CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02987

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : M.Salomon Mahari Seghir et autres du 27 juin 2011 n° 09PA02492

Texte intégral

13PA02987 13PA02988 M. Z X Mme A Y
Audience du 7 avril 2014
Lecture du 30 avril 2014
CONCLUSIONS de M. Jean-Pierre LADREYT, Rapporteur public
Les deux litiges sur lesquelles vous êtes appelés à statuer aujourd’hui, et qui feront l’objet de conclusions communes, vont vous permettre de préciser votre jurisprudence en matière de transferts de contrats de travail. M. Z X et Mme A Y ont en effet été effectivement embauchés le même jour, le 19 juin 1999, en qualité respectivement de responsable adjoint du restaurant le Grand Prix et d’aide cuisine par la société parisienne Culturespaces qui gère le Musée national de l’Automobile pour le compte d’une association mulhousienne.
Onze ans plus tard, à la suite d’une opération de restructuration et d’extension du Musée, l’association a décidé de faire construire un bâtiment pour permettre aux clients du Musée de continuer à se restaurer dans un cadre plus moderne et de confier la gestion de ce restaurant à une société sous-traitante, l’Alsacienne de restauration.
S’est dès lors posée la question du transfert des contrats de travail des salariés qui étaient employés dans ce restaurant auparavant directement exploité par la société Culturespaces.
Cette dernière a estimé que les contrats de travail concernant les deux salariés protégés qu’elle employait dans son restaurant devaient nécessairement être transférés à la nouvelle entité.
Les deux requérants ont contesté quant à eux la nécessité de ce transfert, estimant que leur mise à disposition de la nouvelle structure était suffisante, et ont déploré les nouvelles conditions de travail dans lesquelles ils devaient désormais évoluer.
Vous savez en effet qu’en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail conclus avec un employeur sont nécessairement transférés au nouvel employeur sous réserve toutefois, précise l’article L. 2414-1 du même code, s’agissant de salariés protégés, que l’inspecteur du travail autorise ce transfert.
Il ne peut en effet y avoir transfert que lorsque l’activité exercée par l’activité exercée par l’entité d’origine est bien poursuivie par la nouvelle structure et qu’elle conserve une identité et une autonomie propres faute de quoi les salariés sont regardés comme étant toujours rattachés à l’entreprise d’origine si elle existe toujours ou comme ayant été de fait licenciés si celle-ci a disparu.
Or, en l’espèce, l’inspecteur du travail puis, sur recours, le ministre du travail ont refusé tous deux de délivrer cette autorisation de transfert à la société Culturespaces au motif que la gestion de la restauration confiée à la nouvelle structure, l’Alsacienne de restauration, ne pouvait être regardée comme constituant une entité économique suffisamment autonome par rapport à la société Culturespaces.
L’administration du travail a en effet estimé que la société Culturespaces aurait pu se borner à mettre ces salariés à disposition de l’Alsacienne de Restauration sans pour autant transférer leur contrat de travail.
Toutefois, saisi le 9 février 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions de refus et a enjoint l’administration d’accorder ces autorisations de transfert par deux jugements du 18 juin 2013 dont les requérants relèvent régulièrement appel devant vous.
Les premiers juges ont en effet considéré que la structure d’accueil, l’Alsacienne de restauration, avait bien repris l’activité de restauration exercée antérieurement par la société Culturespaces ainsi que l’ensemble des moyens matériels et humains affectés à cette activité.
Ils ont relevé que l’Alsacienne de restauration bénéficiait d’une autonomie réelle de gestion pour exercer son activité par rapport à la société Cultuespaces avec laquelle elle est liée par contrat, constatant qu’elle fixait elle-même les menus et les tarifs du restaurant, choisissait son mobilier et sa décoration, recrutait, rémunérait et organisait le travail des salariés du restaurant en assumant les charges de gestion.
Ce faisceau d’indices a été suffisant, aux yeux des premiers juges, pour considérer que la nouvelle structure pouvait être regardée comme constituant une unité économique autonome devant, de ce fait, bénéficier du transfert des contrats de travail des deux requérants nonobstant la circonstance que le contrat conclu entre la société Culturespaces et l’Alsacienne de restauration prend la forme d’un contrat de sous-traitance qui stipule que la société Culturespaces demeure solidairement responsable de l’activité de restauration vis-à-vis de l’association concédante.
Dans leurs écritures, les requérants critiquent la solution à laquelle sont parvenues les premiers juges qui n’ont pas su, selon eux, appréhendé correctement les relations juridique existant entre les deux entreprises.
Ils soutiennent en effet avec véhémence que les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies en l’espèce aux motifs que les cinq salariés qui ont été affectés à l’activité de restauration du Musée n’avaient jamais travaillé auparavant dans le nouveau bâtiment mis à leur disposition ni utilisé le nouveau matériel qui leur a été confié et que la restauration du musée ne constituait qu’une activité accessoire au sein de l’activité muséale qui était poursuivie dans les mêmes conditions qu’auparavant.
Ils soulignent à cet effet que la société Culturespaces conserve un pouvoir de contrôle sur l’Alsacienne de restauration qui lui permet notamment d’imposer les conditions d’ouverture du restaurant gastronomique, d’avoir accès à sa comptabilité, de valider tout achat relatif au mobilier et de décoration ainsi que la politique de communication et la politique tarifaire du restaurant et qui lui ouvre même le droit de remplacer une partie du personnel.
Selon eux, le caractère contraint des relations organisées entre les deux entreprises au bénéfice de la société concédante fait obstacle à ce que l’activité sous-traitée puisse être regardée comme suffisamment autonome du donneur d’ordre.
Ils rappellent également que l’activité de restauration n’a plus rien en commun avec celle exercée antérieurement puisque le restaurant est passé de 200 à 336 couverts et prévoit un service à table permettant de servir le soir une cuisine gastronomique alors qu’il s’agissait auparavant d’un simple sel service ouvert uniquement à midi et qui a nécessité le recrutement de trois cuisiniers, d’un maître d’hôtel et d’un serveur, fonctions qui n’existaient pas auparavant, un nouveau directeur ayant été d’ailleurs nommé dès le mois de novembre 2011 afin de faire fonctionner ce restaurant.
En réalité, selon les requérants, la société Culturespaces a profité de cette restructuration pour se débarrasser en leur personne de deux des cinq représentants du personnel présents sur le site de Mulhouse.
C’est également la thèse qui est défendue par le ministre de travail qui estime que le contrat conclu entre les deux entités place l’Alsacienne de restauration sous la tutelle étroite de la société Culturespaces.
Il vous appartient donc d’analyser cette situation pour déterminer si, au-delà des affirmations contradictoires des parties, le changement d’affectation des salariés imposait ou non le transfert de leur contrat de travail alors que les requérants souhaitent en l’espèce continuer à figurer parmi le personnel de la société Culturespaces où ils estiment avoir une meilleure place.
En l’espèce, les pièces du dossier ainsi que l’état de la jurisprudence administrative et européenne nous conduisent à vous inviter à confirmer les jugements attaqués.
En effet, les pièces du dossier, et notamment le contrat conclu entre les deux sociétés, attestent bien d’un transfert de locaux, d’équipements, d’agencements et de mobilier entre les deux entités et de l’affectation des cinq salariés consacrés à l’activité de restauration.
Il est indéniable que l’activité de restauration se poursuit dans le cadre de la nouvelle structure avec des moyens renouvelés.
A titre d’exemple, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le self service reste bien l’activité principale de l’Alsacienne de restauration en nombre de couverts et il n’est pas utilement contesté qu’il existait déjà un service de table avant l’opération.
Les postes occupés par les deux salariés semblent également de même nature que ceux qu’ils occupaient antérieurement.
Or, la jurisprudence administrative comme la jurisprudence européenne se satisfont de similitudes entre les activités transférées pour exiger le transfert des contrats de travail des salariés concernés.
La règle de transfert est en effet regardée comme édictée dans l’intérêt des salariés et comme ayant, de ce fait l’application la plus large même si, en l’occurrence, ce sont les deux salariés qui demandent que l’application de cette règle soit écartée.
L’examen de la jurisprudence révèle que ne sont en réalité censurées et comme devant entraîner un refus d’autorisation de transfert que les cas dans lesquelles le transfert des salariés procède d’une opération purement artificielle, en l’absence de poursuite de la même activité ou de reprise des moyens matériels ou implique une modification substantielle des tâches qui leur sont confiées.
Ainsi, votre Cour a-t-elle déjà jugé qu’il suffit que la convention conclue entre les deux sociétés prévoit la reprise de l’activité et des moyens matériels et humains existants pour admettre l’application de la règle du transfert.
Voir en ce sens, à titre d’exemples, vos arrêts société Quadriga France du 5 avril 2012 n°10PA04976, M. Salomon Mahari Seghir et autres du 27 juin 2011 n°09PA02492 ou encore société hôtel Ritz du 15 mars 2010 n°09PA04475.
Si les requérants insistent, nous l’avons vu, sur le caractère accessoire de l’activité transférée, vous savez que l’article 1er de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements définit l’entité économique comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d’une activité économique que celle-ci soit essentielle ou accessoire.
Par ailleurs, la notion d’entité économique chère au droit européen et à la Cour de Justice a désormais pris ses distances avec la vision trop organisationnelle résultant de la jurisprudence allemande qui refusait d’appliquer les règles sur le transfert d’entreprises par exemple au cas des cantines.
La Cour de Justice de l’Union Européenne applique en réalité le plus largement possible ces règles mêmes pour les opérations de concession et de sous-traitance dès lors qu’il y a, selon sa définition, une entité économique qui conserve son identité même parfois même sans transfert d’éléments corporels significatifs : ce n’est pas en tous cas dans la jurisprudence européenne que vous trouverez un obstacle à l’application de la règle de transfert au cas d’espèce.
Il nous reste seulement à déplorer que le droit français n’ait pas encore reconnu, contrairement au droit allemand, le droit pour le salarié de s’opposer au transfert de contrat de travail lorsque celui-ci est imposé par la situation juridique nouvellement créée.
Certes, vous pourrez regretter un instant l’intitulé un peu maladroit du contrat liant les deux structures qui est dénommé « contrat d’occupation de local à titre temporaire » et qui semble minorer l’opération de restructuration envisagée.
Toutefois, il vous suffira de vous penchez sur les termes de ce contrat, dont une copie figure au dossier, pour constater qu’il s’agit en réalité plus d’un contrat de sous concession puisque l’occupant, en l’espèce l’Alsacienne de restauration, perçoit les recettes et assume les risques et périls de l’exploitation contre le versement de redevances.
Par ailleurs, aucun élément sérieux ne vous permet de considérer que ces transferts auraient pour objectif de permettre à la société Culturespaces de se séparer de ces deux salariés.
Nous vous inviterons donc, comme nous vous l’avons annoncé, à confirmer les jugements attaqués après avoir néanmoins écarter le moyen tiré de l’incompétence territoriale du Tribunal administratif de Paris, la société Culturespaces qui a procédé à ces demandes de transferts ayant son siège boulevard Haussmann dans le 9e arrondissement de Paris.
EPCMNC : – au rejet des requêtes de M. X et de Mme Y et du surplus des conclusions des parties initimées.

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