Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 3 juin 2004, 03-11.533, Publié au bulletin
Chronologie de l’affaire
Résumé de la juridiction
La relation de faits publics déjà divulgués ne peut constituer en elle-même une atteinte au respect dû à la vie privée.
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Sur la décision
Référence : | Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n° 03-11.533, Bull. 2004 II N° 272 p. 231 |
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Juridiction : | Cour de cassation |
Numéro(s) de pourvoi : | 03-11533 |
Importance : | Publié au bulletin |
Publication : | Bulletin 2004 II N° 272 p. 231 |
Décision précédente : | Cour d'appel de Paris, 13 novembre 2002 |
Dispositif : | Cassation. |
Date de dernière mise à jour : | 4 novembre 2021 |
Identifiant Légifrance : | JURITEXT000007049509 |
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Sur les parties
- Président : M. Ancel.
- Rapporteur : Mme Crédeville.
- Avocat général : M. Kessous.
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : consorts Enrico et autres
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi provoqué :
Vu l’article 9 du Code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’en février 1969, André X…, s’était retranché dans sa ferme de Cestas en Gironde avec ses trois enfants dans le but de contraindre son épouse à reprendre la vie commune et que sa fille aînée, Chantal, alors âgée de 13 ans, était parvenue à s’enfuir pour rejoindre sa mère ; qu’au cours de l’assaut donné par la gendarmerie après un siège de 15 jours, André X… a tué un gendarme puis ses deux enfants et s’est suicidé ; que trente ans plus tard, Robert Y…, cinéaste et M. Z…, scénariste ont réalisé un film relatant ces événements en modifiant le nom des protagonistes sous le titre « Fait d’hiver » ; qu’estimant que le film portait atteinte à sa vie privée, Mme Chantal X… a engagé une action judiciaire à l’encontre du cinéaste, du scénariste et des sociétés productrices de l’oeuvre ;
Attendu que pour condamner M. Z… et les ayants droit de Robert Y… à payer à Mme Chantal X… des dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée de celle-ci, la cour d’appel a retenu que l’ensemble du film, en raison de l’authenticité des scènes décrites, au regard de la relation des événements rapportés dans la presse, avait souligné non seulement les sentiments des protagonistes entre eux mais encore leurs attitudes envers chacun et qu’il s’ensuit qu’une telle divulgation, en elle-même licite, pour se rapporter à des faits rendus publics, constituait une immixtion dans le for intérieur de Mme X… et s’analysait en un rappel de faits et situations qui, pour lointains et anciens qu’ils soient, n’en demeuraient pas moins irrésistibles et traumatisants, et que leur évocation constituait une ingérence dans le patrimoine de ses souvenirs constitutifs de sa vie et, partant, de sa personnalité ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la relation de faits publics déjà divulgués ne peut constituer en elle-même une atteinte au respect dû à la vie privée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 novembre 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne Mme Chantal X…, la SCP Brouard et Daudé-Brouard, ès qualités, et M. A…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Chantal X… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quatre.
Textes cités dans la décision