CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02224

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 10 avril 2013
Précédents jurisprudentiels : CAA Bordeaux, 14 mai 2012, Société Siemens Health Services, n° 11BX00613
CE, 22 juillet 1994, Collini, n° 126786
CE, 4 novembre 1992, X Y, n° 120283
CE, 7 octobre 1988, Sté nouvelle Le Flockage, p. 982
CE du 15 novembre 2006, Toquet, n° 264636
CE du 20 juin 2003, Société Etablissements Lebreton - Comptoir général de peintures et annexes, n° 232832
CE du 29 juillet 1994, SA Prodès International, n° 111884

Texte intégral

13PA02224
Sarl Cofininvest
Séance du 5 janvier 2015
Lecture du 19 janvier 2015
CONCLUSIONS de Mme Vrignon, Rapporteur public
Après avoir sollicité la délivrance d’un permis de lotir pour un terrain situé à Mitry-Mory, la SARL Cofininvest s’est vu imposer la réalisation d’un diagnostic archéologique par un arrêté du préfet de la région Ile-de-France en date du 27 février 2003. Eu égard aux résultats des sondages effectués, le préfet a, par arrêté du 13 mai 2004, annulant et remplaçant un précédent arrêté du 15 mars 2004), prescrit la réalisation de fouilles archéologiques préventives. Par une convention conclue le 21 mai 2004, la société requérante a confié la réalisation de ces fouilles à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).
A l’issue des opérations de fouilles, cet établissement public administratif a adressé à la société Cofininvest plusieurs factures restées impayées, puis a émis quatre titres de recettes : n°1154 et n°1155, le 5 août 2004, pour des montants respectifs de 21 569,98 euros et 43 439,96 euros ; n°103, le 25 février 2005, pour 21 569,98 euros ; et n°465, le 5 avril 2005, pour 21 569,98 euros. Soit un total de 107 849,90, qui sera ramenée à 89 939,80 euros après l’émission, le 20 juillet 2010, d’un avoir d’un montant de 17 910,10 euros.
1. Ces titres de recettes ont été notifiés à la société Cofininvest par un courrier du 26 juillet 2005, envoyé en recommandé avec accusé de réception, et qui mentionnait les voies et délais de recours. Y est en effet indiqué la possibilité de contester les titres dans un délai de deux mois, devant la « juridiction administrative ». Une telle mention est suffisante, l’administration n’ayant pas l’obligation de préciser la juridiction compétente (CE, 4 novembre 1992, X Y, n° 120283, B ; CE du 15 novembre 2006, Toquet, n° 264636, B ; et, pour la possibilité de la mention des voies et délais de recours dans une annexe jointe à la décision, CE, 22 juillet 1994, Collini, n° 126786, B).
Cela s’explique, pour reprendre les propos de Z A dans ses conclusions sous l’arrêt « Toquet, par le fait qu’une « (…) erreur sur la juridiction compétente au sein de la juridiction administrative reste sans conséquence aucune, dès lors que depuis le décret du 22 février 1972, et en vertu des dispositions désormais codifiées aux articles R. 351-1 à R. 351-9 du CJA, elle est corrigée sans que le requérant ait à prendre une quelconque initiative, l’affaire étant renvoyée à la juridiction compétente, devant laquelle l’instance ne fait que continuer (CE, 7 octobre 1988, Sté nouvelle Le Flockage, p. 982 ; CE, 28 juillet 1999, Commune de Bonne-sur-Menoge, p. 991). Dans ces conditions, l’absence de précision de la juridiction compétente lors de la notification de la décision ne risque en rien de réduire l’accès au juge ».
Certes, si la société Cofininvest ne conteste pas avoir reçu la lettre du 26 juillet 2005, elle soutient que les titres exécutoires n’étaient pas joints. Vous observerez toutefois qu’elle n’a jamais réclamé leur production, ce qu’il lui appartenait de faire. Surtout, elle fait référence à ces titres dans sa lettre du 27 février 2006, faisant suite au commandement de payer émis le 31 janvier 2006.
Ni l’émission, le 20 juillet 2010, d’un avoir d’un montant de 17 910,10 euros, ni la signification qui a été faite des titres de recettes, par voie d’huissier, le 29 octobre 2010, n’ont pu rouvrir le délai de recours. Seuls les intérêts de retard alors échus, pour un montant de 12 838,57 euros, pouvaient alors être contestés.
La demande de la société Cofininvest tendant à l’annulation des titres de recettes litigieux en tant qu’ils ont mis à sa charge la somme totale de 89 939,80 euros, présentée le 22 novembre 2010 devant le Tribunal administratif de Paris, était donc tardive.
2. Si nous ne vous proposons pas de rejeter au fond et en tout état de cause, c’est parce que nous avouons être hésitante sur la solution. Certes, la société Cofininvest n’est pas très précise et n’apporte aucune pièce justificative à l’appui de ses allégations. Elle n’établit pas que la somme de 17 910,10 euros qui a finalement été déduite, en août 2010, de la facture ne serait pas suffisante pour prendre en compte l’erreur de calcul concernant les techniciens, ainsi que la durée écourtée du chantier et le nombre de jours effectivement travaillés par l’archéologue et les techniciens. Elle n’a par ailleurs pas formulé de réserves sur le procès-verbal de fin de chantier.
Ceci dit, il n’est pas certain que l’objet de ce procès-verbal soit autre que celui de constater la fin des fouilles et la libération du terrain. Par ailleurs, on comprend que dans l’esprit de la société Cofininvest, l’INRAP allait lui adresser une facture détaillée correspondant au coût réel du chantier, avec les justificatifs correspondant à chaque poste de dépense, et que c’est à partir de cette facture que la société pourrait, le cas échéant, faire des observations.
En bref, la société Cofininvest souhaitait, par la production de cette facture détaillée ou de ces justificatifs qu’elle a réclamés en vain pendant plus mois, par courrier ou lors d’entretiens dont elle avait sollicité la tenue avec des agents de l’INRAP, vérifier que l’INRAP ne lui faisait pas payer plus que ce qui était nécessaire. Une telle préoccupation nous semble plutôt légitime. Le fait qu’en août 2010, l’INRAP ait finalement émis un avoir de plus de 17 000 euros prouve bien que les craintes de la société n’étaient pas totalement dénuées de fondement.
Or, l’INRAP ne donne à aucun moment, y compris dans ses écritures devant vous, la moindre précision sur les sommes dont elle réclame le paiement, ne serait-ce que sur les postes contestés par la société Cofininvest, notamment le nombre de jours de travail de l’archéologue et des ingénieurs ou les deux postes « véhicules », dont nous ne comprenons pas à quoi ils correspondent. Demander, sur ces points, à la société Cofininvest, de prouver ses allégations, à savoir que telle personne ou tel véhicule n’était pas présente ou utilisé ce jour là, reviens à lui demander de fournir une preuve négative, donc impossible à apporter, sauf pour elle à avoir filmé les opérations dans leur intégralité. Ce qui ne peut au demeurant pas valoir pour les travaux et études qui se déroulent hors chantier. Alors que l’INRAP devrait pouvoir produire des procès-verbaux de chantier ou de réunions, des feuilles de présence, des documents relatifs aux véhicules utilisés à telle ou telle date…
Si l’article 1315 du code civil ne peut pas être utilement invoqué par la Sarl Cofininvest, le principe qu’il décline, s’agissant du droit des obligations, selon lequel c’est à celui qui agit d’apporter la preuve du bien fondé de son action et à celui qui défend de contrer les éléments ainsi apportés, régit non seulement la procédure civile, mais également la procédure contentieuse administrative.
A ce titre, comme l’écrivait B C de Casanova dans ses conclusions sous l’arrêt du CE du 29 juillet 1994, SA Prodès International, n° 111884, A : « la preuve mise à la charge de celui qui prend l’initiative d’une action, n’a rien d’absolu. Elle consiste essentiellement à mettre de son côté la vraisemblance, après quoi il appartient à l’autre partie, selon les mêmes exigences relatives, d’établir le contraire. ».
Plus encore, selon D E, dans ses conclusions sous l’arrêt du CE du 20 juin 2003, Société Etablissements Lebreton – Comptoir général de peintures et annexes, n° 232832, A : « (…) si l’administration se trouve généralement en position de défendeur dans le procès administratif, c’est uniquement en raison du caractère exécutoire de ses actes. C’est souvent elle, en réalité, qui, par sa décision, émet une prétention à l’encontre de l’administré dont le juge est appelé à apprécier le bien fondé. Par ailleurs, les éléments de fait nécessaires au juge pour régler le contentieux sont fréquemment entre les mains de la seule administration. Laisser le fardeau de ce qui est alors une preuve négative reposer sur l’administré reviendrait à permettre à l’administration, en retenant ces éléments, d’échapper à toute censure ».
Vous pourrez enfin noter que, même si elle semble être la seule, la Cour administrative de Bordeaux a déjà jugé que « dans l’hypothèse où le destinataire d’un titre exécutoire conteste celui-ci, la preuve du bien-fondé de la créance incombe à l’administration » (en dernier lieu, CAA Bordeaux, 14 mai 2012, Société Siemens Health Services, n° 11BX00613).
Au final, nous ne sommes donc nullement convaincus que les sommes qui sont réclamées à la société Cofininvest sont intégralement dues et que celle-ci n’aurait pas pu prétendre, si sa demande avait été recevable, à défaut de décharge, à une réduction de sa créance.
Si vous choisissiez tout de même de rejeter la requête au fond, en sachant que la FNR opposée par l’INRAP et tirée de l’absence de saisine préalable de la commission administrative de la redevance archéologique n’est pas fondée (cette commission est uniquement saisie des litiges concernant la redevance d’archéologie préventive), il vous faudrait auparavant écarter, comme étant doublement inopérante, l’exception de prescription soulevé par la société Cofininvest sur le fondement des dispositions de l’article L.1617-5 3° du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions ne concernent en effet que les créances détenues par les régions, les départements, les communes et les établissements publics locaux. Surtout, elles ont trait aux règles de prescription de l’action en recouvrement du comptable public et non au délai dont l’ordonnateur dispose, à peine de prescription, pour émettre un titre de recette à compter du fait générateur de sa créance.
3. Dès lors que ses conclusions tendant à l’annulation des titres de recette litigieux pour irrecevabilité sont rejetées, la société Cofininvest ne peut pas prétendre à la décharge, en conséquence, des intérêts résultant de son retard à verser à l’INRAP sur la somme de 89 939,80 euros, pour un montant de 12 838,57 euros. Cette somme figure sur l’acte de signification du 29 octobre 2010, avec le détail du calcul. Si la société Cofininvest entend la contester dans son montant, il lui appartient d’apporter un minimum d’éléments pur ce faire, ce qu’elle ne fait pas. Ses conclusions tendant à la décharge des intérêts de retard ne peuvent donc qu’être également rejetées ;
In fine, la société Cofininvest n’est donc pas fondée à se plaindre de ce que, par un jugement du 11 avril 2013, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Vous devrez donc rejeter les conclusions que la société Cofininvest tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et vous pourrez, dans les circonstances de l’espèce, faire de même s’agissant des conclusions de l’INRAP.
PCMNC :
- au rejet de la requête de la Sarl Cofininvest ;
- au rejet des conclusions de l’INRAP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02224