Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 17 juillet 1984, 83-92.333, Publié au bulletin
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
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Les appels téléphoniques anonymes et réitérés perturbant la vie familiale du destinataire constituent une voie de fait au sens de l’article R. 38-1° du Code pénal (1). Leur enregistrement, à la diligence du destinataire, afin de permettre l’identification de l’auteur de cette contravention, ne présente pas le caractère d’une atteinte à l’intimité de la vie privée de l’auteur desdits appels (2). Il n’est pas contraire aux droits de la défense de les utiliser pour identifier celui-ci.
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Sur la décision
Référence : | Cass. crim., 17 juill. 1984, n° 83-92.333, Bull. crim., 1984 N° 259 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 83-92333 |
Importance : | Publié au bulletin |
Publication : | Bulletin criminel 1984 N° 259 |
Décision précédente : | Cour d'appel de Bordeaux, 27 avril 1983 |
Dispositif : | Rejet |
Date de dernière mise à jour : | 4 novembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000007062809 |
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Sur les parties
- Président : Pdt. M. Ledoux
- Rapporteur : Rapp. M. Zambeaux
- Avocat général : Av.Gén. M. Dontenwille
Texte intégral
REJET du pourvoi formé par D…, contre un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 28 avril 1983, qui l’a condamné pour voie de fait et violences légères, à 800 francs d’amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 368 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré que l’infraction d’atteinte à l’intimité de la vie privée de la partie civile n’était pas établie,
« aux motifs qu’il n’est pas prouvé que le demandeur avait téléphoné d’un endroit privé et qu’il n’est pas exclu que ses communications téléphoniques aient été données à partir de son bureau ; qu’en procédant à l’enregistrement litigieux, les époux T… n’ont pas eu l’intention de vouloir volontairement porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, mais seulement se réserver un moyen de preuve supplémentaire,
« alors que, d’une part, le délit d’atteinte à la vie privée est constitué dès lors que l’enregistrement clandestin émane, non seulement du domicile, mais aussi d’un bureau dans une entreprise ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel n’a pu écarter l’incrimination d’atteinte à la vie privée en relevant que le demandeur avait pu téléphoner de son bureau et a ainsi violé l’article 368 du Code pénal,
« alors, d’autre part, que le simple fait de réaliser volontairement, au moyen d’un appareil quelconque, l’enregistrement des propos tenus en un lieu privé, par une personne sans le consentement de celle-ci, constitue le délit d’atteinte à la vie privée ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel qui a expressément constaté que les époux T… avaient, à l’aide d’un magnétophone, procédé à l’enregistrement de communications téléphoniques échangées entre eux et un tiers n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient nécessairement en refusant d’y relever l’infraction à l’article 368 du Code pénal" ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles R. 38 paragraphe 1er du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de la loyauté qui s’impose aux juges dans la recherche des preuves, défaut de motifs, manque de base légale,
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le demandeur coupable de la contravention de violences et voies de fait commise courant juillet 1981 à Saint-Avit-Senieur,
« aux motifs qu’il y a lieu de tenir pour acquis et prouvé en l’état des témoignages concordants des époux T… et de l’adjudant de gendarmerie L… qui a lui-même procédé à l’audition des cassettes qui lui étaient communiquées que la voix qui a été enregistrée était bien celle de D…. qu’on ne comprend pas, dans le cas contraire, que de paisibles cultivateurs aient pu se livrer à une pareille machination ; que la Cour d’appel s’estime suffisamment convaincue de la culpabilité du demandeur sans qu’il y ait lieu d’ordonner l’audition des cassettes qui ont été enregistrées puis entendues à la gendarmerie de Beaumont ; que les appels téléphoniques anonymes et répétés constituent la contravention de violences et voies de fait,
« alors que, d’une part, les juges répressifs ne peuvent se fonder sur des preuves acquises par des procédés délictueux ou obtenus par des procédés déloyaux ; qu’en l’espèce, en refusant de procéder à l’audition des cassettes litigieuses, enregistrées à l’insu du demandeur et entendues uniquement par la gendarmerie de Beaumont, les juges d’appel ont porté atteinte au principe de droit qu’est la loyauté en matière de recherche de la preuve et ont méconnu les droits de la défense ;
« alors, d’autre part, que la contravention de violences légères suppose que les agissements reprochés à l’auteur aient été accomplis intentionnellement dans le but de nuire à autrui ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel, qui n’a caractérisé ni l’existence de violences légères ou de voies de fait, ni l’intention de nuire du prévenu, n’a pas donné de base légale à sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué que de multiples appels téléphoniques anonymes destinés à la dame T… parvenant au domicile des époux T… et perturbant leur vie familiale, ceux-ci ont procédé à l’aide d’un magnétophone à l’enregistrement des propos de leur interlocuteur afin de l’identifier ; que les bandes comportant cet enregistrement, remises à la gendarmerie locale, ont permis de reconnaître la voix de D… et de l’identifier comme étant l’auteur desdits appels ; que celui-ci s’est, de plus, présenté à un rendez-vous qu’il avait fixé à la dame T… au cours de la dernière communication téléphonique ;
Attendu qu’en l’état de ces constatations souveraines, la Cour d’appel a décidé à bon droit qu’en raison de leur multiplicité et de leur anonymat ces agissements étaient constitutifs de la contravention de voies de fait et violences légères prévue et réprimée par l’article R. 38-1° du Code pénal ; que si le caractère volontaire de ces violences n’est pas expressément constaté il se déduit nécessairement des circonstances dans lesquelles les faits se sont produits et sont relatés par les juges ;
Que, par ailleurs, abstraction faite de motifs surabondants, voire erronés, de l’arrêt attaqué, le demandeur ne saurait se faire un grief de l’enregistrement des paroles prononcées par lui dans les circonstances rappelées, lesdites paroles ne pouvant, en l’espèce, entrer dans le cadre des propos protégés par l’article 368 du Code pénal et aucune atteinte n’ayant été portée aux droits de la défense ;
D’où il suit que les moyens réunis ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a alloué aux parties civiles la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts,
« alors que l’absence de motifs ou leur insuffisance ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle, entraînant l’annulation de l’arrêt qui s’en trouve entaché ; qu’en l’espèce, en se bornant à allouer aux parties civiles des dommages-intérêts sans relever l’existence d’un préjudice, la Cour d’appel n’a pas justifié la condamnation prononcée" ; Attendu que D… a été condamné comme auteur de la contravention de voies de fait et de violences légères sur les époux T… ; que la seule constatation des éléments constitutifs de ladite contravention justifie l’allocation aux parties civiles de dommages et intérêts sans que l’arrêt ait dû s’en expliquer autrement ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Textes cités dans la décision