par ailleurs, si M. X avait émis le vœu d’être affecté à Perpignan, Montpellier ou Toulouse, il n’a jamais affirmé subordonner sa réintégration à ces affectations géographiques. Il a même spontanément informé la direction des ressources humaines de son service d’origine au sein de l’université et présenté sa candidature au poste ouvert au CELSA dès janvier 2014, et non seulement sur des postes à Toulouse et Montpellier. Le poste au CELSA, que l’université ne conteste pas qu’il pouvait être proposé à cet agent, n’a été pourvu que le 8 avril 2013. L’université a alors manqué à son obligation de lui proposer ce poste correspondant à son grade, qui lui revenait en priorité, dès sa vacance le 17 janvier 2013.
Dans ces conditions et compte tenu de ce qu’il n’apparaît pas que des postes correspondant au grade de M. X étaient disponibles avant, ce dernier a en principe droit à l’indemnisation de sa perte de revenus du 17 janvier au 20 novembre 2013, y compris les primes et indemnités qu’il était certain de percevoir (cf par exemple : CE, 4 juin 2012, Mme D, 337996) ou pour le moins qu’il avait une chance sérieuse de percevoir à l’exclusion des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions (cf par comparaison encore avec une mesure d’éviction du service irrégulière : CE, Section, 2013-12-06, Commune d’Ajaccio, 365155, A, sachant qu’il ne me paraît pas nécessairement logique ici de réduire cette indemnité à une somme forfaitaire en raison de l’absence de contestation recevable de l’arrêté de réintégration à l’instar de ce que prévoit la jurisprudence B pour un licenciement non contesté en excès de pouvoir : CE, 2014-09-22, 365199, B).
Tout ce qui vient d’être dit ne sera néanmoins pas utile à la solution de l’affaire. Car c’est la responsabilité de l’Etat qui se trouve engagée, s’agissant d’une faute commise dans la gestion de la carrière de cet ingénieur d’étude du ministère chargé de l’enseignement supérieur, et non celle de l’université, qui a une personnalité morale distincte. Son président n’agit en effet, pour la gestion des ingénieurs d’études qui y sont affectés, qu’au nom de l’Etat, selon l’article L. 951-3 du code de l’éducation, et plus précisément par délégation du ministre chargé de l’enseignement supérieur, en vertu des dispositions de l’arrêté du 13 décembre 2001 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l’enseignement supérieur aux présidents des universités en matière de recrutement et de gestion des ingénieurs et des personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère de l’éducation nationale, pris lui-même en application du décret n° 93-1334 du 20 décembre 1993 relatif à la déconcentration de certaines opérations de recrutement et de gestion concernant les personnels des bibliothèques, les ingénieurs et les personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l’enseignement supérieur (cf, pour d’autres personnels gérés selon le même procédé de délégation de l’article L. 951-3 du code de l’éducation : cités par le ministre : juge des référés du CE, 5 novembre 2012, M. E, 363203 ; CAA Versailles, 17 février 2011, Mme F, G).
Peu importe par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir M. X en réponse à votre lettre l’informant du moyen relevé d’office, que les présidents d’université prennent les mesures de gestion de ces personnels sur le fondement d’une délégation de signature ou de pouvoir. Il n’en aurait été autrement que si la délégation de pouvoir s’accompagnait d’un transfert des droits et obligations de l’Etat dans ce domaine (CE, 2015-11-25, Ministre des affaires sociales, de la santé et droits des femmes c/ Mme H, 383220, B).
Le moyen tiré de ce que les conclusions à fin de condamnation sont mal dirigées, et plus généralement de ce qu’une personne publique ne peut être condamnée à payer ce qu’elle ne doit pas, est en effet d’ordre public (CE, Section, 1971-03-19, Sieurs Mergui, 19962, A) ; il doit être relevé d’office par le juge du fond, de première instance ou d’appel, dès lors que cela ressort, comme en l’espèce, des pièces du dossier (CE, Section, 1992-06-26, Commune de Béthoncourt c/ Consorts Barbier, 114728, A). Le Conseil d’Etat a récemment reproché à la cour de ne pas l’avoir fait dans un cas comparable où le directeur du centre national du cinéma avait agi par délégation au nom du ministre de la culture (CE, 07/03/2016, Centre national du cinéma et de l’image animée, 375632).
Quant au fait que votre lettre informant les parties de ce moyen soulevé d’office ne fixe pas de délai pour formuler des observations sur ce moyen, comme l’imposent pourtant les dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, s’il est de nature à entacher d’irrégularité votre arrêt dans la mesure où cette lettre ne précise pas non plus la date de l’audience, il ne peut être utilement invoqué par M. X qui a pu faire valoir ses observations dans un mémoire enregistré le 23 septembre dernier (CE, 2015-04-29, Mme I, 382322, B). L’université y a également répondu.
PCMJC :
- à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu’il condamne l’université de Paris-Sorbonne à indemniser M. X de la perte de revenus subie du 17 janvier 2013 au 20 novembre 2013 du fait de la méconnaissance de l’obligation de procéder à sa réintégration sur un poste vacant correspondant à son grade ;
- au rejet des demandes indemnitaires de première instance de M. X et de ses conclusions d’appel incident ;
- et, dans les circonstances de l’espèce, au rejet des conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------- [1] Un mercredi

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