Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 28 juin 1994, 92-17.311, Inédit

  • Procédure de classement des biens mobiliers en cause·
  • Règlement judiciaire liquidation des biens·
  • Marchandises livrées au débiteur·
  • Impossibilité absolue d'agir·
  • Article 2279 du code civil·
  • Exception préjudicielle·
  • Décret de classement·
  • Instance pénale·
  • Revendication·
  • Conditions

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 28 juin 1994, n° 92-17.311
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 92-17.311
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Colmar, 24 mars 1992
Textes appliqués :
Code civil 2279

Code de procédure pénale 384

Loi 67-563 1967-07-13 art. 59 ancien

Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007239798
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / Mme veuve Jean-Pierre Y…,

2 / M. Giorgio Y…, enfant mineur représenté par sa mère, Mme veuve Y…,

3 / Mlle Samantha Maria Y…, enfant mineur représentée par sa mère, Mme veuve Y…, demeurant tous trois … à 1208 Genève (Suisse), en cassation d’un arrêt rendu le 25 mars 1992 par la cour d’appel de Colmar (1e chambre civile), au profit de :

1 / M. X…, co-syndic de la liquidation des biens de M. Z…, demeurant … (Haut-Rhin),

2 / M. A…, co-syndic de la liquidation des biens de M. Z…, demeurant … (Haut-Rhin),

3 / l’Association musée national de l’automobile de Mulhouse, dont le siège est …, Maison d’Alsace à Paris (8e), défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 11 mai 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Canivet, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de Me Cossa, avocat des consorts Y…, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de MM. X… et A…, syndics, de Me Hubert Henry, avocat de l’Association musée national de l’automobile de Mulhouse, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 25 mars 1992, arrêt n° 3437/89) , que M. Philippe Y…, aux droits de qui se trouvent Mme Y…, Mlle Samantha Y… et M. Giorgio Y… (les consorts Y…) a, en juin 1971, remis plusieurs véhicules de collection, introduits en France sous le régime douanier de l’admission temporaire, à M. Fritz Z… pour qu’il les expose dans le musée créé par lui ; que, par jugement publié au Bulletin des annonces civiles et commerciales le 3 mai 1977, M. Fritz Z… et son frère Hans (les consorts Z…) ont été mis en liquidation des biens ;

que, le 14 avril 1978, l’ensemble de la collection rassemblée par les consorts Z…, comprenant les véhicules confiés par M. Y…, a fait l’objet d’un décret de classement pris au titre de l’article 16 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ; que par arrêt du 27 mars 1981, le Conseil d’Etat a partiellement annulé ce décret en ce qui concerne les véhicules remis par M. Y… ; qu’autorisés par le tribunal, les syndics de la liquidation des biens des consorts Z… ont, par acte du 13 novembre 1981, cédé à forfait tous les véhicules de la collection Z… à l’association du musée national de l’automobile de Mulhouse (l’association), en rappelant, dans l’acte, l’existence de

la procédure de classement et de l’arrêt du Conseil d’Etat dont une copie a été annexée au traité à forfait ; que sur citation de l’administration des douanes délivrée le 21 décembre 1982, après qu’un procès-verbal eut été établi par ses agents le 7 août 1981, les consorts Z… ont été poursuivis pénalement pour le délit douanier de fausses déclarations ou manoeuvres ayant pour but d’obtenir un avantage attaché à l’importation, l’administration ayant soutenu que les consorts Z… étaient devenus propriétaires, notamment, des véhicules confiés par M. Y… et qu’ils avaient donc obtenu, en les déclarant propriété d’un non-résident, un droit réduit à l’importation ; que par arrêt rendu le 20 mai 1985 par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Colmar, les consorts Z… ont été relaxés au motif qu’il n’est pas établi que ces derniers soient devenus propriétaires de l’un des véhicules importés temporairement sous un régime douanier suspensif de droits ; que le pourvoi formé contre cette décision par l’administration des douanes a été rejeté par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation par arrêt du 18 décembre 1986 ; que les consorts Y… ont alors, par un acte du 16 février 1988, saisi le tribunal d’une action en revendication des véhicules remis par leur auteur ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts Y… reprochent à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevable, comme tardive, leur demande dirigée contre les syndics de la liquidation des biens des consorts Z… alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en considérant qu’il n’était pas établi que les circonstances dans lesquelles étaient intervenus le décret de classement et cette décision elle-même aient été connues des consorts Y… durant le cours du délai de revendication, sans rechercher quelles avaient été les conséquences de l’effet exécutoire immédiat de ce décret et de sa publicité, eu égard aux motifs qui l’inspiraient quant à la propriété des véhicules litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 et notamment au regard de son article 16 ; alors, d’autre part, qu’en s’abstenant de rechercher si le fait que ce décret établissait que le gouvernement tenait pour acquis que les frères Z… étaient propriétaires de l’intégralité de la collection ne constituait pas une impossibilité matérielle ou morale pour les consorts Y… d’agir survenue avant l’expiration du délai de revendication, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard tant de l’article 59 de la loi du 13 juillet 1967 que du principe « Contra non valentem… » ;

et alors, enfin, qu’ayant constaté que, par un arrêt en date du 18 décembre 1986, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation avait rejeté le pourvoi critiquant la relaxe de Fritz Z… prononcée par un arrêt qui avait déclaré les consorts Y… propriétaires des véhicules prêtés, la cour d’appel devait rechercher si cette dernière ne s’était pas trouvée dans l’impossibilité matérielle ou morale d’agir en revendication jusqu’à ce que la juridiction pénale, dont la décision s’imposait à tous, ait définitivement statué sur la propriété des véhicules litigieux ; qu’en s’en abstenant, elle a derechef privé sa décision de base légale au regard tant de l’article 59 de la loi du 13 juillet 1967

que du principe « Contra non valentem… » ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel a énoncé à bon droit que si la règle « Contra non valentem agere non currit praescriptio » s’applique au délai d’un an ouvert, à partir de la publication du jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens, par l’article 59 de la loi du 13 juillet 1967, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi du 12 mai 1980 et applicable en la cause, elle ne peut être invoquée que si l’action en revendication prévue par ce texte n’a pu être exercée dans le délai légal en raison d’une impossibilité absolue d’agir ;

Attendu, en second lieu, que la procédure administrative de classement de la collection Z…, dont la cour d’appel relève au surplus qu’il n’est pas établi que les consorts Y… en aient eu connaissance pendant le cours du délai de revendication, n’était pas de nature à faire obstacle à ce que dans ce délai les consorts Y… fassent reconnaître à l’égard de la masse leur droit de propriété sur les biens mobiliers litigieux au moyen de l’action en revendication, sans qu’ils dussent attendre l’issue de la procédure de classement qui ne pouvait avoir aucune incidence sur l’exercice de cette action dont l’objet est de faire établir le droit de propriété contesté ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d’appel a exactement retenu que l’instance pénale introduite par la citation de l’administration des douanes contre les consorts Z…, et au cours de laquelle la question de la propriété mobilière de ces derniers sur les véhicules pouvait être discutée, cette exception n’étant pas préjudicielle au sens de l’article 384 du Code de procédure pénale, n’était à l’origine d’aucune impossibilité d’agir dans le délai légal de revendication, dès lors que celui-ci était déjà expiré à la date des poursuites pénales dont se prévalent les consorts Y… ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les consorts Y… reprochent encore à l’arrêt de les avoir déboutés de leur demande en revendication dirigée contre l’association alors, selon le pourvoi, que la règle « En fait de meubles, la possession vaut titre » ne peut être invoquée que par un acquéreur de bonne foi ; qu’ayant constaté que l’association avait acquis les véhicules revendiqués par un titre mentionnant qu’ils ne séjournaient en France que dans l’attente de leur réexportation dans les Etats où étaient domiciliés les revendiquants, la cour d’appel ne pouvait apprécier la bonne ou mauvaise foi de l’association sans rechercher si celle-ci avait commis une grave imprudence, exclusive de toute bonne foi, en s’abstenant, dans ces circonstances, de demander aux syndics de justifier de la propriété de la masse sur les véhicules mentionnés comme devant être réexportés ; qu’en éludant cette recherche au motif que la masse était considérée comme de bonne foi après l’expiration du délai légal de revendication, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2279, alinéa 1er du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, a constaté, en se plaçant exactement au moment de l’entrée en possession de l’association, que l’acte de cession à forfait du 13 novembre 1981 se bornait à mentionner l’existence de la procédure administrative de classement de la collection ainsi que de l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 mars 1981 puis, analysant cette dernière décision, a relevé qu’aucun de ses motifs ne permettait à l’association de douter du droit de propriété des frères Z… sur les véhicules cédés, dès lors que la juridiction administrative n’avait annulé partiellement le décret de classement qu’au motif que les dispositions de la loi du 31 décembre 1913 ont pour objet la protection du patrimoine national et ne peuvent recevoir application lorsque les objets mobiliers classés ont été régulièrement introduits en France sous un régime douanier suspensif de droits et n’y séjournent que dans l’attente de leur réexportation, sans préciser, contrairement à ce qu’allègue le moyen, que la réexportation devait avoir lieu à destination « des Etats où étaient domiciliés les revendiquants », ce dont il résulte que l’acquéreur n’était pas éclairé « sur l’existence d’un litige relatif à la propriété » ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel a souverainement admis que l’association était entrée de bonne foi en possession des véhicules cédés et pouvait donc se prévaloir des dispositions de l’article 2279 du Code civil ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts Y…, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.

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