CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 22 juin 2020, 18VE02849, Inédit au recueil Lebon

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Mohamed Haj Taieb, Avocat Counsel En Droit Fiscal · CMS Bureau Francis Lefebvre · 12 novembre 2021

Dans un arrêt remarqué en matière de prix de transfert, le Conseil d'Etat réaffirme la nécessité de mener une analyse fonctionnelle fine et précise, laquelle ne peut se cantonner à l'opposition simpliste entre les concepts d'entrepreneur principal et d'entité « routinière ». Sur l'analyse fonctionnelle et la notion d'entrepreneur principal L'analyse de comparabilité est au cœur de l'application du principe de pleine concurrence qui repose sur une comparaison entre les conditions d'une transaction contrôlée et celles qui auraient été appliquées si les parties avaient été indépendantes …

 

CMS · 12 novembre 2021

Dans un arrêt remarqué en matière de prix de transfert, le Conseil d'Etat réaffirme la nécessité de mener une analyse fonctionnelle fine et précise, laquelle ne peut se cantonner à l'opposition simpliste entre les concepts d'entrepreneur principal et d'entité « routinière ». 1.Sur l'analyse fonctionnelle et la notion d'entrepreneur principal L'analyse de comparabilité est au cœur de l'application du principe de pleine concurrence qui repose sur une comparaison entre les conditions d'une transaction contrôlée et celles qui auraient été appliquées si les parties avaient été indépendantes et …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 1re ch., 22 juin 2020, n° 18VE02849
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 18VE02849
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 22 avril 2018, N° 1608939
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042091825

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Holding SKF France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Par un jugement n°1608939 du 23 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 août 2018, le 20 juin 2019 et le 28 avril 2020, le MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement attaqué ;

2° et de rétablir les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles la SAS Holding SKF France a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Il soutient que :

 – les premiers juges ont fait une inexacte application de l’article 57 du livre des procédures fiscales et se sont mépris sur la dévolution de la charge de la preuve ;

 – l’analyse fonctionnelle confirme le rôle d’entrepreneur principal des autres sociétés distributrices du groupe et de la société AB SKF Suède, les premières étant seules en rapport avec les clients finaux et la seconde fixant le niveau de prix intragroupe afin d’assurer une marge de 3% aux distributrices ;

 – la SAS SKF ne détient pas d’actif de valeur significatifs, tels que des brevets, et RKS n’est pas une marque déposée ;

 – sa rentabilité négative ne s’explique pas par la conjoncture ni par une contraction du volume de ses ventes dans les années en litige ;

 – la sas RKS n’étant pas un entrepreneur opérationnel, elle devait recevoir une juste rémunération résiduelle des produits qu’elle fabrique.

Les parties ont été informées, le 13 novembre 2018, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce qu’il n’appartient pas au juge de l’impôt de connaitre de conclusions tendant à l’annulation de la décision portant rejet de la réclamation préalable d’un contribuable.

Vu les pièces du dossier ;

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – les articles 7 et 12 de l’ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

 – le code de justice administrative.

En application de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d’une audience partiellement dématérialisée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. A… ;

 – les conclusions de Mme Méry, rapporteur public ;

 – et les observations de Me Desoubries, avocat, pour la Sas SKF.

Considérant ce qui suit :

1. Le MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement n° 1608939 du 23 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations à l’impôt sur les sociétés, auxquelles la société Holding SKF France a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

2. Aux termes de l’article 57 du code général des impôts : « Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une entreprise ou d’un groupe possédant également le contrôle d’entreprises situées hors de France. (…) ». Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d’autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s’explique par la situation différente de ces clients, l’administration doit être regardée comme établissant l’existence d’un avantage qu’elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l’entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes.

3. En premier lieu, il est constant que la société AB SKF Suède détient indirectement la totalité du capital de la société SKF Holding France, laquelle est l’unique associé de la société RKS et le redevable des impôts sur les bénéfices en France en application des articles 223 et suivants du code général des impôts. Ainsi, l’administration établit que cette dernière société est sous la dépendance, au sens des dispositions précitées de l’article 57 du code général des impôts, de la société AB SKF Suède, société-mère du groupe suédois SKF, lui-même leader mondial en matière de conception et de fabrication de roulements.

4. En deuxième lieu, lors de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et 2010, l’administration a d’abord constaté que la société RKS présentait un taux de marge net négatif depuis 2005, sauf en 2008. Se livrant ensuite à une analyse fonctionnelle du groupe suédois, elle a estimé, dans ses propositions de rectification des 20 décembre 2012 et 31 juillet 2013, que la contribuable n’était pas l’entrepreneur principal de ce groupe, et qu’elle n’était donc pas susceptible, à raison de risques attachés à cette qualité, de recevoir une rémunération négative. Enfin, dans les mêmes propositions de rectification, elle a inféré des transactions réalisées avec des entreprises indépendantes par huit entreprises qu’elle estimait comparables à la société RKS, que cette dernière aurait dû bénéficier d’un taux médian de marge nette de 2,33 % en 2009 et de 2,62 % en 2010. Pour ce faire, elle a appliqué la méthode MTMN qui détermine, à partir d’une base appropriée, la marge nette réalisée par la contribuable au titre d’une transaction contrôlée, et compare cette marge nette à celle réalisée par les entreprises comparables dans le cadre de transactions portant sur des produits achetés et revendus entre parties indépendantes. Au vu de éléments ainsi réunis par l’administration et faute de toute critique des titres de comparaison sur lesquels elle s’est fondée, il appartient à la société SKF Holding France de rapporter la preuve que sa filiale, la société RKS, n’a pas procédé à un transfert de bénéfices, au sens des dispositions précitées de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, vers d’autres filiales du groupe suédois situées dans d’autres Etats.

5. En troisième lieu, pour justifier de la marge nette négative de la société RKS depuis 2005, alors même que le résultat consolidé du groupe variait entre 6 et 14 % dans le même temps, la société SKF Holding France argue de l’étroitesse du marché de cette productrice de roulements sur mesure de très grandes dimensions à destination de l’industrie civile et militaire, du faible nombre de ses clients, quinze tout au plus, et de sa grande dépendance aux matières premières, notamment à l’acier, qui se sont appréciées au cours de la période. Toutefois, l’administration relève que les achats de matières premières de la société RKS ont été stables, et que ses ventes n’ont pas subi de baisse en volume sauf en ce qui concerne les produits destinés aux éoliennes. Ainsi, c’est au niveau de ses prix, résultant du barème fixé chaque mois par la société-mère suédoise qu’est due la chute du taux de marge de la société RKS, et non à une conjoncture défavorable et à une contraction consécutive de son chiffre d’affaires.

6. En quatrième lieu, la société SKF Holding France soutient que le schéma économique de la société RKS est de type « business-to-business » et que, en pareil cas, la qualité des produits importe plus que la relation avec les clients et la fonction marketing. Elle se prévaut de l’expertise de plus de 80 ans en la matière de sa filiale et de ses produits très spécifiques, à destination du génie civil (tunneliers, mines, grandes structures éoliennes) et militaire (tourelles de chars de combat). Pour autant, la requérante n’établit pas que la société RKF qui ne participe pas à l’accord de répartition de coûts, participe aux frais de recherche et de développement du groupe, en se bornant à soutenir qu’elle bénéficie d’un crédit impôt recherche. De même, n’ayant pas fait état de concessions, brevets, droits similaires dans ses déclarations de résultats et ayant tenu des propos contradictoires à ce sujet au cours de la procédure de contrôle et dans ses écritures, la société RKS ne rapporte pas la preuve qu’elle détient de tels actifs immatériels, qui caractérisent l’entrepreneur principal dans un secteur industriel. S’agissant des marques, à supposer qu’elles soient un déterminant d’achat dans une relation « business-to-business », RKS n’est pas une marque déposée, ni ne compte parmi les marques que le groupe SKF met en avant sur ses sites Internet. De plus, il ne résulte ni de ses correspondances avec les sociétés distributrices du groupe (business unit) ni de son registre de visites qui ne mentionne que du personnel de ces business units, ni enfin d’une fiche de poste faisant état de relations avec les clients, que la société RKS apporterait plus qu’un soutien technique sur demande aux business units. En raison de la structuration du groupe, qui repose sur ces unités implantées dans les régions où se trouvent les clients finaux, et de la réalisation de 90 % du chiffre d’affaires de la société RKS avec ces unités, il résulte ainsi de l’instruction qu’elle n’exerce pas la fonction commerciale . Enfin, si elle dispose d’actifs corporels et si sa maîtrise technique est sans équivalent dans les roulements de grandes tailles, ces atouts industriels ne révèlent pas à eux seul un rôle directeur dans le groupe SKF. En tout état de cause, les écritures de la société SKF Holding France ne permettent pas davantage de déterminer si sa filiale assume des risques dépassant ceux d’une unité de production disposant d’un avantage technique significatif. Il s’ensuit qu’elle ne peut être tenue pour l’entrepreneur principal du groupe, ni justifier ainsi sa rentabilité négative au cours des exercices en litige. Par voie de conséquence, c’est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce rôle d’entrepreneur principal pour écarter les transferts de bénéfices opérés en faveur des business units et prononcer la décharge des cotisations à l’impôt sur les sociétés en litige.

7. Il résulte de ce qui précède qu’en l’absence d’autres moyens soulevés tant en première instance qu’en appel par l’intimée, le MINISTRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles la société Holding SKF France a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, et à obtenir le rétablissement de ces impositions. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par la société Holding SKF France sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n°1608939 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 23 avril 2018 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles la société Holding SKF France, a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des exercices clos en 2009 et 2010, sont remises à la charge de cette dernière.

Article 3 : Les conclusions de la société Holding SKF France sont rejetées.

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N°18VE02849

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