Cour administrative d'appel de Versailles, 6e chambre, 12 décembre 2019, n° 17VE00325

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 6e ch., 12 déc. 2019, n° 17VE00325
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 17VE00325
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 28 novembre 2016, N° 1300793
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C A a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Linas à lui verser la somme de 101 677,65 euros en réparation des préjudices subis, sauf à parfaire, assortie des intérêts à la date de la demande préalable ainsi que leur capitalisation, et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300793 du 29 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête et les conclusions en appel en garantie présentées par la commune de Linas, ainsi que celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par les communes de Linas et de Verneuil-sur-Seine.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 janvier et 12 mai 2017, Mme A représentée par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement ;

2° de condamner la commune de Linas à lui verser la somme de 101 677,65 euros en réparation des préjudices subis, sauf à parfaire, augmentée des intérêts qui ont couru à compter de la demande préalable et les intérêts capitalisés à compter de la date d’anniversaire de cet événement et à chacune des échéances annuelles successives ;

3° de mettre à la charge la commune de Linas le versement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le jugement est irrégulier faute d’avoir visé et analysé l’ensemble des écritures des parties ;

— les premiers juges ont commis une erreur de droit, dès lors que si une décision retirée par l’administration devenue définitive ne peut plus être attaquée en excès de pouvoir, son illégalité peut néanmoins donner lieu à réparation sur le terrain indemnitaire ;

— elle peut obtenir la réparation des préjudices causés par la décision de retrait de la décision de mutation, quand bien même elle devrait être regardée comme ayant toujours appartenu aux effectifs de la commune de Verneuil-sur-Seine ;

— cette décision de retrait est entachée d’une illégalité fautive ;

— cette décision est entachée d’erreurs de droit et de fait et méconnaît le principe de la présomption d’innocence ;

— la mutation était constituée par la demande présentée par Mme A et l’accord des deux collectivités ;

— à titre principal, la décision de retrait est illégale, dès lors qu’elle retire une décision créatrice de droit légale ;

— à titre subsidiaire, la décision de retrait se borne à la décharger de ses fonctions, sans l’évincer des effectifs de la commune de Linas ;

— la commune de Linas ne l’a pas placée en situation administrative régulière et ne l’a pas rémunérée depuis le 10 février 2012 ;

— elle justifie de préjudices financiers, de santé et moraux, ainsi que des troubles dans les conditions d’existence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de procédure pénale ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. D,

— les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

— et les observations de Me B pour la commune de Verneuil-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir occupé, notamment, des fonctions de responsable des finances dans la commune de Luce (Eure-et-Loir) et de trésorière du comité des oeuvres sociales de cette commune, Mme A, fonctionnaire territoriale, a intégré le 1er août 2011 les services de la commune de Verneuil-sur-Seine (Yvelines) en qualité de rédacteur territorial en chef, afin d’assurer les fonctions de gestionnaire des finances municipales. Le 28 novembre 2011, Mme A, a sollicité une suspension de ses fonctions auprès de la commune de Verneuil-sur-Seine, puis a postulé auprès de la commune de Linas (Essonne) afin d’occuper le poste vacant de responsable des finances, par voie de mutation. A la suite d’un entretien professionnel du 5 décembre 2011, la commune de Linas a décidé de recruter Mme A, par voie de mutation, par décision en date du 14 décembre 2011. Par une décision du 11 janvier 2012, le maire de la commune de Verneuil-sur-Seine donnait son accord sur cette mutation, ainsi que sur la date de prise de fonctions. Mme A a pris ses fonctions à Linas le 30 janvier 2012. Parallèlement, Mme A était citée par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Chartres le 30 décembre 2011, puis condamnée par ce tribunal le 9 janvier 2012, pour abus de confiance commis dans l’exercice de ses précédentes fonctions auprès du comité des oeuvres sociales de la commune de Luce, à dix mois de prison avec sursis, sans inscription, à la demande de l’intéressée, de cette condamnation au bulletin n°2 du casier judiciaire, et condamnée à verser 41 480 euros aux parties civiles. Par lettre du 10 février 2012 adressée au maire de la commune de Verneuil-sur-Seine, le maire de la commune de Linas décidait, de ne plus donner suite à la procédure de recrutement de Mme A, refusait d’édicter un arrêté de mutation et l’informait de ce que Mme A devait reprendre ses fonctions dans ses services. Toutefois, par un courrier du 17 février 2012, la commune de Verneuil-sur-Seine refusait de donner suite à cette demande. Estimant que la commune de Verneuil-sur-Seine était redevenu son employeur, Mme A l’a saisi d’une première demande le 14 février 2012 de prise en charge d’un arrêt maladie. Cette demande était toutefois rejetée par la commune de Verneuil-sur-Seine, au motif qu’elle devait être regardée comme demeurant . Par la suite, les deux communes ont rejeté successivement les demandes de prise en charge pour maladie présentées par Mme A jusqu’en novembre 2013, en s’imputant mutuellement cette prise en charge. Par un premier recours administratif préalable formé le 13 septembre 2012, Mme A a demandé à la commune de Linas la réparation des préjudices causés par l’illégalité de sa décision de retrait du 10 février 2012. Ce recours était rejeté par décision du maire de cette commune le 28 novembre 2012. Par un second recours administratif préalable en date du 6 mars 2014, Mme A a sollicité auprès de la commune de Verneuil-sur-Seine, d’une part, l’indemnisation de l’ensemble des préjudices résultant des fautes commises à son encontre, d’autre part, son affectation sur un poste correspondant au grade de rédacteur principal au sein des services de la commune. Cette demande était rejetée par une décision implicite de rejet intervenue à l’expiration d’un délai de deux mois suivant sa réception par la commune.

2. Mme A relève appel du jugement n° 1300793 du 29 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Linas.

Sur la recevabilité des mémoires en défense présentées en appel par la commune de Linas :

3. La commune de Verneuil-sur-Seine fait valoir que les mémoires présentées par la commune de Linas seraient irrecevables, faute de justification d’une délibération du conseil municipal autorisant le maire de cette commune à ester en justice. Toutefois, la commune de Linas a produit une délégation permanente du conseil municipal en date du 8 avril 2014, autorisant le maire à ester en justice. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

4. Si Mme A soutient que le jugement est irrégulier faute d’avoir visé et analysé l’ensemble des écritures des parties, elle n’assortit ses moyens d’aucune précision permettant au juge d’appel d’en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. D’une part, vertu des règles générales applicables au retrait des actes administratifs, désormais codifiées notamment à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’auteur d’une décision individuelle expresse créatrice de droits ne peut légalement la rapporter, à la condition que cette décision soit elle-même illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise. En revanche, un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l’autorité compétente à tout moment.

6. D’autre part, aux termes de l’article 41 de la loi du 26 janvier 1984 n°84-53 susvisée « (..)L’autorité territoriale pourvoit l’emploi créé ou vacant en nommant l’un des candidats inscrits sur une liste d’aptitude établie en application de l’article 44 ou l’un des fonctionnaires qui s’est déclaré candidat par voie de mutation, de détachement, d’intégration directe ou, le cas échéant et dans les conditions fixées par chaque statut particulier, par voie de promotion interne et d’avancement de grade. (..) ». Aux termes de l’article 51 de cette loi : « Les mutations sont prononcées par l’autorité territoriale d’accueil. Sauf accord entre cette autorité et l’autorité qui emploie le fonctionnaire, la mutation prend effet à l’expiration du délai de préavis mentionné à l’article 14 bis du titre Ier du statut général.  ». Aux termes de l’article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 n°83-634 susvisée : « Hormis les cas où le détachement, la mise en disponibilité et le placement en position hors cadres sont de droit, une administration ne peut s’opposer à la demande de l’un de ses fonctionnaires tendant, avec l’accord du service, de l’administration ou de l’organisme public ou privé d’accueil, à être placé dans l’une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu’en raison des nécessités du service ou, le cas échéant, d’un avis d’incompatibilité rendu par la commission de déontologie au titre du I de l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Elle peut exiger de lui qu’il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. Ces dispositions sont également applicables en cas de mutation ou de changement d’établissement, sauf lorsque ces mouvements donnent lieu à l’établissement d’un tableau périodique de mutations. ».

7. Il résulte des dispositions précitées que la mutation externe d’un agent est subordonnée, d’une part, à l’accord entre l’agent public concerné et la collectivité d’accueil, d’autre part à une non opposition de la collectivité d’origine fondée sur les nécessités du service et, enfin, à l’écoulement d’un délai de trois mois entre la décision de la collectivité d’accueil de recruter l’agent, et la prise de fonctions de celui-ci, à moins que les deux collectivités ne parviennent à un accord sur une date d’effet anticipée. La décision par laquelle la collectivité d’accueil manifeste son accord à la mutation est une décision créatrice de droits au bénéfice de l’agent, qui, à l’exception de la fraude, ne peut être retirée que si elle est illégale et dans le délai de 4 mois suivant la date à laquelle elle a été prise.

8. Il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un entretien professionnel du 5 décembre 2011, la commune de Linas a accepté le 14 décembre 2011 de recruter par voie de mutation Mme A, alors affectée auprès de la commune de Verneuil-sur-Seine, sur le poste vacant de responsable des finances, sur lequel elle avait postulé. En outre, la commune de Verneuil-sur-Seine ne s’est pas opposée à cette mutation et a manifesté son accord pour une prise de poste anticipée auprès de la commune de Linas dès le 1er février 2012. Par suite, la mutation de Mme A dans les services de la commune de Linas a pris effet à compter de sa prise de fonctions le 1er février 2012. La décision du 10 février 2012 par laquelle la commune de Linas a déclaré ne pas donner suite au processus de recrutement en édictant un arrêté de mutation et a invité Mme A à reprendre ses fonctions auprès de la commune de Verneuil-sur-Seine, constitue une décision de retrait de la décision du 14 décembre 2011, par laquelle la commune de Linas avait accepté de la recruter par voie de mutation, ainsi que le soutient Mme A à titre principal. Cette décision ne saurait, ainsi, s’analyser, comme le soutient la commune de Verneuil-sur-Seine, comme une décision de licenciement, dès lors qu’elle n’emportait aucune éviction de la fonction publique.

9.Toutefois, si à la date de son entretien le 5 décembre 2011 puis du 14 décembre suivant , date à laquelle la commune de Linas a décidé de la recruter, Mme A n’avait pas été condamnée ni même citée par le procureur, elle savait qu’elle faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance portant sur des faits commis dans l’exercice de fonctions analogues à celles pour lesquelles elle a candidaté auprès de la commune de Linas et qui impliquaient que lui soient confiées des responsabilités dans la gestion des deniers publics communaux. Mme A a ainsi dissimulé une information essentielle à la commune de Linas, en vue d’obtenir son accord pour son recrutement par voie de mutation. Les principes du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence sont indépendants de la procédure de recrutement et, en tout état de cause, ne s’opposaient pas à ce qu’elle divulgue, tout au moins, l’existence d’une enquête pénale pour abus de confiance, concernant ses fonctions passées à Lucé. Dans ces conditions, alors que Mme A était tenue, en sa qualité d’agent public, de faire preuve de probité, elle doit être regardée comme ayant obtenu la décision du 14 décembre 2011 la recrutant, par fraude. Par suite, la commune de Linas pouvait retirer cette décision à tout moment. Il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à soutenir qu’en retirant, le 10 février 2012, sa décision du 14 décembre 2011 la commune de Linas aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

10. Mme A soutient, en outre, que dans l’hypothèse où la décision du maire de la commune de Linas du 10 février 2012 aurait seulement pour objet de prononcer la décharge de ses fonctions de responsable financier avec cessation complète de sa rémunération, la commune de Linas aurait commis une faute en s’abstenant de la placer dans une situation administrative régulière et en refusant de la rémunérer à compter du 10 février 2012. Toutefois, il résulte des motifs qui précèdent au point 9 que la décision en cause constitue une décision de retrait de son recrutement et que celle-ci est, au demeurant, devenue définitive. Par suite, Mme A n’est pas fondée à soutenir que la commune de Linas aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, faute de l’avoir placée dans une situation administrative régulière suite à une décharge de fonctions.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à se plaindre de ce par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre la commune de Linas.

Sur l’appel « en garantie » présenté par la commune de Linas :

12. Il résulte de ce qui précède que dès lors que les conclusions à fin d’indemnisation sont rejetées, il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence et sans qu’il soit besoin d’examiner leur recevabilité, les conclusions d’appel « en garantie » présentées par la commune de Linas.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Linas qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A et à la commune de Verneuil-sur-Seine une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces dispositions par la commune de Linas.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et en « appel en garantie » de la commune de Linas sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Verneuil-sur-Seine tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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