CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 21 juillet 2015, 14VE01123, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 3e ch., 21 juill. 2015, n° 14VE01123
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 14VE01123
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 15 décembre 2013, N° 1208337
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030914570

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EDF, agissant en qualité de société mère d’un groupe fiscal intégré, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2005 et 2006, soit 22 375 115 euros, à raison de la remise en cause des provisions pour rentes futures d’accidents du travail et de maladies professionnelles comptabilisées par la société Réseau de Transport d’Electricité (RTE), membre du périmètre d’intégration fiscale.

Par un jugement n° 1208337 du 16 décembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande et mis à la charge de l’Etat, au profit de la société EDF, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 16 avril 2014, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 16 décembre 2013 ;

2° de remettre à la charge de la société EDF les impositions dont la décharge a été prononcée par le tribunal.

Il soutient que :

— depuis le 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d’assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières (IEG) est assuré par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ; la société RTE n’est donc plus directement engagée au versement des rentes pour accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) vis-à-vis de ses salariés mais s’acquitte auprès de la CNIEG, seule responsable du versement des rentes, de cotisations sociales qui ne sont pas destinées uniquement à couvrir les rentes de ses salariés mais aussi celles des autres salariés des IEG ;

 – les règles comptables ne permettent pas d’anticiper par voie de provision les cotisations sociales que la société RTE sera amenée à verser à la CNIEG au cours des exercices suivants et qui peuvent couvrir une très longue période en fonction de la durée de vie moyenne restant à courir pour les pensionnés ; en effet, il résulte des règles comptables (article 212-1 du plan comptable général, avis CNC n° 00-01 du 20 avril 2000, bulletin du CNC n° 49 du 4e trimestre 1981, avis de la compagnie nationale des commissaires aux comptes) qu’une hausse attendue de cotisations pour AT/MP ne peut faire l’objet d’aucune provision, l’obligation de payer ces cotisations ne naissant qu’avec la fourniture d’un travail effectif par les salariés concernés au cours des exercices postérieurs ;

 – les règles fiscales ne permettent pas davantage la déduction d’une telle provision ; en effet, d’une part, celle-ci anticipe une charge qui ne peut être rattachée à l’exercice de sa constitution, le fait générateur des cotisations sociales résidant dans le versement des salaires et non dans la survenance d’accidents du travail ; à cet égard, alors que ces cotisations sont des charges de personnel, il résulte de la jurisprudence qu’une entreprise ne saurait déduire des résultats d’un exercice une provision destinée à faire face au versement de rémunérations se rapportant à un travail effectué au cours d’un exercice ultérieur ; en outre, le décret n° 2001-1354 du 10 décembre 2004 ne constitue pas une norme comptable autorisant la déduction fiscale de provisions pour engagements futurs des IEG ; d’autre part, les cotisations sociales provisionnées ne peuvent être évaluées avec une approximation suffisante ; en effet, même si le montant total des engagements de la CNIEG dépend du nombre de salariés accidentés, la contribution de chaque société, au nombre desquelles figure la société RTE, ne dépend que du rapport de sa masse salariale sur la masse salariale totale de la branche IEG au titre de chaque année ; il n’y a donc pas de lien direct de causalité entre les accidents ou maladies intervenus au sein d’une entreprise et le niveau de cotisation appelé par la CNIEG, de sorte qu’il ne peut être considéré que ce montant est déterminé avec une approximation suffisante car effectué à partir d’un calcul actuariel sur la base des personnes déjà en situation d’invalidité à la clôture de l’exercice ; enfin, la provision constituée ne peut tenir compte des fluctuations de la masse salariale au cours de la période de paiement des cotisations et présente ainsi un caractère aléatoire.

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

 – le décret n° 2004-1354 du 10 décembre 2004 ;

 – le décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Huon, premier conseiller,

 – les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

 – et les observations de Me Marnat, avocat de la société EDF ;

1. Considérant que la société Réseau de Transport d’Electricité (RTE), filiale intégrée de la société EDF, qui exploite une activité de distribution d’énergie électrique, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur ses exercices 2005, 2006 et 2007 ; qu’à l’issue de ce contrôle et aux termes de propositions de rectification des 19 décembre 2008 et

28 juillet 2009, l’administration a notamment remis en cause la déduction des provisions comptabilisées par la société au titre des rentes futures pour accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) ; que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS fait appel du jugement du 16 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société EDF, en sa qualité de redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe, des suppléments d’impôt sur les sociétés et de contribution sociale, ainsi que des intérêts de retard correspondants, établis au titre de ses exercices clos en 2005 et 2006 à raison du chef de rectification susanalysé ;

Sur les conclusions du ministre :

2. Considérant que les provisions litigieuses ont été constituées par la société RTE à la suite de la réforme, opérée par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, du financement des prestations bénéficiant aux salariés de la branche des industries électriques et gazières (IEG) en vue de faire face à la charge résultant, selon elle, de l’obligation légale qui lui incombe d’assurer le paiement des rentes d’AT/MP aux salariés ou anciens salariés de l’entreprise ; qu’elle a déterminé cette provision en se fondant sur le calcul actuariel par lequel, tous les ans, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), créée par la loi précitée, évalue les engagements de la totalité des sociétés de la branche IEG en matière de rentes AT/MP puis affecte à chaque société une contribution qui est fonction de l’importance de sa masse salariale dans la masse salariale des entreprises de la branche ;

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 16 de la loi du 9 août 2004 susvisée : « I.- A compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d’assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières prévu par l’article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz est assuré par la Caisse nationale des industries électriques et gazières. Elle est chargée de verser aux affiliés les prestations en espèces correspondantes, dans les conditions prévues au II, de recouvrer et de contrôler les cotisations, dans les conditions prévues au III, et de recouvrer et de contrôler la contribution tarifaire, dans les conditions prévues à l’article 18 de la présente loi (…) / La Caisse nationale des industries électriques et gazières est un organisme de sécurité sociale de droit privé, doté de la personnalité morale. Elle est chargée d’une mission de service public au profit des personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières dont le statut est fixé par l’article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée (…) / II.-Les personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières sont, à compter du 1er janvier 2005, affiliés de plein droit, pour les risques mentionnés au présent article, à la Caisse nationale des industries électriques et gazières. La caisse leur verse les prestations en espèces correspondantes. (…) » ; qu’aux termes de l’article 1er du décret du 10 décembre 2004 relatif à la Caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. – La Caisse nationale des industries électriques et gazières a pour rôle : / 1° De procéder, pour l’ouverture des droits aux prestations en espèces au titre des risques vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, à l’immatriculation et à la radiation de ses affiliés ; / 2° De recouvrer les recettes destinées au financement des prestations afférentes aux risques mentionnés ci-dessus, notamment les cotisations sociales, la contribution instituée par l’article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, les cotisations ou contributions sociales recouvrées pour compte de tiers sur les prestations qu’elle sert aux ressortissants du régime ainsi que les recettes destinées à financer le service des prestations qu’elle sert en application du II du présent article ; / 3° D’assurer le service des prestations en espèces au titre des risques mentionnés au 1° du présent article ; / 4° D’exercer les missions relatives aux conventions financières passées avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les fédérations d’institutions de retraite complémentaire prévues par l’article 19 de la loi du

9 août 2004 susvisée ; elle assure notamment le versement à leurs bénéficiaires des contributions exceptionnelles, forfaitaires et libératoires ; / 5° D’assurer la gestion de la trésorerie relative, d’une part, aux risques mentionnés au 1° du présent article et, d’autre part, au service des prestations prévues par le II du présent article ; / 6° D’évaluer, chaque année, le montant des droits spécifiques du régime d’assurance vieillesse de la branche des industries électriques et gazières pour les périodes validées au 31 décembre 2004 ; / 7° De donner, chaque année, aux entreprises de la branche les informations dont elle dispose et qui sont nécessaires à l’évaluation de leurs engagements comptables ; / 8° De recueillir auprès des entreprises, chaque année, les informations concernant les mesures qu’elles ont prises pour assurer le financement des droits spécifiques constitués à compter du 1er janvier 2005 (…) » ; qu’aux termes de l’article 1er du décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 relatif aux ressources de la Caisse nationale des industries électriques et gazières : « I. – Les recettes de la Caisse nationale des industries électriques et gazières sont constituées par : (…) / 6° Le produit des cotisations dues par les employeurs au titre des risques invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles (…) » ; qu’aux termes de l’article 2 dudit décret : « I. – Les cotisations mentionnées aux (…) 6° (…) du I de l’article 1er du présent décret sont assises, par dérogation à l’assiette définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sur les éléments de rémunération mentionnés au III de l’article 17 de la loi du 9 août 2004 susvisée, comprenant les rémunérations, salaires et traitements attribués à titre principal aux salariés, notamment la gratification de fin d’année et les majorations versées en application des articles 9 et 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus (…) » ; qu’aux termes de l’article 4 de ce même décret : " I. – Les taux des cotisations à la charge des employeurs mentionnées aux (…) 6° (…) du I de l’article 1er du présent décret sont déterminés par la caisse afin d’assurer un équilibre entre les charges et les produits au cours de chaque exercice : / 1° Le montant dû par chaque employeur est calculé sur la base d’un taux, fixé pour chaque exercice, et appliqué à la masse salariale au sens du I de l’article 2 du présent décret acquittée par l’employeur au titre des salariés relevant du statut national des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus. Ce taux correspond au rapport entre le montant des charges du régime et celui de la masse salariale de l’ensemble des employeurs. Il intègre, le cas échéant, les prévisions d’évolution des charges au titre de l’exercice à venir, compte tenu, notamment, d’une modification des règles applicables ou de la démographie du régime ; / 2° En cas d’insuffisance de ressources, la caisse doit soit appeler une régularisation en cours d’exercice, soit augmenter les taux (…) » ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 212-1 du plan comptable général : « 1. Un passif est un élément du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l’entité, c’est-à-dire une obligation de l’entité à l’égard d’un tiers dont il est probable ou certain qu’elle provoquera une sortie des ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci. (…) / 2. Cette obligation peut-être d’ordre légal, réglementaire ou contractuel. (…) / 3. Le tiers peut-être une personne physique ou morale, déterminable ou non. / 4. L’estimation du passif correspond au montant de la sortie de ressources que l’entité doit supporter pour éteindre son obligation envers le tiers. 5. La contrepartie éventuelle est constituée des avantages économiques que l’entité attend du tiers envers lequel elle a une obligation. » ; qu’aux termes de l’article 213 de ce plan : « Une provision pour risques et charges est un passif dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé de façon précise. » ; qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l’entreprise ; que lorsque la nature des charges ou leurs caractéristiques interdisent de procéder autrement, elles peuvent faire l’objet d’une évaluation selon une méthode statistique à la condition que cette évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée et qu’elle prenne en compte notamment la probabilité de réalisation du risque lié à l’éloignement dans le temps ;

5. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, il ressort clairement des dispositions législatives et réglementaires citées au point 3., que la création de la CNIEG, organisme de sécurité sociale de droit privé doté de la personnalité morale, auxquels sont obligatoirement affiliés les personnels des industries électriques et gazières, n’a eu ni pour objet ni pour effet de transférer à cet organisme la responsabilité du financement des rentes AT/MP dues à ces personnels, lequel incombe à chaque employeur en vertu de son obligation de sécurité, mais de lui confier le soin d’évaluer et de collecter les sommes dues par chaque entreprise à ce titre, de leur fournir les éléments d’information nécessaires à l’évaluation de leurs engagements comptables et de servir les prestations à leurs bénéficiaires ; qu’à cet égard, il est d’ailleurs constant que la CNIEG ne dispose pas des capitaux de couverture nécessaires pour garantir les engagements correspondant au risque AT/MP généré par les employeurs concernés, lesquels, en vue de garantir l’équilibre du régime, sont tenus, en sus de leur cotisation initiale, non libératoire, de verser une cotisation supplémentaire en cas d’insuffisance de ressources constatée au titre d’un exercice ; qu’ainsi, alors que la CNIEG agit non pas comme un assureur du risque AT/MP, pour lequel elle ne constitue d’ailleurs elle-même aucune provision, mais comme un simple gestionnaire dont l’interposition est sans incidence sur l’obligation pesant sur chaque employeur envers ses salariés à l’égard desquels le risque s’est réalisé, les contributions versées à la Caisse ne peuvent être regardées que comme une modalité de financement de cette obligation, tant pour les rentes acquises avant la mise en place de la CNIEG que pour celles acquises postérieurement ; que peu importe à cet égard, la circonstance qu’en conséquence du mécanisme de péréquation prévu par le décret précité du 24 mars 2005, la contribution versée par chaque entreprise ne corresponde pas aux rentes versées à ses propres salariés mais repose sur un ratio de la masse salariale de chaque entreprise par rapport à la masse salariale de la branche dans son ensemble, étant, du reste, relevé qu’un tel ratio, représentatif du poids relatif de chaque société en termes d’effectif salarié, n’est pas étranger à l’objet et à la finalité du dispositif en cause ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l’administration fait valoir que les provisions litigieuses auraient été constituées en méconnaissance des normes comptables applicables dès lors que les cotisations versées à la CNIEG sont des charges normales de l’exercice au cours duquel elles sont devenues exigibles à raison de la fourniture effective d’un travail au cours de cet exercice ce qui ferait obstacle à la comptabilisation d’une provision au titre de cotisations d’exercices ultérieurs ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d’être dit qu’alors même que les cotisations versées annuellement par la société RTE à la CNIEG sont assises sur les rémunérations versées au cours de ladite année à ses salariés, elles visent à la libérer de son obligation, d’ordre légal, née au cours du ou des exercices antérieurs du fait de la survenance d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, de garantir le financement des droits acquis par les salariés concernés ; que cette obligation constitue ainsi un élément de passif existant à la clôture de chacun des exercices en litige mais dont l’échéance et le montant ne peuvent être fixés de manière certaine, de sorte que les provisions correspondantes ont été comptabilisées en conformité avec les prescriptions des articles précités 212-1 et 212-3 du plan comptable général ; qu’à cet égard, l’administration ne saurait utilement se prévaloir d’un avis de la compagnie nationale des commissaires aux comptes publié en décembre 2012 qui, outre qu’il n’a pas de force obligatoire et qu’il est relatif aux cotisations du régime général de sécurité sociale, est postérieur aux exercices en cause dans la présente espèce ;

7. Considérant, enfin, ainsi qu’il vient d’être dit, que le versement des salaires durant un exercice donné, dont le montant n’est que l’une des composantes permettant de liquider les cotisations, ne constitue pas le fait générateur de l’obligation de l’entreprise de contribuer au service des rentes en faveur des personnels en situation d’AT/MP laquelle, trouvant sa source dans la réalisation du risque, se rapporte donc aux opérations précédemment réalisées par l’entreprise en employant ces personnels ; qu’ainsi la probabilité de la charge – dont il est constant qu’elle est elle-même déductible – correspondant à cette obligation résulte de circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et se rattache aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l’entreprise ; que, par ailleurs, alors que n’est pas contestée la pertinence du calcul actuariel établi annuellement par la CNIEG afin de déterminer le montant total des engagements de l’ensemble des sociétés de la banche IEG, l’administration ne saurait sérieusement soutenir que les provisions litigieuses n’auraient pas été évaluées avec une approximation suffisante au motif que la contribution de la requérante ne dépendrait que du rapport de sa masse salariale sur la masse salariale totale de la branche, dès lors que ce mode de calcul, en lui-même très précis, est imposé par les dispositions législatives et réglementaires applicables au régime AT/MP des IEG ; que, de même, si le ministre soutient, de manière générale, que les provisions constituées par la société « ne peuvent tenir compte de la variation de la masse salariale susceptible de fluctuer au cours de la période de paiement des cotisations », cette simple éventualité, qui ne se réfère à aucun évènement en cours, ne fait pas obstacle à ce que les provisions litigieuses soient tenues pour justifiées à la date à laquelle elles ont été constituées dès lors que la société a calculé chacune de ces provisions en prenant en compte, comme elle y était tenue, l’étendue de ses obligations d’après la situation de fait et de droit existant à la date de clôture de l’exercice ; que, par suite, c’est par une exacte application des dispositions du 5° du 1. de l’article 39 du code général des impôts que le tribunal administratif a estimé que lesdites provisions étaient déductibles des résultats de la société RTE ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société EDF des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales, ainsi que des intérêts de retard y afférents, auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices 2005 et 2006 à raison de la remise en cause des provisions pour rentes futures d’accidents du travail et de maladies professionnelles comptabilisées par la société RTE ;

Sur les conclusions de la société EDF tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y pas lieu à cette condamnation » ;

10. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le paiement à la société EDF d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société EDF une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société EDF au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 14VE01123

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