CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 3 février 2022, 19VE01478, Inédit au recueil Lebon

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 5e ch., 3 févr. 2022, n° 19VE01478
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 19VE01478
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 21 février 2019, N° 1504440
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045123246

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Somma Frères a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la communauté d’agglomération Sénart Val de Seine à lui verser la somme de 56 419,80 euros HT au titre du lot n° 1 du marché de construction d’un espace jeunesse intercommunal dans le quartier de la prairie de l’Oly à Vigneux-sur-Seine.

Par un jugement n° 1504440 du 22 février 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 21 avril 2019, 14 juin 2021 et 19 juillet 2021, la société Somma Frères, représentée par Me Godard, avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler le décompte de liquidation du marché et d’enjoindre à la communauté d’agglomération Val d’Yerres Val-de-Seine d’établir un nouveau décompte de liquidation ;

3°) de condamner la communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine à lui verser la somme de 56 419,80 euros HT ou, à titre subsidiaire, la somme de 36 419,80 euros HT ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine le versement de la somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le jugement attaqué est fondé sur des éléments de fait erronés alors que l’administration est réputée, faute d’avoir produit un mémoire en défense, avoir acquiescé aux faits en vertu de l’article R. 612-6 du code de justice administrative ;

 – il est entaché d’erreur de droit en ce qu’il écarte l’application de l’article 7.1.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;

 – contrairement aux exigences de l’article 7.1.1 du CCAP, les retards ne sont pas mentionnés dans les comptes rendus de chantier et les décomptes mensuels dont les pénalités auraient dû être immédiatement déduites ;

 – les pénalités pour retard dans les travaux sur les appuis de baies, le plancher local chaudière et la reprise des tableaux des baies ne sont pas justifiées ; en outre, les conditions posées par l’article 7.1.2. du CCAP ne sont pas remplies, dès lors qu’elle a achevé les travaux dans le délai d’exécution propre à son lot ;

 – aucun retard n’a été constaté pour la remise de l’étude exécution béton, pour l’étude réseaux enterrés et pour la réponse au bureau de contrôle sur les fondations ;

 – elle n’encourt pas de pénalités pour absence aux réunions, le titulaire pouvant être dégagé de son obligation de présence par le maître d’œuvre ou l’entreprise chargée de l’ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) conformément aux stipulations de l’article 7.1.2 f) du CCAP ; elle était présente à toutes les réunions auxquelles elle était convoquée à l’exception de trois réunions à compter d’octobre 2012 compte tenu de la dégradation de ses relations avec le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage ; elle avait réalisé tous les travaux qu’elle était en mesure de réaliser ; ces pénalités n’étaient pas mentionnées aux décomptes mensuels ; elle ne peut être sanctionnée pour son absence aux réunions auxquelles elle a été seulement invitée et qui plus est excusée ;

 – aucune retenue n’est due au titre de l’aspect esthétique des façades ; la maîtrise d’œuvre a été alertée sur les contraintes techniques de pose du béton désactivé ; le maître d’œuvre a dû passer deux marchés pour remédier à ce désordre ; le devis de la seconde entreprise ne lui a pas été transmis et ne constitue pas une facture ; le chiffrage n’est pas justifié ;

 – le montant de la retenue au titre du marché de substitution n’est pas justifié ; il n’est pas établi que la procédure de passation de ce marché ait respecté les dispositions du code des marchés publics ; le décompte de ce marché est raturé et ne distingue pas entre le lot n°1 et le lot n°4 ; les prix du marché de substitution, très supérieurs aux siens, sont disproportionnés ;

 – la résiliation pour faute du marché n’est pas justifiée ; elle a subi un préjudice s’élevant à la somme de 56 419,80 euros HT dont 40 000 euros de préjudice d’image.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

—  l’arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

—  le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tavares-Lemire, pour la communauté d’agglomération du Val d’Yerres Val de Seine.

Considérant ce qui suit :

1. La société Somma Frères relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 22 février 2019 rejetant sa demande tendant à la condamnation de la communauté d’agglomération Sénart Val de Seine, aux droits de laquelle vient la communauté d’agglomération du Val d’Yerres Val de Seine (CAVYVS), à lui verser la somme de 56 419,80 euros HT au titre du lot n° 1 du marché de construction d’un espace jeunesse intercommunal dans le quartier de la prairie de l’Oly à Vigneux-sur-Seine, résilié pour faute à ses frais et risques par une décision du 7 janvier 2013.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 612-6 du code de justice administrative : « Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n’a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ».

3. Il résulte de ces dispositions que la partie défenderesse ne peut être réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant que si elle a été préalablement mise en demeure de produire un mémoire. En l’espèce, aucune mise en demeure n’ayant été adressée à la communauté d’agglomération Sénart Val de Seine, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir, alors même que la communauté d’agglomération n’a produit aucun mémoire en défense, que le tribunal administratif aurait méconnu ces dispositions faute d’avoir constaté son acquiescement aux faits.

4. En second lieu, si la société Somma Frères soutient que le jugement attaqué est entaché d’erreur de droit en ce qu’il écarte l’application des stipulations de l’article 7.1.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), ce moyen se rattache au raisonnement suivi par le tribunal administratif et est sans incidence sur la régularité de sa décision.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne les modalités d’application des pénalités :

5. En vertu de l’article 18 du CCAP du marché litigieux, l’article 7 de ce cahier déroge à l’article 20.1 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux (CCAG Travaux). Aux termes de l’article 7.1.1 de ce CCAP : « Par dérogation à l’article 20 du CCAG, l’application des pénalités ou retenues, toutes cumulables, sera effectué par précompte sur les décomptes mensuels de l’entreprise (…) L’ensemble des pénalités sont immédiatement déductibles des situations mensuelles du titulaire (…) Par ailleurs, le maître de l’ouvrage se réserve le droit de cumuler les pénalités provisoires en les transformant en pénalités définitives au moment de l’établissement du décompte final, ou de les réduire en partie ou totalement, notamment sur proposition du maître d’œuvre (…) ». Aux termes des stipulations du a de l’article 7.1.2 de ce CCAP relatives aux pénalités pour retard dans les délais de travaux : « (…) Le » retard « correspond à tout manquement constaté du titulaire à ses engagements et porté au procès-verbal des rendez-vous de chantier (…) Le compte des pénalités sera mis à jour mensuellement avant l’établissement des décomptes mensuels. / Les pénalités encourues par l’entreprise seront portées au compte des pénalités suivant proposition et feront l’objet de retenues provisionnelles sur les situations de travaux (…) ».

6. En premier lieu, il résulte des comptes rendus de chantier figurant au dossier, notamment du compte rendu de la réunion du 18 juin 2012 , que contrairement à ce que soutient la société Somma Frères, ses retards à exécuter certains travaux y ont été expressément mentionnés, conformément aux stipulations précitées de l’article 7.1.2 du CCAP du marché litigieux.

7. En second lieu, si les pénalités mises à la charge de la société Somma Frères dans le décompte de liquidation qui lui a été adressé n’ont pas fait l’objet d’un précompte sur les décomptes mensuels de l’entreprise ou de retenues provisionnelles sur les situations de travaux, cette circonstance est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de ces pénalités.

En ce qui concerne les pénalités pour retard dans les délais de travaux :

8. Il résulte de l’instruction que des pénalités de retard dans les délais de travaux, s’élevant à la somme de 6 832 euros pour les appuis de baies, 11 590 euros pour le plancher local chaudière et 1 220 euros pour la reprise des tableaux de baies, ont été inscrites au débit du titulaire dans le décompte de liquidation du marché adressé à la société Somma Frères.

9. En premier lieu, il résulte de l’instruction que, par un ordre de service n° 4 du 31 mai 2012 reçu le 4 juin, le maître d’œuvre a demandé à la société Somma Frères de réaliser les appuis de baies dans un délai d’une semaine. Dans sa mise en demeure du 19 juillet 2012, la communauté d’agglomération a refusé de prendre en compte les observations de la société Somma Frères formulées dans son courrier du 28 juin 2012, estimant qu’il lui appartenait de proposer les documents nécessaires à la réalisation de l’ouvrage conformément aux stipulations du CCTP et en cohérence avec son chiffrage. Toutefois, dans son courrier du 24 juillet 2012, la société Somma Frères a indiqué être toujours dans l’attente de cotes manquantes pour la réalisation des ouvrages. Dans un courriel du 1er août 2012, la société Somma Frères a informé le maître d’œuvre de la réalisation des appuis de baies avec une hauteur de réservation d’un mètre conformément à ses instructions du 30 juillet 2012. Les travaux ayant été effectués le 2 août 2012 et la société Somma Frères n’ayant reçu l’accord du maître d’œuvre que le 30 juillet 2012, aucun retard susceptible de justifier l’application de pénalités ne peut être retenu en ce qui concerne la réalisation des appuis de baies.

10. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que, par un ordre de service n° 5 du 31 mai 2012, le maître d’œuvre a demandé à la société Somma Frères de transmettre le plan d’exécution du plancher du local chaudière en décaissé par rapport au niveau général du bâtiment dans un délai d’une semaine, ce plancher devant être lui-même réalisé dans un délai d’une semaine après validation du plan d’exécution. Toutefois, dans son courrier du 24 juillet 2012, la société Somma Frères a indiqué avoir établi elle-même une proposition de plan de conception de fondation pour la chaufferie et a sollicité sa validation afin de réaliser le plan d’exécution. Dans ces conditions, le retard mis par la société Somma Frères pour proposer un plan d’exécution du plancher du local chaudière doit être regardé comme étant imputable à l’absence de données sur l’altimétrie et les différences de niveaux qui devaient lui être fournies. Les travaux ayant été effectués le 6 septembre 2012 et le plan d’exécution ayant été validé par l’architecte le 29 août 2012, aucun retard n’est imputable à la société Somma Frères pour ces travaux.

11. Enfin, il résulte de l’instruction que, par un ordre de service n° 9 du 25 juillet 2012, le maître d’œuvre a demandé à la société Somma Frères de reprendre les tableaux de baies en béton désactivé et de les réaliser en béton lisse pour la fixation des menuiseries. Cet ordre de service a été refusé par la société Somma Frères comme n’étant pas conforme aux stipulations du marché. Par un ordre de service n° 12 du 12 septembre 2012, reçu le 19 septembre, le maître d’œuvre a demandé à la société Somma Frères de reprendre les tableaux de baies en béton lisse sur une largeur de 7 cm dans un délai de 10 jours. La société Somma Frères a répondu le 20 septembre en indiquant que ces travaux impliquaient une augmentation du délai global du chantier de deux semaines. Les travaux de reprise ayant été achevés le 5 octobre 2012 et l’administration ne contestant pas que l’entreprise a bénéficié de ce délai supplémentaire lui permettant de résorber son retard, aucune pénalité n’est imputable à la société Somma Frères en ce qui les concerne.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Somma Frères est fondée à soutenir que c’est à tort que les pénalités susvisées pour retard dans les délais de travaux ont été inscrites au décompte de liquidation de son marché.

En ce qui concerne les pénalités pour retard de remise de documents :

13. Aux termes du d) de l’article 7.1.2 du CCAP du marché litigieux relatif aux pénalités pour retard de remise de documents divers, échantillons et prototypes : « En cas de retard dans la remise des échantillons, notices techniques, procès-verbal (PV) d’agrément ou prototypes, nécessaires aux études, à l’ordonnancement ou à la coordination des travaux (plans d’exécution, notes de calculs, fiches techniques, études de détail, document nécessaires à la synthèse, planning etc.), à fournir par le titulaire dans les délais fixés par la maîtrise d’ouvrage, le titulaire encourt par dérogation à l’article 20.1 du CCAG, une pénalité de 300 euros HT par jour calendaire de retard ». Aux termes du e) du même article relatif aux pénalités pour retard de remise des documents d’exécution : « En cas de retard dans la remise des plans et autres documents d’exécutions à fournir par le titulaire (conformément à l’article 29 du CCAG) dans les délais indiqués au calendrier détaillé d’exécution éventuellement modifié, le titulaire encourt, par dérogation à l’article 20.1 du CCAG, une pénalité de 300 euros HT par jour calendaire de retard ».

14. En premier lieu, il résulte de l’instruction, en particulier du compte-rendu de la réunion de chantier du 23 avril 2012, que les plans d’exécution devaient être transmis au maître d’œuvre, à l’entreprise chargée de l’ordonnancement, du pilotage et de la coordination et au bureau de contrôle sous forme informatique et papier au plus tard le 8 mars 2012. Il résulte de ce compte-rendu et il n’est pas sérieusement contesté par la société Somma Frères qu’elle n’a transmis les plans d’exécution béton que le 20 avril 2012. Compte tenu de ce retard, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort qu’une pénalité d’un montant total de 8 100 euros correspondant à un retard de 27 jours a été inscrite au débit du titulaire dans le décompte de liquidation du marché. Elle ne peut utilement, pour contester l’application de cette pénalité, se prévaloir de la circonstance que ce retard n’aurait eu aucune incidence sur les travaux eux-mêmes ou que ces pénalités n’ont pas fait l’objet d’une retenue en cours d’exécution des travaux.

15. En deuxième lieu, si la société Somma Frères fait valoir qu’elle a transmis les plans des réseaux enterrés le 3 avril 2012, il n’est pas sérieusement contesté que le maître d’œuvre a transmis ses remarques le 4 avril 2012 et lui a demandé de remettre une nouvelle version dans les meilleurs délais. D’ailleurs, le compte rendu de la réunion de chantier du 23 avril 2012 a rappelé à l’entreprise la nécessité de remettre ces documents. Les plans corrigés remis le 4 mai 2012 ayant suscité de nouvelles remarques le 4 mai 2012, il n’est pas sérieusement contesté que la société Somma Frères a remis la version définitive de ces documents le 15 mai 2012. Par suite, alors même que les travaux sur les réseaux enterrés auraient été effectués entre le 15 avril et le 19 avril 2012, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort qu’une pénalité d’un montant total de 16 800 euros correspondant à un retard de 56 jours a été inscrite au débit du titulaire dans le décompte de liquidation du marché.

16. Enfin, il résulte de l’instruction que, par un ordre de service n° 8 du 5 juin 2012, le maître d’œuvre a demandé à la société Somma Frères de fournir des éléments de réponse au bureau de contrôle concernant la position du ru de l’Oly sur plan et en altimétrie. Il n’est pas établi que les documents antérieurement transmis par la société Somma Frères comportaient ces données. D’ailleurs, le bureau de contrôle indique être dans l’attente de la transmission de ces éléments dans sa liste récapitulative des observations en cours du 2 juin 2012 et dans son bordereau récapitulatif d’examen de documents du 24 octobre 2012. Ce retard est confirmé par le courrier adressé par la communauté d’agglomération à la société Somma Frères le 26 octobre 2012. Il n’est pas sérieusement contesté que ces données ont finalement été fournies le 13 novembre 2012. Par suite, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort qu’une pénalité d’un montant total de 18 900 euros correspondant à un retard de 63 jours a été inscrite au débit du titulaire dans le décompte de liquidation du marché.

En ce qui concerne les pénalités pour absences aux rendez-vous de chantier :

17. Aux termes du f) de l’article 7.1.2 du CCAP du marché litigieux relatif aux pénalités pour retard aux rendez-vous de chantier, réunion d’étude, de coordination, de visite de chantier : « Les comptes rendus de chantier valent convocation du titulaire. Les rendez-vous de chantier, de réunion d’étude, de coordination et / ou visite de chantier sont fixés par le maître d’œuvre. En cas d’absence à la réunion de chantier, sauf s’il est dégagé de cette obligation par le maître d’œuvre ou l’OPC, le titulaire encourt une pénalité fixée à 150 euros HT pour absence ou pour retard supérieur à une demi-heure (…) ».

18. Il résulte de l’instruction que la société Somma Frères a été absente lors des réunions de chantier des 11, 18 et 25 juin 2012, 9, 16 et 23 juillet 2012, 8, 15 et 22 octobre 2012 et 12 novembre 2012. Il n’est pas établi qu’elle aurait été dégagée de son obligation d’être représentée lors de ces réunions par le maître d’œuvre ou l’OPC. Si les mentions des feuilles de présence produites par la société Somma Frères font apparaître qu’elle aurait été seulement invitée et non convoquée lors de certaines réunions, ces mentions ne suffisent pas à établir que sa présence lors des réunions où elle était seulement invitée était facultative. Dans ces conditions, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort qu’une pénalité d’un montant total de 1 500 euros a été inscrite au débit du titulaire dans le décompte de liquidation du marché compte tenu de son absence injustifiée à dix réunions de chantiers. Est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de cette pénalité la circonstance qu’elle n’a pas été mentionnée dans les décomptes mensuels de l’entreprise.

Sur la réfaction au titre de l’aspect esthétique des façades :

19. Il résulte de l’instruction, en particulier du rapport d’expertise judiciaire du 6 janvier 2018, que les voiles des façades en béton désactivé réalisés par la société Somma Frères présentent un aspect non homogène. Pour remédier à cette malfaçon, la communauté d’agglomération a prévu une tranche conditionnelle dans le marché de substitution ayant pour objet de réaliser un lavage haute pression de l’ensemble des voiles en béton désactivé et d’appliquer une lasure minérale mate pour béton à double liant sol-silicate. Les essais réalisés avant l’affermissement de cette tranche conditionnelle s’étant avérés inefficaces pour résorber ce désordre esthétique, la communauté d’agglomération a sollicité un devis de reprise des façades auprès d’une autre entreprise. Dans le décompte de liquidation adressé à la société Somma Frères, une réfaction d’un montant de 31 050,43 euros TTC, correspondant au montant de ce devis, a été appliquée.

20. En premier lieu, ce devis de reprise des façades figure dans les pièces jointes au mémoire en défense de la communauté d’agglomération. Ainsi, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que ce devis ne lui a jamais été transmis et qu’elle n’a pas eu la possibilité d’apprécier son contenu.

21. En deuxième lieu, si les essais réalisés dans le cadre du marché de substitution conclu par la communauté d’agglomération pour achever les travaux initialement confiés à la société Somma Frères n’ont pas permis d’affermir la tranche conditionnelle visant à la réparation des désordres affectant l’aspect esthétique des façades, cette circonstance n’a cependant pas déchargé cette dernière de son obligation de livrer des ouvrages conformes aux spécifications techniques de son propre marché. Ainsi, la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que l’entreprise ayant conclu le marché de substitution avec la communauté d’agglomération devrait supporter les conséquences des malfaçons affectant les façades qu’elle a elle-même réalisées. En outre, alors même que la société Somma Frères a alerté le maître d’œuvre de cette difficulté lors de l’exécution des travaux, cette circonstance ne suffit pas à la décharger de sa propre responsabilité dans l’exécution des travaux qui lui ont été confiés.

22. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société Somma Frères, il résulte du CCTP du marché litigieux, en particulier de son article 1.2.1 que « la granulométrie des bétons et leur consistance devront être adaptés aux ouvrages réalisés afin d’obtenir une parfaite exécution ». Il lui incombait ainsi de réaliser des voiles en béton désactivé comportant un aspect homogène. D’ailleurs, dans son rapport d’expertise précité, l’expert indique notamment que « la demande d’unifier l’esthétisme du bâtiment construit en 2012, apparaît donc légitime et ne constitue pas un enrichissement sans cause ».

23. Enfin, à supposer même que les désordres affectant l’aspect esthétique des façades proviennent de la qualité des produits qui ont été livrés, cette circonstance ne suffit pas à décharger la société Somma Frères de sa propre responsabilité dans l’exécution des travaux qui lui ont été confiés.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Somma Frères n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort qu’une réfaction correspondant aux travaux de reprise des façades a été inscrite dans le décompte de liquidation de son marché.

Sur la disproportion des prix du marché de substitution :

25. La société Somma Frères, qui ne conteste pas que le marché de substitution conclu par la communauté d’agglomération pour l’achèvement des travaux a fait l’objet des mesures de publicité requises, soutient qu’il n’est pas justifié que la procédure de passation a respecté les dispositions du code des marchés publics alors en vigueur. Elle fait valoir en outre que le décompte général du marché de substitution est raturé et que les prestations des deux lots résiliés n’étant pas distinguées, les éléments qu’il comporte sont difficiles à analyser et contestables. Elle indique enfin que les prix du marché de substitution sont largement supérieurs à ceux prévus dans son propre marché.

26. Toutefois, la communauté d’agglomération soutient, sans être contestée, que le marché de substitution a fait l’objet d’une consultation régulière et que l’offre économiquement la plus avantageuse a été retenue. En tout état de cause, à supposer même que la procédure d’attribution du marché de substitution ait comporté une irrégularité, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la possibilité laissée au pouvoir adjudicateur d’inclure au débit du titulaire du décompte de liquidation, le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d’un marché aux frais et risques du titulaire. Au surplus, la société Somma Frères ne conteste pas que le marché de substitution lui a été transmis pour information.

27. Par ailleurs, si le décompte du marché de substitution transmis à la société Somma Frères est raturé, le montant inscrit en marge ne diffère que légèrement de celui imprimé dans la case prévue à cet effet et le montant total du décompte inscrit en marge ne diffère que de deux cents euros environ par rapport au montant imprimé sur ce document. En outre, le montant du marché figurant dans ce décompte correspond à celui de l’acte d’engagement, le montant d’un avenant ayant été ajouté. La société Somma Frères n’apporte aucune précision quant à l’existence d’une disproportion des prix du marché de substitution au regard des prestations qu’il prévoit. D’ailleurs, s’il est soutenu que les prix du marché de substitution sont supérieurs à ceux de la société Somma Frères, cette différence peut se justifier par les contraintes liées à la reprise de travaux en cours. Enfin et en tout état de cause, il ressort du décompte de liquidation adressé à la société Somma Frères que l’indemnité mise à sa charge au titre du marché de substitution s’est élevée à seulement 590,38 euros. Ainsi, aucune disproportion n’est caractérisée.

Sur le bien-fondé de la décision de résiliation :

28. Aux termes de l’article 46.3.1 du CCAG travaux applicable au marché litigieux : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (…) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l’article 48, ne s’est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l’objet d’une constatation contradictoire et d’un avis du maître d’œuvre, et si le titulaire n’a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l’exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s’appliquent (…) « . Aux termes de l’article 48.2 du même CCAG : » Si le titulaire n’a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée ".

29. La société Somma Frères soutient que la résiliation pour faute de son marché n’est pas justifiée et qu’elle est ainsi fondée à demander réparation des préjudices résultant de cette résiliation.

30. Toutefois, il résulte de ce qui précède la société Somma Frères a remis avec retard certains documents nécessaires à l’exécution des travaux. Ces retards ne sont pas justifiés. La société Somma Frères a également été absente à plusieurs réunions de chantier sans être préalablement excusée. Il résulte également de l’instruction que sept mises en demeure lui ont été adressées depuis le début de l’opération en raison de manquements graves à ses obligations contractuelles, en particulier sur l’aspect esthétique des façades. Dans ces conditions, la société Somma Frères ne s’étant pas acquittée de ses obligations dans les délais contractuels, elle n’est pas fondée à soutenir que la décision de résilier ce marché à ses frais et risques n’est pas justifiée. Par suite, les conclusions de la société Somma Frères tendant à la réparation de ses préjudices résultant de cette décision de résiliation doivent être rejetées.

31. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, sans qu’il y ait lieu d’annuler le décompte de liquidation et d’enjoindre à l’administration d’établir un nouveau décompte, la société Somma Frères est seulement fondée à demander que le solde du décompte de liquidation de son marché, établi par l’administration à la somme de 106 903,47 euros, soit ramené, après déduction des pénalités pour retard dans l’exécution des travaux appliquées à tort, à la somme de 87 261,47 euros et à demander la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.

Sur les frais liés à l’instance :

32. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Somma Frères, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à la CAVYVS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la CAVYVS le versement à la société Somma Frères de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :

Article 1er : Le décompte de liquidation du lot n° 1 du marché de construction d’un espace jeunesse intercommunal dans le quartier de la prairie de l’Oly à Vigneux-sur-Seine est ramené à la somme de 87 261,47 euros en faveur de la CAVYVS.

Article 2 : Le jugement n° 1504440 du tribunal administratif de Versailles du 22 février 2019 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La CAVYVS versera la somme de 2 000 euros à la société Somma Frères au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Somma Frères est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la CAVYVS tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 19VE01478

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 3 février 2022, 19VE01478, Inédit au recueil Lebon