Cour administrative d'appel de Versailles, 17 décembre 2009, n° 08VE03616

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 17 déc. 2009, n° 08VE03616
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 08VE03616
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Versailles, 31 août 2009

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE VERSAILLES

N° 08VE03616


SOCIETE LA COCCINELLE


Ordonnance du 17 décembre 2009

Code CNIJ : 39-05-02

Code Lebon : C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Versailles,

Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2008 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour la société LA COCCINELLE dont le siège est XXX à Baillet-en-France (95570) par Me Dupichot ; la société LA COCCINELLE demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 0614282 en date du 22 octobre 2008 par laquelle la présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise statuant comme juge des référés a rejeté sa demande tendant à ce que le syndicat interdépartemental pour l’assainissement de la région parisienne (SIAPP) et le département de la Seine-Saint-Denis soient condamnés à lui verser les provisions de 2 019 277 euros HT au titre du solde de la tranche n°2 d’un marché de construction d’un réseau d’assainissement dit « Décharge de Pantin-La Briche », et de 4 097 914 euros HT en réparation du préjudice résultant de la résiliation de ladite tranche ;

2°) de condamner le SIAPP et le département de la Seine-Saint-Denis au versement des provisions susvisées, assorties des intérêts moratoires capitalisés à compter du 20 décembre 2006 ;

3°) de mettre à la charge du SIAPP et du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 212 017 euros HT au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société LA COCCINELLE fait valoir que, suivant marché notifié le 25 juin 2002, le SIAPP a confié au groupement solidaire constitué par la société Solétanche Bachy, la société Spie Batignolles TPCI et la société LA COCCINELLE, cette dernière étant mandataire, la deuxième tranche, répartie sur six chantiers géographiquement distincts, de l’opération dite « Décharge de Pantin-La Briche », consistant en la réalisation de collecteurs d’assainissement d’une longueur de 4,5 km en vue de la dépollution des eaux pluviales, sous la maîtrise d’œuvre de la direction de l’eau et de l’assainissement du département de la Seine-Saint-Denis ; que ce marché, pour partie à prix unitaires et pour partie à prix forfaitaire, était soumis au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ; que les travaux ont commencé le 22 septembre 2002 ; que, par ordre de service notifié le 28 juillet 2004, une partie de la galerie du chantier n° 4 a été remblayée en raison de problèmes hydrogéologiques ; que, pour le chantier n° 3, le maître d’œuvre a imposé une solution de traitement des sols dite « Jet Grouting », refusée par la société LA COCCINELLE le 14 janvier 2005 mais acceptée par deux autres entreprises du groupement ; que, le 15 mars 2005, le maître d’œuvre a notifié au groupement trois ordres de service n° 845, 846, 847 ordonnant la fin anticipée des travaux et le repliement du chantier, retournés avec réserves par le mandataire du groupement ; qu’à compter du 4 avril 2005, il a été procédé au repliement des installations, suivi, le 3 juin 2005, de la réception des chantiers ; que le projet de décompte final d’un montant de 20 729 402 euros HT adressé au maître d’œuvre par la société LA COCCINELLE le 3 août 2005 a été ramené à 15 853 261 euros HT par le décompte général notifié le 16 septembre 2005, à l’encontre duquel la société LA COCCINELLE a présenté un mémoire de réclamation le 28 octobre 2005 ; qu’en parallèle, par ordonnance de référé en date du 15 septembre 2005, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a désigné M. Y, en qualité d’expert, pour établir les comptes entre les parties des travaux de la 2e tranche de l’opération « Décharge de Pantin-La Briche » ; que l’expert a déposé son rapport le 11 août 2006 et a conclu à ce que le solde de la société LA COCCINELLE soit fixé à 6 716 935 euros HT ; que la société LA COCCINELLE ayant perçu, au titre de la répartition entre les membres du groupement, révision des prix comprise, la somme de 4 697 658 euros HT, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait dû constater, par application de l’article 50-5 du cahier des clauses administratives générales, l’existence d’une créance non sérieusement contestable du SIAPP à son égard pour un solde de 2 019 277 euros HT ; qu’outre cette somme, le SIAPP et le département de la Seine-Saint-Denis, maître d’œuvre de l’opération, doivent être solidairement condamnés à l’indemniser des préjudices de toutes natures, évalués par l’expert à 4 097 914 euros HT, en réparation des conséquences dommageables de la résiliation du marché en cause et de son exclusion depuis 2004, sans motivation technique et juridique, d’un certain nombre d’appels d’offres du département ; que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande concernant le solde de ses travaux au motif que l’acte d’engagement ne comportait aucune clé de répartition entre les membres du groupement et que, par suite, la demande de la société LA COCCINELLE tendant au versement d’une somme complémentaire au titre des seuls travaux exécutés par elle était sérieusement contestable ; que, toutefois, la clé de répartition, figurant dans les pièces du marché, était opposable à tous les intervenants à l’acte de construire et que le décompte général du marché notifié par le maître d’ouvrage répartit le montant total des travaux entre les membres du groupement ; qu’eu égard aux fautes commises par le département de la Seine-Saint-Denis, maître d’œuvre de l’opération, il y a lieu de prononcer sa condamnation solidaire avec le SIAPP, maître d’ouvrage, à lui verser les provisions en cause ; qu’il ressort du rapport de l’expert qu’au titre de ses missions, le maître d’œuvre était notamment tenu d’établir un avant-projet sommaire (APS) et un avant-projet détaillé (APD) ; que tel n’a pas été le cas en ce qui concerne les six chantiers concernant l’opération ; que ce manque de rigueur dans la préparation du marché a engendré des mises au point inutiles et coûteuses ; que, de plus, le maître d’œuvre a failli à ses missions de contrôle général des travaux (CGT) ; que, suite à l’annonce de l’interruption des travaux caractérisant une résiliation abusive par le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, là encore, a failli à sa mission RDT (réception – décompte – travaux) ; qu’il est regrettable que l’incompétence de la maîtrise d’œuvre dans la préparation technique de ces travaux particulièrement sensibles ait conduit à des résultats particulièrement onéreux et stériles en ce qui concerne le chantier n° 4 ; que, selon l’expert, les incidents et les échecs concernant la réalisation des six chantiers litigieux sont exclusivement imputables au maître d’œuvre ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 10 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, le mémoire en défense présenté pour le SIAPP et le département de la Seine-Saint-Denis, par Me Riquelme, qui concluent :

1°) au rejet de la requête de la société LA COCCINELLE ;

2°) subsidiairement, à être garantis de toute condamnation par les sociétés Solétanche Bachy et Spie Batignolles TPCI ;

3°) à ce que la provision éventuellement allouée à la société LA COCCINELLE soit subordonnée à la constitution d’une garantie bancaire du même montant ;

4°) à ce que soit mis à la charge de la société LA COCCINELLE le versement à chacun d’eux d’une somme de 20 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils font valoir que le montant des travaux, tel qu’il ressort de l’acte d’engagement, est de 17 974 873 euros HT ; qu’en sus de la somme de 16 555 788 euros HT figurant au décompte général et versée sur le compte unique du groupement solidaire, la société LA COCCINELLE demande le versement des sommes complémentaires de 2 019 277 euros HT et de 4 097 914 euros HT ; que, s’agissant de ses prétentions concernant le solde du marché, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre entendent opposer à l’entreprise les stipulations des articles 2-52, 12-5, 13-33 et 14 du cahier des clauses administratives générales ; que, s’agissant des conditions d’exécution des travaux, le maître d’œuvre a, par ordre de service n° 842 du 28 juillet 2004, notifié à l’entreprise des prix nouveaux signés sans réserves par la société LA COCCINELLE et devenus définitifs par application de l’article 14 du cahier des clauses administratives générales ; que, faute d’être intervenue sur le chantier n° 4, l’entreprise ne peut utilement arguer des problèmes hydrogéologiques qui y sont apparus ; qu’en revanche, le maître d’ouvrage a été contraint de renoncer à l’achèvement du chantier n° 3 en raison de l’opposition de la société LA COCCINELLE à la solution technique préconisée par le laboratoire de l’Est parisien, le maître d’œuvre et la société Solétanche Bachy mondialement reconnue en matière de traitement des sols ; que, si des injections par forage pour consolider le sol avaient été initialement prévues, cette solution s’est révélée inappropriée en raison de venues d’eau très importantes et de la présence de sables d’Ezanville ; que la société Solétanche Bachy a alors proposé de consolider les sols par la méthode du « Jet Grouting », solution à laquelle le mandataire s’est opposé le 10 novembre 2004 ; que, par ordre de service n° 846 du 17 mars 2005, le maître d’œuvre a été alors contraint de supprimer les travaux restant à réaliser sur le chantier en cause ; que cet ordre de service, intervenu alors que la masse des travaux était achevée à 88 %, doit s’analyser non comme une résiliation mais comme une diminution de la masse des travaux au sens des articles 15 et 16-1 du cahier des clauses administratives générales n’ouvrant pas droit à indemnisation ; qu’en ce qui concerne le solde des travaux, si la société LA COCCINELLE allègue une collusion entre le maître d’œuvre et ses cotraitants aux fins de diminution de la part lui revenant, il y a lieu de relever que le montant du marché résulte de l’application des prix unitaires aux quantités réellement exécutées et qu’en outre, un accord des parties sur le montant des travaux est intervenu en présence de la société LA COCCINELLE le 6 décembre 2004 ; que les sommes perçues sont inférieures, pour les trois membres, à ce qui était prévu par la convention de groupement ; que la société LA COCCINELLE, qui n’apporte pas d’éléments de nature à établir que le solde de son marché, fixé à 3,6 millions d’euros HT, ne prendrait pas en compte l’ensemble des travaux qu’elle a réalisés, n’est pas fondée à demander que ce montant soit porté à 8 millions d’euros HT, représentant 175 % de son marché initial pour des travaux réalisés à 88 % ; que, par deux ordres de service n° 845 et 846 du 17 mars 2005, le maître d’œuvre a notifié aux entreprises le repliement du chantier à la date du 4 avril 2005 et leur a proposé des prix provisoires pour les travaux non compris dans les prix du marché de base ; que la société LA COCCINELLE a tardé à se conformer à l’ordre de service de repliement de ses installations ; qu’après nomination d’un premier expert et réception à compter du 3 juin 2005 de l’ensemble des travaux, le mandataire du groupement a transmis le 3 août 2005 son projet de décompte final pour un montant de 20,7 millions d’euros HT ramené à 15,8 millions d’euros HT par le décompte général notifié le 16 septembre 2005 ; que, compte tenu des litiges au sein des trois sociétés du groupement, la société LA COCCINELLE a obtenu, par ordonnance du 15 septembre 2005 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la désignation d’un nouvel expert qui a mené ses opérations au mépris du principe du contradictoire et a validé pour l’essentiel les demandes exorbitantes de la société LA COCCINELLE sans disposer des éléments de nature à justifier de telles prétentions ni s’expliquer sur les motifs le conduisant à les retenir ; que, se réclamant du rapport du 11 août 2006 de l’expert, l’entreprise a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise une provision de 2 019 277 euros HT à titre de solde et de 4 097 914 euros HT à titre d’indemnisation du préjudice issu de la « résiliation » du marché ; que, si l’expert arrête le montant du marché à la somme de 15,054 millions d’euros HT, le maître d’ouvrage a arrêté le décompte à un montant de 16,55 euros HT supérieur à celui retenu par l’expert ; que, par ailleurs, si la société LA COCCINELLE estime que sa part à l’intérieur du groupement n’est pas suffisante, il lui appartient, s’agissant d’un groupement solidaire, de demander les sommes qu’il estime lui revenir à ses cotraitants et non au maître d’ouvrage qui n’est pas partie à la convention de groupement ; qu’ainsi et en tout état de cause, la demande de la société LA COCCINELLE est mal dirigée en tant qu’elle demande non à ses cotraitants mais au maître d’ouvrage de lui verser la quote-part qu’elle estime lui revenir sur le solde du marché ; qu’en ce qui concerne le solde du marché, il appartient à l’entreprise de justifier, par tout moyen, la réalité des surcoûts dont elle demande le paiement étant précisé que les travaux étaient souterrains et que les installations ont été repliées ; que la circonstance que l’expert a cru devoir se dispenser de ces justifications pour accorder à l’entreprise les sommes demandées par elle ne la dispense pas de produire tout justificatif des dépenses qu’elle prétend avoir exposées ; que, faute d’apporter les éléments de nature à justifier du caractère erroné ou insuffisant des métrés et des prix proposés par le maître d’œuvre, la demande de provision de la société LA COCCINELLE ne peut, s’agissant de la revalorisation de ses travaux, être accueillie ; que, par ailleurs, la société LA COCCINELLE, qui demande une indemnité de 5,518 millions d’euros HT en raison de diverses plus-values, dont 1,5 millions d’euros pour l’immobilisation prolongée de ses installations de chantier et 1,3 millions d’euros en réparation de son préjudice consécutif à la résiliation du chantier, ne peut davantage s’abstenir de justifier des montants en cause ; que, si la société LA COCCINELLE fait valoir, conformément à l’avis de l’expert, l’état d’impréparation du chantier imputable au département de la Seine-Saint-Denis, maître d’œuvre, il n’est pas démontré que celui-ci, chargé pour une durée de sept ans d’une mission de conception d’un ouvrage d’assainissement très important, divisé en quatre tranches de travaux, ait failli à sa mission tant au stade de la conception et de la préparation du chantier que du suivi et du contrôle des travaux ; qu’enfin, faute d’établir un lien entre ses difficultés économiques et le marché en cause ou de justifier du montant de ses frais de procédure estimés par elle à 652 929 euros, le surplus des prétentions indemnitaires de l’entreprise ne pourront davantage être accueillies ; qu’à titre infiniment subsidiaire, les provisions allouées à l’entreprise devront être compensées avec les sommes versées aux autres membres du groupement ;

Vu, enregistré le 22 décembre 2008, le mémoire par lequel la société Solétanche Bachy, représentée par Me Godart, s’en remet à la sagesse de la Cour ;

Vu, enregistré le 11 février 2009, le mémoire présenté pour la société Spie Batignolles TPCI par Me Simonet qui conclut :

1°) au rejet de la requête de la société LA COCCINELLE et des appels en garantie du SIAPP et du département de la Seine-Saint-Denis ;

2°) à ce que soit mis à la charge des défendeurs susmentionnés le versement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir qu’elle intervient à l’instance en tant que membre du groupement ; que la société LA COCCINELLE, mandataire du groupement, retient abusivement certaines sommes qui lui sont dues ; que l’expert a pris en compte, au détriment des autres cotraitants et sans que la société LA COCCINELLE ait à s’en justifier, l’ensemble des préjudices qu’elle avait allégués ; que l’expert a reconstitué l’intégralité des métrés sur pièces, sans informer les parties de la méthode employée ni tenir compte des observations et dires qui lui étaient présentés et en refusant d’aborder, au cours des réunions d’expertise, les questions techniques qui lui étaient soumises ; que le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, qui estiment ce rapport entaché de nullité et qui ont demandé, à bon droit, à ce qu’il soit écarté des débats, ne sauraient utilement se fonder sur un tel document pour appeler en garantie la société Spie Batignolles TPCI ; que, compte tenu du décompte général du marché et jusqu’à ce que le juge du contrat se soit prononcé sur les prétentions de la société LA COCCINELLE, celle-ci continue de retenir abusivement une somme de 984 974 euros HT au détriment de la société Spie Batignolles TPCI alors même qu’elle avait transmis au maître d’œuvre les demandes en paiement de son cotraitant sans émettre de réserve sur leur montant ; que, par application de l’article 13-33 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, l’entrepreneur est lié par les indications figurant au projet de décompte final, sauf sur les points ayant fait l’objet de réserves de sa part ; que, par application de ces stipulations, la société LA COCCINELLE ne peut remettre en cause, devant le juge du contrat, les sommes qu’elle a fait figurer sur le projet de décompte final au profit de la société Spie Batignolles TPCI ; que, par suite, la société LA COCCINELLE n’est pas recevable à demander à titre de provision le reversement en sa faveur d’un prétendu « trop-perçu » de la société Spie Batignolles TPCI ;

Vu, enregistré le 28 mai 2009, le mémoire présenté pour la société Solétanche Bachy qui conclut :

1°) au rejet de la requête de la société LA COCCINELLE et des appels en garantie du SIAPP et du département de la Seine-Saint-Denis ;

2°) à ce que soit mis à la charge des défendeurs le versement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir qu’elle intervient à l’instance en tant que membre du groupement chargé des prestations géotechniques ; que la société LA COCCINELLE, mandataire du groupement, retient abusivement certaines sommes qui lui sont dues en se fondant sur le rapport de l’expert Y ; qu’en l’espèce, la nomination d’un expert était dépourvue d’utilité en ce que, d’une part, les métrés, la fixation de prix nouveaux et les comptes du marché étaient établis ou en cours d’établissement, que, d’autre part, les ouvrages d’assainissement, objets du marché, n’étaient plus visibles ; que l’article 13-33 du cahier des clauses administratives générales faisait obstacle à ce que la société LA COCCINELLE revendique pour son compte des sommes qu’elle a fait figurer, dans son projet de décompte final, au bénéfice de ses cotraitants ; qu’il s’ensuit que les quantitatifs de travaux figurant dans le projet de décompte sont définitifs et ne peuvent être remis en cause ni par l’un des cotraitants ni par l’expert ; que les métrés et quantités de l’opération ont, sauf pour la société LA COCCINELLE, donné lieu à des constatations contradictoires avec le maître d’œuvre au fur et à mesure de la réalisation des travaux ; que la demande d’expertise de la société LA COCCINELLE constitue un détournement de la procédure contractuelle de vérification des comptes en ce qu’elle demande à l’expert, au mépris des droits des autres cotraitants, d’établir les comptes entre les parties ; que, par suite, la partie de l’expertise concernant l’établissement des comptes entre les parties est entachée de nullité et doit être écartée des débats ; qu’enfin, l’expert désigné, nonobstant la technicité des travaux réalisés et son incompétence en matière de travaux géotechniques, n’a pas cru devoir visiter les travaux réalisés en partie souterraine, n’a organisé que quinze courtes réunions à son cabinet au cours desquelles il s’est borné à la lecture des dires des parties et a, sans effectuer de sondages ou s’entourer de l’avis d’un sapiteur, remis en cause la solution de traitement des sols proposée sur le chantier n° 3 par la société Solétanche Bachy mondialement reconnue en la matière ; qu’enfin, il a accueilli l’essentiel des réclamations de la société LA COCCINELLE dans un dossier techniquement complexe et financièrement substantiel sans en référer aux autres parties et sans se livrer à une analyse sérieuse des revendications non étayées de l’entreprise ; que, pour arriver à ce résultat, l’expert a réduit unilatéralement les quantités mises en œuvre par la société Solétanche Bachy qui pourtant avait fait l’objet de relevés en continu au fur et à mesure de l’exécution des travaux ; qu’il a rejeté, sans explication, à hauteur de 2,144 millions d’euros HT, les travaux qu’elle avait exécutés sur le chantier n° 4 ; qu’ainsi, son rapport est entaché de nullité et doit être écarté des débats ; qu’enfin, les appels en garantie du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre seront écartés dès lors que le solde du marché tel que fixé par eux dans le décompte général du marché est, en ce qui concerne la société Solétanche Bachy et la société Spie Batignolles TPCI, devenu intangible ;

Vu le rapport de l’expert M. Y en date du 11 août 2006 ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2009 par laquelle le président de la Cour administrative d’appel de Versailles a désigné Mme X, présidente, pour statuer sur les demandes de référé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » ;

Considérant que la construction de l’ouvrage dénommé « Décharge de Pantin-La Briche », portant sur la création d’un collecteur d’assainissement d’une longueur totale de 4,5 kms sur le territoire de quatre communes (Pantin, Aubervilliers, La Courneuve, Saint-Denis), a été divisée en quatre tranches de travaux et placée sous la maîtrise d’œuvre du département de la Seine-Saint-Denis (direction de l’eau et de l’assainissement) ; que, par marché notifié le 25 juin 2002, le syndicat interdépartemental pour l’assainissement de la région parisienne (SIAPP) a confié au groupement solidaire constitué par la société LA COCCINELLE, mandataire, la société Solétanche Bachy et la société Spie Batignolles TPCI, la réalisation de la deuxième tranche de l’ouvrage, répartie sur six sites géographiquement distincts, pour un montant de 16 039 475 euros HT ; que, s’agissant du chantier n° 3, le maître d’œuvre, en accord avec les autres membres du groupement, a souhaité mettre en œuvre une solution de traitement des sols qui a été refusée par la société LA COCCINELLE, le 14 janvier 2005 ; que, pour mettre fin à la situation de blocage consécutive à ce refus, la personne responsable du marché a ordonné au groupement, le 15 mars 2005, la cessation anticipée des travaux et le repliement des installations ; qu’après réception de cette deuxième tranche, prononcée sans réserves avec effet au 3 juin 2005, la société LA COCCINELLE a transmis un projet de décompte final arrêtant à la somme de 15 067 282 euros HT le solde des travaux du groupement et à 5 518 119 euros HT le montant des sommes qu’elle estimait lui être dues en propre ; que le décompte final arrêtant le solde du marché à 15 853 261 euros HT lui a été notifié le 16 septembre 2005 ;

Considérant que la société LA COCCINELLE, estimant ce solde insuffisant, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, conformément aux conclusions de l’expert désigné par ordonnance du 15 septembre 2005 du même tribunal, la condamnation du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre à lui verser les provisions de 2 019 277 euros HT au titre du solde du marché en cause et de 4 097 914 euros HT en réparation des préjudices consécutifs à la « résiliation » du marché ; qu’elle fait régulièrement appel de l’ordonnance en date du 22 octobre 2008 par laquelle la présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur la régularité des opérations menées par l’expert :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’expert désigné par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a procédé en une seule fois à la visite des six chantiers puis a tenu quinze réunions à son cabinet ; qu’il résulte des annexes au rapport de l’expert que le SIAPP et le département de la Seine-Saint-Denis, en qualité de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre de l’opération, ont déposé devant lui trente-trois dires numérotés de 46 à 69 entre le 28 septembre 2005 et le 31 juillet 2006, tandis que la société Spie Batignolles TPCI déposait onze dires entre le 28 décembre 2005 et le 25 juillet 2006 et la société Solétanche Bachy huit dires entre le 17 octobre 2005 et 11 juillet 2006 ; que ces cinquante-deux dires, auxquels l’expert n’a répondu de façon laconique qu’en fin de mission, comportaient une argumentation circonstanciée assortie de nombreux justificatifs de nature à remettre en cause les prétentions de la société LA COCCINELLE ; que, sur la foi des affirmations de celle-ci, l’expert a reconstitué les métrés du chantier sans que les parties puissent vérifier ni discuter la méthode employée par lui et a accueilli la plupart des prétentions indemnitaires de la société LA COCCINELLE sans énoncer les motifs l’ayant conduit à écarter l’argumentation précise et circonstanciée du maître d’ouvrage et des autres intervenants à l’acte de construire ; qu’ainsi, en s’exonérant de l’obligation qui pesait sur lui d’examiner l’ensemble de l’argumentation présentée devant lui et en s’abstenant d’y répondre, l’expert n’a pas mis à même le juge d’être éclairé sur la pertinence des motifs qui ont fondé les conclusions proposées par lui ; que, par suite, le SIAPP, le département de la Seine-Saint-Denis et la société Spie Batignolles TPCI sont fondés à demander à ce que les conclusions de ce rapport entaché d’irrégularité soient écartées des débats ;

Sur le solde du marché :

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, la société LA COCCINELLE a transmis au maître d’œuvre un projet de décompte final arrêtant à la somme de 15 067 282 euros HT le solde des travaux du groupement et à 5 518 119 euros HT le montant des sommes qu’elle estimait lui être dues en propre ;

S’agissant du solde revenant au groupement :

Considérant qu’aux termes de l’article 13-33 du cahier des clauses administratives générales : « L’entrepreneur est lié par les indications figurant au projet de décompte final, sauf sur les points ayant fait l’objet des réserves antérieures de sa part, ainsi que sur le montant définitif des intérêts moratoires » ; qu’il résulte de ces stipulations que les indications concernant les métrés, les quantités et les prix tel qu’arrêtés par le mandataire du groupement dans le projet de décompte final ont acquis un caractère définitif et ne peuvent plus être remises en cause par lui ; qu’ainsi, la demande de la société LA COCCINELLE, en tant qu’elle aurait pour effet de remettre en cause les métrés, les quantités et les prix figurant dans le projet de décompte final, ne peut qu’être écartée ;

S’agissant de la somme de 5 518 119 euros HT revendiquée par la société LA COCCINELLE en son nom propre :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 12-5 du cahier des clauses administratives générales : « L’entrepreneur est tenu de demander en temps utile qu’il soit procédé à des constatations contradictoires pour les prestations qui ne pourraient faire l’objet de constatations ultérieures, notamment lorsque les ouvrages doivent se trouver par la suite cachés ou inaccessibles. A défaut, et sauf preuve contraire fournie par lui et à ses frais, il n’est pas fondé à contester la décision du maître d’oeuvre relative à ces prestations » et qu’aux termes de l’article 13-17 du même cahier : « L’entrepreneur joint au projet de décompte les pièces suivantes, s’il ne les a pas déjà fournies : – les calculs des quantités prises en compte, effectués à partir des éléments contenus dans les constats contradictoires » ; que, s’agissant notamment du chantier n° 5, la société LA COCCINELLE a demandé, dans son projet de décompte final, la réévaluation des quantités et des prix nouveaux provisoires tels que notifiés par ordres de service n° 841 et 842 du 28 juillet 2004 ; que, toutefois, il est constant que la société LA COCCINELLE a négligé de demander en temps utile à ce qu’il soit procédé à des constatations contradictoires de ces prestations dont elle conteste la quantité ou le prix et que les travaux nouveaux dont elle sollicite la revalorisation sont désormais cachés ou inaccessibles ; que, ni devant le juge administratif ni devant l’expert désigné par lui, la société n’a apporté d’éléments de nature à établir les erreurs du maître d’œuvre en ce qui concerne les quantités mises en œuvre ou l’insuffisance de son estimation en ce qui concerne le prix de ces travaux ; que, par suite, sa demande tendant à la réévaluation des prix et quantités des travaux nouveaux, tels qu’estimés par le maître d’œuvre, ne peut être accueillie ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si la société LA COCCINELLE sollicite une indemnisation de 640 198 euros HT pour le chantier n° 1, de 343 038, euros HT pour le chantier n° 3, de 253 359 euros HT pour le chantier n° 5 et de 250 517 euros HT pour le chantier n° 6, pour « frais d’immobilisation de matériel et de personnel », elle ne justifie pas avoir réellement exposé les sommes importantes dont elle réclame le paiement et n’établit pas davantage que la responsabilité du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre serait engagée dans la survenance des interruptions ou de l’allongement de la durée de ces chantiers que ces frais ont pour objet d’indemniser ; que, notamment, il n’est pas démontré que les problèmes géotechniques rencontrés sur les chantiers n° 3 et 4 seraient imputables à l’inexécution par la direction de l’eau et de l’assainissement du département de la Seine-Saint-Denis de ses obligations contractuelles de maître d’œuvre ; qu’ainsi, les frais de « neutralisation de matériel et de personnel » n’étant justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant, la demande présentée à ce titre par la société LA COCCINELLE ne peut qu’être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 16-1 du cahier des clauses administratives générales : « Si la diminution de la masse des travaux est supérieure à la diminution limite définie à l’alinéa suivant, l’entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu’il a éventuellement subi du fait de cette diminution au-delà de la diminution limite. La diminution limite est fixée : – pour un marché à prix forfaitaires, au vingtième de la masse initiale ; – pour un marché sur prix unitaires, au cinquième de la masse initiale » ;

Considérant, d’une part, que la société LA COCCINELLE ne peut utilement se plaindre de la suppression d’une partie des travaux du chantier n° 4 auquel elle n’a pas participé ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que, suite à des venues importantes d’eau et de sable d’Ezanville en sous-sol du chantier n° 3, une solution technique a été recherchée ; que, la solution d’injection par forages proposée par la société LA COCCINELLE s’étant révélée inappropriée, la solution de consolidation du sol par la méthode du « Jet Grouting » proposée par la société Solétanche Bachy a été retenue par la société Spie Batignolles TPCI, le maître d’œuvre et le laboratoire de l’Est parisien ; que, toutefois, le 10 novembre 2004, la société LA COCCINELLE s’est opposée, sans motif légitime, à la mise en œuvre de ce procédé proposé par une entreprise mondialement reconnue en matière de traitement des sols ; qu’eu égard à l’opposition du mandataire du groupement d’entreprises, le maître d’œuvre a été contraint, par ordre de service n° 846 du 17 mars 2005, de supprimer les travaux restant à réaliser sur le chantier n° 3 ; qu’ainsi, en décidant de supprimer les travaux d’injection du chantier n° 3, le maître d’œuvre n’a fait que tirer les conséquences du refus opposé par le mandataire à leur réalisation ; que, contrairement à ce que soutient la société LA COCCINELLE, la décision ainsi prise constitue non une résiliation mais une diminution de la masse des travaux au sens des stipulations précitées de l’article 16 du cahier des clauses administratives générales ;

Considérant que, la suppression des travaux d’injection du chantier n° 3 étant exclusivement imputable au comportement du mandataire qui s’est opposé à la mise en œuvre d’une solution technique dont il n’établit pas qu’elle était inadaptée, la demande de la société LA COCCINELLE tendant à la réparation du préjudice économique qui aurait résulté pour elle des conséquences de son propre refus ne peut qu’être rejetée ;

Considérant, enfin, que les demandes de la société LA COCCINELLE tendant à ce que lui soit allouée une somme de 4 097 914 euros HT en réparation de difficultés économiques dépourvues de tout lien avec le chantier litigieux doivent être rejetées comme manifestement infondées ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, quel que soit le chef de préjudice invoqué, l’obligation dont se prévaut le mandataire du groupement présente un caractère sérieusement contestable ; que, par suite, la société LA COCCINELLE n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des défendeurs, qui ne sont pas la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner la société LA COCCINELLE à verser au SIAPP et au département de la Seine-Saint-Denis une somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées au même titre par les autres défendeurs ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société LA COCCINELLE est rejetée.

Article 2 : La société LA COCCINELLE est condamnée à verser au SIAPP et au département de la Seine-Saint-Denis une somme de 3 000 euros chacun en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : la présente ordonnance sera notifiée à la société LA COCCINELLE, au syndicat interdépartemental pour l’assainissement de la région parisienne (SIAPP), au département de la Seine-Saint-Denis, à la société Solétanche Bachy et à la société Spie Batignolles TPCI.

Fait à Versailles, le 17 décembre 2009

La présidente de la 3e chambre,

Juge des référés,

E. X

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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Cour administrative d'appel de Versailles, 17 décembre 2009, n° 08VE03616